Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 25 novembre 2021, n° 19/03390

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 20 mars 2022

Un récent arrêt de la cour d'appel de Caen (2ème ch. civ. et com., 25 novembre 2021, n° RG 19/03390) donne l'occasion de faire de nouveau le point sur les conditions auxquelles le juge peut fonder sa décision sur des rapports d'expertise « amiables » établis de façon non contradictoire à la demande des parties. Cette article est issu de la documentation Droit des affaires des Editions Législatives. Pour tester gratuitement la documentation Droit des affaires pendant 2 semaines, cliquez ici. 1. En vue d'une procédure de fixation du loyer de renouvellement d'un bail commercial, …

 

Sabine Chastagnier · Gazette du Palais · 1er mars 2022

Cabinet Neu-Janicki · 6 février 2022

Dans le cadre du renouvellement du bail commercial et notamment de la fixation du loyer, la proposition sans réserve d'un loyer supérieur au loyer plafonné par le preneur équivaut à une renonciation au bénéfice du plafonnement. Le loyer doit alors être fixé à la valeur locative. Le bailleur estime que le preneur a implicitement renoncé au plafonnement en faisant signifier une offre de renouvellement le 26 décembre 2016 puisqu'il a proposé un loyer annuel HT de 20 729 €, supérieur à celui qu'il propose aujourd'hui. Le preneur indique que sa renonciation est équivoque puisqu'il ne …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 25 nov. 2021, n° 19/03390
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 19/03390
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Caen, 24 novembre 2019, N° 18/00006
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 19/03390 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GOPL

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : DECISION du Président du TGI de CAEN en date du 25 Novembre 2019

RG n° 18/00006

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2021

APPELANTE :

SCI L’OSTREA

N° SIRET : 803 256 973

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Nicolas DELAPLACE, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

SARL CAENNAIS PLAGE

N° SIRET : 803 476 621

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 24 juin 2021, sans opposition du ou des avocats, Mme GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ANCEL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Président de Chambre,

Mme GOUARIN, Conseiller,

Mme VIAUD, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 25 novembre 2021 à 14h00 par prorogations du délibéré initialement fixé au 7 octobre 2021, 21 octobre 2021, puis au 18 novembre 2021par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte sous seing privé en date du 19 mars 2008, M. E-F X a donné à bail à usage commercial à la Sarl LA CHAUMIERE HELDAN ET FILS, un ensemble immobilier situé à […], cadastrée section […], moyennant le versement d’un loyer annuel de 15.600 € HT.

Le contrat de bail commercial a été consenti et accepté pour une durée de 9 ans à compter du 19 mars 2008 pour se terminer ainsi le 18 mars 2017.

Par contrat en date du 1er août 2014, la SARL CHAUMIERE HELDAN & FILS a cédé à la SARL CAENNAIS PLAGE son fonds de commerce comprenant le droit au bail portant sur ces locaux ;

Par acte d’huissier du 26 décembre 2016, M. X a signifié à la SARL CAENNAIS PLAGE un congé pour le 1er juillet 2017 avec offre de renouvellement du bail moyennant un loyer de 38 400 € HT ;

Par acte d’huissier dit 'réponse à congé avec offre de renouvellement du bail’ signifié le 2 mars 2017, celle-ci a répondu à M. X son accord au renouvellement moyennant un loyer annuel de 20 729 € HT ;

la SCI L’OSTREA, venant aux droits de M. X, a, par acte d’huissier du 3 septembre 2018, fait assigner la SARL CAENNAIS PLAGE devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de voir fixer le loyer à la somme annuelle de 38 400 €.

Par jugement du 25 novembre 2019, le tribunal a :

Débouté la SCI L’OSTREA de toutes ses demandes.

— Dit que le bail conclu entre la SCI L’OSTREA et la SARL CAENNAIS PLAGE s’est trouvé renouvelé à compter du 1er juillet 2017, aux conditions et charges du bail initial, à l’exception de la référence à l’indice trimestriel des loyers commerciaux se substituant conformément à la loi à l’indice trimestriel du coût de la construction afin d’encadrer la variation du prix du loyer.

