Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 27 mai 2021, n° 19/01340

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 2e ch., 27 mai 2021, n° 19/01340
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 19/01340
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Chambéry, 16 juin 2019, N° 17/00003
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 27 Mai 2021

N° RG 19/01340 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GITI

FG/SD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Commission d’indemnisation des victimes de dommages résultant d’une infraction de CHAMBERY en date du 17 Juin 2019, RG 17/00003

Appelant

M. A Y

né le […] à […], demeurant […]

Représenté par La SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimé

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D’ACTES DE TERRORIS ME ET D’AUTRES INFRACTIONS, dont le siège social est sis […] et pour sa délégation sise […] pris en la personne de son représentant légal

Représenté par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

Partie Jointe :

Mme La Procureure Générale, COUR D’APPEL – Parquet Général – Palais de Justice – […]

dossier communiqué

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 30 mars 2021 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

—  Madame K L-M, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

—  Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

—  Monsieur Fabrice GAUVIN, Vice Président Placé, qui a procédé au rapport

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 15 mars 2014 à Aix-Les-Bains, Monsieur C Y, mineur au moment des faits, a été mordu au bras droit par le chien de Madame D Z au domicile de cette dernière. Ses blessures ont nécessité une intervention chirurgicale.

Le rapport d’expertise du Dr X du 29 juin 2016 a fixé la date de consolidation au 15 mars 2015 relevant, notamment, une AIPP de 2 %.

Par requête du 9 janvier 2017, Monsieur E Y, agissant ès-qualités de représentant légal de son fils C Y, a saisi la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) sollicitant l’indemnisation de ses préjudices.

Monsieur E Y a, par la suite, modifié ses demandes en sollicitant une mesure d’expertise médicale aux fins d’examen et d’évaluation des préjudices de son fils.

Par jugement du 17 juin 2019, la CIVI du tribunal de grande instance de Chambéry a déclaré irrecevable la demande d’expertise formulée par Monsieur Y, ès-qualités, et dit que les dépens seraient laissés à la charge du Trésor Public.

La CIVI a considéré que les éléments produits ne permettaient pas de caractériser une imprudence de nature à démontrer le caractère matériel d’une infraction, indiquant que le litige étant en réalité de nature civile.

Monsieur Y, ès-qualités, a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour le 10 juillet 2019, demandant la réformation de la totalité de la décision.

Par réquisitions conclusions du 2 février 2021, le Ministère Public a indiqué qu’il y avait lieu de confirmer la décision de première instance en reprenant la motivation.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2019, Monsieur Y agissant ès-qualités demande à la cour de :

— déclarer son appel recevable et bien fondé,

— infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,

— déclarer recevable et fondée sa demande formée ès-qualités de représentant légal de son fils A Y,

— désigner tel expert qu’il plaira pour procéder à la mission d’expertise médicale sur Monsieur A Y selon la mission Dintilhac habituelle aux fins d’évaluation de ses préjudices,

— renvoyer ensuite l’affaire et les parties devant la CIVI aux fins de liquidation de ses préjudices,

— lui allouer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— mettre les dépens à la charge du Trésor Public.

Au soutien de ses demandes, l’appelant expose que le préjudice de Monsieur A Y résulte bien de faits présentant le caractère matériel d’une infraction, invoquant à ce titre les articles 222-19-2 et 222-20-2 du code pénal. Il expose que, dès lors que son fils a été mordu par un chien de catégorie 2 chez Madame Z, celle-ci a commis une faute d’imprudence en ne mettant pas l’animal à l’écart des enfants présents chez elle à ce moment là. Il ajoute que, compte tenu des constatations du Docteur J en date du 20 mars 2018 indiquant un état non consolidé en particulier sur le plan psychologique, il convient d’ordonner une mesure d’expertise médicale.

Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 30 décembre 2019, le Fonds de garantie demande à la cour de :

— confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

— débouter Monsieur Y, ès-qualités de représentant légal de son fils A Y de l’ensemble de ses demandes,

— dire et juger que les dépens seront laissés à la charge de l’Etat.

Dans ses écritures, le Fonds de garantie soutient qu’aucune obligation n’imposait à Madame Z d’enfermer son chien dans une autre pièce au sein de son domicile, de sorte qu’aucune violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, ni même une simple négligence ou maladresse ne peut être retenue permettant de caractériser la matérialité de l’infraction.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2021.

Par note en délibéré autorisée, communiquée par voie électronique le 31 mars 2021, Maître F G de la SCP Girard Madoux et Associés, conseil de l’appelant a indiqué que Monsieur C Y, devenu majeur, reprenait en son nom personnel les demandes formulées ès-qualités par son père.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 706-3 du code de procédure pénale dispose que :

'Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° Ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l’article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation et n’ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ;

2° Ces faits :

- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national.

La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime.'

Il convient de relever que dès lors que le texte vise le terme générique 'infraction', il s’applique aussi bien aux crimes, aux délits et aux contraventions.

