Cour d'appel de Dijon, 23 août 2016, n° 13/01352

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, 23 août 2016, n° 13/01352
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 13/01352
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Dijon, 1er avril 2013, N° 10/01886

Sur les parties

Texte intégral

XXX

I J épouse Y

C/

S-T B

E A épouse B

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 23 AOÛT 2016

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N°13/01352

MINUTE N° 16/

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 avril 2013

rendu par le tribunal de grande instance de Dijon – RG : 10/01886

APPELANTE :

Madame I J épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Alain RIGAUDIERE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 102

INTIMÉS :

Monsieur S-T B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Madame E AC AD A épouse B

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentés par Me G H, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 106

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 avril 2016 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Françoise BOURY, Présidente de chambre, président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2016 pour être prorogée au 23 août 2016,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Françoise BOURY, Présidente de chambre, et par Elisabeth GUEDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L’indivision J est propriétaire d’une maison d’habitation avec terrain, cadastrée XXX lieudit le village sur le territoire de la commune de Chaignay. Cette parcelle est contigüe de la parcelle cadastrée XXX , propriété de monsieur S-T B et madame A E, épouse B, lesquels ont effectué au cours de l’année 2009 des travaux sur la façade non mitoyenne de leur maison joignant immédiatement l’héritage de l’indivision J.

Le 1er avril 2010, un procès-verbal de constat a été dressé par la SCP Courtois-Bligny à la demande des co-indivisaires J, qui a constaté l’existence de deux ouvertures sur la façade de la propriété des époux B ainsi que leur situation par rapport à l’héritage de l’indivision J.

Par exploit d’huissier du 14 mai 2010, Madame I J, épouse Y, a fait assigner monsieur S-T B et Madame E A, épouse B, devant le tribunal de grande instance de Dijon afin de les voir condamner, sur le fondement des articles 676 et suivants du code civil, à supprimer les vues irrégulières sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 30e jour suivant le prononcé du jugement à intervenir, ainsi qu’au paiement in solidum de la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les défendeurs ont conclu à l’irrecevabilité de l’action et au débouté des demandes de Madame I J, en l’absence de pouvoir donné par les autres co-indivisaires lui permettant d’exercer une telle action et arguant des autorisations administratives nécessaires obtenues pour réaliser les travaux litigieux.

Par jugement rendu le 2 avril 2013, le tribunal de grande instance de Dijon a déclaré l’action de madame I Y recevable, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer à monsieur et madame B la somme de 850 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance, pouvant être recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de l’action engagée par madame I Y, le tribunal a considéré que, conformément aux dispositions de l’article 815-2 du code civil, l’action exercée par madame Y tendant à faire cesser une servitude de vue sur le bien indivis peut être considérée comme nécessaire dès lors qu’elle a pour objet de soustraire ce dernier à un péril, cette action ne compromettant nullement le droit des autres co-indivisaires.

Sur la suppression des vues sous astreinte, le tribunal a considéré, au visa des dispositions des articles 676 et suivants du code civil, qu’il ressortait du procès-verbal de constat établi le 8 février 2010 par Maître C, huissier de justice, ainsi que de l’attestation de la société SMDI Fermetures que les ouvertures réalisées par les époux B sur leur façade ne constituaient pas des vues mais des jours de souffrance ne permettant ni de regarder le fonds voisin, ni d’y jeter des objets, ne nécessitant pas la pose d’un treillis de fer et d’un verre dormant, mais également que les conditions de hauteur de l’ouverture prévues à l’article 677 du code civil n’avaient pas vocation à s’appliquer en l’espèce en ce que les ouvertures litigieuses étaient dotées de verre non translucide.

Par déclaration formée le 9 juillet 2013, madame I J, épouse Y, a régulièrement interjeté appel du dit jugement et par ses dernières écritures transmises le 6 décembre 2013, elle demande à la cour, au visa des articles 676, 677 et 678 du code civil, de

— la dire recevable en son appel et bien fondée en ses prétentions,

en conséquence, réformant le jugement rendu le 2 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Dijon, de :

— condamner monsieur S-T B et madame E A, épouse B, à supprimer les vues irrégulières, sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 30e jour suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir,

— condamner in solidum monsieur B et madame A, épouse B, à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner in solidum aux entiers dépens dont le recouvrement s’effectuera comme prescrit par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par leurs dernières écritures en date du 14 novembre 2013, monsieur S-T B et madame E A, épouse B, demandent à la cour de

— dire cet appel non fondé et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— dire qu’ils n’ont aucune vue droite et directe sur la cour de l’indivision J,

— dire que les ouvertures pratiquées doivent être qualifiées de jours de souffrance,

— de leur donner acte en tout état de cause de ce qu’ils ne s’opposent pas à un transport sur les lieux par la cour,

— débouter purement et simplement madame I Y de l’ensemble de ses demandes,

— condamner madame I Y à leur régler la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner madame I Y aux entiers dépens de première instance et d’appel en jugeant que Maître G H pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 novembre 2014.

