Cour d'appel de Chambéry, 28 novembre 2013, n° 12/02631

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 28 nov. 2013, n° 12/02631
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 12/02631
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 20 novembre 2012, N° F11/00321

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2013

RG : 12/02631 JMA / NC

D C

C/ SA CLINIQUE Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 21 Novembre 2012, RG F 11/00321

APPELANTE :

Madame D C

XXX

XXX

comparante et assistée de Me Christine FAUCONNET substituant Me Pascale REVEL (SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES), avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

SA CLINIQUE Y

XXX

XXX

représentée par Me MORAND-COLLARDChristelle (SELAS YRAMIS AVOCATS), avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Octobre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

M. LACROIX, Président,

Monsieur ALLAIS, Conseiller qui s’est chargé du rapport

Madame REGNIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame CHAILLEY,

********

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La SA CLINIQUE Y est un établissement de soins psychiatriques qui accueille des populations adultes en hospitalisation complète et qui dispose d’un pôle adolescent en hôpital de jour.

Au cours de l’été 2010, l’A.R.S autorisait la CLINIQUE Y à ouvrir 15 lits supplémentaires en hospitalisation complète pour adolescents et 15 places d’hôpital de jour pour adultes, sur les 67 lits et places existants.

L’effectif qui comportait 39,43 salariés équivalents temps plein en janvier 2010 passait alors à 65,36 ETP en novembre 2010.

Madame D C a été embauchée dans un premier temps selon contrat de travail à durée déterminée du 9 juin 2008 en qualité d’infirmière niveau technicien, filière soignante groupe A, coefficient 332, puis après plusieurs renouvellements de son contrat initial, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2009 en qualité d’infirmière diplômée d’Etat, pour une rémunération mensuelle de 2.274,20 euros brut.

Le 1er avril 2010, madame D C a été élevée au statut d’agent de maîtrise en tant qu’infirmière coordinatrice, sans que pour autant soit établi un avenant à son contrat de travail.

Selon avenant à son contrat de travail du 30 août 2010, madame D C a été nommée au poste de responsable des soins, statut cadre, coefficient 359, position A, de la convention collective, moyennant un salaire brut mensuel de 3.200,00 euros ; l’avenant prévoyant cependant une période probatoire de 3 mois renouvelable.

La période probatoire qui aurait du normalement s’achever le 24 novembre 2010, a été renouvelée jusqu’au 28 février 2011.

Estimant que madame D C était inapte à occuper le poste de responsable de soins, le directeur de la clinique a mis fin par anticipation à la période probatoire le 20 janvier 2011 et a décidé de repositionner l’intéressée sur ses fonctions d’infirmière à compter du 1er mars 2011.

Considérant que la SA CLINIQUE Y avait failli à ses obligations contractuelles en renouvelant abusivement sa période probatoire et en résiliant celle-ci de manière discriminatoire compte tenu de ses problèmes de santé, madame D C a, par requête du 11 août 2011, saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy à l’effet de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et obtenir l’allocation de dommages et intérêts et indemnités de rupture.

Par jugement du 21 novembre 2012, le Conseil de Prud’Hommes a :

— dit que la SA Clinique Y n’a commis aucune faute contractuelle vis-à-vis de Mme D C qui pourrait justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail qui les lie.

— dit que la rupture de la période probatoire n’est intervenue ni en violation des dispositions légales, ni pour des raisons discriminatoires.

— dit qu’aucune rétrogradation n’est intervenue dans les relations contractuelles.

— rejeté dès lors la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui lie Mme D C à la SA Clinique Y.

— confirmé Mme D C dans son emploi d’IDEC au sein de la SA Clinique Y.

— débouté Mme D C de l’ensemble des demandes.

— condamné madame D C à payer à la SA CLINIQUE Y la somme de 100,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La décision a régulièrement été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception le 23 novembre 2012.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 décembre 2012, madame D C a interjeté appel de la décision.

Le 6 février 2013, madame D C a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement à une reprise sur le site de la Clinique Régina, à la suite de l’avis d’inaptitude au poste établi par le médecin du travail le 7 novembre 2012, dans le cadre de la visite de reprise après maladie.

