Cour d'appel de Chambéry, 2e chambre, 20 octobre 2022, n° 21/00290

  • Artisan·
  • Chaudière·
  • Sociétés·
  • Résolution du contrat·
  • Installation·
  • Préjudice de jouissance·
  • Titre·
  • Fioul·
  • Resistance abusive·
  • Contrats

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 2e ch., 20 oct. 2022, n° 21/00290
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 21/00290
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 25 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 20 Octobre 2022

N° RG 21/00290 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GTZ4

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ALBERTVILLE en date du 15 Décembre 2020, RG 20/00991

Appelante

S.A.S. LES BONS ARTISANS, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Fabien PERRIER, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimés

M. [V] [Z]

né le 13 Octobre 1943 à [Localité 4] (ITALIE),

et

Mme [R] [C] épouse [Z]

née le 05 Septembre 1947 à [Localité 5] (ITALIE), demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Bertrand PILLET, avocat au barreau de CHAMBERY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 06 septembre 2022 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

— Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

— Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [Z] et son épouse, Mme [R] [Z] sont propriétaires d’une maison d’habitation à [Localité 3]. Ils sont entrés en contact avec la société les Bons Artisans par internet en vue du remplacement de leur chaudière.

Le 12 mai 2020, la société les Bons Artisans a adressé à M. et Mme [Z], un devis d’un montant total de 6.000 euros HT (6.600 euros TTC), comprenant la fourniture d’une chaudière fioul condensation ECS Kimeo Nox duo 25kw pour un prix de 4.645 euros HT, outre la pose pour 860 euros HT et les accessoires d’installation pour 495 euros HT.

Le 19 mai 2020, la chaudière a été livrée dans la cour du domicile des époux [Z].

Le 20 mai 2020, la société Leo dépannage et installation, sous-traitant de la société les Bons Artisans, a procédé à l’installation de la chaudière.

Ayant constaté des dégradations sur les murs de la maison ainsi que sur la chaudière lors de son déplacement dans le sous-sol et l’absence de fonctionnement de la chaudière, les époux [Z] n’ont pas réglé la facture adressée le 22 mai 2020 par la société les Bons Artisans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2020, les époux [Z] ont fait connaître à la société les Bons Artisans tous les griefs qu’ils entendaient formuler tant sur les dégradations commises que sur l’absence de fonctionnement de la chaudière et l’ont mise en demeure de faire intervenir une entreprise agréée pour y remédier.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juin 2020, le conseil des époux [Z] a mis en demeure la société les Bons Artisans de procéder à ses frais à la désinstallation et au retrait de la chaudière, et de payer la somme de 4.970,40 euros en réparation des préjudices subis.

Le 6 juillet 2020, la société les Bons Artisans a, elle-même, mis en demeure M. et Mme [Z] d’avoir à lui payer la somme de 6.600 euros au titre de la facture des travaux.

Aucun accord amiable n’a été trouvé entre les parties.

Le 1er septembre 2020, une expertise amiable a été réalisée par le cabinet SARETEC à la demande de l’assureur des époux [Z]. La société les Bons Artisans, bien que convoquée, ne s’y est pas présentée.

C’est dans ces conditions que, par acte du 20 octobre 2020, les époux [Z] ont fait assigner la société les Bons Artisans, selon la procédure à jour fixe autorisée par ordonnance du président du 15 octobre 2020, devant le tribunal judiciaire d’Albertville aux fins de :

— à titre principal dire que leur rétractation est parfaite à la date de leur courrier du 24 mai 2020,

— à titre subsidiaire prononcer la résolution du contrat,

— condamner la société les Bons Artisans au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, outre une indemnité procédurale et les dépens.

La société les Bons Artisans n’a pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire d’Albertville a :

prononcé la résolution du contrat de vente intervenu entre les époux [Z] et la société les Bons Artisans selon facture du 22 mai 2020,

condamné la société les Bons Artisans à reprendre possession de la chaudière fioul condensation ECS kimeo nox duo à charge pour elle d’en assumer le rapatriement à ses frais exclusifs, et ce dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de la signification de la décision,

dit que cette obligation sera assortie d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la signification du jugement,

dit qu’il appartiendra le cas échéant aux époux [Z] de saisir le juge de l’exécution pour la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé d’une nouvelle astreinte,

condamné la société les Bons Artisans à payer à M. et Mme [Z] :

' la somme de 1 470.40 euros au titre des préjudices matériels,

' la somme de 2 800 euros au titre du préjudice de jouissance,

' la somme de 1 000 euros au titre de leur préjudice moral,

' la somme de 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté les époux [Z] du surplus de leurs demandes,

condamné la société les Bons Artisans aux dépens, qui incluront les frais de constat de Me [O] (489,20 euros),

dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision.

