Cour d'appel de Chambéry, Expropriation, 28 janvier 2021, n° 19/00008

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, expropriation, 28 janv. 2021, n° 19/00008
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 19/00008
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre de l’expropriation

Arrêt du vingt huit Janvier deux mille vingt et un

N° RG 19/00008 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GIKO

APPELANT :

S.C.I. ALARCY

40 Rue Jean A B

[…]

Représentée à l’audience du 17 décembre 2020 par Maître Pierre louis CHOPINEAUX de la SELAS CCMC AVOCATS, avocat inscrit au barreau de CHAMBERY

INTIME :

DEPARTEMENT DE LA HAUTE SAVOIE

[…]

[…]

[…]

Représenté à l’audience du 17 décembre 2020 par Maître Sébastien PLUNIAN de la SELARL PLUNIAN ET ASSOCIES, avocat inscrit au barreau de VALENCE

En présence du :

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Monsieur X

FRANCE DOMAINE

[…]

[…]

comparant en personne à l’audience du 17 décembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

 :

Monsieur Franck MADINIER, président, entendu en son rapport

Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, conseillère

Monsieur Edouard Thérolle, conseiller,

assistés de Mme Sophie MESSA, greffière

DEBATS

 :

A l’audience publique du 17 Décembre 2020, affaire mise en délibéré au 21/01/2021 et prorogé au 28/01/2021

ARRET

 :

Contradictoire, prononcé par Monsieur MADINIER, à l’audience publique du 28 Janvier 2021

EXPOSÉ DU LITIGE :

L’expropriation s’inscrit dans un projet d’aménagements cyclables sur la rive Est du lac d’Annecy, sur le territoire de la commune de Talloires-Montmin.

Par arrêté préfectoral du 30 septembre 2008, prorogé par arrêté du 30 août 2013, ce projet a été déclaré d’utilité publique.

Est notamment concernée par ce projet la parcelle cadastrée section […] d’une superficie de 860 m² sise […], appartenant à la SCI Alarcy.

Par courrier recommandé du 21 août 2019, le Département de la Haute-Savoie a proposé une indemnité de 516 euros (430 euros d’indemnité principale et 86 euros d’indemnité de remploi).

Par courrier recommandé reçu le 5 novembre 2018, le département de la Haute-Savoie, représenté par son président en exercice, a saisi le juge de l’expropriation en vue de la fixation des indemnités d’expropriation.

Une vue des lieux a été réalisée le 2 avril 2019 par le juge de l’expropriation.

La parcelle F 674 est une parcelle en nature mixte, constituée pour partie d’un talus boisé en forte pente bordant la route départementale et pour partie de l’emprise de la route elle-même (RD 909a).

Il s’agit d’une emprise totale de la parcelle qui présente une forme irrégulière, avec la présence d’un transformateur.

L’accès à la parcelle se fait par un chemin en forme de S sur une partie plus plate.

La SCI Alarcy a sollicité une indemnité globale de 159 710,42 euros (144 282,20 euros d’indemnité principale et 15 428,22 euros d’indemnité de remploi).

Le commissaire du gouvernement a indiqué que la proposition de l’expropriant s’inscrivait dans la valeur du marché pour ce type de parcelle, retenant une valeur au m² entre 0,50 et 0,61 euros.

Par jugement du 7 mai 2019, le juge de l’expropriation de la Haute-Savoie a :

— dit que le Département de la Haute-Savoie doit payer à la SCI Alarcy les sommes suivantes :

— indemnité principale : 430,00 euros

— indemnité de remploi : 86,00 euros

soit la somme totale de 516,00 euros,

— rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples,

— dit que le Département de la Haute-Savoie supportera les frais et dépens de la procédure.

Par courrier recommandé reçu au greffe de la cour le 25 juin 2019, la SCI Alarcy a interjeté appel du jugement en demandant la réformation de celui-ci en ce qui concerne le montant de l’indemnité principale, le montant de l’indemnité de remploi, la non-qualification du bien exproprié comme terrain à bâtir.