Aux termes des débats et des écritures des parties, reprises oralement à l’audience et auxquelles il est fait référence pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés,

Madame D C, par conclusions du 19 juillet 2013, demande à la Cour de :

— infirmer le jugement,

— constater les graves manquements commis par la CLINIQUE RÉGINA dans l’exécution du contrat de travail de la salariée.

— condamner la CLINIQUE Y à lui payer la somme de 3.542, 26 euros à titre de rappel de salaire pour le poste de Responsable des Soins outre 354,2 euros au titres des congés payés afférents.

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 16 février 2013.

A titre subsidiaire,

— dire et juger mal fondé le licenciement intervenu.

En toute hypothèse,

— condamner la CLINIQUE RÉGINA à lui payer les sommes suivantes :

. 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail.

— sur l’indemnité compensatrice de préavis :

. à titre principal, 9.600,00 euros outre 960,00 euros au titre des congés payés afférents.

. à titre subsidiaire, 8.100,00 euros outre 810,00 euros au titre des congés payés afférents.

· 32.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture.

· 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que la rupture de la période probatoire est intervenue alors qu’elle connaissait d’importants problèmes de santé et qu’elle était en arrêt de travail.

En ce qui concerne la période probatoire :

A titre principal elle soulève l’illicéité de la période probatoire prévue dans l’avenant du mois de septembre 2010.

Elle fait valoir en effet qu’elle occupait de fait le poste de Responsable de Soins depuis octobre 2009, poste qui en réalité a simplement été régularisé par l’avenant soit près d’un an plus tard après l’exercice effectif de ces mêmes fonctions.

Elle justifie par les attestations et documents produits aux débats qu’elle exerçait bien ces fonctions avant même la régularisation de son avenant.

Elle indique que dès lors, compte tenu de cette antériorité, la mention d’une période probatoire dans son contrat de travail était totalement injustifiée.

A titre subsidiaire, et si par impossible la cour estimait licite la clause prévoyant une telle période probatoire, elle n’en jugerait pas moins la rupture intervenue comme étant abusive puisque liée à son seul état de santé.

Enfin elle indique que suite à la rupture de la période probatoire elle a été réintégrée dans un poste d’infirmière alors qu’elle n’était plus infirmière, mais infirmière coordinatrice depuis avril 2010, qu’il s’agit donc d’une modification unilatérale et abusive de son contrat de travail puisqu’elle était rétrogradée et déclassée par rapport à son emploi antérieur.

Elle estime dès lors pour l’ensemble de ces raisons qu’elle est bien fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

En ce qui concerne le licenciement :

Elle indique que l’inaptitude constatée par le médecin du travail ne saurait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Elle rappelle qu’outre son état de santé liée à une tumeur ovarienne, elle a été très choquée par la rupture de la période probatoire, et est alors tombée en dépression.

Elle fait valoir que le médecin du travail a certes considéré comme impossible la reprise du travail sur le site de la clinique Régina mais a indiqué en revanche qu’elle serait apte à un poste d’infirmière coordinatrice sur un autre site et qu’en l’espèce la SA CLINIQUE Y n’a nullement fait des recherches sérieuses de reclassement pour lui proposer un tel poste.

Elle indique qu’en tout état de cause son inaptitude est la conséquence d’un comportement fautif de l’employeur à son égard en introduisant dans son contrat de travail une période probatoire totalement injustifiée et en rompant celle-ci de manière parfaitement abusive..

De son côté, par conclusions du 25 septembre 2013, la SA CLINIQUE Y demande à la cour de :

— dire et juger que la Clinique Y n’a pas commis de fautes contractuelles vis-à vis de Madame D C justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

— confirmer par conséquent le jugement rendu,

— dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé à l’égard de madame D C le 6 février 2013 est parfaitement fondé et justifié,

En conséquence,

— débouter Madame D C de l’intégralité de ses demandes, et la condamner à régler à la Clinique Y la somme de 2.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Elle fait valoir que l’insertion d’une clause prévoyant une période probatoire à l’occasion d’un changement d’emploi ou d’une promotion n’est nullement abusive et relève de la liberté contractuelle des parties et que l’échec de la période ainsi définie emporte obligation pour l’employeur de réintégrer la salariée dans ses fonctions d’origine.

