Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 11 janvier 2021, n° 18/04720

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 11 janv. 2021, n° 18/04720
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 18/04720
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Colmar, 4 juillet 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

MRN/SD

MINUTE N°

9/21

Copie exécutoire à

—  Me Thierry CAHN

—  Me Mathilde SEILLE

Le 11.01.2021

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 11 Janvier 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 18/04720 – N° Portalis DBVW-V-B7C-G4VJ

Décision déférée à la Cour : 05 Juillet 2018 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COLMAR

APPELANTE :

SARL QUAI 5

prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur Y X

[…]

[…]

Représenté par Me Mathilde SEILLE, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. Y X, associé de la SARL Quai 5, est titulaire d’un compte courant d’associé, dont il a demandé le remboursement du solde.

Par jugement du 5 juillet 2018 du tribunal de grande instance de Colmar, la société Quai 5 a été condamnée à lui payer la somme de 15 295,64 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2016, outre celle de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 29 octobre 2018, la société Quai 5 a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 22 juin 2020, transmises par voie électronique le même jour, la société Quai 5 conclut à son infirmation et demande à la cour de :

— dire et juger que les montants dus à M. X au titre du compte d’associé ne peuvent excéder la somme de 11 295,64 euros,

— lui accorder, en application de l’article 1343-5 du code civil, les plus larges délais de paiement, soit deux années en attendant le redressement de la société Quai 5,

— rejeter les autres prétentions,

— condamner M. X aux dépens des deux instances.

Elle expose que M. A X est gérant, associé à 51 %, M. Y X, son frère, étant associé à 40 % et B X à 9 %.

Elle soutient que se pose d’abord la question de l’exigibilité des montants au regard de l’article 15 des statuts et de l’absence d’accord commun et de décision collective des associés et que le juge peut décider de reporter ou d’échelonner dans la limite de deux années le remboursement du compte d’associés.

A l’appui de sa demande de délais de paiement, elle soutient que la société Quai 5 connaît des problèmes de trésorerie, que le fait de demander un remboursement immédiat de la totalité du compte constitue un abus de droit, dès lors qu’il empêche le gérant, qui bénéficie d’un compte courant dont le solde est supérieur à 40 000 euros, d’obtenir pareille somme, et qu’il aurait fallu procéder à un règlement au prorata des montants totaux dus par les différents associés. Elle ajoute que M. X a souhaité se désintéresser de l’entreprise et se faire payer en premier, ce qui ne correspond pas à l’intérêt social, ni à l’égalité entre associés.

S’agissant du montant du solde du compte courant d’associé de M. X, elle soutient qu’il s’élève à 11 295,64 euros, après deux retraits de sa part pour une somme totale de 4 000 euros sur l’exercice 2010. Elle invoque les comptes établis par l’expert-comptable, les sommes comptabilisées dans le Grand-Livre, le protocole d’accord du 2 septembre 2011 mentionnant que le montant dû s’élève à 11 295,64 euros et l’assemblée générale de 2011 et de 2012 validant les comptes des années 2010 et 2011. Elle précise que M. X a toute capacité pour demander le bilan et en apprécier la portée, étant actuellement président d’une SAS qui exploite un restaurant-brasserie.

Elle conteste l’existence d’un abus de majorité, soutenant que 'le concluant’ se faisait payer deux fois moins que le Smic et était le seul à travailler dans l’entreprise.

La société Quai 5 ajoute que le compte courant d’associé 'du concluant’ est principalement destiné à accueillir les salaires non perçus, et que pour les autres associés, il s’agit 'du capital en apport à la création de la société'.

