Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 8 février 2022, n° 20/00061

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 8 févr. 2022, n° 20/00061
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 20/00061
Décision précédente : Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, 17 décembre 2019, N° 2018J01102
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MF/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 08 Février 2022


N° RG 20/00061 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GMPC


Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 18 Décembre 2019, RG 2018J01102

Appelante

S.A.S. X Y SAS, dont le siège social est situé […]


Représentée par Me Z A-B, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimée

SAS BOUYGUES IMMOBILIER dont le siège social est situé […]


Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocats postulants au barreau de CHAMBERY


Représentée par la SELAS LEGA-CITE, avocats plaidants au barreau de LYON


-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 18 janvier 2022 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :


- M. Michel FICAGNA, Président, qui a procédé au rapport,


- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,


- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,


-=-=-=-=-=-=-=-=-


Dans le cadre d’un chantier de construction dénommé Sakura à Ambilly (74), la société Bouygues Immobilier a confié le lot ravalement ITE à la société X Y pour un montant de 238 800 euros ttc.


Invoquant un non-respect de la procédure contractuelle de règlement des situations de travaux, les situations n° 4, 5 et 6 n’ont pas été payées par la société Bouygues.

Par acte du 5 avril 2018, la société X Y a ainsi assigné la société Bouygues Immobilier devant le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains en paiement des sommes suivantes :


- 129 086,18 euros ttc au titre de ses factures de situation, avec intérêts à compter de la mise en demeure,


- 4 000 euros au titre de résistance abusive,


- 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En cours d’instance, la société Bouygues Immobilier, indiquant avoir reçu les pièces manquantes, a procédé au règlement du principal.


Par ailleurs, la société X Y a notifié au maître d''uvre le mémoire définitif de ses travaux.


La sas Bouygues Immobilier a notifié en retour son décompte général définitif (DGD) par LRAR en date du 8 juin 2018, qui faisait apparaître une retenue de 2 400 €.


La société X Y a contesté cette retenue par lettre recommandée du 25 juin 2018 adressée à la société Bouygues Immobilier.


Modifiant ses demandes initiales, la société X Y a sollicité du tribunal de commerce saisi le paiement des intérêts majorés, sur le principal réglé ainsi que la condamnation de la société Bouygues Immobilier à lui payer la retenue de 2400 € pratiquée à tort selon elle, outre une somme de 4 000 € au titre de la résistance abusive.

Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a débouté la société Y de l’intégralité de ses demandes.


La société Y a interjeté appel par déclaration du 14 janvier 2020.

Aux termes de ses conclusions d’appelante du 4 décembre 2021, elle demande à la cour :


Vu l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,


Vu l’article l. 441-6 du code de commerce, vu l’article 1342-19 du code civil,


- d’infirmer le jugement de du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains en date du 18 décembre 2019 en toutes ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,


- de dire et juger que les dispositions du CCCMES ne sont pas opposables à la sas X Y, en conséquence,


- de condamner la sas Bouygues Immobilier à payer à la sas X Y la somme de 2 783,23 euros au titre des intérêts moratoires dus sur le règlement tardif des situations 4, 5 et 6 en application des dispositions de l’article l. 441-6 du code de commerce,


- de condamner la sas Bouygues Immobilier à payer à la sas X Y la somme de 2 400 euros au titre du solde de son marché, outre les intérêts moratoires à compter du 25 juin 2018 au taux de la BCE majoré de 10 points conformément aux dispositions de l’article l. 441-6 du code de commerce,


- de condamner la sas Bouygues Immobilier à payer à la sas X Y la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,


- de dire et juger que les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,


- de condamner la sas Bouygues Immobilier à payer à la sas X Y la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- de la condamner encore aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Z A B, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Elle soutient :


- que l’exemplaire du CCMES communiqué par la sas Bouygues Immobilier n’est pas celui qui a été signé par la sas X Y mais celui d’une autre société, la Société Alpes Sols, société qui est intervenue postérieurement dans l’exécution de l’opération (en effet, sur la page 1 dudit document, c’est le tampon de la société Alpes Sols et la signature de son représentant qui figurent dans l’encadré intitulé « l’entrepreneur » et non ceux de la sas X Y),
- que la pièce adverse n°9 est la première page de la reliure d’une autre opération « anagramme » au lieu de « Sakura »,


- que la preuve n’est pas rapportée que la sas X Y avait connaissance de ces dispositions ni au moment de la conclusion du marché, ni lors l’établissement des différentes situations de travaux,