Elle tient à préciser que l’insertion de la clause dans l’avenant régularisé le 30 août 2010 et acceptée par madame D C, était parfaitement légitime dans la mesure où du fait de l’augmentation du nombre de lits et de places au sein de l’établissement, les fonctions d’IDEC initialement exercées étaient nécessairement moins étendues que celles de responsable de soins qui étaient proposées à madame D C, qu’il suffit de se reporter aux fiches métiers pour s’en convaincre, l’intéressée n’ignorant rien de la différence de situation entre ces deux statuts.

Elle indique que si effectivement madame D C a bien exercé des fonctions d’infirmières coordinatrices depuis janvier 2010, ces fonctions n’ont cependant rien à voir avec celles d’une responsable de soins au sein d’un établissement de santé comme la SA CLINIQUE Y.

Elle fait valoir également que la rupture de la période probatoire n’était nullement discriminatoire et n’avait aucun lien avec les problèmes de santé rencontrés par la salariée, les causes de la rupture reposant exclusivement sur l’inadaptation au poste proposé et sur les difficultés professionnelles et relationnelles rencontrées par madame D C à tous les niveaux de la hiérarchie ainsi que le démontre les nombreuses attestations versées au dossier ( attitudes autoritaires et virulentes au travail, caractère lunatique et despotique de madame D C créant un climat de grande tension avec les autres intervenants ).

Elle précise que suite à la rupture de la période d’essai, madame D C a bien été repositionnée sur un poste d’ IDEC et non sur un poste d’infirmière diplômée d’Etat, comme en témoigne sa situation salariale à compter du 21 mars 2011, que les attestations et documents qu’elle produit, outre le fait qu’ils ne sont pas conformes ne sont nullement probants.

Sur le licenciement pour inaptitude :

Elle indique que madame D C ne rapporte nullement la preuve d’un comportement fautif de la clinique alors que l’inadaptation de madame D C à ses nouvelles fonctions était patente.

Elle tient à préciser que les premiers arrêts maladie de madame D C en 2009 sont liés à un problème de kyste ovarien et non à un état dépressif, que la clinique a tout mis en oeuvre pour lui permettre d’accéder à ses nouvelles responsabilités, que ce n’est que du seul fait de son comportement que madame D C a échoué à accomplir les nouvelles missions qui devaient lui être confiées.

Pour ce qui est du reclassement, la SA CLINIQUE Y fait valoir que madame D C entendait limiter ses choix au seul département de la Haute Savoie et plus précisément à Annemasse et à la Roche sur Foron, que l’employeur a non seulement fait des recherches conformes aux voeux exprimés mais a également étendu les recherches à l’ensemble des sociétés du groupe ORPEA-CLINEA, en France et en Europe, qu’ainsi ce n’est pas moins de 42 postes qui ont été proposés à madame D C et qui ont tous été refusés par elle.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la période probatoire et la licéité de la clause contractuelle :

Attendu que selon avenant du 30 août 2010, il a été convenu :

' Qu’à compter du 1er septembre 2010, madame D C occupera la fonction de responsable des soins et aura, dans la catégorie cadre A de la filière soignante, le coefficient 359 ',

avec cette précision,

' Que cet avenant ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période probatoire de 3 mois, qui pourra être renouvelée une fois avec l’accord des parties… si cette période probatoire s’avère satisfaisante pour l’une et l’autre des parties, madame D C sera titularisée au poste de responsable de soins, à défaut, elle réintégrera ses fonctions au poste d’infirmière ' ;

Attendu que le principe attaché à la nature probatoire de la période destinée à permettre à l’employeur d’apprécier les aptitudes professionnelles de madame D C au poste de responsable de soins et aux effets juridiques qui y sont attachés, n’est pas au cas d’espèce formellement contesté par les parties ;

