Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 3 décembre 2020, n° 19/01083
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Bourges, 1re ch., 3 déc. 2020, n° 19/01083 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Bourges |
Numéro(s) : | 19/01083 |
Décision précédente : | Tribunal d'instance de Bourges, 14 mars 2019 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Laurent M. WAGUETTE, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
Texte intégral
NA/LW
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
— SCP SOREL & ASSOCIES
LE : 03 DECEMBRE 2020
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 03 DECEMBRE 2020
N° – Pages
N° RG 19/01083 – N° Portalis DBVD-V-B7D-DGJG joint au
N° RG 19/01247 – N° Portalis DBVD-V-B7D-DGUV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de BOURGES en date du 15 Mars 2019
PARTIES EN CAUSE :
I – Mme E X
née le […] à […]
[…]
18500 MEHUN SUR D
Aide juridictionnelle totale numéro 18033 2019/001497 du 03/06/2019
- Mme B Y
née le […] à […]
[…]
18500 MEHUN SUR D
Aide juridictionnelle totale numéro 18033 2019/001496 du 03/06/2019
Représentées et plaidant par Me Frédérique LERASLE de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
APPELANTES suivant déclaration du 12/09/2019
INTIMÉES sur l’appel du 23/10/2020
03 DECEMBRE 2020
N° /2
II – Mme H A
née le […] à […]
[…]
18500 MEHUN SUR D
Représentée et plaidant par Me Loïc VOISIN de la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉE sur l’appel du 12/09/2020
Aide juridictionnelle totale numéro 18033 2019/002716 du 07/10/2019
APPELANTE suivant déclaration du 23/10/2020
Aide juridictionnelle totale numéro 18033 2019/001495 du 03/06/2019
03 DECEMBRE 2020
N° /3
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 Octobre 2020 en audience publique, la Cour étant composée de :
M. WAGUETTE Président de Chambre, entendu en son rapport
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
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ARRÊT
: CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
***************
Exposé :
Mme H A a donné à bail le 1er novembre 2015 à Mmes E X et B Y un
immeuble à usage d’habitation sis à Mehun-sur-D, […], moyennant paiement d’un loyer
mensuel de 350,00 euros.
Un état des lieux d’entrée contradictoire a été établi.
A la demande de Mmes X et Y, l’Agence Régionale de Santé (ARS) a fait procéder à une visite du
logement le 3 février 2016 et un compte rendu de cette visite a été rédigé par M. Z qui relevait diverses
non conformités au règlement sanitaire départemental.
La Caisse d’Allocations Familiales du Cher (CAF) a adressé aux locataires une lettre le 23 mars 2016 retenant
le caractère indécent du logement et les informant qu’un délai de dix-huit mois était laissé à la bailleresse pour
procéder aux travaux de mise en conformité et que, dans cette attente, l’allocation logement ne lui était plus
versée, les locataires devant continuer à payer leur part à charge de loyer.
Le 11 mars 2016, le maire de Mehun-sur-D les a informées de la mise en demeure qu’il avait adressée à
Mme A aux fins d’effectuer les travaux de mise en conformité du logement avec le règlement sanitaire
départemental.
Parallèlement, M. J K, expert missionné suivant ordonnance de référé du18 février 2016 rendue
par le tribunal administratif d’Orléans dans le cadre d’une procédure de péril imminent, a déposé un rapport le
20 février suivant concluant à l’absence de péril imminent.
La bailleresse a fait délivrer à Mmes X et Y un commandement de payer visant la clause
résolutoire, le 11 mars 2016, pour une somme de 577,92 euros, comprenant le dépôt de garantie.
Par acte du 12 mai 2017, Mme A a fait assigner Mmes X et Y devant le tribunal d’instance de
Bourges, sollicitant que soit constatée la résiliation du bail ou subsidiairement que soit prononcée sa
résolution, que soit ordonnée l’expulsion de Mmes X et Y avec condamnation au paiement de la
somme de 4.726,00 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2016, d’une indemnité
mensuelle d’occupation de 350,00 euros jusqu’au départ effectif des lieux et de la somme de 1.500,00 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, le tout assorti de l’exécution provisoire.