Dans ses conclusions du 29 avril 2020, transmises par voie électronique le même jour, M. Y X demande à la cour de :

— déclarer l’appel mal fondé et le rejeter,

— rejeter les demandes de la société Quai 5,

— condamner la société Quai 5 à lui payer, au titre du remboursement de son compte courant d’associé, la somme de 15 295,64 euros, subsidiairement, la somme de 11 295,64 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2016,

— condamner la société Quai 5 à lui payer, à titre de dommages-intérêts pour résistance manifestement abusive, la somme de 1 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la demande,

— condamner la société Quai 5 aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel et, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une somme de 3 000 euros au titre de la première instance et une autre somme de 3 000 euros au titre de la procédure d’appel.

M. X soutient que le paiement à première demande du solde du compte courant d’associé est de droit, que l’analyse développée par la société Quai 5 reviendrait à spolier un associé de son droit à remboursement tant que l’associé majoritaire n’en décide autrement et qu’une telle clause Léonie, contraire à l’affectio societatis, est prohibée en droit des sociétés. Il constate qu’en dépit de son analyse, la société Quai 5 ne s’oppose pas sur le principe au remboursement.

Sur le montant, il conteste avoir réalisé les retraits qui lui sont imputés et soutient que la société Quai 5 ne prouve pas qu’il aurait réalisé de tels prélèvements. Il conteste avoir conclu un protocole d’accord, que le document produit aux débats consiste en une proposition d’accord transactionnel et que l’emploi du conditionnel lui ôte tout caractère contraignant et que l’emploi du terme 'accord éventuel’ montre qu’il s’agissait d’un document de travail.

Il ajoute qu’il n’est pas établi que les comptes 2013 à 2016 aient été approuvés par l’assemblée générale, de sorte qu’ils ne lui sont pas opposables, que les comptes 2009 et 2010 sont antérieurs et dont inopérants, et qu’il n’est pas établi que les comptes 2011 reprendraient son compte courant minoré et que le fait que ni Mme B X, ni lui-même ne les ont approuvés caractérise un abus de majorité de l’associé majoritaire, qui leur est inopposable.

Il s’oppose à l’octroi de délais de paiement, soutenant que la société Quai 5 ne justifie pas de sa situation financière et/ou de trésorerie et qu’elle a déjà bénéficié de délais de paiement de facto.

A l’appui de sa demande de dommages-intérêts pour abus de majorité, il évoque l’attitude de refus de la société Quai 5 de lui payer sa dette, même après avoir proposé de payer en douze mensualités et après avoir été condamnée.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 octobre 2020.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de condamnation au remboursement du solde du compte courant d’associé de M. Y X :

Il convient de rappeler que les comptes courant d’associés sont, sauf convention contraire, remboursables à tout moment

L’article 15 des statuts intitulé 'Comptes courants d’associés’ prévoit que : 'les associés peuvent laisser ou mettre à la disposition de la Société toutes sommes dont celle-ci peut avoir besoin. Les conditions de retrait de ces sommes et leur rémunération sont fixées soit d’accord commun entre la gérance et l’associé intéressé, soit par décision collective des associés. Si l’avance en compte courant est effectuée par un gérant, ses conditions de retrait et de rémunération sont fixées par décision collective des associés. En tout état de cause, les conventions des avances en comptes à associés sont soumises à la procédure de contrôle des conventions prévues à l’article L.233-19 du code de commerce.'

La cour constate que si, dans le corps de ses conclusions, la société Quai 5 se pose la question de l’exigibilité des montants au regard de l’article 15 des statuts et de l’absence d’accord commun et de décision collective des associés, il résulte des demandes qu’elle forme dans son dispositif qu’elle ne s’oppose pas au principe du remboursement du solde du compte courant, ne demandant pas à la cour de rejeter la demande de M. X.

Les extraits du compte courant d’associé de M. X mentionnent l’existence d’un solde de 12 417,64 euros au 31 décembre 2010, notamment après deux débits, intitulés 'retrait Y’ de 2 000 euros les 30 juin et 31 décembre 2010 et une somme portée au crédit le 31 décembre 2010 de 695,64 euros au titre de l’indemnité kilométrique.