Par déclaration du 09 février 2021, la société les Bons Artisans a interjeté appel de ce jugement.

L’affaire a été clôturée à la date du 4 juillet 2022 et renvoyée à l’audience du 6 septembre 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 20 octobre 2022.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société les Bons Artisans demande en dernier lieu à la cour de :

réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— prononcé la résolution du contrat de vente intervenu entre les époux [Z] et la société les Bons Artisans selon facture du 22 mai 2020,

— condamné la société les Bons Artisans à reprendre possession de la chaudière fioul condensation ECS kimeo nox duo à charge pour elle d’en assumer le rapatriement à ses frais exclusifs, et ce dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de la signification de la présente décision,

— dit que cette obligation sera assortie d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la signification du présent jugement,

— dit qu’il appartiendra le cas échéant aux époux [Z] de saisir le juge de l’exécution pour la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé d’une nouvelle astreinte,

— condamné la société les Bons Artisans à payer à M. et Mme [Z] :

' la somme de 1.470.40 euros au titre des préjudices matériels,

' la somme de 2.800 euros au titre du préjudice de jouissance,

' la somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice moral,

' la somme de 1.000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société les Bons Artisans aux dépens, qui incluront les frais de constat de Me [O] (489,20 euros),

— dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [Z] du surplus de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

débouter purement et simplement les époux [Z] de l’ensemble de leurs demandes, appel incident, fins et prétentions contraires,

condamner les époux [Z] à verser à la société les Bons Artisans la somme de 6.600 euros en paiement de la facture 351846 outre la somme de 200 euros au titre des frais engagés pour venir récupérer la chaudière,

prendre acte de ce que la société les Bons Artisans tient à la disposition des époux [Z] la chaudière objet des débats,

prendre acte de ce que la société les Bons Artisans s’engage à livrer de nouveau, si tel est le souhait des époux [Z] la chaudière, à charge pour eux de régler en sus des frais de pose d’un montant de 1 490.50 euros TTC,

A titre subsidiaire, si la cour venait confirmer le jugement entrepris,

débouter les époux [Z] de leur demande en paiement de la facture relative au nettoyage du garage pour un montant de 110.40 euros,

débouter les époux [Z] de leur demande en paiement de la somme de 1 360 euros au titre de la reprise des boiseries, de la maçonnerie et du vernis de la frisette,

limiter à de plus justes proportions la somme allouée aux époux [Z] au titre du préjudice de jouissance,

limiter à de plus justes proportions la somme allouée aux époux [Z] au titre du préjudice moral,

débouter les époux [Z] de leur demande en remboursement de la facture d’huissier,

débouter les époux [Z] de leur demande indemnitaire au titre d’une prétendue résistance abusive,

En tout état de cause,

débouter les époux [Z] de leurs demandes nouvelles formées en cause d’appel au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile,

condamner les époux [Z] à verser à la société les Bons Artisans la somme de 2.000 euros au titre de l’article de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner les époux [Z] aux entiers dépens d’instance et d’appel.

En réplique, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [Z] demandent en dernier lieu à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— prononcé la résolution du contrat de vente intervenu entre les époux [Z] et la société les Bons Artisans selon facture du 22 mai 2020,

— condamné la société les Bons Artisans à reprendre possession de la chaudière fioul condensation ECS kimeo nox duo à charge pour elle d’en assumer le rapatriement à ses frais exclusifs, et ce dans un délai n’excédant pas deux mois à compter de la signification de la présente décision,

— dit que cette obligation sera assortie d’une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la signification du présent jugement,

— dit qu’il appartiendra le cas échéant aux époux [Z] de saisir le juge de l’exécution pour la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé d’une nouvelle astreinte,

— condamné la société les Bons Artisans à payer à M. et Mme [Z] :

' la somme de 1.470.40 euros au titre des préjudices matériels,

' la somme de 2.800 euros au titre du préjudice de jouissance,

' la somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice moral,

' la somme de 1.000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

' la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société les Bons Artisans aux dépens, qui incluront les frais de constat de Me [O] (489,20 euros),

réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les époux [Z] du surplus de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

débouter la société les Bons Artisans de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

prononcer la résolution du contrat également pour manquement de la société les Bons Artisans à son obligation de délivrance conforme,