Par mémoire reçu au greffe de la cour le 4 décembre 2020 et notifié le 7 décembre 2020, la SCI Alarcy demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le département de la Haute-Savoie à supporter les frais et dépens de l’instance,

— infirmer le jugement pour le surplus,

— dire que la parcelle cadastrée section […] a la qualification de terrain à bâtir,

— fixer les indemnités d’expropriation sur les bases suivantes :

—  144 282,20 euros au titre de l’indemnité principale,

—  15 428,22 euros au titre de l’indemnité de remploi,

—  2 400 euros au titre de l’indemnité de procédure,

soit un totale de 161 710,42 euros,

à titre subsidiaire,

— dire que la parcelle cadastrée […] est un terrain en situation privilégiée,

— fixer les indemnités d’expropriation sur les bases suivantes :

—  25 800 euros au titre de l’indemnité principale,

—  5 349,90 euros au titre de l’indemnité de remploi,

—  2 400 euros au titre de l’indemnité de procédure,

soit un totale de 33 549,90 euros,

La SCI Alarcy expose que le jugement de fixation des indemnités ne lui a pas été signifié par exploit du 21 mai 2019, mais par courrier recommandé reçu le 24 mai 2019, de sorte que le délai pour exercer un recours devait expirer le 24 juin 2019. Elle considère ainsi que l’appel a été régulièrement formé par courrier recommandé déposé au bureau de poste le 21 juin 2019. Elle ajoute que le Département ne justifie pas du courrier recommandé non distribué ou son accusé de réception ayant donné lieu au procès verbal de recherches infructueuses et estime que le délai d’appel est contestable au motif que l’acte ne mentionne pas les modalités du recours dans le cas d’une procédure sans représentation obligatoire.

Elle fait valoir une erreur dans la définition de la consistance des lieux en première instance et considère que le bien exproprié doit être qualifié de terrain à bâtir dès lors que le réseau d’électricité est présent sur le bien ainsi que des équipements publics et que l’article L146-4 du code de l’urbanisme est applicable dans sa version du 1er juillet 2006 s’agissant d’un bien situé entre deux zones urbanisées.

En outre, elle souligne que le classement en zone naturelle ne rend pas pour autant un bien inconstructible et elle conteste l’assimilation de la portion de voirie en délaissé routier évoqué par le commissaire au gouvernement. Elle ajoute que le bien dispose d’une superficie suffisante pour implanter un dispositif d’assainissement non collectif, que le réseau d’eau potable est disponible au droit de la maison cadastrée F 656 et que la topographie plane des lieux, y compris dans la partie boisée, autorise des constructions.

Au soutien de ses demandes d’indemnités, elle produit aux débats plusieurs références portant sur des biens présentant les mêmes caractéristiques que le sien. Elle indique que les références produites par l’expropriant et par le commissaire du gouvernement doivent être écartées des débats dans la mesure où elles ne seraient ni identifiables ni certaines, ou ne correspondraient pas à la situation de son bien.

Subsidiairement, tenant compte de la situation de la parcelle 674 au bord du lac d’Annecy dans une zone de pression foncière et desservie par une voie de circulation très fréquentée, la SCI Alarcy estime que le bien exproprié doit être qualifié de terrain en situation privilégiée, ce qui lui confère une plus-value dont il doit être tenu compte dans le calcul des indemnités.

Par mémoire reçu au greffe de la cour le 14 décembre 2020, notifié le même jour, le département de la Haute-Savoie, représenté par son président en exercice, demande à la cour de :

— dire que l’appel interjeté est irrecevable,

— subsidiairement, confirmer le jugement du 7 mai 2019,

— en conséquence, dire que l’indemnité d’expropriation sera satisfactoire en la fixant à 516,00 euros, versée à la SCI Alarcy,

— rejeter toute demande plus ample présentée par l’expropriée,

— condamner la SCI Alarcy à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens d’appel.

A titre liminaire, le Département de la Haute-Savoie expose, sur le fondement de l’article R311-24 du code de l’expropriation, que la SCI Alarcy disposait d’un délai d’un mois pour faire appel et que la déclaration d’appel intervenue le 25 juin 2019 étant tardive, l’appel doit être jugé irrecevable.

Il soutient qu’au regard de ses caractéristiques, le terrain objet de la procédure d’expropriation ne peut recevoir la qualification de terrain à bâtir et doit être évalué en fonction de son usage effectif à la date de référence. Il ajoute que le terrain ne peut non plus être considéré comme compris dans un espace urbanisé au sens de l’article L146-4 du code de l’urbanisme dans sa version antérieure à 2015 et, qu’en tout état de cause, les dispositions de cet article le rendrait non constructible.

Il soutient également que le classement en zone naturelle et en espace boisé de la parcelle prohibe la réalisation de tout ouvrage, même d’accès, et que l’absence de tout réseau d’eau, d’électricité ou d’eaux usées conduit encore à écarter la qualification de terrain à bâtir.

Enfin, il produit plusieurs références afin d’établir le montant de l’indemnité principale et estime que les références citées par l’expropriée ne sont pas comparables aux biens concernés.

Par mémoire transmis au greffe de la cour le 23 décembre 2019 et notifié le 9 janvier 2020, le commissaire du gouvernement conclut à la confirmation du jugement déféré.