— Dit que le prix du loyer du bail renouvelé s’établit à la somme annuelle de 17 160 € HT et hors charges, à la date du 1er juillet 2017.

— Dit que la SCI L’OSTREA est tenue, en tant que de besoin, de rembourser à la SARL CAENNAIS PLAGE le trop-perçu de loyer à compter du mois de juillet 2017 découlant de l’application du nouvel indice de variation du prix du loyer.

— Débouté la SCI L’OSTREA et la SARL CAENNAIS PLAGE de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— Condamné la SCI L’OSTREA et la SARL CAENNAIS PLAGE à payer chacune la moitié des dépens.

Par déclaration au greffe du 6 décembre 2019, la SCI L’OSTREA a formé appel de cette décision, critiquant l’ensemble de ses dispositions ;

Par conclusions n°3 enregistrées au greffe le 31 mai 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la SCI L’OSTREA (le bailleur) demande à la cour de :

— réformer le jugement en ce qu’il a :

*débouté la SCI L’OSTREA de toutes ses demandes,

*dit que le bail conclu entre la SCI L’OSTREA et la SARL CAENNAISPLAGE s’est trouvé renouvelé à compter du 01/07/2017, aux conditions et charges du bailleur initial, à l’exception de la référence à l’indice trimestriel des loyers commerciaux se substituant conformément à la loi à l’indice trimestriel du coût de la construction afin d’encadrer la variation du prix du loyer,

*dit que le prix du loyer du bail renouvelé s’établit à la somme annuelle de 17.160 euros hors taxes et hors charges, à la date du 01/07/2017,

*dit que la SCI L’OSTREA est tenue, en tant que de besoin, de rembourser à la SARLCAENNAIS PLAGE le trop perçu de loyers à compter du mois de juillet 2017 découlant de l’application du nouvel indice de variation du prix du loyer,

*débouté la SCI L’OSTREA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*condamné la SCI L’OSTREA à payer la moitié des dépens.

Statuant à nouveau

— constaté, par l’effet de la demande de renouvellement du 26 décembre 2016 délivrée par la SCI L’OSTREA à la SARL CAENNAIS PLAGE, le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2017,

— dire et juger que la SCI L’OSTREA justifie d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité, des caractéristiques des locaux et des obligations et charges des parties, pris isolément, a minima pris tous ensemble, mais également d’une renonciation non équivoque du locataire à bénéficier du plafonnement,

— ordonner en conséquence le déplafonnement du prix du loyer du bail venu en renouvellement en date du 1er juillet 2017,

— fixer le prix du loyer du bail venu en renouvellement à la date du 1er juillet 2017 à la somme de 38.400 € hors taxes et hors charges,

— débouter la SARL CAENNAIS PLAGE de toutes ses demandes, fins et prétentions,notamment en ce qu’elle demande à titre principal l’infirmation du jugement et la fixation du loyer renouvelé à la somme de 14.998 € HT, à titre subsidiaire la confirmation du jugement et la fixation du loyer à la somme de 17.433 € HT,

— subsidiairement, dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’il n’y a pas matière à déplafonnement,

— fixer le prix du loyer du bail venu en renouvellement à la date du 1er juillet 2017 à la somme de 20.729 € hors taxes et hors charges,

— constater que la SARL CAENNAIS PLAGE ne s’y oppose pas par défaut,

En tout état de cause,

— condamner la SARL CAENNAIS PLAGE à verser à la SCI L’OSTREA la somme de 7.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre à supporter l’intégralité des dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions n°3 enregistrées au greffe le 1er juin 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la SARL CAENNAIS PLAGE (le preneur) demande à la cour de :

