Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 2 novembre 2022, n° 17/00191

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Chronologie de l’affaire

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Jérôme Lasserre Capdeville · L'ESSENTIEL Droit bancaire · 2 janvier 2023
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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 2 nov. 2022, n° 17/00191
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/00191
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 14 décembre 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 8 novembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

MINUTE N° 512/22

Copie exécutoire à

— Me Laurence FRICK

— Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA

Le 02.11.2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 02 Novembre 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 17/00191 – N° Portalis DBVW-V-B7B-GLOW

Décision déférée à la Cour : 15 Décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG – 1ère chambre civile

APPELANTE – INTIMEE INCIDEMMENT :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

INTIME – APPELANT INCIDEMMENT :

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 1])

Représenté par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

— Contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par arrêt rendu le 17 mai 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l’exposé des faits et de la procédure, la cour de céans a :

— déclaré M. [Y] [Z] recevable en son action,

— ordonné la réouverture des débats,

— révoqué l’ordonnance de clôture en date du 3 décembre 2020,

— invité les parties, et plus particulièrement la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 3] Europe, ci-après également 'le Crédit Mutuel’ ou 'la banque', à verser aux débats un décompte et un tableau d’amortissement tenant compte du recalcul du taux d’intérêt par application des indices Libor 1 an, s’agissant du prêt du 20 septembre 2003, et Libor 3 mois s’agissant des prêts des 23 juillet 2004 et 15 juin 2010, à leur valeur réelle, dans les conditions du contrat, sous la seule réserve que le taux d’intérêt en résultant ne soit pas négatif,

— réservé les demandes au fond, ainsi que le les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et aux motifs, notamment que :

— la circonstance que M. [Z] ait soldé les prêts litigieux à la suite de la vente de biens immobiliers, par distribution du prix de vente, cette circonstance n’emporte pas à elle seule acquiescement de ce dernier, qui n’a pas renoncé à son action, à l’intégralité des prétentions de la banque, et ne fait pas obstacle à ce qu’il obtienne, le cas échéant, restitution des sommes trop perçues,

— en l’absence de restriction à la baisse ou de taux minimal contractuellement stipulé, mais également de toute volonté des parties de déroger aux dispositions du code civil ou du code monétaire et financier, la banque était en droit de veiller à ce que l’application aux prêts litigieux d’un taux d’intérêt indexé au taux Libor respectivement 1 an et 3 mois au jour le jour à sa valeur réelle, ne puisse conduire à des intérêts mensuellement négatifs, ce qui l’autorisait à appliquer un taux d’intérêt plancher nul lorsque l’application du Libor conduisait à l’application d’une échéance mensuelle d’intérêts négative, sans pour autant que ce taux plancher s’applique au taux d’intérêt résultant de la différence entre le taux initial et l’index Libor courant, et non à l’index Libor lui-même, et n’implique, en conséquence, aucunement que la base de calcul du taux soit modifiée par l’application d’un index Libor nul, pas davantage qu’il ne garantit de rémunération incompressible de la banque à hauteur d’un taux strictement supérieur à 0 % pour chaque échéance mensuelle,

— en conséquence de ce qui précède, il appartenait à la banque de procéder au recalcul des taux et à la production d’un tableau d’amortissement et d’un décompte faisant application de l’index Libor 1 an ou 3 mois, selon le contrat concerné, à sa valeur réelle, dans les conditions du contrat, c’est-à-dire avec une répercussion, si elle est supérieure ou égale à 25 centièmes, à compter de la prochaine échéance prélevée à compter du changement de taux, y compris lorsque cet index est négatif, sous la seule réserve que le taux d’intérêt en résultant ne soit pas lui-même inférieure à zéro.