Que cependant et si effectivement les parties peuvent toujours convenir au cours de la relation contractuelle de travail d’une période dite probatoire lors d’un changement d’emploi ou d’une évolution fonctionnelle, l’insertion d’une telle clause dans le contrat de travail n’est pour autant légitime et licite que si par hypothèse la salariée concernée occupait précédemment des fonctions ou un emploi différents de ceux proposés et si l’employeur n’avait pas déjà été à même de s’assurer des qualités professionnelles de celle-ci pour le poste proposé ;

Attendu que madame D C soutient qu’elle occupait le poste de responsable de soins depuis le mois d’octobre 2009 dans la mesure où elle gérait seule le personnel et participait activement au développement de la nouvelle clinique, la SA CLINIQUE Y faisant valoir quant à elle que madame D C n’exerçait en réalité que des fonctions d’infirmière puis à compter du mois d’avril 2010, suite au départ de madame A, des fonctions d’infirmière coordinatrice ;

Attendu que par référence à la fiche métier versée aux débats, la responsable de soins a pour mission de veiller à l’organisation générale des soins infirmiers et de rééducation, elle est la garante de la qualité des soins et des conditions d’hospitalisation du patient, elle est un lien essentiel entre le patient, son entourage et les différents services de la clinique, elle est proche de la direction et des médecins, elle participe au pilotage stratégique de la clinique, elle exerce sa mission dans le parfait respect de la personne hospitalisée, des règles d’hygiène du milieu hospitalier et des procédures applicables ;

Attendu que dans le cadre de cette mission, la responsable de soins, qui se situe sous l’autorité directe du directeur d’exploitation, a donc pour activités principales :

— l’organisation et la gestion, en établissant notamment les plannings, en veillant au taux d’occupation des chambres, en mettant en place les tableaux de bord de gestion, en supervisant et en s’assurant du respect des circuits ;

— l’animation, la coordination et le relationnel, en animant les réunions d’équipe, en gérant les conflits, en gérant et en assurant la coordination des services, en participant aux instance institutionnelles ;

— la gestion des ressources humaines et des compétences, en collaboration avec le directeur d’exploitation, en recrutant les nouveaux soignants, en réalisant les entretiens d’évaluation, en organisant l’accueil des nouveaux arrivant et le tutorat ;

— le développement des compétences et la démarche qualité, en participant à l’élaboration des procédures, en les faisant respecter, en réalisant des audits cliniques et des audits qualité en participant activement à la démarche de certification de la HAS ;

— le management de la clinique en collaboration avec le directeur d’exploitation, en participant notamment à l’élaboration du projet d’établissement, aux décisions concernant l’affectation des moyens, et au pilotage médico-économique de la clinique ;

Attendu que, toujours par référence à la fiche métier, l’infirmière coordinatrice ( IDEC ) se situe quant à elle sous l’autorité directe de la responsable des soins, sa mission étant alors d’assurer la coordination des moyens humains et matériels d’une ou plusieurs unités de soins, de garantir la qualité des soins et les conditions d’hospitalisation du patient, de participer à l’éducation, à la formation, à l’encadrement des équipes de soins, d’assurer la prévention en matière de santé et d’hygiène, de veiller à l’application des mesures de lutte contre l’infection, la contagion et la douleur ;

Attendu qu’il résulte des différentes attestations produites, notamment celle de madame B, aide soignante, et celle de madame X, psychomotricienne, que suite au départ de madame A, la direction a effectivement demandé à madame D C de prendre le poste de responsable de soins ;