- que le règlement de 140 318,48 euros ttc est intervenu le 26 avril 2018, soit les retards suivants dans le paiement des situations :


- 96 jours de retard dans le règlement de la situation n°4 – facture n°1711042 du 20/11/2017 d’un montant de 57 091,64 euros ttc, échéance au 20 janvier 2018, soit un montant de 1 501,59 euros au titre des intérêts moratoires correspondants,


- 66 jours de retard dans le règlement de la situation n°5- facture n°1712081 du 19/12/2017 d’un montant de 58 573,84 euros ttc, échéance au 19 février 2018, soit un montant de 1 059,14 euros au titre des intérêts moratoires correspondants,


- 30 jours de retard dans le règlement de la situation n°6 – facture n°1801037 du 26/01/2018 d’un montant de 27 070,22 euros ttc, échéance au 26 mars 2018, soit un montant de 222,49 euros au titre des intérêts moratoires correspondants,


Soit un total de 2 783,23 euros au titre des intérêts de retard,


- que la société s.a.s X Y a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juin 2018, régulièrement contesté l’application de la retenue de 2 400 euros ttc dans le décompte général définitif,


- que l’origine de ces travaux supplémentaires ne s’expliquait en aucun cas de son fait,


- que si la hauteur de pose des garde-corps avait été respectée, les couvertines que la concluante était chargée de poser auraient pu être installées sans difficulté, et qu’elle ne peut donc en aucun cas être tenue pour responsable du coût de la dépose et repose du garde-corps.

La société Bouygues Immobilier, aux termes de ses conclusions d’intimée n° 2 en date du 3 décembre 2021 demande à la cour :


Vu les dispositions de l’article 1240 du code civil,


- de rejeter purement et simplement l’ensemble des demandes de la société X Y,


- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de thonon du 18 décembre 2019 en toute ses dispositions,


- de condamner la société X Y à payer à la Sas Bouygues Immobilier la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- de condamner la même aux entiers frais et dépens de la présente instance.


Elle soutient :


- que la société Y n’a pas respecté le formalisme du CCCMES qui lui était pourtant bien opposable, puisque remis lors de la consultation des entreprises ce qui résulte de sa signature sur la « reliure notaire » en première et dernière page,


- que la procédure d’apurement des comptes du marché de travaux est régie par la norme afnor nfp 03.001, à défaut des stipulations du CCCMES lequel prévoit que passé un délai de 15 jours, à défaut de contestation, le décompte général définitif notifié par la société est réputé être accepté,


- que la retenue pratiquée était parfaitement justifiée.

MOTIFS Sur l’opposabilité du cahier des clauses et charges applicables aux marchés de travaux en corps d’état séparés


La société Y produit le marché de travaux qu’elle a signé le 1er mars 2016 et qui mentionne en page 6 que le présent marché comprend :

' 3. cahier des clauses et charges applicables aux marchés de travaux en corps d’état séparés (CCCM) mis à jour en novembre 2015 et ses annexes (…)'


Tout au long de ce marché, il est renvoyé expressément et à de nombreuses reprises aux dispositions de ce CCCM : établissement des situation de travaux, paiements, délais, pénalités etc. La société Y l’a d’ailleurs respecté en ce qui concerne les premières situations de travaux.


En outre il est produit la première page d’un document intitulé :

' liste des pièces contractuelles du dossier marché'

' Sakura Ambilly, construction d’un ensemble immobilier de 82 logements'

sur laquelle figure le tampon et la signature de la société Y.


En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que le CCCM était bien opposable à la société Y.

Sur les intérêts


Le formalisme du CCCM n’ayant pas été respecté par la société Y, (la sas Bouygues Immobilier apporte la preuve qu’elle a réclamé à plusieurs reprises à la société X Y les bons d’acomptes et qu’elle a procédé au règlement dans les quinze jours suivant leur transmission), la demande d’intérêts sera rejetée.

Sur la retenue pratiquée sur le décompte général définitif


Cette retenue concerne le surcoût de la dépose et repose d’un garde-corps imputée sur le décompte général et définitif de la sas X Y au titre du compte interentreprises pour un montant de 2 400 euros ttc.