Dans ses dernières conclusions en date du 21 janvier 2022, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) [Localité 3] Europe, ci-après également dénommée 'le Crédit Mutuel’ ou 'la banque', demande à la cour de :

'1/ SUR L’APPEL PRINCIPAL DE LA CCM

DECLARER l’appel formé par la CCM [Localité 3] EUROPE recevable et bien fondé ;

CONSTATER que la CCM a produit les documents sollicités par la Cour d’appel de COLMAR dans son arrêt du 17 mai 2021 ;

En conséquence,

INFIRMER partiellement le jugement rendu le 15 décembre 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG en ce qu’il a :

'CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE à appliquer aux trois contrats de prêts souscrits par Monsieur [Z] l’évolution de l’index LIBOR CHF 1 AN ou 3 MOIS sous astreinte de 100 € (Cent euros) par mensualité non régularisée,

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE, sous astreinte de 100€ (Cent euros) par jour de retard à compter de la signification du jugement, à régulariser la situation en recalculant le taux de l’intérêt des trois prêts depuis le 1er janvier 2015,

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE, sous astreinte de 100 € (Cent euros) par jour de retard à compter de la signification du jugement, à remettre à Monsieur [Z] un tableau d’amortissement conforme au contrat et au LIBOR,

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE à payer à Monsieur [Z] la somme de 2 000 € (Deux mille euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 3] EUROPE aux frais et dépens'

STATUANT A NOUVEAU :

Vu les articles des contrats intitulés AMORTISSEMENT DU PRET aux termes desquels 'le prêt s’amortira par échéances successives […] Le nombre, les montants, les dates d’échéance des échéances de remboursement ainsi que leur décomposition en capital intérêts et cotisation d’assurance emprunteurs ressortent des conditions particulières et du tableau d’amortissement remis à l’emprunteur. Les intérêts qui y sont indiqués ont été calculés en fonction du taux précisé aux conditions particulières du contrat'

JUGER que la CCM [Localité 3] EUROPE ne doit appliquer au taux d’intérêt du prêt les valeurs réelles de l’index Libor, que dans la mesure où la variation de la valeur de l’Index ne conduit pas à un taux négatif.

JUGER qu’en décidant que la baisse de l’indice en deçà de zéro doit profiter sans restriction à l’emprunteur, le jugement peut conduire la CCM [Localité 3] EUROPE à devoir appliquer un taux d’intérêt négatif.

JUGER qu’admettre l’application d’un taux d’intérêt négatif même temporairement aboutit nécessairement à son imputation sur le capital et à la privation de la rémunération due au prêteur en contrepartie des crédits accordés.

JUGER que le contrat de prêt est celui dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps et que la rémunération due au banquier en contrepartie du crédit accordé doit exister à chaque échéance.

CONSTATER que la CCM accepte d’appliquer rétroactivement et pour l’avenir, la valeur réelle de l’index LIBOR, sous la seule réserve qu’elle n’entraîne pas l’application d’un taux d’intérêt inférieur à O %.

DONNER ACTE qu’en conséquence, la CCM est disposée à reverser le montant du différentiel d’intérêts au titre du prêt, soit la somme de 4 219,83 CHF ;

DECLARER les demandes de Monsieur [Z] mal fondées ;

DEBOUTER Monsieur [Z] de l’intégralité de ses fins et conclusions ;

2/ SUR L’APPEL INCIDENT DE MONSIEUR [Z]

DONNER ACTE à Monsieur [Z] de son accord sur la somme proposée par la CCM à savoir 4 219,83 CHF ;

CONFIRMER le jugement rendu le 15 décembre 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4.665,38 CHF ;

CONFIRMER le jugement rendu le 15 décembre 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive de la CCM ;

En conséquence

DEBOUTER Monsieur [Z] de sa demande ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à la CCM [Localité 3] EUROPE la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER Monsieur [Z] aux entiers fais et dépens de la procédure.'

et ce, en invoquant, notamment, dans des termes reprenant pour partie ceux des écritures déposées antérieurement à l’arrêt précité :

— l’irrecevabilité du demandeur pour défaut d’intérêt à agir,

— la nécessité d’interpréter le contrat au regard des situations inédites sur le plan juridique et économique,