Attendu que madame B atteste notamment que

' c’est madame D C qui a repris les plannings de travail, qui gérait les horaires et les remplacements pendant les congés pour maladie et les congés annuels, qui prenait attache avec les agences de travail temporaires pour pourvoir aux remplacements. Lorsqu’il y avait des problèmes avec les patients, c’est elle que l’on allait voir. Tous les jours, elle assistait aux réunions d’équipe où nous parlions des patients, de leur prise en charge et de l’évolution de leur projet de soins. Elle s’occupait également des entrées et des sorties des patients en collaboration avec les infirmières et contrôlait le nettoyage des chambres lors des départs pour accueillir les nouveaux patients. Elle supervisait les commandes de linges propres une fois par semaine et l’évacuation du linge sale. Madame C tenait l’équipe informée des notes de service de la Direction, de l’avancement de travaux de la nouvelle clinique et de la préparation du déménagement et des groupes qui se mettaient en place pour travailler sur les nouvelles procédures en vue de la certification. Elle s’occupait aussi de former les groupes et de planifier les formations internes comme la formation incendie, la charte éthique du personnel, etc. Madame C a créé une réunion d’accueil des nouveaux patients qu’elle assurait toutes les semaines avec un soignant. Elle rappelait aux patients leurs droits à travers la charte éthique du patient dont elle rappelait les points et le règlement interne de la clinique, elle expliquait aux patients quelles seraient les activités et le programme de leur séjour. Elle parlait aux familles lors de l’admission des patients et entretenait avec elles des échanges lors des jours de visite. Dès le début de l’année 2010 et au vu du déménagement, Madame C a recruté les aides-ménagères, des aides-soignantes et des infirmières. Elle a organisé le déménagement et a créé des nouveaux horaires en 12 heures et en 10 heures pour l’ensemble du personnel soignant, service d’adultes et service de pédopsychiatrie. Elle assure également la relation avec le personnel de la cuisine notamment pour les régimes et l’organisation de la salle à manger. Elle nous a sollicité, aides-soignantes et aide-ménagères pour préparer et établir les nouvelles procédures pour le circuit du linge et établir nos fiches horaires de poste qui détaillaient les tâches à faire et le déroulement de la journée pour chaque poste (. . .) '.

Attendu que les attributions et les fonctions telles que décrites dans cette attestation et telles qu’exercées par madame D C, sont bien conformes à celles exercées par un cadre responsable des soins telles que décrites dans la fiche métier, madame D C faisant plus que simplement manager et animer une équipe au quotidien, dans la mesure où elle assumait seule, sous le contrôle direct du directeur d’exploitation, le recrutement du personnel de remplacement, où elle établissait et gérait seule les plannings des aides ménagères et des aides soignants et la relation avec le personnel des cuisines, où elle gérait seule les conflits avec les malades et leurs familles et où elle participait activement à la formation du personnel ;

Attendu que madame X atteste quant à elle :

' J’ai été employée en tant que psychomotricienne à la CLINIQUE RÉGINA du 1er avril 2010 au 16 septembre 2011 à temps plein. Lors de ma prise de poste, Madame C m’a été présentée comme étant la responsable des soins. Elle était donc ma supérieure hiérarchique directe et c’est à elle que je référais en cas de question ou organisation de planning. C’est Madame C qui m’a accueillie, fait visiter le service, présentée au personnel et expliqué le fonctionnement du dossier patient tout comme elle le faisait avec le nouveau personnel soignant ou paramédical. ( .. .) A mon arrivée, deux choses principales étaient en cours : le déménagement de la clinique ainsi que la certification V2. Madame C a occupé un rôle majeur dans les deux activités qu’elle a organisées en lien avec la Direction et l’équipe ' ;

Attendu que les fonctions décrites par madame X sont en tous points conformes à celles qui sont prévues dans la fiche métier du cadre responsables des soins ;

Qu’il est ainsi démontré que madame D C a participé activement à l’élaboration du projet d’établissement de la nouvelle clinique, a participé aux décisions concernant l’affectation des moyens et a préparé et participé ès-qualités aux réunions importantes de la vie institutionnelle, notamment dans le cadre de la certification V2 ;

Attendu que madame Z, assistante sociale à la clinique Régina de janvier 2007 à décembre 2010, confirme également le rôle majeur de madame D C au sein de l’établissement, en attestant que celle-ci intervenait bien comme responsable des soins au sein de la clinique, la direction allant même jusqu’à lui reprocher d’intervenir parfois dans des tâches qui n’étaient pas expresséemnt dévolues à un cadre responsable des soins ;