De leur côté, suivant exploit d’huissier en date du 2 août 2017, Mmes X et Y ont fait citer leur
bailleresse devant ce même tribunal aux fins de voir dire que cette dernière a manqué à son obligation de
délivrance d’un logement décent, constater sa carence dans l’exécution des travaux de remise aux normes,
ordonner à la bailleresse de faire ces travaux et, pour y parvenir, ordonner une mesure d’expertise, dispenser
les locataires, bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, de consignation des frais d’expertise et du paiement des
loyers et charges à compter de leur entrée dans les lieux et, à défaut, à compter de l’assignation.
Les deux procédures ont été jointes et par jugement du 22 février 2018 le tribunal d’instance a :
— constaté que le logement appartenant à Mme H A, situé à Mehun-sur-D, […],
loué à Mmes E X et B Y était indécent,
— constaté la carence de Madame A dans l’exécution des travaux de remise aux normes à la suite du
courrier de la CAF du cher en date du 23 mars 2016,
— réduit de 20 % le montant du loyer, devenu indemnité d’occupation, que Mmes X et Y doivent
payer, à compter du […] dans l’attente des résultats de l’expertise sur les désordres et préjudices subis,
— ordonné à Madame A de procéder aux travaux de mise aux normes de l’installation électrique, de
remplacement des menuiseries dépourvues d’entrée d’air, de remplacement du châssis fixe dans la chambre par
un ouvrant avec entrée d’air, de modification de la VMC en sorte qu’elle ne puisse être interrompue et que
l’extraction soit réservée à la salle de bains et aux WC, dans le délai de cinq mois à compter de la notification
de la présente décision,
— constaté que la résiliation du bail du logement situé à Mehun-sur-D […], consenti par Mme
A à Mme X et Y était intervenue le […],
— condamné Mmes X et Y à payer à Mme A la somme de 1.142,00 euros au titre des loyers et
indemnités d’occupation impayés dus au […], avec intérêts au taux légal à compter de la signification
de la présente décision,
— condamné les mêmes à payer à Madame A une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer
résiduel, compte tenu de la perte de l’allocation logement survenue à l’issue du délai de dix-huit mois expiré le
23 septembre 2017, et ce à compter du […],
— débouté Madame A de sa demande d’expulsion en raison de l’indécence du logement,
— avant dire droit a ordonné une mesure d’expertise, confiée à M. C L, aux fins principales de
rechercher les causes de l’humidité affectant la maison, en précisant, le cas échéant, dans quelles proportions
bailleresse et locataires ont participé à ce désordre susceptible de caractériser un logement indécent au sens de
l’article 2 1°) et 3°) du décret du 30 janvier 2002.
L’expert a déposé son rapport et l’affaire a été de nouveau appelée devant le tribunal d’instance.
Mme A a demandé au tribunal de dire irrecevables, en tout cas mal fondées, Mmes X et Y de
l’ensemble de leurs demandes, tant sur le principe que sur le quantum, alors qu’elles sont occupantes sans droit
ni titre en présence d’un bail résilié au […], de prononcer leur expulsion et de les condamner au
paiement des loyers et indemnités d’occupation dus.
Mmes X et Y ont demandé au tribunal de constater l’absence d’exécution de l’intégralité des
travaux ordonnés suivant jugement du 22 février 2018, condamner Madame A à leur porter et payer la
somme de 11.590,00 euros et la débouter de toute demande plus ample ou contraire,
Par jugement du 15 mars 2019, le tribunal d’instance de Bourges a statué ainsi :
— Constate que le logement appartenant à Mme H A, situé […] à
Mehun-sur-D, donné à bail le 1er novembre 2015 à Mmes E X et B Y est indécent,
— Réduit de 20 % le montant du loyer, devenu indemnité d’occupation, dû par Mmes E X et B
Y depuis le […],
— Condamne Mmes E X et B Y à payer à Mme H A une indemnité
d’occupation mensuelle correspondant au montant du dernier loyer, après application de cette réduction, et ce,
à compter du […],
— Condamne Mmes E X et B Y à payer à Mme H A la somme de 750 € au
titre du coût des travaux d’embellissement du logement,
— Condamne Mme H A à payer à Mmes E X et B Y la somme d’un euro au
titre du préjudice moral,
— Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Ordonne l’exécution provisoire,
Condamne Mme H A aux dépens, comprenant notamment le coût de l’expertise judiciaire
recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d’aide juridictionnelle.