à défaut, constater la résolution du contrat à l’initiative des époux [Z] pour inexécution dolosive des installateurs, et en tirer toutes les conséquences de droit sur l’indemnisation des préjudices subis par les époux [Z],

condamner la société les Bons Artisans à verser aux époux [Z] la somme de 2.274.88 euros au titre du remplacement de la porte d’entrée dégradée,

condamner la société les Bons Artisans à verser aux époux [Z] la somme de 1.800 euros supplémentaires au titre du préjudice de jouissance,

condamner la société les Bons Artisans à verser aux époux [Z] la somme de 1.500 euros supplémentaires en réparation de leur préjudice moral,

condamner la société les Bons Artisans à verser aux époux [Z] la somme de 1.000 supplémentaires de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

En, tout état de cause,

condamner la société les Bons Artisans à verser aux époux [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la société les Bons Artisans aux entiers dépens de l’instance, de l’appel et de l’exécution forcée éventuelle.

MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur la résolution du contrat

La société les Bons Artisans fait grief au jugement déféré d’avoir prononcé la résolution du contrat à ses torts exclusifs alors, selon elle, que :

— une telle demande serait irrecevable dès lors que les époux [Z] ont d’eux-mêmes prononcé cette résolution de manière unilatérale,

— elle serait mal fondée, tant sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme que sur celui de l’inexécution contractuelle.

Les époux [Z] réitèrent en appel le moyen écarté par le premier juge d’une résolution fondée sur l’absence de délivrance conforme.

Il convient de souligner que la société les Bons Artisans ne soulève aucune fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, aucune demande de cet ordre ne figurant dans le dispositif de ses conclusions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de la demande.

Sur l’existence d’une résolution unilatérale du contrat:

La société les Bons Artisans soutient donc que les époux [Z] ne pourraient prétendre obtenir une résolution judiciaire du contrat alors qu’ils l’ont eux-même rompu par courrier de leur conseil du 9 juin 2020, faisant ainsi application de l’article 1226 du code civil.

Ce texte dispose que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Il résulte des pièces produites que, si, dans son courrier du 9 juin 2020, le conseil des époux [Z] a effectivement fait valoir que les manquements dénoncés pourraient justifier la résolution du contrat, il apparaît toutefois que cette mise en demeure est faite afin de tenter de trouver une solution amiable au litige (pièce n° 7 de l’appelante). En l’absence de mise en demeure préalable et de notification définitive de la résolution du contrat dans les conditions de l’article 1226 précité, le moyen développé par la société les Bons Artisans est inopérant, ce d’autant que les époux [Z] ont eux-mêmes pris l’initiative de l’action en justice et n’entendent pas se prévaloir de la résolution unilatérale du contrat.

Sur l’absence de délivrance conforme:

Selon l’article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.

En application de l’article L. 217-4 du code de la consommation, le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

Il répond également des défauts de conformité résultant de l’emballage, des instructions de montage ou de l’installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.

L’article L. 217-9 dispose qu’en cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien.

Et l’article L. 217-10 prévoit que, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.

La même faculté lui est ouverte :

1° si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l’article L. 217-9 ne peut être mise en oeuvre dans le délai d’un mois suivant la réclamation de l’acheteur,

2° ou si cette solution ne peut l’être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l’usage qu’il recherche.

La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.

En l’espèce, il résulte des pièces produites aux débats que, si la chaudière livrée est effectivement conforme à celle qui a été commandée, pour autant, l’expert amiable, qui a en vain convoqué la société les Bons Artisans, relève les défauts suivants affectant particulièrement son installation (pièce n° 8 des intimés):

— le capot de la chaudière présente des dégradations (déformations, rayures),

— les câbles électriques alimentant le circulateur sont protégés par un flexible de douche, la gaine électrique n’est pas isolée, installation non conforme,

— l’alimentation électrique de la chaudière est faite depuis un bornier électrique sans être reliée à la terre, installation non conforme,

— le bornier est relié à un tableau divisionnaire dont les portes fusibles ont été shuntés (ouvert) et l’alimentation de la chaudière est reprise sur un contacteur. L’installation n’est pas protégée et n’est pas conforme. Le risque d’électrocution est majeur.

— l’évacuation des condensats n’est pas raccordée à l’égoût mais s’écoule au sol, installation non conforme,

— le conduit d’évacuation des fumées présente deux coudes à 90°, la pente n’est pas conforme.

L’expert, M. [L], conclut en définitive que l’installation «est non conforme et dangereuse».

Ainsi, si l’expert ne note pas d’absence de fonctionnement de la chaudière à proprement parler, il relève de nombreuses non conformités de l’installation de nature à rendre son usage dangereux.

