Cour d'appel de Chambéry, 9 avril 2015, n° 14/02491

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 9 avr. 2015, n° 14/02491
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 14/02491
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Annecy, 2 février 2014, N° 14/00004

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 09 Avril 2015

RG : 14/02491

XXX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Tribunal de Grande Instance d’ANNECY en date du 03 Février 2014, RG 14/00004

Demandeurs à l’opposition – Intimés

M. A Y, né le XXX à XXX agissant tant en sa qualité personnelle qu’es-qualités d’administrateur légal des biens et de la personne de ses enfants mineurs

et

Mme E J épouse Y, née le XXX à XXX agissant tant en sa qualité personnelle qu’es-qualités d’administratrice légale des biens et de la personne de ses enfants mineurs

demeurant ensemble XXX

assistés de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et de Me Aysel KOC, avocat plaidant au barreau de PARIS

Défenderesse à l’opposition – Appelante

SA GMF ASURANCES, dont le siège social est sis XXX prise en la personne de son représentant légal

assistée de Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de Me Marc DUFOUR, avocat plaidant au barreau d’ANNECY,

Défendeurs à l’opposition – Intimés

RSI DES ALPES, dont le siège social est sis XXX – XXX prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

MUTUELLE EXISTENCE, dont le siège social est sis XXX – XXX prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 03 mars 2015 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, qui a procédé au rapport

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

FAITS ET PROCEDURE

Le 8 décembre 2011, M. A Y a été victime d’un accident de la circulation dans le centre ville de la Commune de la Balme de Sillingy (74) alors qu’il traversait la chaussée, il a été percuté par le véhicule de madame Z Salvador épouse X, assurée par la société GMF Assurances.

Une expertise amiable du docteur M D, ayant reçu mission de la société MAAF dans le cadre de la loi Badinter du 5 juillet 1985, a conduit le médecin à l’examiner le 30 mai 2012 puis le 10 décembre 2012. Il en résulte qu’il a été pris en charge par les secours puis transporté au centre hospitalier d’Annecy où il a été opéré le lendemain d’une fracture multi fragmentaire par fixation D10-D11-L1-L2 par des vis trans-pédiculaires, sans complication, permettant une sortie de l’hôpital le 15 décembre 2011 et son retour à domicile avec traitement antalgique et des sorties à partir de fin janvier 2012 sur de courts trajets. Il avait alors besoin d’une aide deux heures par jour pendant un mois, puis une heure par jour le mois suivant. Il a entrepris des séances de kinésithérapie le 18 avril 2012 moyennant 15 séances environ jusqu’à la fin de l’été 2012.

Son arrêt de travail a été prolongé jusqu’au 13 août 2012. Son médecin traitant a prescrit une reprise du travail à mi-temps thérapeutique le 16 août 2012. Pendant ce temps, son entreprise a continué à fonctionner avec les trois salariés qui étaient en poste.

La société GMF Assurances a payé à la victime directe une première provision de 2 000 €, puis a fait une offre d’indemnisation à M. Y le 15 novembre 2013 sur la base du rapport de l’expert. Il a refusé cette offre.

Par actes des 26, 27 et 31 décembre 2013, M. A Y, son épouse madame E Y née J, agissant en leur nom personnel et au nom de leurs enfants mineurs Ender, Cemile et Caner ont fait assigner en référé la société GMF Assurances, la RSI des Alpes et la Mutuelle Existence aux fins d’expertise judiciaire et de provision complémentaire de 150 000 € ainsi que 10 000 € au titre du préjudice d’affection à chacun des enfants et à madame Y.

Par ordonnance du 3 février 2014, Mme la présidente du tribunal de grande instance d’Annecy a ordonné une mesure d’expertise médicale, condamné la société GMF Assurances à payer à M. Y une provision complémentaire de 60 000 € et à madame Y une provision de 5 000 € et 1 000 € pour chacun des enfants.

La société GMF Assurances a interjeté appel le 14 février 2014.

Par arrêt du 9 octobre 2014, rendu par défaut, la Cour a partiellement réformé l’ordonnance de référé et elle a statué dans les termes suivants :

L’infirme en ce qu’elle a condamné la société GMF Assurances à payer diverses provisions et une indemnité pour frais irrépétibles, et statuant à nouveau,

La condamne à payer à titre de provision à M. A Y la somme de 25089.47€,

Déboute madame E J épouse Y à titre personnel et les époux Y en qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, de leurs demandes de provision et d’indemnisation de leurs frais irrépétibles,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions, y compris celles relatives aux dépens,

Déclare le présent arrêt commun au RSI des Alpes et à la Mutuelle Existence,

Déboute la société GMF Assurances de sa demande d’indemnisation de ses frais irrépétibles,

Condamne M. A Y, son épouse madame E Y née J, en leur nom personnel et au nom de leurs enfants mineurs Ender, Cemile et Caner, aux dépens d’appel et ordonne leur distraction au profit de maître Clarisse Dormeval, avocat, sur son affirmation de droit.