Par déclaration reçue au greffe le 12 septembre 2019, Mmes X et Y ont interjeté appel de
cette décision critiquée en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle juge le logement indécent et condamne
Mme A aux dépens.
L’affaire a été inscrite au répertoire général sous le numéro 19/01083.
Mme A a également interjeté appel de la décision par déclaration reçue le 23 octobre 2019.
L’instance a été inscrite au répertoire général sous le numéro 19/01247.
Dans leurs dernières écritures, identiques dans les deux procédures, notifiées par RPVA le 25 mars
2020, Mmes X et Y demandent à la cour de :
— Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté que le logement appartenant à Mme H A
situé 8 Rue Saint Louis à Mehun sur D donné à bail le 1er novembre 2015 est indécent,
— Réformer le jugement en ce qu’il a réduit de 20% le montant du loyer devenu indemnité d’occupation depuis
le […] et condamné Mmes X et Y à payer à Mme A une indemnité d’occupation
mensuelle au montant du dernier loyer après application de cette réduction à compter du […],
— Suspendre, en raison de l’indécence du logement, le loyer dû par Mmes X et Y antérieurement au
[…], puis l’indemnité d’occupation due par ces dernières postérieurement au […] jusqu’à
l’exécution totale des travaux dus par Mme A aux fins de rendre le logement décent,
— En conséquence, décharger Mmes E X et B Y de l’intégralité des sommes dues, en ce
compris la somme de 1.142 euros fixée lors du précédent jugement.
— Débouter Mme A de l’intégralité de ses demandes formées à titre incident,
Condamner Mme A à payer à Mmes E X et B Y la somme de 7.840 euros au titre
de leur préjudice de jouissance et 3.000 euros au titre de leur préjudice moral.
— Condamner Mme A à verser à la SELARL Alciat-Juris la somme de 3.000 € en application des
dispositions de l’article 37 de la loi n° 91 ' 147 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle.
— Condamner Mme A aux entiers dépens comprenant notamment le coût de l’expertise judiciaire.
Elles font principalement valoir que l’expert a démontré la persistance des désordres liés à l’humidité qui
viendrait de remontées capillaires et de dysfonctionnements de la VMC toujours non réglés de même qu’il n’a
pas été remédié au fait que la chambre ne peut être aérée faute de l’existence d’une fenêtre ce que confirme le
nouveau rapport de l’Agence Régionale de Santé du 6 mai 2019 qui constate des moisissures toujours
présentes qui rendent encore le logement indécent interdisant toute expulsion et justifie non pas une réfaction
de 20 % des loyers et indemnités d’occupation mais leur suspension tant que Mme A n’aura pas effectué
les travaux nécessaires.
Elles invoquent l’existence d’un trouble de jouissance et d’un préjudice moral qui devront être réparés et font
valoir que leur maintien dans les lieux est justifié par leur situation précaire qui ne leur permettent pas de
prétendre à un nouveau logement.