A titre principal,

— réformer le jugement rendu le 25 novembre 2019 du chef du montant du loyer,Fixer le loyer du bail à renouveler à compter du 1 er juillet 2017 à la somme de 14 998 € HTpar an, soit 17 997,60 € TTC par an,

— condamner la SCI L’OSTREA à restituer à la SARL CAENNAIS PLAGE le montant des loyers trop perçus sur la période du 1er juillet 2017 jusqu’à la date à laquelle l’arrêt sera rendu,

A titre subsidiaire,

— confirmer le jugement rendu le 25 novembre 2019,

A titre plus subsidiaire,

— fixer le loyer du bail à renouveler à compter du 1er juillet 2017 à la somme de 17 433 € HTpar an, soit 20 919,60 € TTC par an, ou, à défaut, à la somme de 20 729 € HT par an, soit 24 874,80 € TTC,

A titre encore plus subsidiaire,

— dire et juger que la SARL CAENNAIS PLAGE bénéficie du plafonnement institué par le dernier alinéa de l’article L.145-34 du Code de Commerce, de sorte que la variation du loyer qui découle de la modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L.145- 33 ne puisse conduire à des augmentations supérieures, pour l’année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente,

En toute hypothèse,

— condamner la SCI L’OSTREA à verser à la SARL CAENNAIS PLAGE une indemnité qu’il n’apparaît pas inéquitable de fixer à la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS

Aux termes de l’article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Par ailleurs, il résulte de l’article L145-34 du code de commerce que : 'A moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieur à neuf ans, ne peut excèder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyes commerciaux (….);

En l’occurrence, le bail contient une clause prévoyant la variation du loyer, à compter du 19 mars 2009, proportionnellement à l’indice du coût de la construction publié trimestriellement par l’INSEE ;

L’article 23-6 du décret du 30 septembre 1953 dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 1988 a été remplacé par l’article L154-34 précitée, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, si bien que, sauf à ce que la preuve d’un changement notable des éléments de détermination de la valeur locative, la variation du loyer du bail renouvelé est plafonnée à la variation de l’indice des loyers commerciaux (ILC) publiée à l’INSEE ;

En l’espèce, le montant du loyer au 1er juillet 2017 est de 17 160 €HT (15600 X 110 /100) ;

— Sur l’opposabilité du rapport de M. Y

Le preneur considère que le rapport de M. Y, fait à la demande du bailleur, lui est inopposable, qu’il n’est nullement contradictoire à son égard, que le juge ne peut le prendre en compte, sauf à fonder sa décision sur d’autres éléments ;

Le bailleur rappelle que chacune des parties a mandaté son propre expert, que le preneur ne maintient plus sa demande d’expertise judiciaire, que les rapports des experts ont été largement discutés y compris avant l’instance. Elle ajoute que l’expertise de M. Y est complété par d’autres éléments de preuve ;

En l’espèce, les parties ont chacune mandaté leur propre expert, M. Z par le preneur qui a établi un rapport d’expertise le 29 juin 2015, M. Y par le bailleur qui a établi son rapport le 28 novembre 2017 ;

S’il résulte de ce rapport que M. Y a pu accéder aux lieux loués et qu’il a été accueilli par Mme A, gérante, qui lui a permis d’accèder à l’ensemble des locaux, il ne peut cependant être considéré, comme le soutient le bailleur, qu’il s’agit d’un rapport contradictoire, cette dernière n’ayant été ni interrogée par l’expert durant la visite, et ni surtout destinataire des conclusions du rapport avec possibilité de les discuter.

Pour autant, le juge ne peut se fonder sur une expertise établie de manière non contradictoire sauf à constater qu’elle a été régulièrement produite aux débats, soumise à la discussion contradictoire des parties et corroborée par d’autres éléments de preuve;

Or, les expertises amiables respectives des parties ont largement été débattues entre elles, en première instance comme devant la cour. Du reste, le preneur ne sollicite plus devant la cour sa demande d’expertise judiciaire rejetée par le premier juge. Par ailleurs, le bailleur produit d’autres éléments de preuve pour fonder sa demande, notamment des factures de travaux.