Par déclaration motivée de leur avocat, reçue au greffe le 27 octobre 2014, M. A Y, et son épouse madame E Y née J ont formé opposition à l’arrêt.

L’organisme RSI des Alpes et la caisse Mutuelle Existence ont été assignées à comparaître par des actes remis à personne habilitée.

MOYENS ET PRETENTIONS

Vu la déclaration d’opposition motivée reçue au greffe le 27 octobre 2014 au nom de M. A Y, et son épouse madame E Y née J, par laquelle ils demandent à la Cour notamment de :

— rétracter l’arrêt du 9 octobre 2014,

— confirmer l’ordonnance de référé du 3 février 2014 en toutes ses dispositions,

— condamner la société GMF assurances à leur payer une indemnité de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens avec distraction pour ceux d’appel au profit de leur avocat,

— déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable au RSI des Alpes ainsi qu’à la société Mutuelle Existence.

Ils demandent à la Cour de confirmer la disposition de l’ordonnance ayant ordonné une expertise médicale.

Ils reprochent à la Cour en particulier d’avoir refusé d’accorder une provision aux victimes par ricochet, en indemnisation de leur préjudice moral et d’avoir fait une mauvaise lecture du rapport de l’expert D au point de ne pas prendre la juste mesure de l’importance du préjudice corporel de M. Y. Tout en reconnaissant le principe selon lequel le juge doit fixer discrétionnairement, dans la limite du montant non sérieusement contestable des créances, le montant des provisions qu’il accorde aux victimes. Les opposants prétendent que la Cour a méconnu les dispositions de l’article 809 du code de procédure civile, en s’abstenant de faire une évaluation complète du préjudice décrit par rapport d’expertise, contrairement au premier juge dont ils demandent confirmation de la décision.

Vu les conclusions déposées au greffe le 9 décembre 2014 au nom de la société GMF assurances, par lesquelles elle demande à la Cour de :

— dire n’y avoir lieu à rétractation de l’arrêt du 9 octobre 2014 et le confirmer,

— réformer l’ordonnance de référé du 3 février 2014,

— lui donner acte de son offre de verser une provision complémentaire à M. A Y d’un montant de 25'089,47 €,

— dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par les victimes par ricochet et les débouter de leur demande,

— condamner les consorts Y à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire et juger que l’arrêt à intervenir sera opposable à la RSI des Alpes et à la Mutuelle Existence,

— condamner les consorts Y aux dépens, avec distraction au profit de son avocat.

Elle observe qu’elle ne s’était pas opposée à l’expertise judiciaire, qui s’est ainsi déroulée jusqu’au dépôt du rapport du Dr B en date du 29 août 2014.

Reprenant les conclusions médico-légales, la compagnie d’assurances maintient son offre de provision complémentaire et développe, poste par poste, ses moyens de contestation des prétentions des victimes.

La procédure a été clôturée le 16 février 2015.

MOTIFS DE L’ARRRET

Attendu que l’opposition a été formée dans les formes et conditions prévues par les articles 573 et 574 du code de procédure civile ; qu’elle est donc recevable. Attendu qu’il doit donc être à nouveau statué en fait et en droit sur les points jugés par défaut.

Sur la demande d’expertise

Attendu que la société GMF Assurances ne critique pas l’ordonnance de référé ayant ordonné une expertise sur le fondement de l’article 145 du code civil ; que cette disposition de l’ordonnance doit être confirmée dès lors qu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;

Sur la demande de provision

Attendu qu’aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, ' Le président peut toujours (Décret n° 87-434 du 17 juin 1987, article 1er) « même en présence d’une contestation sérieuse », prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier (Décret n° 85-1330 du 17 décembre 1985, article 8) « ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » ' ;

Attendu que le droit à indemnisation de monsieur A Y n’est pas contesté par la société GMF Assurances ; qu’il appartient au juge des référés de déterminer jusqu’à quel montant l’obligation de l’assureur à son égard n’est pas sérieusement contestable ;

Attendu que le droit des victimes par ricochet d’être indemnisées de leur préjudice n’est pas contesté par principe mais il appartient au juge des référés de déterminer si le préjudice moral qu’ils invoquent est ou non sérieusement contestable et le cas échéant jusqu’à quel montant ;

Attendu que la société GMF Assurances a émis par lettre recommandée du 15 novembre 2013, une offre d’indemnisation du préjudice de monsieur A Y et offre de payer une provision complémentaire de 25 089,47 € ; que son obligation pour ce montant n’est pas sérieusement contestable ;

Attendu qu’en revanche, le juge des référés doit être particulièrement prudent dans l’octroi d’une provision en réparation de postes de préjudice soumis au recours des organismes sociaux ;