La société les Bons Artisans conteste ces conclusions. Toutefois le procès-verbal de constat d’huissier établi à la demande de M. et Mme [Z] le 25 mai 2020, soit quelques jours après l’installation du matériel (pièce n° 7 des intimés), permet de constater que les non-conformités relevées par l’expert existaient déjà à cette date. L’huissier a en outre constaté que la chaudière ne fonctionnait pas.

La société les Bons Artisans ne produit, pour sa part, aucun élément technique de nature à justifier que l’installation jugée non conforme serait en réalité parfaitement fonctionnelle et conforme comme elle le soutient.

Or le professionnel est tenu de fournir à son client une installation en état de servir à l’usage auquel elle est destinée. Une installation manifestement dangereuse ne peut être considérée comme conforme.

Les non-conformités relevées sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat, étant souligné que la société les Bons Artisans n’a jamais proposé de remédier aux non-conformités dans le délai d’un mois prévu par l’article L. 217-10 du code de la consommation précité.

En effet, si la société les Bons Artisans a répondu le 26 mai 2020 aux époux [Z] c’est simplement pour leur dire ceci (pièce n° 5 de l’appelante):

«Nous vous confirmons la prise en charge de votre réclamation. Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information et vous invitons à transmettre mes coordonnées à l’organisme que jugerez bon de saisir pour vous représentez.

Nous restons bien évidemment à votre disposition pour tout complément d’information et vous transmettons un protocole d’accord reprenant notre proposition de résolution amiable du litige nous opposant dans la journée» (sic).

Le protocole d’accord adressé le même jour (pièce n° 6 de l’appelante) ne contient pas plus de proposition technique précise, puisqu’il y est seulement indiqué que la société les Bons Artisans «s’engage à procéder à la remise en route de la chaudière installé par ses soins» (sic), sans aucune référence aux non conformités déjà connues, ce qui ne remplit pas les conditions de l’article L. 217-10.

Par ailleurs, dès le 24 mai 2020, les époux [Z] se sont plaints du dysfonctionnement de la chaudière, de sorte que la société les Bons Artisans ne peut sérieusement prétendre que la chaudière aurait normalement fonctionné à son installation, ce qu’elle reconnaît d’ailleurs par l’envoi de la «proposition» relatée ci-dessus.

En conséquence, la résolution du contrat sera confirmée, mais par substitution de motifs et sur le fondement de la non-conformité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens développés de ce chef.

La résolution entraînant l’anéantissement rétroactif du contrat, la société les Bons Artisans ne peut prétendre au paiement de sa facture et sera en conséquence déboutée de cette demande.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a ordonné la reprise du matériel par la société les Bons Artisans, ainsi que l’astreinte prononcée.

2/ Sur les préjudices subis

M. et Mme [Z] soutiennent que non seulement la chaudière n’est pas fonctionnelle, mais qu’en outre, lors de son installation, diverses dégradations ont été commises dans leur maison : porte et lambris de l’escalier d’accès à la cave éraflés, deux nez de marches cassés, déversement de fioul dans leur sous-sol.

La société les Bons Artisans conteste que son installateur soit responsable des dégradations alléguées.

Il résulte des pièces produites aux débats, justement analysées par le premier juge, que :

— l’ensemble des ces dégradations ont été dénoncées à la société les Bons Artisans par les époux [Z] dès le 22 mai 2020, soit le jour même de l’installation, et réitérées par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mai 2020,

— elles ont été dûment constatées par huissier dès le 25 mai 2020, y compris la présence de fioul au sol, avec les odeurs qui en découlent.

Ces éléments sont suffisants pour établir le lien de causalité entre l’intervention du sous-traitant de la société les Bons Artisans et ces dégradations, parfaitement anormales, dont l’entreprise doit répondre. Il convient de souligner que les difficultés rencontrées par les poseurs pour transporter la chaudière dans le sous-sol sont notamment liées au fait qu’aucun technicien ne s’est rendu sur place avant la livraison pour vérifier que le matériel était techniquement adapté aux lieux, notamment en taille.

Les préjudices matériels justifiés sont donc les suivants :

— nettoyage de la cave: 110,40 euros

— reprise des boiseries, maçonnerie et peinture: 1.360,00 euros.

En ce qui concerne la porte d’entrée, dont les époux [Z] demandent le remplacement pour la somme de 2.274,88 euros, force est de constater que l’huissier n’a constaté que quelques éraflures sur la porte d’accès à la cave, et non sur la porte d’entrée de l’habitation. Les éraflures constatées par l’huissier ne justifient pas un remplacement de cette porte, et le devis produit concerne une porte-fenêtre, ce qui ne correspond pas à une porte de cave. En l’absence de justificatifs probants, c’est à juste titre que le premier juge a rejeté cette demande.