Qu’elle atteste notamment que madame D C s’est fortement impliquée dans la mise en place des nouveaux protocoles, qu’elle était l’interlocutrice privilégiée de la DDAS, qu’elle a joué un rôle prépondérant dans la restructuration et le déménagement de la clinique ;

Attendu que par cette attestation, il est également démontré que les fonctions exercées par madame D C étaient bien des fonctions dévolues à un cadre responsable des soins ;

Attendu que l’ensemble de ces témoignages sont corroborés par les documents relatifs aux procédures de certifications, dans lesquels madame D C est intervenue et a signé les documents en qualité de responsables des soins :

— circuit du médicament et des dispositifs médicaux, responsable des soins au 16 septembre 2010, madame C,

— circuit du linge sale, responsable des soins au 17 septembre 2010, madame C,

— circuit du linge propre, responsable des soins au 17 septembre 2010, madame C,

Attendu qu’enfin la SA CLINIQUE Y ne peut soutenir que madame D C n’exerçait pas ces fonctions avant la signature de l’avenant le 1er septembre 2010, consécutivement à l’avenant du 30 août 2010, alors qu’il est justifié par les bulletins de salaire versés aux débats que madame D C a effectivement perçu une prime de responsabilité dès le mois de janvier 2010, l’employeur reconnaissant ainsi ses nouvelles fonctions, prime qui n’apparaissait pas sur les feuilles de paie antérieures où elle était rémunérée en qualité d’infirmière coordinatrice, ( intitulé de l’emploi figurant sur les feuilles de paie d’avril et mai 2010 : ' infirmière coordinatrice ' ) ;

Attendu qu’il est ainsi parfaitement démontré que madame D C exerçait effectivement les fonctions de cadre responsable des soins dès le mois d’octobre 2009, que la clause prévoyant une période probatoire de trois mois renouvelable une fois, insérée dans l’avenant au contrat de travail du 30 août 2010, est donc parfaitement illégitime et donc illicite dès lors que l’employeur avait pu apprécier, bien avant la signature de cet avenant, l’aptitude de madame D C à tenir ou non cet emploi et ce quand bien même que la salariée ait accepté cette clause en signant l’avenant de régularisation ;

Attendu que madame D C a droit en conséquence à un rappel de salaire du fait de la fonction réellement exercée ;

Qu’il convient en conséquence au regard du décompte produit qui n’appelle aucune observation particulière de condamner la SA CLINIQUE Y à payer à madame D C la somme de 3.542,26 euros au titre du rappel de salaire pour la période d’octobre 2009 à juin 2010 et au paiement de la somme de 354,22 euros au titre des congés payés afférents ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu qu’il convient d’examiner au regard des dispositions de l’article 1184 du code civil, si l’inexécution prétendue de ses obligations par l’employeur, résultant du contrat synallagmatique que constitue le contrat de travail, présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation ;

Attendu qu’il a été démontré que la clause probatoire insérée dans l’avenant du 30 août 2010 était tant illégitime qu’illicite, qu’au surplus alors même que madame D C avait exercé les fonctions de cadre responsables des soins pendant plusieurs mois, et à tout le moins depuis octobre 2009, la SA CLINIQUE Y a néanmoins décidé de proroger la période probatoire qu’il avait mise illégalement en place et de rétrograder madame D C à ses fonctions subalternes après avoir procédé à la rupture de ladite période ;

Attendu que madame D C a bien été effectivement rétrogradée à des fonctions non conformes à son emploi antérieur, à savoir celle d’infirmière coordinatrice, pour des fonctions de simple infirmière ;

Qu’il est en effet justifié que par courrier du 20 janvier 2011, la SA CLINIQUE Y indiquait à madame D C :

' Conformément à l’avenant en date du 1er septembre 2010, nous vous informons par la présente que nous avons décidé de rompre votre période probatoire à compter du 1er mars 2011. Comme nous vous l’avons expliqué lors de notre entretien en date du 19 janvier 2011, il nous semble préférable que vous réintégriez votre poste initial aux conditions initiales. Le contrat signé en date du 1er janvier 2009 retrouve application. En conséquence, vous reprendrez votre poste d’infirmière à temps plein au sein de la Clinique Régina à compter du 1er mars 2011. Votre rémunération sera ramenée à 2700 € brut par mois. Les autres clauses de votre contrat de travail en date du 1er janvier 2009 demeurent inchangées ' ;

alors que madame D C était infirmière coordinatrice depuis le mois d’avril 2010 ;