En l’espèce, il résulte des éléments versés au dossier que Monsieur C Y, alors âgé de 11 ans, a été mordu par le chien appartenant à Madame D Z, classé en catégorie 2, alors qu’il jouait avec d’autres enfants dans l’appartement de cette dernière. Dans le courrier qu’elle a adressé à son assureur, Madame D Z indique que c’est alors que les enfants voulaient sortir de l’appartement que le chien a mordu C Y au bras (pièce appelant n°1). Il en résulte que, dans l’appartement, le chien était nécessairement au contact des enfants.

L’article R. 625-2 du code pénal dispose que, 'hors les cas prévus par les articles 222-20 et 222-20-1, le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe'.

L’article 222-19 du Code pénal prévoit que 'le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende'. Les sanctions sont aggravées, aux termes de l’article 222-19-2 du même code, lorsque l’atteinte résulte de l’agression commise par un chien.

En l’espèce, le chien litigieux est de race Berger allemand croisé Rottweiller, classé en catégorie 2 correspondant aux chiens de garde et de défense. Il convient de considérer que le fait pour Madame D Z de n’avoir pas pris la précaution d’isoler son chien alors que plusieurs pré adolescents jouaient dans l’appartement et étaient donc susceptibles, par leurs déplacements et leurs cris d’exciter l’animal, constitue à tout le moins une imprudence au sens des textes précités, imprudence directement causale de la morsure. Il en résulte que les faits de l’espèce présentent bien le caractère matériel d’une infraction pénale de blessures non intentionnelles, soit contraventionnelles, soit délictuelles, sans qu’il soit besoin d’établir l’existence de la violation

manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement.

Toutefois, l’article 706-3 du code de procédure pénale pose comme condition de recevabilité des demandes présentées à la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions, que les faits doivent avoir entraîné soit la mort, soit une incapacité permanente, soit une incapacité totale de travail personnelle égale ou supérieure à un mois. A cet égard, il est constant que cette incapacité ne doit pas se confondre avec le déficit fonctionnel temporaire ou avec les incapacités permanentes qui sont des notions permettant l’évaluation du montant des indemnisations dues et non la caractérisation d’une infraction.

Aucune incapacité totale de travail n’ayant été évaluée dans les pièces produites au dossier, il appartient, dès lors, au juge de déterminer la durée de cette incapacité en fonction des éléments versés aux débats. En l’espèce, Monsieur C Y a subi une intervention chirurgicale le 17 mars 2014. Il est resté hospitalisé jusqu’au 19 mars 2014 (pièce appelant n°2). Le compte rendu opératoire indique que les plaies étaient superficielles sans atteinte musculaire ou vasculo-nerveuse (pièce appelant n°3). Le rapport médical établi par le Docteur H X le 29 août 2016, reprend ces éléments et ajoute qu’une infirmière est intervenue à domicile tous les jours puis tous les deux jours pendant un mois. L’enfant a également été dispensé de cours d’éducation physique et sportive pendant 45 jours (pièce appelant n°5). En revanche, aucun élément n’indique qu’en dehors des trois jours d’hospitalisation Monsieur C Y a dû rester au domicile et n’était pas en mesure de suivre normalement ses enseignements.

Il résulte de l’ensemble des éléments ci-dessus exposés que l’incapacité totale de travail peut être fixée au maximum à 10 jours. En conséquence, le faits litigieux n’entrent pas dans les conditions de l’article 706-3 du code de procédure pénale.

L’article 706-14 du code de procédure pénale dispose que : 'toute personne qui, victime d’un vol, d’une escroquerie, d’un abus de confiance, d’une extorsion de fonds ou d’une destruction, d’une dégradation ou d’une détérioration d’un bien lui appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une indemnité dans les conditions prévues par les articles 706-3 (3° et dernier alinéa) à 706-12, lorsque ses ressources sont inférieures au plafond prévu par l’article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique pour bénéficier de l’aide juridictionnelle partielle, compte tenu, le cas échéant, de ses charges de famille (…) Ces dispositions sont aussi applicables aux personnes mentionnées à l’article 706-3 qui, victimes d’une atteinte à la personne prévue par cet article, ne peuvent à ce titre prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice, les faits générateurs de celui-ci ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois'.

A nouveau, le cas d’espèce n’entre pas dans les prévisions légales dans la mesure où il n’est pas démontré que l’intéressé se trouverait, faute d’indemnisation effective et suffisante de son préjudice, dans une situation matérielle ou psychologique grave. En effet, les problèmes psychologiques évoqués par le Docteur I J dans sa lettre du 20 mars 2018 (pièce appelant n°6) relèvent de la persistance d’un stress post-traumatique et pas de l’absence d’indemnisation.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions, sauf à dire que la demande d’expertise est formulée par Monsieur C Y et non plus par Monsieur E Y ès-qualités de représentant légal.

Les dépens seront laissés à la charge de l’Etat conformément aux dispositions de l’article R. 93 11° du Code de procédure pénale.

Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur C Y.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à dire que la demande d’expertise est formulée par Monsieur C Y en son nom personnel.

Déboute Monsieur C Y de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Laisse les dépens à la charge de l’Etat.

Ainsi prononcé publiquement le 27 mai 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame K L-M,
Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 27 mai 2021, n° 19/01340