— la contrariété d’un taux d’intérêt négatif à la qualification du prêt,

— l’absence de manquement contractuel de la concluante et de préjudice subi par M. [Z], qui renoncerait pour partie à son appel incident tout en exprimant son accord avec les montants retenus par la concluante au titre du différentiel d’intérêts, qu’il aurait refusé à plusieurs reprises, tout en majorant sa demande de dommages-intérêts.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2021, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation des parties, M. [Y] [Z], partie intimée, conclut à la confirmation de la décision entreprise, sous réserve de son appel incident, au titre duquel il demande à la cour d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté sa demande en remboursement d’un trop-perçu, et statuant à nouveau de :

— constater que la CCM accepte d’appliquer rétroactivement et pour l’avenir, la valeur réelle de l’index LIBOR, sous la seule réserve qu’elle n’entraîne pas l’application d’un taux d’intérêt inférieur à 0 %,

— donner acte que la CCM s’est déclarée disposée à reverser le montant du différentiel d’intérêts au titre des prêts, soit la somme de 4219,83 CHF, et au concluant de son accord sur la somme proposée,

En conséquence

— condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer la somme de 4 219,83 CHF, augmentés des intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

Il conclut également à la condamnation de la banque à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros pour résistance abusive.

Il entend, enfin, voir condamner la banque aux dépens, incluant ceux de l’appel incident, ainsi qu’à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et ce en invoquant, notamment, reprenant également pour partie ses écritures antérieures :

— la clarté des stipulations contractuelles d’indexation,

— la violation de ces stipulations par le Crédit Mutuel,

— la réfutation de l’argumentation adverse, sur la nature du contrat de prêt comme de l’indice, et le caractère hors sujet de ses développements sur un taux d’intérêt négatif,

— son intention d’accepter, sans polémiquer plus avant notamment quant aux demandes annexes adverses, la somme de 4 219,83 CHF que la banque s’est déclarée disposée à lui verser au titre du différentiel d’intérêts,

— la modification, en conséquence, de son appel incident, l’attitude de la banque, qui aurait tardé à lui fournir les décomptes et tableaux d’amortissement rectifiés, justifiant à hauteur d’appel l’indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi à hauteur de 5 000 euros, détaillant l’incidence du comportement de la banque sur sa situation personnelle, professionnelle et financière.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2022, et l’affaire renvoyée à l’audience du 2 mars 2022.

MOTIFS :

Au préalable, la cour rappelle que :

— aux termes de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion,

— ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à 'dire et juger’ ou 'constater', en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Par ailleurs, la cour rappelle avoir invité les parties, et plus particulièrement la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 3] Europe, à verser aux débats un décompte et un tableau d’amortissement tenant compte du recalcul du taux d’intérêt par application des indices Libor 1 an, s’agissant du prêt du 20 septembre 2003, et Libor 3 mois s’agissant des prêts des 23 juillet 2004 et 15 juin 2010, à leur valeur réelle, dans les conditions du contrat, sous la seule réserve que le taux d’intérêt en résultant ne soit pas négatif.

En ce sens, si la cour n’a pas tranché, dans le dispositif de son arrêt avant dire droit le fond des demandes respectives des parties, lesquelles concluent, dans leurs dernières écritures, toujours amplement sur la question du taux qui devait recevoir application, il y a lieu de se référer aux motifs de l’arrêt précité, dont il ressort :

— que les stipulations contractuelles elles-mêmes ne prévoient aucune restriction à la baisse, que ce soit pour le taux Libor retenu ou pour le taux d’intérêt résultant de son application, sous réserve que la variation de l’Index Libor 1 an pour le prêt du 20 février 2003 et de l’index Libor 3 mois pour les deux autres prêts ait une répercussion supérieure ou égale à 25 centièmes sur le taux d’intérêt,