Mme A demande à la cour, dans ses dernières écritures, identiques dans les deux procédures,
notifiées par RPVA le 17 juillet 2020, de :
Vu les articles 6 et 7 la loi du 6 juillet 1989,
Vu les articles 1184 et 1728 du Code civil,
Vu l’article 544 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement mixte du Tribunal d’instance de Bourges du 22 février 2018 signifié le 24 septembre 2018,
Vu la résiliation du bail à la date du […] donnant à Mmes X et Y la qualité d’occupantes
sans droit ni titre et retirant à Mme H A la qualité de bailleresse,
Vu l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
— Ordonner la jonction entre les dossiers RG 19/01083 et RG 19/01247 pendant devant la Cour d’appel de
Bourges,
— Dire irrecevables et en tout cas mal fondées Mmes E X et B Y en leur appel incident et
le dire mal fondé, les déboutant de toutes demandes fins et conclusions,
— Dire irrecevables et en tout cas mal fondées Mmes E X et B Y de l’ensemble de leurs
demandes, tant sur le principe que sur le quantum, et alors que celles-ci sont occupantes sans droit ni titre en
présence d’un bail résilié au […], de sorte qu’elles ne sont plus en droit d’exiger quoi que ce soit de
leur propriétaire,
— De façon générale, débouter Mmes B X et E Y de toutes demandes fins et conclusions,
— Recevoir Madame H A en son appel incident et le dire bien fondé,
— Réformer le jugement du 15 mars 2019 du Tribunal d’Instance de Bourges des chefs de jugement critiqués à
savoir :
— en ce qu’il a constaté que le logement donné à bail le 1er novembre 2015 à Mmes E X et B
Y est indécent,
— en ce qu’il a réduit de 20 % le montant du loyer, devenu indemnité d’occupation, dû par Mmes E X
et B Y depuis le […],
— en ce qu’il a débouté Madame A de la demande d’expulsion en raison de l’indécence du logement au
regard de l’article 1719 du Code civil,
— en ce qu’il a condamné Mme H A à payer à Mmes E X et B Y la somme
d’un euro (1 euro) au titre du préjudice moral,
— en ce qu’il a condamné Mme H A aux dépens, comprenant notamment le coût de l’expertise
judiciaire recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d’aide juridictionnelle,
En conséquence, il est demandé à la Cour d’Appel de :
— Constater que suite à la résiliation du bail d’habitation à la date du […] suite au jugement définitif du
22 février 2018, Mmes B X et E Y sont occupantes sans droit ni titre dans les lieux
qu’elles occupent au […] Saint-Louis à Mehun-sur-D, celles-ci s’étant d’ailleurs dispensées de régler les
arriérés de loyers et indemnités d’occupation mise à la charge par le tribunal dans son précédent jugement,
— Dire et juger qu’une occupante sans droit, ni titre n’est plus en droit de revendiquer quoique ce soit de la part
du propriétaire du bien occupé indument et que c’est à tort qu’il est prétendu à une indécence du logement au
demeurant totalement contestée tant en droit qu’en fait,
Vu le rapport d’expertise judiciaire et les travaux réalisés par Mme H A, alors même qu’elle
n’était plus réglée de ses indemnités d’occupation et arriéré de loyers, outre le statut définitif de Mmes X
et Y d’occupantes sans droit ni titre,
— Prononcer l’expulsion de Mmes B X et E Y des lieux qu’elles occupent au […]
Saint-Louis à Mehun-sur-D et celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force
publique, et ce sous astreinte de 400 € par jour de retard, un mois après la signification de l’arrêt,
— Condamner Mmes B X et E Y à payer et porter à Mme A la somme de 1.142,00 €
à parfaire avec intérêts au taux légal depuis le 24 septembre 2018 concernant les loyers et indemnités impayés
au […]. (Décompte arrêté au mois de juin 2020 pièce 37) outre la somme de 13.900,65 € d’indemnité
d’occupation à la date de juin 2020 outre 280 € mensuels au-delà jusqu’au prononcé de l’arrêt à intervenir puis
800 € par mois (mémoire),
— Condamner Mmes B X et E Y à compter de l’arrêt à intervenir au versement d’une
indemnité d’occupation portée à 800 € par mois et ce jusqu’au complet déménagement des lieux loués et à la
remise des clés au propriétaire,
— Condamner Mmes B X et E Y à payer à Mme H A la somme de 3.000 €
au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de premier instance, ainsi qu’à la prise
en charge des entiers dépens de l’instance tant de première instance que d’appel, en ce compris le cout du
commandement de payer de 88,80 € et le cout de l’expertise judiciaire,
— Subsidiairement, dire et juger que les dépens de première instance et d’appel seront supportés par le Trésor
Public, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire.
