Cour d'appel de Bourges, 1re chambre, 5 mai 2022, n° 21/00736

  • Demande relative à un droit de passage·
  • Parcelle·
  • Enclave·
  • Expropriation·
  • Droit de passage·
  • Accès·
  • Véhicule·
  • Tribunal judiciaire·
  • Destination·
  • Servitude de passage

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Bourges, 1re ch., 5 mai 2022, n° 21/00736
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 21/00736
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Bourges, 31 mars 2021
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CR/LW

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

— SCP ROUAUD & ASSOCIES

— SELARL ALCIAT-JURIS

LE : 05 MAI 2022

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 05 MAI 2022

N° – Pages

N° RG 21/00736 – N° Portalis DBVD-V-B7F-DLYO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 1er Avril 2021

PARTIES EN CAUSE :

I – M. [S] [K]

né le 21 Avril 1969 à ST AMAND MONTROND (18200)

30, rue Benjamin Constant

18200 SAINT AMAND MONTROND

— Mme [U] [R] épouse [K]

née le 30 Avril 1968 à ST GERMAIN EN LAYE (78100)

30, rue Benjamin Constant

18200 SAINT AMAND MONTROND

Représentés et plaidant par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTS suivant déclaration du 01/07/2021

II – S.C.I. FIGONI-PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

17 rue Ernest Tortat

18200 ST AMAND MONTROND

N° SIRET : 838 475 168

Représentée et plaidant par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

05 MAI 2022

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WAGUETTE, Président de chambre, chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTEPrésident de Chambre

M. PERINETTIConseiller

Mme CIABRINIConseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié du 17 juin 2016, les époux [S] [K] et [U] [R] ont acquis de M. [X] [G] une parcelle sise Le Breuil sur la Commune de Saint Amand Montrond cadastrée section CK n° 14.

Cette parcelle, ainsi que la parcelle CK n° 134, appartenaient historiquement aux mêmes propriétaires, les consorts [G] dont [X] [G] est l’héritier.

En août 2005, la Commune de Saint Amand Montrond était devenue propriétaire de la parcelle cadastrée CK n° 134 à la suite d’une ordonnance d’expropriation pour cause d’utilité publique et avait refusé d’instaurer la servitude de passage réclamée à l’époque par M. [G].

La Commune de ST Amand Montrond a finalement vendu la parcelle cadastrée section CK n° 14 à la SCI Figoni-Paris selon acte notarié du 13 avril 2018 lequel ne mentionnait aucune servitude au profit de la parcelle CK n° 14 malgré la demande en ce sens des époux [K] qui indiquaient ne pouvoir accéder utilement en voiture à leur jardin que par l’usage d’un droit de passage existant sur la parcelle vendue.

L’acte notarié prévoyait par ailleurs une clause intitulée « servitude ' précisions particulières » rappelant la notification faite par les époux [K], propriétaires de la parcelle CK 14, et confirmant que les parties avaient été informées du fait que les divers actes antérieurs des parcelles concernées ne mentionnaient l’existence d’aucune servitude conventionnelle de passage et qu’il n’appartenait pas au Notaire d’imposer des servitudes, celles-ci pouvant être acquises par prescription ou par servitude légale.

Par exploit d’huissier en date du 11 juin 2018, les époux [K] ont saisi le tribunal judiciaire de Bourges aux fins de se voir accorder un droit de passage pour tout véhicule sur la parcelle cadastrée section CK 134 afin de pouvoir entrer et sortir sur la voie publique en vertu d’une servitude par destination du père de famille ou subsidiairement du fait de l’état d’enclave de leur fonds.

Dans la cadre de l’instruction du dossier, le Juge de la Mise en Etat a organisé un transport sur les lieux qui n’a cependant pas débouché sur une issue amiable.