— qu’aucune clause d’aucun des contrats litigieux ne prévoyait une marge commerciale au profit de la banque ou une part incompressible du taux d’intérêt devant permettre de lui assurer une rémunération minimale,

— que les contrats de prêts ont été souscrit alors que l’index de référence choisi, respectivement le Libor à un an et à trois mois, se situait déjà à une marge relativement proche de zéro, en tout cas très en-dessous de 1 %, à savoir 0,500 % au titre du premier prêt au 15 septembre 2003, 0,273 % s’agissant du second prêt au 3 juin 2003, et 0,23500 % pour le dernier prêt au 6 mai 2010, auquel est jointe, en application de l’article L. 312-8 du code de la consommation, une simulation qui précise qu’une baisse du taux du prêt de -2,00000 % au terme de la première année réduirait le montant des mensualités à 1 302,58 CHF, ce qui n’a certes pas valeur d’engagement contractuel quant à I’évolution effective des taux d’intérêt sur toute la durée du prêt, mais constitue une information qui serait dépourvue de tout objet en présence d’un taux minimal contractuellement stipulé,

— que, pour autant, il n’apparaît pas que les parties avaient entendu déroger à l’application des dispositions du code civil, et plus particulièrement des articles 1902, 1905 et 1907 dudit code, dont il résulte que dans un contrat de prêt immobilier, comme l’ensemble de ceux en cause en l’espèce, l’emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds et le prêteur ne pouvant être tenu, même temporairement, au paiement d’une quelconque rémunération à l’emprunteur, ce pendant que l’article L. 313-1 du code monétaire et financier définit le prêt comme une opération de mise à disposition de fonds à titre onéreux au bénéfice du prêteur,

— que, dans ces conditions, la banque était en droit de veiller à ce que l’application aux prêts litigieux d’un taux d’intérêt indexé au taux Libor respectivement 1 an et 3 mois au jour le jour à sa valeur réelle, ne puisse conduire à des intérêts mensuellement négatifs, ce qui l’autorisait à appliquer un taux d’intérêt plancher nul lorsque l’application du Libor conduisait à l’application d’une échéance mensuelle d’intérêts négative,

— que ce taux plancher ne s’applique qu’au taux d’intérêt résultant de la différence entre le taux initial et l’index Libor courant, et non à l’index Libor lui-même, et n’impliquait, en conséquence, aucunement que la base de calcul du taux soit modifiée par l’application d’un index Libor nul, pas davantage qu’il ne garantit de rémunération incompressible de la banque à hauteur d’un taux strictement supérieur à 0 % pour chaque échéance mensuelle.

La cour constate qu’à la suite de l’invitation faite aux parties dans le cadre de la réouverture des débats, et en conformité avec les principes qui viennent d’être rappelés, les parties s’accordent sur le principe du versement, par la banque à M. [Z] d’une somme de 4 219,83 CHF, le Crédit Mutuel versant, en outre, aux débats les tableaux d’amortissement recalculés des trois prêts consentis à M. [Z].

Dans ces conditions, la CCM [Localité 3] Europe sera donc condamnée à payer à M. [Y] [Z] la contre-valeur en euros au jour du présent arrêt de la somme de 4 219,83 francs suisses, assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour, le jugement entrepris devant être infirmé en ce qu’il a :

— condamné la banque à appliquer aux trois contrats de prêts souscrits par Monsieur [Z] l’évolution de l’index LIBOR CHF l AN ou 3 MOIS sous astreinte de 100 euros par mensualité non régularisée,

— condamné la banque, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à régulariser la situation en recalculant le taux de l’intérêt des trois prêts depuis le 1er janvier 2015,

— débouté M. [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4 665,38 CHF,

— condamné la banque, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à remettre à M. [Z] un tableau d’amortissement conforme au contrat et au LIBOR.