Dans ses écritures, il indique que la date de référence doit être fixée au 19 novembre 2006.

Il écarte la qualification de terrain à bâtir en raison du classement de la parcelle en zone naturelle et propose un tableau récapitulatif des mutations à titre onéreux intervenues dans la commune depuis 2016, aboutissant à retenir un prix du m² de 0,50 euros.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l’appel :

Il résulte notamment des dispositions de l’article R 311-24 du code de l’expropriation que :

' [..]L’appel est interjeté par les parties ou par le commissaire du Gouvernement dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement, par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée au greffe de la cour. La déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision. [..]'

L’article 659 du code de procédure civile dispose que :

'Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.

Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité. Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d’un acte concernant une personne morale qui n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.'

Il résulte des dispositions de l’article 680 du code de procédure civile que :

'L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie.'

Le jugement rendu le 7 mai 2019 par le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance d’Annecy a été signifié à la requête du département de la Haute-Savoie à la SCI Alarcy suivant procès verbal de recherches infructueuses dressé le 21 mai 2019 par Maître Julien Dupeysset, huissier de justice à Lyon.

Aux termes de cet acte, l’huissier relate s’être rendu à l’adresse du siège social de la SCI Alarcy, telle que ressortant de l’extrait K-bis de la société, de son acte d’appel et de son mémoire devant la cour, […] A B à […], avoir constaté qu’il s’agissait d’une maison de ville ne comportant aucun nom, que personne n’y était présent, avoir vainement tenté de rencontrer les voisins, avoir consulté l’annuaire téléphonique dans lequel ne figurait ni la SCI Alarcy, ni M. Y

Z, son gérant, avoir contacté téléphoniquement une personne vivant au n°38 de la même rue qui lui a répondu ne pas connaître le nom de son voisin et qu’enfin les services de la mairie ont refusé de lui communiquer le moindre renseignement.

Cette description des diligences de l’huissier satisfait à son obligation de relater avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Il ne peut valablement être reproché à l’huissier de ne pas avoir laissé d’avis de passage alors que les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile ne le prescrivent pas et que l’absence de mention d’un nom ne lui permettait pas de le faire.

L’huissier a, en revanche, conformément aux dispositions précédemment citées, adressé à la SCI Alarcy une lettre simple et une lettre recommandée avec avis de réception, qui a été distribuée à cette dernière le 24 mai 2019.

Le procès verbal de l’huissier dressé en application de l’article 659 du code de procédure civile satisfait donc aux exigences de ce texte.

L’acte de signification précise par une phrase séparée du reste du texte par un saut de ligne au-dessus et au-dessous que le délai d’appel devant la cour d’appel de Chambéry est d’UN MOIS à compter de la date indiquée en tête du présent acte.

Le délai ainsi précisé satisfait aux dispositions de l’article 680 du code de procédure civile et à celles de l’article R 311-24 du code de l’expropriation précisant le délai d’appel.

L’acte indique, en revanche, que l’appel peut être interjeté par l’intervention d’un avocat, alors que l’article R 311-24 du code de l’expropriation dispose qu’il peut être interjeté par déclaration faite ou adressée par lettre recommandée au greffe de la cour ; il est toutefois constant que cette inexactitude n’entraîne la nullité de l’acte de signification que si la partie qui l’invoque établit le grief que lui cause cette irrégularité, or en l’espèce, la SCI Alarcy, bien qu’ayant longuement conclu sur la recevabilité de son appel, n’invoque pas de grief et au, surplus, elle a bien formé son appel par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour d’appel, de sorte que cette irrégularité ne peut justifier l’annulation de l’acte de signification.

Le jugement a donc valablement été signifié à la SCI Alarcy et il est constant que le point de départ du délai d’appel est le 21 mai 2019, date du procès verbal de signification, même si la lettre recommandée avec avis de réception adressée par l’huissier a été distribuée quelques jours plus tard.

Le délai imparti à la SCI Alarcy a donc expiré le vendredi 21 juin 2019, or la déclaration d’appel a été adressée au greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 22 juin 2019 à 11h49, de sorte que l’appel est irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur les demandes annexes :

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI Alarcy supportera, en revanche, les dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS ;

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable l’appel interjeté par la SCI Alarcy à l’encontre du jugement rendu le 7 mai 2019 par le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance d’Annecy.

Déboute le département de la Haute-Savoie de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SCI Alarcy à supporter les dépens exposés en appel.

Ainsi prononcé publiquement le 28 janvier 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile et signé par Monsieur Franck MADINIER Président de la chambre de l’expropriation et Madame Sophie MESSA, greffière.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Chambéry, Expropriation, 28 janvier 2021, n° 19/00008