Dès lors, la demande du preneur tendant à dire l’expertise Y inopposable sera rejetée ;

— Sur l’existence d’un changement notable des éléments de modification de la valeur locative

1° Les caractéristiques du local considéré

Les lieux loués, selon le bail, se décompose comme suit :

'a) une chaumière comprenant :

— au rez de chaussée : une salle de bar-restaurant avec véranda ayant un accès intérieur et extérieur, une cuisine d’une surface de 6.90 m2, deux réserves : une de 22.50 m2 et une de 132.61 m2 situées à l’entrée du parking et un sanitaire d’une surface de 9.50 m2 ;

— à l’étage une salle de restaurant

b) un parking

c) un logement de fonction de 68 m2 dans le prolongement de la réserve

Cet ensemble immobilier est cadastré section […] pour 34 ares et 88 centiares ; '

Les locaux comportent plusieurs bâtiments : un corps de bâtiment principal constitué de deux ailes (rez de chaussée et premier étage mansardé) se rejoignant. Un bâtiment à l’entrée du parking à usage de chambres froides et débarras, et un bâtiment à usage d’habitation. Ils se composent également d’une grande terrasse avec pergola.

Les locaux disposent également d’un vaste parking privatif, dont 10 places sont partagées avec l’établissement voisin ostréiculture-poissonnerie exploité par M. X (suite à une convention).

Les parties s’opposent sur la capacité du parking pour le restaurant, M. Y retient une capacité de 60 places sans expliquer son calcul, alors que le preneur estime que le parking ne peut contenir que 46 places soit 36 places pour elle et se fonde sur un plan estimatif de Mme B dont les qualités de maître d’oeuvre ne sont cependant pas justifiées.

M. Z ne se prononce pas sur le nombre de places disponibles, précisant dans son rapport que les lieux sont d’un accès facile pour le public, les locaux disposant d’un vaste parking privatif, qu’il a évalué ce parking qu’il évalue à 1315 m2 ;

En l’état, aucun élement probant ne permet de déterminer le nombre de places possibles sur ce parking puisque les emplacements n’ont jamais été matérialisés et rien n’indique que la surface du parking ait été modifiée ;

Le bailleur fait état d’une modification des caractéristiques des lieux, notamment l’aménagement d’une terrasse extérieure non mentionnée au bail. Il estime qu’il ne s’agit pas de simples travaux d’amélioration et qu’ils ont été réalisés avant l’expiration du bail;

Le preneur indique qu’il a simplement aménagé l’espace existant qui était déjà exploité à l’usage de terrasse, en faisant réaliser une terrasse en composite et en installant une pergola, ces travaux ayant été effectués après l’expiration du bail et sont en tout état de cause de travaux d’amélioration ;

En l’espèce, si le bail ne mentionne effectivement pas l’existence d’une terrasse, celle-ci n’est en tout état de cause pas contestée par le bailleur lui même, puisqu’il indique dans ses écritures qu’il ne disconvient pas que le précédent preneur installait quelques tables à l’extérieur sur une cinquantaine de mètres carrés mais sans nullement aménager une terrasse telle qu’elle a pu être constatée. Il résulte par ailleurs des photographies produites par le preneur et non utilement contredites que tout l’espace situé devant le restaurant était exploitée à usage de terrasse lorsqu’ils ont pris les lieux à bail. S’ils ont effectivement aménagé l’espace, en faisant installer une pergola ouverte et un revêtement en composite sur une partie de la terrasse (travaux réceptionnés le 15 avril 2017), ces travaux sont des travaux d’amélioration d’une terrasse existante intégralement pris en charge par le preneur et qui ne sont donc pas de nature à modifier les caractéristiques des lieux loués ;