Le CCCM prévoit :

« dans l’hypothèse où /'entrepreneur aura fourni à la société sa proposition décompte général définitif, la société fera vérifier cette proposition par le Maître d''uvre d’exécution dans un délai de deux mois après sa remise par /'entrepreneur. La société notifiera ensuite à l’entrepreneur le décompte vérifié ou établi par le Maître d''uvre d’exécution. Si l’entrepreneur refuse d’accepter le décompte général définitif arrêté par le maître d''uvre d’exécution et validée par la société, il lui sera accordé un délai de 15 jours pour présenter, sous pli recommandé, sa contestation. Passé ce délai et à défaut de contestation, le décompte général définitif notifié par la société est réputé être accepté ».


En l’espèce, la notification du DGD a été faite le 8 juin 2018 par lettre recommandée. Cette date a fait courir le délai de 15 jours pour l’entreprise pour le contester.


Le délai commençant à courir le lendemain à zéro heure, soit le 9 juin 2018 à zéro heure, la société Y devait notifier sa contestation avant le 24 juin 2018, date reportée au lundi 25 juin 2018. La société Y ayant adressé sa contestation par lettre recommandée en date du 25 juin 2018, le délai de quinzaine a été respecté.


D’autre part, cette lettre du 25 juin 2018 comporte bien l’énoncé précis de la contestation, à savoir : refacturation sur le compte interentreprise de la dépose et repose du garde corps pour un montant de 2 000 €, pose non conforme aux plans de l’architecte.


La société Bouygues soutient qu’il convient en filigrane, de se référer à la norme afnor nfp 03.001, qui prévoit en son article 19.6.3 que l’entreprise devait adresser « ses observations éventuelles au maître d''uvre et pour en aviser simultanément le maître d’ouvrage », de sorte que la société Y n’ayant pas adressé sa contestation au maître d''uvre concomitamment, elle ne serait pas régulière.
Toutefois, le CCCM indique en son article 1 que la norme Afnor NF P 03-001 fait expressément partie des documents contractuels généraux :

' étant précisé que ce présent CCCM a une valeur contractuelle supérieure et que les dispositions de la norme qui seraient contraires, ou même complémentaires, aux dispositions du présent CCCM ne sont pas applicables '.


Il en résulte que la norme Afnor ne peut être invoquée pour voir imposer à la société Y un formalisme complémentaire quant aux destinataires de la contestation du DGD.


Il résulte des éléments ci-dessus que la contestation a été régulièrement faite par la société Y.

Sur le bien fondé de la contestation


La société Bouygues justifie par un courrier du maître d’oeuvre que suite au retard de la société Y pour la pose des couvertines en tête de mur de terrasse, les gardes corps ont été posés par l’entreprise ACT pour assurer la protection collective. Il s’est alors avéré que la pose des couvertines n’a plus été possible faute de hauteur suffisante. La société ACT a donc démonté les garde-corps pour un coût facturé de 2400 € .


Les comptes-rendus de chantier confirme ces explications.


Dans un message du 27 octobre 2017, la société Y, a indiqué :

'concernant les garde-corps en terrasse, nous sommes en retard pour les couvertines, cela ne se discute pas.'


Toutefois, il est également certain que cette société n’est pas seule responsable puisqu’il était aisé à la société ACT de réserver un espace suffisant pour la pose de la couvertine en acier laqué. Les plans d’architectes produits montrent effectivement que les garde-corps devaient être posés à une hauteur permettant de glisser la couvertine au-dessous.


Les fautes d’exécution ou de maîtrise d’oeuvre absorbent totalement les conséquences du retard de la société Y.


En conséquence, c’est à juste titre que la société Y a contesté cette retenue qui lui sera remboursée.


Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les demandes accessoires de la société Y


La société Y ayant été déboutée de ses demandes principales en première instance, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur l’article 700 du code de procédure civile


L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens


Chaque partie devra conserver la charge de ses propres dépens .

PAR CES MOTIFS


La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,


Réformant partiellement le jugement déféré, et statuant de nouveau sur le tout,


Dit que le CCCM version 4 novembre 2015 est opposable à la société X Y dans le cadre du marché Sakura, à Ambilly,
Déboute la société X Y de sa demande au titre des intérêts moratoires dus sur le règlement tardif des situations 4, 5 et 6,


Condamne la société Bouygues Immobilier à payer à la société X Y la somme de 2 400 € au titre du solde de son marché, outre les intérêts moratoires à compter du 25 juin 2018 au taux de la BCE majoré de 10 points conformément aux dispositions de l’article l. 441-6 du code de commerce,


Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle avancés, dont distraction au profit de maître Z A B, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.


Ainsi prononcé publiquement le 08 février 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.


Le Greffier, Le Président,
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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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