S’agissant du préjudice de jouissance, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que:

— l’absence d’eau chaude et de chauffage pendant plusieurs mois a causé un préjudice de jouissance aux époux [Z],

— ils n’ont toutefois pas justifié de la valeur locative de leur maison dont ils n’ont jamais prétendu qu’ils auraient été obligés de la quitter, le préjudice de jouissance n’étant donc pas total.

La société les Bons Artisans ne formule aucune observation sur l’évaluation de ce préjudice par le tribunal.

Les époux [Z] sollicitent la confirmation de l’indemnité allouée par le tribunal pour 7 mois, soit de mai à décembre 2020, pour 2.800 euros. Compte tenu des justificatifs produits, il y a lieu de confirmer cette évaluation.

La société les Bons Artisans prétend que le complément de demande de préjudice de jouissance présenté par les intimés serait une demande nouvelle. Toutefois elle ne conclut pas, dans le dispositif de ses conclusions, à l’irrecevabilité de ces demandes qui, en tout état de cause, ne sont pas nouvelles puisque répondant aux critères définis par les articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Il apparaît aujourd’hui que la chaudière a été enlevée le 18 mars 2021, de sorte que le préjudice de jouissance s’est poursuivi trois mois supplémentaires, ce qui justifie, sur la même base d’évaluation que celle retenue à juste titre par le tribunal de 400 euros par mois, soit la somme supplémentaire de 1.200 euros qui leur sera allouée.

Concernant le préjudice moral, c’est encore par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que les certificats médicaux produits démontrent qu’en considération de leurs états de santé respectifs, et de leur âge (73 et 77 ans), la vie dans une atmosphère froide et humide pendant plusieurs mois, sans compter les tracas liés à cette affaire, a incontestablement causé à M. et Mme [Z] un préjudice moral.

La somme allouée de 1.000 euros, qui répare intégralement ce préjudice, sera confirmée, l’allocation d’une somme complémentaire n’étant pas justifiée.

3/ Sur la résistance abusive

La société les Bons Artisans fait grief au jugement déféré d’avoir alloué à M. et Mme [Z] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement de ce chef.

Toutefois, ils ne justifient pas d’un préjudice distinct de ceux déjà réparés ci-dessus et liés à la responsabilité contractuelle de la société les Bons Artisans, ni qu’une faute distincte, de nature délictuelle, aurait été commise pas celle-ci.

En effet, l’attitude procédurale de la société les Bons Artisans ne peut être jugée fautive puisqu’elle n’a pas comparu devant le tribunal et n’a fait qu’exercer son droit de recours en formant appel de la décision déférée.

Aucune résistance abusive justifiant l’allocation de dommages et intérêts supplémentaires n’est établie, de sorte que le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

4/ Sur les autres demandes

C’est à tort que le tribunal a inclus dans les dépens le coût du constat d’huissier établi à la demande de M. et Mme [Z]. En effet, il ne s’agit pas d’un acte de la procédure, mais d’un mode de preuve, lequel ne peut entrer dans les dépens, mais seulement être pris en compte dans l’allocation de l’indemnité au titre des frais irrépétibles.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [Z] la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

La société les Bons Artisans, qui succombe à titre principal, supportera les dépens de l’appel.

Les frais d’exécution forcée sont, dans les circonstances de l’espèce, des frais éventuels, ce qui ne justifie pas de faire application des dispositions de l’article R. 631-4 du code de la consommation. En conséquence, il y a lieu de débouter les époux M. et Mme [Z] de leur demande visant à ce que la société les Bons Artisans soit, par anticipation, condamnée à en supporter le coût.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Albertville le 15 décembre 2020, sauf en ce qu’il a :

— condamné la société les Bons Artisans à payer à M. [V] [Z] et Mme [R] [Z] la somme de 1.000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— condamné la société les Bons Artisans aux dépens qui incluront les frais de constat de Me [O] (489,20 euros),

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Déboute M. [V] [Z] et Mme [R] [Z] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et de leur demande au titre des frais de constat d’huissier,

Y ajoutant,

Déboute la société les Bons Artisans de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la société les Bons Artisans à payer à M. [V] [Z] et Mme [R] [Z] la somme supplémentaire de 1.200 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Déboute M. [V] [Z] et Mme [R] [Z] du surplus de leurs demandes,

Condamne la société les Bons Artisans à payer à M. [V] [Z] et Mme [R] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel,

Condamne la société les Bons Artisans aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 20 octobre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La GreffièreLa Présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Chambéry, 2e chambre, 20 octobre 2022, n° 21/00290