Le bailleur invoque également des travaux qu’il a réalisés avant le 1er juillet 2017 pour une somme supérieure à 43 000 €, et considère qu’ils ont conduit à l’amélioration ésthétique de l’immeuble (habillage du pignon, des poteaux et réalisation d’un faux colombage) ;

Le preneur répond qu’il s’agit de travaux nécessaires compte tenu d’une atteinte structurelle à l’immeuble et que les travaux de mise en conformité des lieux à leur destination contractuelle ne peuvent constituer une modification notable ;

En l’espèce, il résulte des factures produites que le bailleur a fait réaliser des travaux de reprise de façade du

restaurant (facture de 25 777.20 € du 14 février 2017), des travaux de peinture de la façade et de pose d’un faux colombage (factures du 31 janvier 2017 et 26 janvier 2017 pour 2068 € et 10496.20 €), des travaux de zinguerie pour 1620 € (facture du 27 février 2017) ainsi également que des travaux de reprise du sol en terre cuite sur une bande de 1.30 m pour 1766 € (facture du 17 février 2017).

Dans son rapport d’expertise de 2015, M. Z indique que 'des travaux importants seront à exécuter sur la façade du bâtiment principal qui est vétuste et en très mauvais état d’entretien', ce que constatait déjà le constat d’huissier réalisé le 26 août 2014 lors de l’entrée dans les lieux. Il s’agit ainsi, comme le souligne le preneur, de travaux nécessaires pour permettre au bailleur de respecter son obligation légale d’exécuter les grosses réparations et de tels travaux ne peuvent constituer une modification des caractéristiques des locaux ni une amélioration justifiant le déplafonnement, y compris pour les travaux de peinture de la façade et de pose d’un faux colombage qui ne sont que les conséquences de travaux de réparation. Concernant les travaux de reprise du sol, il s’agit de travaux d’entretien ;

Le bailleur invoque également des travaux réalisés par le preneur pour 83 000 €, qui doivent être pris en compte même si la cour les considère comme des travaux d’amélioration, car il avait été convenu avec la SARL CHAUMIERE HELDAN, précédent preneur, que celle-ci ferait les travaux en contrepartie d’une réduction du loyer, le loyer de 15600 € étant particulièrement faible ;

Le preneur indique que les travaux de création d’une arrière cuisine effectués sur autorisation du bailleur et aux fins de mise en conformité ont été réalisés après la fin du bail ;

En l’occurrence, le bailleur ne décrit pas les travaux évoqués, les pièces produites par le preneur démontrent que celui-ci a effectué des travaux importants pour l’extension de la cuisine pour un montant environ de 80 000 €. Ces travaux ont toutefois été réalisés postérieurement au 1er juillet 2017 (les factures produites datant de septembre à décembre 2017). Sa demande sera donc rejetée ;

2° La destination des lieux ;

En l’occurrence, il s’agit d’un bail restrictif pour l’activité de 'bar-restaurant-traiteur-dégustation d’huîtres’ ;

3° Les obligations respectives des parties ;

Le bailleur invoque une modification des obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou l’autre des parties au sens de l’article L145-33 du code de commerce, en effet le bailleur ne peut plus, depuis la modification de l’article R145-35 par la loi Pinel, transférer comme auparavant au preneur la totalité de ses obligations ;

Le preneur indique que les modifications ne sont pas intervenues au cours du bail expiré mais n’ont pris effet qu’à compter de son renouvellement et ne peuvent être prises en compte ;

L’article R145-35 du code du commerce dispose que 'ne peuvent être imputés au locataire, les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que le cas échéant les honoraires liés à la réalisation de ces travaux, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent (….)' ;

Ce texte, issu du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 s’applique aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014.