Mme A fait principalement valoir que c’est l’utilisation non conforme du logement par les locataires
qui est la cause principale de l’humidité constatée dans les seules pièces à vivre par le fait de maintenir
systématiquement les volets fermés, ce dont plusieurs voisins attestent, et de n’avoir pas utilisé le chauffage
central pour des raisons d’économie, ce qui est rappelé par l’expert ainsi que par le rapport de l’Agence
Régionale de Santé. Elle estime que le tribunal n’a pas tiré les conséquences de cette utilisation non conforme
pour déclarer le logement indécent alors que l’humidité n’existent que dans les pièces principales, ni le grenier
ni la cave n’étant affectés, du fait de l’absence de chauffage qui ne lui incombe pas. Elle ajoute avoir réalisé les
travaux nécessaires sur la cheminée et avoir traité les poutres.
Elle soutient que Mmes X et Y qui sont incontestablement occupantes sans droit ni titre depuis la
résiliation du bail constatée à la date du […] par décision définitive, signifiée par elles-mêmes, sont
irrecevables en leurs demandes notamment d’exécution de travaux et que leur expulsion doit être ordonnée
puisqu’elles ne peuvent profiter de la protection accordée au preneur dès lors qu’il n’existe plus de rapports
bailleur preneurs entre les parties mais un rapport de propriétaire à occupant sans droit ni titre.
Elle ajoute au surplus que Mme X et Y ne s’acquittent pas et ne sont jamais acquittées des loyers et
indemnités d’occupation résiduelle laissées à leur charge d’un montant pourtant limité à 22 € chacune et que la
résiliation du bail avait pour cause le défaut de paiement des loyers et non l’indécence du logement.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux
conclusions susvisées pour plus ample informé des moyens et prétentions développées par les parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2020.
SUR QUOI :
Attendu qu’il paraît être dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice d’ordonner la jonction des
affaires inscrites au Répertoire général sous les numéros 19/1083 et 19/1247 s’agissant d’appels croisés de la
même décision.
Sur l’indécence du logement :
Le premier juge a considéré que l’état d’indécence du logement était toujours caractérisé lorsqu’il a statué en
constatant qu’il résultait du rapport d’expertise de M. C que si l’étanchéité du conduit de fumée était
maintenant assurée l’humidité persistait dans le logement et résultait essentiellement d’un défaut de ventilation
du logement, au vu d’un dysfonctionnement de la VMC, de l’absence d’extraction d’air vicié dans la cuisine et
d’arrivée d’air frais dans les pièces sèches, aggravé par le défaut de chauffage dû à l’utilisation occasionnelle
de la chaudière électrique.
Si encore, le tribunal a constaté que certains travaux, préconisés par l’expert, avaient été réalisés, il a toutefois
relevé que Mme A ne rapportait toujours pas la preuve d’avoir équipé la pièce dénommée « chambre »
d’un dispositif d’ouverture et de ventilation permettant un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une
occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements peu important le fait que la création
d’une fenêtre soit impossible au regard des dispositions du code civil.
En cause d’appel, Mme A ne prétend pas avoir remédié à cette situation, or les articles 2 et 3 du décret du
30 janvier 2002, qui fixent les caractéristiques du logement décent, imposent que les pièces principales, dont
la chambre fait partie, doivent bénéficier d’un éclairement naturel et suffisant ainsi que d’un ouvrant donnant à
l’air libre.
Aussi ce seul constat est suffisant pour justifier la décision du premier juge retenant que le logement reste
indécent, ce qu’il conviendra de confirmer.
Sur la demande d’expulsion :
Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur un logement décent
lorsqu’il s’agit de son habitation principale et lorsque les locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet
usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de
l’occupant.
Toutefois, le comportement de Mmes X et Y qui n’ont jamais payé le premier centime du loyer
convenu, puis de l’indemnité d’occupation mise à leur charge dans le cadre de la procédure judiciaire et se
maintiennent ainsi dans le logement indécent depuis plus de 4 année après le constat de la résiliation du bail,
intervenue pour défaut de paiement du loyer et du dépôt de garantie, est constitutif d’un véritable abus de droit
que dénonce Mme A de manière légitime faisant valoir justement qu’elle n’est plus tenue d’effectuer de
quelconques travaux dans le logement dont l’occupation résulte de la seule volonté de ses occupantes
désormais sans droit ni titre.