Attendu que le fait pour l’employeur de prévoir une clause illégitime dans le contrat de travail, d’imposer à sa salariée une période probatoire alors même que celle-ci exerçait depuis plusieurs mois les fonctions pour laquelle la clause avait été prévue, de rompre sans justes motifs la période probatoire et de réintégrer la salariée dans un emploi inférieur à celui précédemment occupé, sont des manquements graves qui justifient le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ;

Attendu qu’il convient en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 6 février 2013, date à laquelle madame D C a été licenciée pour inaptitude ;

Sur les conséquences financières de la rupture :

Attendu que le salaire de référence à prendre en compte est celui afférent à la fonction de cadre responsable des soins, soit un revenu brut mensuel de 3.200,00 euros ;

Attendu qu’il sera alloué en conséquence à madame D C la somme de 9.600,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 960,00 euros au titre des congés payés afférents ;

Attendu qu’il est justifié que madame D C avait une ancienneté de 5 ans au sein de la clinique Régina, qu’elle a été particulièrement affectée par le désaveu de la SA CLINIQUE Y et sa rétrogradation à un emploi inférieur, alors même qu’elle s’était particulièrement investie, ainsi que le démontre les attestations produites aux débats, dans les fonctions de responsables des soins que lui avait confiées la direction dès le mois d’octobre 2009, que son état de santé, notamment sur le plan psychologique, s’en est trouvé fortement perturbé ;

Attendu que madame D C est toujours au chômage, qu’il convient en conséquence de lui allouer une somme de 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, qu’en l’espèce il est parfaitement démontré que la SA CLINIQUE Y a manqué à ses obligations essentielles dans le rapport contractuel de travail avec madame D C ;

Que la SA CLINIQUE Y sera en conséquence condamnée à payer à madame D C, sur le fondement de l’article L.1222-1 du code du travail, une indemnité complémentaire de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

sur les demandes accessoires :

Attendu qu’il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, qui prévoit que dans les cas prévus à l’article L.1235-3 dudit code, le juge doit ordonner d’office, lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l’instance et n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le versement par l’employeur fautif de tout ou partie des indemnités chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Qu’il convient en conséquence par application de l’article précité d’ordonner d’office le remboursement par la SA CLINIQUE Y à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à madame D C du jour de la résiliation judiciaire au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage ;

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de faire application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et de condamner la SA CLINIQUE Y à payer à madame D C la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 21 novembre 2012 du conseil de prud’hommes d’Annecy dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit et juge illicite la clause insérée dans l’avenant au contrat de travail du 30 août 2010 et prévoyant qu’à compter du 1er septembre 2010, madame D C occupera la fonction de responsable des soins après une période probatoire de trois mois renouvelable une fois,

Dit et juge que madame D C occupait effectivement les fonctions de cadre responsable des soins à compter du mois d’octobre 2009,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à compter du 6 février 2013,

Condamne la SA CLINIQUE Y à payer à madame D C les sommes suivantes :

. 3.542,26 euros au titre du rappel de salaire pour la période d’octobre 2009 à juin 2010,

. 354,22 euros au titre des congés payés afférents ;

. 9.600,00 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 960,00 euros au titre des congés payés afférents,

. 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture,

. 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Y ajoutant,

Ordonne d’office, par application de l’article L.1235-4, le remboursement par la SA CLINIQUE Y à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à la salariée du jour de la résiliation judiciaire au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage,

Condamne la SA CLINIQUE Y à payer à madame D C la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA CLINIQUE Y aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Ainsi prononcé le 28 Novembre 2013par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par M. LACROIX, Président, et Madame CHAILLEY, Greffier.

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Cour d'appel de Chambéry, 28 novembre 2013, n° 12/02631