C’est dans ces conditions que, par jugement en date du 1er avril 2021, le tribunal de grande instance de Bourges a statué ainsi :

Dit que le fonds cadastré CK n°134 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND -18) n’est grevé d’aucune servitude de passage par destination du père de famille au profit du fonds cadastre CK n°14 (Le Breuil, SAINT AMAND-MONTROND-18),

En conséquence,

Déboute Mme [U] [R] épouse [K] et M. [S] [K] de leur demande de voir dire que le fonds cadastré CK n° 134 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND -18), est grevé d’une servitude par destination du père de famille au profit de leur fonds cadastré CK n°14 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND-18),

Dit que le fonds cadastre CK n° 14 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND -18) n’est pas enclavé au sens des articles 682 et suivants du code civil,

En conséquence,

Déboute Mme [U] [R] épouse [K] et M. [S] [K] de leur demande de voir dire le fonds cadastre CK n° 134 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND -18), est grevé d’une servitude de passage légale au profit du fonds cadastré CK n°14 (Le Breuil, SAINT AMAND MONTROND-18),

Déboute Mme [U] [R] épouse [K] et M. [S] [K] de leur demande de se voir accorder un droit de passage personnel sur le fonds. CK n°134 appartenant à la SCI FIGONI-PARIS,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes non présentement satisfaites.

Condamne Mme [U] [R] épouse [K] et M. [S] [K] aux entiers dépens et à payer à la SCI FIGONI-PARIS la somme de 3.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux [K] ont interjeté appel du jugement le 1er juillet 2021.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 17 janvier 2022, les appelants demandent à la cour de :

A titre liminaire,

Constater qu’elle est bien saisie de l’appel interjeté par les époux [K] le 1er juillet 2021.

Infirmer dans sa totalité le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de BOURGES le 1er avril 2021.

Constater l’existence d’une servitude par destination du père de famille ou constater que la parcelle CK n°14 appartenant aux époux [K] est enclavée ;

Voir par conséquent condamner la SCI FIGONI à accorder à ces derniers un droit de passage sur la parcelle CK n°134 pour tous véhicules sans limitation de durée, sans contrainte et sans indemnité par application des dispositions de l’article 682 du code civil ou, à tout le moins, un passage pour tous véhicules tous les week-ends de chaque mois de 7 heures le matin à 19 heures le soir ainsi que pour tous les travaux nécessitant le passage d’un camion (travaux de construction et de coupe de bois) sur justificatif d’un devis établi par un entrepreneur et ce sans indemnité à verser à la SCI FIGONI.

A titre subsidiaire :

Constater l’existence d’une servitude de tour d’échelle au profit des époux [K] sur la parcelle CK n°134 appartenant à la SCI FIGONI.

Condamner, dans tous les cas, la SCI FIGONI à régler une astreinte de 150 € par jour de retard aux époux [K] au cas où ils ne pourraient pas exercer leur droit de passage à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et consistant pour la S.C.I FIGONI à retirer le verrou existant sur le portail.

Condamner la SCI FIGONI à régler à Monsieur et Madame [K] qui ont été obligés de saisir la Cour la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu 'aux entiers dépens de première instance et d’appel.

À l’appui de leurs conclusions, les époux [K] font liminairement valoir que leur déclaration d’appel est régulière en ce qu’elle mentionne bien expressément les chefs de jugement critiqués.

Ils soutiennent que les conditions requises pour caractériser l’existence d’une servitude par destination du chef de famille sont réunies, et notamment celle imposant que les parcelles en cause soient issues de la division antérieure d’un fonds unique où elles étaient confondues, sans que ne soit exigé de mention dans les titres de propriété lorsque, comme en l’espèce, ils ne comportent pas de clause contraire à la servitude.

Ils ajoutent que le projet d’utilité public, qui motivait l’expropriation et l’acquisition par la commune de St Amand Montrond de la parcelle CK n° 134, n’ayant pas été mené à son terme, l’application des dispositions du code de l’expropriation selon lesquelles les servitudes grevant le bien exproprié sont annihilées est exclue.

Ils prétendent, qu’à défaut, leur jardin est enclavé faute de bénéficier de l’accès avec un véhicule pourtant indispensable à son entretien, et qu’aucun aménagement n’étant possible pour y accéder par leur fonds, il leur est reconnu un droit de passage qui, très subsidiairement, pourrait également se justifier par une servitude de tour d’échelle.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 février 2022, la SCI Figoni demande à la cour de :

Constater et juger que la cour d’appel n’est pas saisie de l’appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de BOURGES le 1er avril 2021.

A titre subsidiaire, confirmer l’intégralité des termes du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de BOURGES le 1er avril 2021.