Il conviendra, en conséquence, de mettre fin à cette situation en ordonnant l’expulsion de Mmes X et
Y sans qu’il soit cependant justifié de l’assortir d’une astreinte au regard de leur situation de précarité.
Sur la réfaction des loyers et indemnités d’occupation :
Mmes X et Y concluent à la suspension totale du paiement des loyers et indemnités d’occupation
dues antérieurement et postérieurement au […] se prévalant de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989
qui permet au juge de réduire le montant du loyer ou d’en suspendre le paiement, avec ou sans consignation
jusqu’à l’exécution des travaux des travaux à réaliser pour rendre le logement décent conformément aux
dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6 de la même loi.
Pour sa part, Mme A, bien qu’elle ait sollicité la réformation du jugement entrepris sur ce point, demande
la condamnation des consorts X et Y en paiement des indemnités d’occupation sur la base de la
réfaction ordonnée par le premier juge à hauteur de 20 % ce qui réduisait le loyer à 280 €.
Il sera liminairement fait observer que les loyers dus jusqu’à la résiliation du bail ont fait l’objet d’une
condamnation définitive par le jugement du 22 février 2018 et la somme de 1.142 € ainsi fixée ne peut ni être
modifiée ni faire l’objet d’une nouvelle condamnation dans le cadre de la présente instance comme le demande
à tort Mme A.
La demande tendant à voir suspendre tout paiement des indemnités d’occupation n’est pas justifiée en ce
qu’elle supposerait de pouvoir constater que le logement est totalement inhabitable ce qui n’est évidemment
pas soutenu puisque les locataires s’y maintiennent et l’occupent malgré la résiliation du bail prononcée depuis
maintenant plus de 4 ans.
Quant à la proportion de 20 %, elle apparaît justifiée et adaptée au regard des troubles de jouissance dont
souffraient les locataires qui tenaient principalement à la perte d’usage normal de la chambre qui ne disposait
pas d’une ouverture à l’air libre et aux conséquences de l’humidité régnante dans l’appartement dont l’expert
judiciaire a relevé qu’elle était aggravée par l’absence, du seul fait des locataires, de l’usage de l’équipement de
chauffage normal du logement dont elles ne peuvent prétendre, a posteriori, qu’il ne fonctionnait pas alors
qu’elles n’en ont jamais assuré l’entretien qui leur incombait.
La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point sans qu’il n’y ait lieu de porter à 800 € l’indemnité
d’occupation postérieurement à l’arrêt à intervenir, une telle mesure sollicitée par Mme A ne visant qu’à
contraindre les consorts X et Y à quitter les lieux en leur faisant supporter une charge
disproportionnée au regard de la valeur locative de l’immeuble occupé.
Sur la demande en paiement des indemnités d’occupation :
Compte tenu de ce qui précède, Mme X et Y sont recevables depuis la date de résiliation du bail,
[…], d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer diminué de 20 % soit 280 €.
Les sommes ainsi dues arrêtées au mois de juin 2020 s’élèvent à 13.900,65 € et il est constant qu’elles n’ont
fait l’objet d’aucun paiement partiel.
Il sera fait droit à cette demande.
Sur la demande relative au coût des travaux d’embellissements :
L’expert judiciaire a estimé que les travaux d’embellissement rendus nécessaires par l’humidité du logement
pouvaient être évalués à 1.500 €. Il a considéré que l’aggravation des dommages subis par le logement était
imputable au défaut de chauffage normal par les locataires à hauteur de 50 %.
Le premier juge a suivi les conclusions de l’expert et a condamné Mmes X et Y à payer la somme
de 750 € de ce chef à Mme A.
Pour critiquer cette décision, les locataires font valoir que le chiffrage de l’expert n’est pas détaillé ni
argumenté en l’absence de tout devis et qu’encore il ne pouvait leur reprocher de n’avoir pas utilisé le système
de chauffage normal alors qu’il avait constaté que la chaudière présentait une fuite au niveau du trop-plein.