M. Y X conteste la réalité de ces retraits pour la somme de 4 000 euros.

Aux termes de l’article L.123-12 du code de commerce, 'toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. (…) Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.'

En l’espèce, la SARL Quai 5 produit le bilan de l’exercice de l’année 2010 mentionnant l’existence du compte courant d’associé de M. Y X avec un solde de 15 722 euros au 31 décembre 2009 et de 11 722 euros au 31 décembre 2010. Il correspond à l’évolution du compte tel qu’indiqué sur les extraits, avant que ne soit créditée l’indemnité kilométrique.

Elle produit également le procès-verbal de l’assemblée générale du 30 juin 2011, à laquelle a participé M. Y X, qui a approuvé, à l’unanimité, 'l’inventaire et les comptes annuels de l’exercice clos le 31 décembre 2010".

Le bilan précité mentionnait un résultat de l’exercice au 31 décembre 2010 de 38 544 euros, tandis que le procès-verbal précité indique que les comptes annuels de l’exercice clos le 31 décembre 2010 font apparaître un bénéfice de 38 544,06 euros.

Il doit en être déduit que M. Y X a, lors de l’assemblée générale du 30 juin 2011, approuvé le bilan précité et, dès lors, le solde du compte courant d’associé, dont avait été déduit la somme de 4 000 euros.

M. Y X ne conteste pas la contre-passation, en 2011, des indemnités kilométriques qui lui avaient été versées en 2009, faisant ainsi passer le solde de son compte courant à 11 295,64 euros.

Le jugement sera ainsi infirmé sur le quantum de la condamnation de la société Quai 5 et il convient de la condamner à payer à M. X la somme de 11 295,64 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2016, date de réception de la mise en demeure.

Sur la demande de délais de paiement :

M. Y X justifie avoir par lettre du 27 juin 2016, reçue le 28 juin 2016, mis en demeure la société Quai 5 de lui rembourser le solde de son compte courant, et que celle-ci lui a répondu, par courrier du 3 juillet 2016, proposer de lui rembourser la somme de 11 295,64 euros en 24 mois compte tenu de la situation financière de la société Quai 5.

La société Quai 5 n’a pas respecté ce délai auquel elle s’était engagée.

Si elle produit des éléments comptables de 2016 et 2018, elle ne justifie pas de sa situation financière actuelle.

Dès lors et compte tenu du délai de fait dont a déjà bénéficié la société Quai 5, y compris suite au jugement dont appel, aucun abus de droit de M. Y X n’est caractérisé, ni atteinte à l’intérêt social ou à l’égalité des associés.

Il en résulte que la demande de délais de paiement de la société Quai 5 ne peut être accueillie, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

M. Y X ne justifie pas avoir subi un préjudice résultant de la résistance de la société Quai 5 à lui payer la somme précitée qui excéderait les sommes allouées au titre d’intérêts moratoires.

Il convient de rejeter sa demande de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens :

Bien que la société Quai 5 obtienne partiellement gain de cause en son appel, elle n’a pas versé, même partiellement à M. Y X la somme qu’elle reconnaît devoir et qui fait l’objet du présent litige. Il convient dès lors de confirmer le jugement ayant statué sur les frais et dépens et, y ajoutant, de la condamner à payer à M. Y X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité commandant cette condamnation, et à supporter les dépens d’appel.

L’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL Quai 5.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du 5 juillet 2018 du tribunal de grande instance de Colmar, sauf en ce qu’il a condamné la SARL Quai 5 à payer à M. Y X à titre de remboursement de son compte courant d’associé la somme de 15 295,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2016,

L’infirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau :

Condamne la SARL Quai 5 à payer à M. Y X à titre de remboursement de son compte courant d’associé la somme de 11 295,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2016,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Quai 5 à payer à M. Y X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL Quai 5, et rejette sa demande de ce chef,

Condamne la SARL Quai 5 à supporter les dépens d’appel.

La Greffière : la Présidente :

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