En conséquence, débouter les époux [K] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait considérer l’existence d’une servitude d’échelle, dire que le droit de passage accordé aux époux [K] sera limité à l’entretien de leur jardin tel que cela était mentionné dans leur exploit introductif d’instance et ne pourra s’exercer des mois de novembre à février à raison d’un samedi par mois et pour les autres mois de l’année à raison maximum de deux samedis par mois, les jours et horaires étant déterminés d’un commun accord entre les parties, et à défaut les 2 e et/ou 4 e samedi du mois de 10h à 17h.

Dans cette hypothèse, condamner les époux [K] à indemniser la SCI FIGONI-PARIS du coût permettant l’accès par ces derniers à sa parcelle sécurisée en raison de son régime sous douane, et ce sur justificatifs produits par la SCI FIGONI-PARIS.

Condamner les époux [K] à verser à la SCI FIGONI la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner les époux [K] aux entiers dépens.

À l’appui de ses prétentions, elle fait liminairement valoir que faute pour les appelants d’avoir précisé l’objet de leur appel dans la déclaration d’appel, non régularisée postérieurement, l’effet dévolutif n’a pas opéré et qu’ainsi la cour ne pourra que constater qu’elle n’est valablement saisie d’aucune prétention.

Subsidiairement au fond, elle soutient que par l’effet juridique de l’ordonnance d’expropriation, dont la validité n’est pas remise en cause du fait de l’abandon du projet d’utilité public envisagé sur la parcelle, tout droit réel ou personnel existant sur l’immeuble exproprié est éteint de plain droit à la date de l’ordonnance, ce qui ne permet plus de se prévaloir d’une servitude d’aucune sorte.

Elle conteste l’état d’enclave allégué par les appelants aux fins de bénéficier d’une servitude légale alors que ceux-ci ont acquis leur propriété en toute connaissance de l’absence de servitude et qu’encore seul leur jardin serait prétendument enclavé en ce que son entretien ne pourrait être réalisé avec un véhicule, ce qui ne correspond cependant pas à la définition légale de l’enclave.

Enfin, s’agissant de la servitude de tour d’échelle, elle soutient qu’elle n’est justifiée qu’à titre temporaire pour la réalisation de travaux indispensables et sans porter atteinte à la propriété voisine, ce à quoi ne répond pas la demande des époux [K] motivée par la construction d’une piscine, d’autant que l’accès demandée, bien que limité aux week-end, reste permanent. Elle propose un accès restreinte limité à un samedi par mois de novembre à février moyennant l’indemnisation du coût nécessaire des dispositions à prendre s’agissant d’une parcelle sécurisée en raison de son régime sous douane.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2022.

SUR QUOI :

Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’article 542 du code de procédure civile dispose que « l’appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ».

L’article 562 du même code précise que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent».

La SCI Figoni, se prévalant des dispositions combinées des articles précités, soutient que l’appel des époux [K] n’aurait opéré aucun effet dévolutif dès lors que l’objet de l’appel n’a pas été indiqué dans la déclaration d’appel laquelle ne contient aucune mention quant à une infirmation ou une confirmation des chefs de la décision entreprise.

Toutefois, conformément à une jurisprudence récente et réaffirmée ( notamment Cass. 2éme Civ. 4 novembre 2021), ce sont les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile qui imposent à l’appelant de déterminer l’objet de son appel et ce, non pas dans sa déclaration mais dans ses premières conclusions d’appel.

Il en résulte que la cour s’est vu déférer la connaissance des chefs de jugement critiqués, régulièrement mentionnés dans leur déclaration d’appel par les époux [K] lesquels ont également précisé l’objet de cet appel dans le dispositif de leurs premières écritures d’appelants tendant principalement à voir infirmer toutes les dispositions du jugement querellé.

En conséquence, la cour écartera ce moyen et se dira régulièrement saisie des chefs critiqués du dispositif du jugement entrepris.

Sur la servitude par destination du père de famille

Aux termes des dispositions de l’article L. 12-2 du code de l’expropriation ( devenu L. 222-2), dans sa version applicable à la cause, l’ordonnance d’expropriation éteint par elle même et à sa date tout droit réel ou personnel existant sur l’immeuble exproprié.