Certes le rapport d’expertise n’est pas disert quant à la nature des travaux d’embellissement à réaliser mais il y
est tout de même noté que les dommages consécutifs consistent en la présence de moisissures à divers
endroits du logement affectant l’encadrement de la fenêtre, le placard et le plafond des WC ce qui est
compatible avec un coût de reprise estimé à 1.500 €.
S’agissant de la prétendue impossibilité d’utiliser le système de chauffage à raison de la fuite découverte,
l’expert a relevé que malgré cette fuite la chaudière fonctionnait et que la fuite était liée à un simple excès de
pression, il faisait observer que l’entretien courant de cette chaudière était à la charge des locataires qui
cependant n’avaient souscrit aucun contrat d’entretien. En outre, Mme X et Y ont reconnu devant
l’expert mais également en 2016 devant le technicien sanitaire qu’elles préféraient ne pas utiliser ce mode de
chauffage trop couteux selon elles.
Dès lors, c’est à bon droit que le tribunal a porté condamnation de ce montant et la décision sera confirmée sur
ce point.
Sur les préjudices de jouissance et préjudice moral :
S’agissant du préjudice de jouissance, il sera d’abord relevé que les dernières conclusions de Mmes X et
Y se contentent d’invoquer l’état du logement sans déterminer plus avant les caractéristiques du
préjudice allégué.
Ce préjudice ne peut s’apprécier que sur la période antérieure à la résiliation du bail qui a été constatée à la
date du […] puisqu’à partir de cette date, Mmes X et Y se maintiennent dans les lieux de
leur plein gré et ne peuvent exiger de la propriétaire du logement des travaux de mise en conformité.
La période à considérer est donc celle de la prise de bail au 1er novembre 2015 jusqu’au constat de sa
résiliation soit 6 mois et demi.
Les conséquences de l’indécence du logement tenaient principalement à l’humidité qui avait été constatée dans
les pièces principales au regard de l’absence de ventilation conforme. Mais l’expert a imputé l’aggravation de
ces conséquences à hauteur de 50 % au défaut d’utilisation du système de chauffage par les locataires.
Ces éléments sont de nature à minorer dans des proportions importantes l’indemnisation du trouble de
jouissance sollicité qui sera limitée à la somme de 500 €.
Quant au préjudice moral, la demande ne fait l’objet d’aucune motivation et, partant, au regard des
considérations précédentes, c’est à bon droit que le premier juge a limité l’indemnisation à la somme d’un euro.
Sur les autres demandes :
La décision relative au sort des dépens de première instance, qui comprennent le coût de l’expertise judiciaire,
mis à la charge de Mme A sera confirmée en ce qu’en sa qualité de bailleresse d’un logement jugé
indécent elle doit supporter le coût de la première procédure.
En revanche, les dépens de l’instance d’appel seront supportés par moitié entre les parties et recouvrés selon
les régales applicables en matière d’aide juridictionnelle.
Il sera dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de
la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS :
La cour
Ordonne la jonction des affaires inscrites au Répertoire général sous les numéros 19/01083 et 19/01247
,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté Mme A de sa demande tendant à voir
prononcer l’expulsion et a débouté Mmes X et Y de leur demande d’indemnisation d’un
préjudice de jouissance,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Ordonne l’expulsion de Mmes B X et E Y des lieux qu’elles occupent au […]
Saint Louis à Mehun-sur-D et celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la
force publique,
Dit n’y avoir lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte,
Condamne Mme H A à payer à Mmes B X et E Y la somme de 500
€ en réparation de leur préjudice de jouissance,
Y ajoutant,
Condamne Mmes B X et E Y, solidairement entre elles, à payer à Mme
H A la somme de 13.900,65 € au titre des indemnités d’occupation échues et impayées du
[…] au 30 juin 2020,
Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de
la loi du 10 juillet 1991,
Condamne Mme H A et Mmes B X et E Y aux dépens de l’instance
d’appel qui seront partagés par moitié entre les parties et recouvrés selon les modalités relatives à l’aide
juridictionnelle.
L’arrêt a été signé par M. WAGUETTE, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de
la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
V. GUILLERAULT L. WAGUETTE
Textes cités dans la décision