M. [Z] entend, en outre, obtenir à hauteur d’appel la condamnation de la banque pour résistance abusive, arguant, notamment, du retard mis par la banque pour produire les décomptes et tableaux d’amortissement rectifiés plus de six années suivant l’ordonnance de référé rendue le 5 janvier 2016 la condamnant à appliquer aux contrats le taux d’intérêt variable indexé sur l’évolution du Libor CHF et à fournir non seulement la lettre d’information relative à l’évolution du taux d’intérêts avec le nouveau tableau d’amortissement.

Il indique ainsi, avoir dû se livrer à un véritable 'parcours du combattant', et ce de manière, selon lui, parfaitement injustifiée, le Crédit Mutuel, en dépit des multiples décisions rendues entre-temps ayant choisi d’adopter une logique 'jusqu’au-boutiste’ et de pur principe, peu important le temps et les frais nécessaires pour ce faire, ce que la banque réfute, invoquant l’incertitude de l’état du droit jusqu’à la fixation de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Cela étant, compte tenu des conclusions auxquelles est parvenue la cour sous l’angle de l’examen de la demande principale, il y a lieu d’observer que, si la banque était en droit, au regard de l’application des dispositions susmentionnées, et en l’absence de dérogation expresse des parties auxdites dispositions, en particulier à celle du code civil, d’écarter l’application d’intérêts mensuellement négatifs, cela impliquait uniquement l’application d’un taux d’intérêt plancher à 0 et non une modification unilatérale de la base de calcul soit en fonction d’un index Libor nul, soit sur la base d’une marge commerciale considérée comme minimale à défaut, comme justement relevé par le premier juge, de tout avenant relatif à une modification du mode de calcul en ce sens, et même de toutes démarches de négociations préalables à ce titre. Par ailleurs, la cour observe que, si la banque invoque une incertitude de l’état du droit en cours d’exécution du prêt, il ne peut qu’être relevé qu’aucune des décisions de justice citées par l’appelante, au-delà de leurs divergences, n’ont validé son analyse, ni fait application des règles qu’elle avait mises en 'uvre.

Dans ces conditions, la cour estime qu’un comportement fautif de la banque est bien caractérisé, avec pour conséquence que la banque a conservé indûment et de manière prolongée des sommes résultant de l’application indue de cette base de calcul. La seule circonstance que la banque reconnaisse désormais que l’index Libor est applicable pour peu qu’il n’en résulte pas un taux d’intérêt négatif et qu’elle ait entendu régulariser la situation en rétrocédant, ex post, des fonds à M. [Z], ne remet pas en cause le comportement qui a été le sien auparavant dans l’exécution du contrat de prêt et l’incidence qui a en a alors résulté pour l’emprunteur.

Il convient, en conséquence, de condamner le Crédit Mutuel à payer à M. [Z] la somme de 500 euros à ce titre.

Le Crédit Mutuel succombant pour l’essentiel sera tenu des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L’équité commande en outre de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de l’une ou l’autre des parties, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 15 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu’il a :

— condamné la banque à appliquer aux trois contrats de prêts souscrits par Monsieur [Z] l’évolution de l’index LIBOR CHF l AN ou 3 MOIS sous astreinte de 100 euros par mensualité non régularisée,

— condamné la banque, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à régulariser la situation en recalculant le taux de l’intérêt des trois prêts depuis le 1er janvier 2015,

— débouté M. [Z] de sa demande en paiement de la somme de 4 665,38 CHF,

— condamné la banque, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, à remettre à M. [Z] un tableau d’amortissement conforme au contrat et au LIBOR,

— débouté M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs de demande infirmés et y ajoutant,

Condamne la CCM [Localité 3] Europe à verser à M. [Y] [Z] la contre-valeur en euros au jour du présent arrêt de la somme de 4 219,83 francs suisses (CHF), assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Condamne la CCM [Localité 3] Europe à payer à M. [Y] [Z] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la CCM [Localité 3] Europe aux dépens de l’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la CCM [Localité 3] Europe que de M. [Y] [Z].

La Greffière :la Présidente :

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