En l’espèce, le bail a pris fin par le congé avec offre de renouvellement du bailleur à effet au 1er juillet 2017, accepté par le preneur et s’est donc renouvelé à compter du 1er juillet 2017, soit postérieurement au 5 novembre 2014 ;

Par ailleurs, le bail prévoit que le locataire sera tenu d’effectuer les réparations locatives et d’entretien, il sera également tenu aux grosses réparations définies à l’article 606 du code civil, même occasionnées par la vétusté ou la force majeure ;

Dès lors, au vu des obligations pesant sur le preneur, la modification de ses obligations résultant de la loi Pinel est notable, puisque de telles réparations ne pourront plus être mise à sa charge, le bailleur ne pouvant plus comme il l’a fait lors du bail d’origine transférer au preneur ses obligations en la matière ;

Pour considérer que la modification des obligations des parties ne peut pas être prise en compte au motif qu’elle est n’est pas intervenue au cours du bail expiré, le preneur invoque l’article R145-8 du code de commerce, qui en matière de travaux d’améliorations impose que la modification doit être intervenue au cours du bail expiré, ce qui n’est pas le cas puisqu’à la date du 5 novembre 2014, le bail était toujours en cours et n’a expiré qu’en 2017 ;

L’article R145-8 dispose que :

'Du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l’une ou pour l’autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé’ ;

Or, si ce texte impose effectivement que les améliorations doivent être intervenues au cours du bail à renouveler, il ne dit en revanche rien de tel en ce qui concerne l’hypothèse d’une modification des obligations résultant de la loi, laquelle fait en outre l’objet d’un paragraphe séparé de celui consacré aux travaux d’amélioration.

En outre, s’agissant d’un déplafonnement en raison de la modification d’un élément de la valeur locative en application de l’article L145-34 du code de commerce, lamodification doit être intervenue au plus tard au moment de la prise d’effet du nouveau bail,car la valeur locative doit s’apprécier à la date du renouvellement.

Dès lors, cette modication des obligations des parties doit être prise en compte, elle est notable et est donc un motif de déplafonnement ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

Aux termes de l’article R. 145-6 du code de commerce, 'les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire’ ;

Le bailleur invoque la rénovation de la digue en 2010 et également l’extension du parc de logements individuels et collectifs, notamment la création d’une résidence C et D en 2012 (160 logements) et d’une résidence Seniors en 2014 (130 logements), que ces structures suceptibles d’accueillir une population vacancière ou locale caractérise une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ;

******

En l’espèce, au vu des deux rapports d’expertise, Courseulles sur mer est une station balnéaire importante de la côte de Nacre, elle compte 4200 habitants et acceuille plus de 2000 estivants l’été (17 000 selon M. Y), 52% du parc immobilier est constitué de résidences secondaires. Les chiffres des uns et des autres relatifs aux estivants ne sont justifiés par aucune pièce.

Selon le rapport Z non contredit sur ce point, les locaux sont situés en limite nord ouest de la commune, en face des parcs à huîtres, à proximité de la mer et de l’école de voile, et à environ 1km du secteur commerçant de la commune. Aucun autre commerce n’existait dans le secteur jusqu’à l’ouverture à proximité d’un restaurant spécialisé dans la dégustation des produits de la mer 'Dégustation de l’île', évoqué seulement par M. Y sans qu’il en précise la date.

Dans son rapport complémentaire du 18 avril 2018, M. Y cite une multitude de mesures et travaux destinés à augmenter la fréquentation touristique (obtention du label 'ecolabel’ en 2016 pour la plage et le port), création de 32 places de parking et refection de la voirie rue du 8 mai 1945, refection des pontons du bassin de plaisance, rénovation de la piscine municipale en 2013, création d’un boulodrome couvert (non daté), l’installation de jeux dans le parc du chant des Oiseaux (2014 et 2016), l’ouverture d’un club Mickey et l’ aménagement de cheminement pièton et cyclable pour la liaison COURSEULLES-GRAYE SUR MER, ainsi que la réfection des voieries et trottoirs de la commune notamment la rue Marine Dukerque. Il cite également la création de logements individuels et collectifs comme l’Ephad Westalia (80 résidents), la résidence Domitys en 2013 (129 logements).