En l’espèce, il est constant que la commune de Saint Amand Montrond est devenue propriétaire de la parcelle CK n° 134, sur laquelle est revendiquée la servitude, en vertu d’une ordonnance d’expropriation en date du 8 août 2005 qui a produit tous ses effets dans la mesure où elle n’a jamais été remise en cause, pas plus que la déclaration d’utilité publique, contrairement à ce que prétendent les appelants

Si la commune propriétaire n’a pas poursuivi le projet déclaré d’utilité public, qui avait justifié l’expropriation, la vente ultérieure de la parcelle acquise n’a pas eu pour effet de faire revivre les droits réels ou personnel, en ce compris la servitude revendiquée, définitivement éteints par l’ordonnance d’expropriation laquelle a bien opéré transfert de propriété de la parcelle puisque la commune a pu la revendre à la SCI Figoni, ce qui démontre également que l’indemnité d’expropriation a bien été payée aux propriétaires évincés.

La seule conséquence du défaut de poursuite du projet déclaré d’utilité publique dans le délai de 5 années suivant l’ordonnance d’expropriation est l’ouverture d’un droit de rétrocession au bénéfice des anciens propriétaires.

Il sera, au surplus, fait observer qu’en tout état de cause la saisine de la cour ne concerne ni la validité de l’ordonnance d’expropriation ni les conséquences du défaut d’exécution du projet d’utilité public.

C’est encore en vain que les époux [K] soutiennent que la remise de la clé du portail donnant accès à la parcelle CK n°134 lors de l’acquisition de leur parcelle adjacente, serait la preuve de l’existence de la servitude alors que, quand bien même existait-elle depuis longue date, l’ordonnance d’expropriation a éteint la servitude et le fait que la commune ne se soit pas opposée à l’usage de la servitude par les époux [K] n’est pas non plus de nature à caractériser la création d’une nouvelle servitude, dès lors qu’aucun des actes translatifs de propriété des parties n’en fait mention, et ne peut relever que d’une simple tolérance.

D’ailleurs ce dernier point est confirmé par le courrier adressé le 26 novembre 2009 par le maire de la commune de Saint Amand Montrond à M. [X] [G], lequel avait sollicité la reconnaissance d’un doit de passage sur la parcelle expropriée dont la commune était devenue propriétaire, aux termes duquel il lui est répondu que la ville ne souhaitait pas créer une servitude de passage préalablement à la vente mais que la demande sera transmise au futur acquéreur qui décidera ou non de lui donner suite.

Enfin, si les appelants prétendent avoir acquis leur immeuble en considération de ce que l’existence du portal d’accès entre les propriétés des parties leur laissait croire à l’existence d’une servitude de passage, ils ont commis une erreur de droit dont la SCI Figoni n’est pas comptable.

La décision entreprise ne pourra donc qu’être confirmée en ce qu’elle a considéré que les époux [K] ne pouvaient se prévaloir d’une servitude par destination du père de famille.

Sur l’état d’enclave

Les époux [K] critiquent la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas reconnu l’existence d’un état d’enclave de leur fonds et a rejeté leur demande de voir constituer une servitude légale de passage sur la parcelle de la SCI Figoni.

Ils considèrent que le premier juge a fait une interprétation erronée des dispositions de l’article 682 du code civil en retenant que seul le jardin n’avait pas d’accès à la voie publique avec un véhicule mais qu’il n’était pas suffisamment démontré qu’une modification de leur bâtiment d’habitation ne permettait pas l’aménagement d’un passage pour accéder au jardin avec un véhicule.

Il est certain que l’extinction de la servitude par destination du père de famille n’empêche pas de revendiquer la création d’une servitude légale si, de ce fait, le fonds devait être considéré comme enclavé.

Il sera précisé, ce qui n’est pas contesté, que l’immeuble d’habitation avec son garage dispose d’un accès à la voie publique sans contrainte particulière et que l’accès au jardin reste également possible depuis l’habitation des époux [K] mais sans possibilité d’y faire entrer un véhicule motorisé.

Aussi, pour apprécier l’état d’enclave au regard des dispositions de l’article 682 et, plus particulièrement de celle considérant que l’enclave peut résulter d’une issue insuffisante sur la voie publique, il importe de vérifier que les conditions d’usage normal du jardin imposent nécessairement un accès motorisé sur la voie publique.