Sur la demande de provision de M. A Y

Attendu que pour fonder sa demande de provision, M. A Y se contente, devant la Cour, d’adopter les motifs du premier juge lequel, après avoir rappelé les conclusions médico-légales, a fixé discrétionnairement le montant de la provision allouée ;

Attendu que les conclusions de l’expert judiciaire, du Dr B, ne diffèrent pratiquement pas de celles de l’expert, le Dr D, en fixant la date de consolidation au 30 novembre 2012 au lieu du 8 décembre, en maintenant à quelques nuances près les périodes de déficit fonctionnel temporaire, en fixant le déficit fonctionnel permanent à 7 %, les souffrances endurées à 3,5/7 et le degré du dommage esthétique à 1,5/7 ; de même, l’expert judiciaire ne relève pas la pratique d’un sport particulier et se contente d’indiquer que les activités de loisirs (promenade avec les enfants) peuvent être poursuivies avec seulement une gêne inhérente au handicap ;

Attendu que l’expert judiciaire a cependant ajouté l’existence d’un préjudice résultant de la nécessité d’assistance par une tierce personne 2 heures par jour du 16 décembre 2011 au 31 janvier 2012 et 5 heures par semaine du 1er février au 30 juin 2012, en précisant qu’il s’agissait d’une aide non spécialisée apportée par son épouse ;

Attendu qu’il existe des contestations sérieuses sur le montant du coût horaire de la tierce personne temporaire, la perte de gains professionnels actuels en raison d’une discussion sur les revenus de référence, sur l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, sur le principe d’indemnisation d’un préjudice d’agrément et d’un préjudice esthétique ou encore d’un préjudice sexuel ;

Que de même, l’obligation d’indemniser des semelles orthopédiques au titre des dépenses de santé futures se heurte à une contestation sérieuse du fait de la possible prise en charge de ces dépenses par les organismes sociaux, et du fait que l’expert judiciaire a exclu l’existence de frais futurs ;

Attendu enfin que l’incidence professionnelle de l’accident pour monsieur Y et son préjudice économique dépendent d’une analyse concrète de l’organisation de son travail, de sa comptabilité, de l’évolution de la conjoncture et de son chiffre d’affaires, de l’incidence du recours à la sous-traitance et ces analyses font l’objet de discussions et de contestations sérieuses ;

Attendu qu’il résulte des constatations qui précèdent que l’offre d’indemnité qui avait été émise par l’assureur doit être allouée à la victime, à titre de provision ;

Sur la demande de provision des victimes par ricochet

Attendu que le préjudice moral ou d’affection des victimes par ricochet est contesté ; qu’il n’est pas évident, alors que monsieur Y n’a subi qu’une brève hospitalisation et que l’expert le Dr D n’a pas mis en évidence de répercussions sensibles des séquelles sur l’agrément ; qu’en conséquence, sans préjudice de l’appréciation qui en sera faite le cas échéant par le juge du fond, la demande d’indemnisation d’un préjudice moral par provision se heurte, au stade du référé, à une contestation sérieuse.

Sur les autres demandes

Qu’en équité, il n’y a pas lieu de condamner la société GMF Assurances à indemniser les frais irrépétibles exposés par les demandeurs, dès lors qu’elle avait offert devant le premier juge de payer à titre provisionnel le montant de son offre qui correspond, au stade du référé, à son obligation non sérieusement contestable ;

Attendu que l’ordonnance doit être confirmée en toutes ses autres dispositions ;

Qu’en équité, il n’y a pas lieu d’indemniser la société GMF Assurances pour ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Qu’en revanche, les intimés qui succombent doivent supporter les dépens de l’instance d’appel dont la distraction sera ordonnée par application des articles 696 et 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière de référé,

Déclare recevable l’opposition formée par M. A Y et son épouse madame E Y née Dour, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs,

En conséquence,

Rétracte l’arrêt rendu le 9 octobre 2014 sous le numéro de RG 1400417, et statuant à nouveau,

Réforme partiellement l’ordonnance déférée,

L’infirme en ce qu’elle a condamné la société GMF Assurances à payer diverses provisions et une indemnité pour frais irrépétibles, et statuant à nouveau,

La condamne à payer à titre de provision à monsieur A Y la somme de 25 089.47 €,

Déboute madame E J épouse Y à titre personnel et les époux Y en qualité d’administrateurs légaux de leurs enfants mineurs, de leurs demandes de provision et d’indemnisation de leurs frais irrépétibles,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions, y compris celles relatives aux dépens,

Déclare le présent arrêt commun au RSI des Alpes et à la Mutuelle Existence,

Y ajoutant,

Déboute M. A Y, et son épouse madame E Y née J ainsi que la société GMF Assurances de leurs demandes d’indemnisation des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne M. A Y, et son épouse madame E Y née J aux dépens d’appel, et ordonne leur distraction au profit de Maître Clarisse Dormeval, avocat, sur son affirmation de droit.

Ainsi prononcé publiquement le 09 avril 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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