En l’occurrence, si les aménagements décrits (pour ceux qui sont datés) sont destinés à attirer une population touristique, force est toutefois de constater que les locaux ne sont pas situés dans la zone où se concentre en général cette population (digue, bord de mer et centre ville). Etant à 1km de cette zone, l’augmentation de la population touristique ne leur profite pas directement.

Par ailleurs, pour les mêms motifs le bailleur ne peut se contenter de citer les logements créés sans préciser leur localisation exacte, notamment pour la résidence C et D, et ce compte tenu de la localisation très en retrait des locaux loués.

Il en est de même des résidences Séniors ou de la résidence L’ostréa, dont on ignore où elles se situent sur la commune.

Le bailleur n’établit pas ainsi la proximité de l’ensemble de ces installations et logements avec les locaux loués et à fortiori si ces modifications peuvent concerner le restaurant-bar exploité dans les lieux loués et si elles présentent un caractère notable ;

Concernant l’aménagement du centre Juno Beach, qui est un musée, le bailleur n’établit pas non plus un apport significatif de clientèle au profit des locaux loués. Il en est de même des travaux de rénovation de la rue Dunkerque où ils se situent, ou encore sur les considérations générales de l’augmentation du budget moyen des habitants de Courseulles ;

Enfin, il est établi qu’un restaurant spécialisé dans la dégustation des produits de la mer s’est ouvert à proximité des locaux, aucun élément n’établit 'le pôle d’atractivité’ composé par ses deux établissements, la zone où ils sont situés se composant d’aucun autre commerce et étant en retrait de la zone centrale et de la digue. En outre, s’agissant de deux établissements proposant des prestations similaires, il ne peut être déduit ipso facto un potentiel de clientèle supplémentaire pour l’un ou pour l’autre, le bailleur ne produisant en l’état aucun élément concrèt en ce sens ;

Le bailleur ne justifie pas ainsi d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant un intérêt pour le commerce concerné.

5°) Sur le comportement du preneur

Le bailleur estime que le preneur a implicitement renoncé au plafonnement en faisant signifier une offre de renouvellement le 26 décembre 2016 puisqu’il a proposé un loyer annuel HT de 20 729 €, supérieur à celui qu’il propose aujourd’hui;Le preneur indique que sa renonciation est équivoque puisqu’il ne connaissait pas le montant du loyer issu de la variation de l’indice, et que cette offre a été faite pour trouver un accord amiable et éviter un contentieux ;

*****

La proposition sans réserve d’un loyer supérieur au loyer plafonné par le preneur équivaut à une renonciation au bénéfice du plafonnement ;

En l’espèce, par acte d’huissier intitulé 'réponse à congé avec offre de renouvellement de bail commercial', signifié le 2 mars 2017 par le preneur au bailleur, il est mentionné 'ma requérante déclare par la présente signfication consentir en principe au renouvellement du bail commercial mais qu’elle entend toutefois que le prix du loyer annuel soit porté à vingt mille sept cent vingt neuf euros hors taxe (20 729 € HT)' ;

Le preneur a fait ainsi cette proposition sans réserve par l’intermédiaire d’un professionnel du droit. Il ne peut en outre soutenir qu’il ne connaissait pas alors le montant du loyer révisé, parfaitement déterminable, d’autant qu’il avait consulté préalablement un expert amiable ;

Il convient dès lors de considérer qu’il a ainsi renoncé au plafonnement ;

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le loyer doit être fixé en fonction de la valeur locative ;

— Sur la valeur locative du bail

Concernant le calcul de la surface pondérée, fixée pour la partie commerciale à 173 m2 pour M. Z et 275.54 m2 pour M. Y, les parties sont en désaccord sur les points suivants :

*application d’une double pondération par M. Z

Dans son rapport d’expertise, M. Z après avoir appliqué les coefficients de pondération liés à la nature des locaux, puis une seconde pondération de 0.35 compte tenu de l’éloignement par rapport à la rue ;