Le jardin est tout à fait classique et n’est pas exploité à d’autres fins que celles d’agrément.

Si les époux [K] prétendent que des élagages d’arbres sont nécessaires il sera fait observer d’une part qu’il n’est pas soutenu qu’un tel entretien nécessite un accès régulier avec un véhicule, l’équipement nécessaire pouvant être transporter par les voies piétonnes existantes et, d’autre part, il n’est pas établi que l’élimination des déchets, dont les plus gros peuvent faire l’objet d’un traitement sur site pour en réduire l’ampleur, justifie aussi l’accès avec un véhicule.

Enfin, la jurisprudence invoquée par les appelants ne correspond pas au cas d’espèce puisque s’il a pu être jugé que l’état d’enclave était caractérisé par l’impossibilité pour un propriétaire d’accéder avec son véhicule à son garage, il apparaît évident que la destination principale du garage étant d’y entreposer son véhicule automobile, l’impossibilité d’accès à un véhicule privait intégralement le propriétaire de l’usage de son garage.

Or, en l’espèce s’agissant de l’accès avec un véhicule à un jardin, dont les caractéristiques ci-avant rappelées ne l’exigent pas, il est clair que les époux [K] ne sont nullement privés de l’usage de leur jardin.

Il en résulte que le fonds des époux [K] n’est pas enclavé comme l’a jugé, à bon droit, le tribunal dont la décision sera confirmée sur ce point.

Sur la servitude de tour d’échelle

Une telle servitude ne résulte d’aucun texte de loi mais est admise de longue date par une jurisprudence prétorienne qui la définit comme le droit de disposer d’un accès temporaire sur la propriété d’un voisin pour effectuer des travaux nécessaires sur son propre immeuble qu’il n’est pas possible de réaliser à partir de chez soi. Le passage ainsi octroyé sur la propriété voisine ne doit pas engendrer un préjudice disproportionné par rapport à l’intérêt que ces travaux représentent.

En l’espèce et à l’évidence, la demande des appelants tendant à se voir octroyer un droit de passage au titre d’une servitude d’échelle ne saurait être admise en ce qu’elle consiste à bénéficier d’une servitude de passage constante sur la parcelle de la SCI Figoni ce qui n’entre pas dans le cadre temporaire et limité de la servitude de tour d’échelle.

En revanche, et au cas par cas, il reste possible aux époux [K], dans la limite de la définition et des conditions jurisprudentielles de la servitude de tour d’échelle, de solliciter de la Société Figoni un droit de passage ponctuel et limité pour une opération précise et impossible à effectuer depuis leur seul fond, ce qui n’a jamais été refusé par la société Figoni qui leur a laissé exercer un passage durant un mois aux fins de construction d’une piscine et qui offre, dans la présente procédure, de laisser un passage dans des conditions précises pour les besoins impérieux de l’entretien du jardin.

Ainsi il n’y a pas lieu de fixer à l’avance un droit de passage constant et il convient de rappeler aux époux [K] la possibilité de solliciter ponctuellement un tel droit et, en cas de refus estimé injustifié, de saisir la juridiction compétente, au besoin en référé, qui en appréciera le bien-fondé, les conditions et fixera, le cas échéant, l’indemnité qui pourrait être due à la société Figoni.

La décision du premier juge sera donc confirmée sur ce point ainsi qu’en toutes ses autres dispositions.

''''''''

Les époux [K] qui succombent en toutes leurs prétentions seront condamnés aux dépens de l’instance d’appel ainsi qu’à payer à la SCI Figoni-Paris la somme de 2.000 € par application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit que l’effet dévolutif de l’appel a saisi la cour des chefs du dispositif du jugement entrepris critiqués dans la déclaration d’appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [S] [K] et Mme [U] [R] épouse [K] aux dépens de l’instance d’appel ainsi qu’à payer à la SCI Figoni-Paris la somme de 2.000 € par application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’arrêt a été signé par M. WAGUETTE, Président et par Mme GUILLERAUTT, Greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

V. GUILLERAULT L. WAGUETTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Bourges, 1re chambre, 5 mai 2022, n° 21/00736