Toutefois, c’est à juste titre que le bailleur s’y oppose. En effet, l’éloignement par rapport à la rue ne peut être un motif de double pondération sur l’ensemble des surfaces commerciales alors même que M. Z lui même indique que le restaurant est très accessible au public compte tenu de la présence de son grand parking ;

* la surface de la terrasse Par ailleurs, les deux experts sont également en désaccord sur ce point, 180 m2 pour M. Z, et 323.31 m2 pour M. Y. Au vu des photographies produites par le bailleur, la surface retenue par ce dernier apparaît la plus probante. Toutefois, si l’exploitation de la terrasse permet une capacité de 50 couverts, force est toutefois de constater que s’agissant d’une terrasse non couverte, cette possibilité n’existe qu’en saison. Le coefficient de pondération de 0.1 proposé par M. Z sera donc retenu, soit une suface pondérée de 32.33 m2

Il convient ainsi de retenir une surface pondérée pour la partie commerciale de 243.21 m2, arrondie à 243 m2 ;

Les experts s’accordent, au vu de l’examen des valeurs de référence dans le secteur, et de l’emplacement des locaux dans un secteur avec aucune référence, pour un prix au m2 de 100 € pour M. Z, et de 102.93 € pour M. Y. Une somme de 100 € le m2 sera retenue soit un loyer pour la partie commerciale de 24 300€ ;

Concernant la partie habitation, les experts différent sur la surface réelle, 71.24 m2 pour M. Y et 78 m2 pour la partie logement, sans que cette différence soit expliquée. Il convient de retenir la surface de 71.24 m2, plus proche de celle mentionnée sur le bail, arrondie à 71 m2 et de fixer un prix au m2 et par mois à 7.50 € (les experts fixant cette valeur à 7 € pour l’un et 8 € pour l’autre), soit un loyer de 6390 € par an ;

La valeur locative des locaux est donc de 30 690 €.

Il convient de déduire de cette somme le coût de la taxe foncière payée par le preneur soit en 2016 une somme de 2685 €. Comme le souligne le bailleur, il n’y a pas lieu de prendre en compte la taxe foncière de 2019 pour 5394 €, mais la taxe foncière connue lors du renouvellement du bail, soit juillet 2017.

Il convient ainsi de retenir un loyer annuel hors taxe de 28 005€ HT ;

L’application de la loi Pinel au bail conduit à ne pas retenir la réduction de 20% sollicitée par le preneur au vu des conditions du bail relatives aux travaux relevant de l’article 606 du code civil ;

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions;

L’augmentation du loyer se fera selon les modalités prévues par l’article L145-34 dernier alinéa du code de commerce ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d’appel, la SARL CAENNAIS PLAGE qui perd le procès sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 2500 € à la SCI L’OSTREA ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire

Rejette l’exception d’inopposabilité du rapport d’expertise de M. Y

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 25 novembre 2019 sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant

Dit que le loyer du bail venu en renouvellement en date du 1er juillet 2017 doit être déplafonné et fixé en conséquence à la valeur locative

Fixe la valeur locative à la somme de 28 005 € HT et hors charges, et à cette somme le loyer du bail venu en renouvellement à la date du 1er juillet 2017

Dit que la SARL CAENNAIS PLAGE bénéficie du plafonnement institué par le dernier alinéa de l’article L.145-34 du Code de Commerce, de sorte que la variation du loyer qui découle de la modification notable des éléments mentionnés aux 1 à 4 de l’article L.145- 33 ne puisse conduire à des augmentations supérieures, pour l’année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente,

Condamne la SARL CAENNAIS PLAGE à payer à la SCI L’OSTREA la somme de 2500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

La déboute de sa demande formée sur le même fondement

Condamne la SARL CAENNAIS PLAGE aux dépens d’appel dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL L. DELAHAYE

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Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 25 novembre 2021, n° 19/03390