L’affaire ayant été fixée à l’audience du 9 décembre 2014 à fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 12 avril 2016 par suite d’un mouvement de grève des avocats.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR QUOI

attendu qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par les époux B et déclaré madame Y recevable à agir, la décision du tribunal n’étant pas contestée sur ce point à hauteur d’appel ;

***

attendu ensuite que madame Y fait à juste titre valoir que les autorisations administratives réservent toujours les droits des tiers en sorte qu’il est indifférent que les travaux aient été réalisés légalement au regard des règles administratives, du droit de l’urbanisme, et conformément au permis de construire, le fait que les autorisations aient été accordées aux époux B n’interdisant pas à madame Y de contester la légalité des ouvertures au regard des règles du code civil, quand bien même elle n’a pas contesté le permis de construire ;

***

attendu que le tribunal, ayant rappelé les dispositions des articles 676 et 678 du code civil et indiqué

— que s’agissant de l’ouverture du rez-de-chaussée, elle était réalisée à 1,79 m du sol et constituée d’un vitrage oscillo-battant opaque non translucide et qu’il était impossible de regarder à travers le vitrage, l’ouverture ne permettant que l’aération de la pièce,

— que s’agissant de la salle de bains de l’étage, elle était équipée de deux fenêtres à vitrages non transparents, établies à 1,02 m du sol, la première équipée d’un verre dormant et la seconde équipée d’un mécanisme oscillo-battant dont l’écartement était de 9 cm,

a, usant de son pouvoir souverain pour qualifier la nature des ouvertures et apprécier le risque d’indiscrétion en résultant, considéré qu’il s’agissait de simples jours de souffrance dès lors qu’ils ne permettaient ni de regarder le fonds voisin, ni d’y jeter des objets et qu’il n’y avait donc pas lieu de les garnir d’un treillis de fer et d’un verre dormant, le tribunal ayant ajouté que l’article 677 du code civil relatif à la hauteur des fenêtres n’était pas applicable dès lors que les fenêtres étaient dotées de verre non translucide ;

mais attendu que madame Y critique à bon droit une telle motivation ;

qu’en effet, d’abord, il n’est pas contesté que le mur de la propriété B jouxte immédiatement la propriété de l’indivision J et qu’en conséquence, les distances imposées par l’article 678 du code civil n’autorisent pas d’ouvertures, dans le mur de la propriété B, autres que celles prévues par l’article 676, c’est à dire des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant respectant au surplus, les hauteurs prévus par l’article 677 imposant que les fenêtres ou jours soient établis au moins à vingt-six décimètres au-dessus du plancher pour le rez-de-chaussée et à 19 décimètres au-dessus du plancher pour les étages supérieurs;

qu’or si au-delà du texte, il s’agit bien de s’interroger sur le risque d’indiscrétion qui résulte du type et du positionnement des ouvertures, madame Y reproche à bon droit au tribunal d’avoir fait une mauvaise analyse des pièces versées par ses adversaires ;

que les époux B ont en effet versé une attestation de la société SMDI Fermetures indiquant que la fenêtre installée, après remplacement par un vitrage opaque, comporte 'deux vantaux vue intérieure à gauche un châssis fixe et à droite un semi fixe (oscillo-battant) avec une ouverture de 9 cm pour l’aération ceci ne permettant donc aucune visibilité extérieure';

que cependant cette attestation ne peut convaincre de l’impossibilité d’ouverture d’une telle fenêtre dès lors que madame Y produit un courrier du 25 juillet 2013 de monsieur X, ingénieur au centre scientifique et technique du bâtiment, qui explique qu’une ouverture oscillo-battante gère deux modes d’ouverture, le premier sur un plan vertical permettant une ouverture totale du vantail, le second sur un plan horizontal ;

que cette description est confirmée par la définition donnée par le dictionnaire du BTP qui indique que la fenêtre oscillo-battante, manoeuvrée par une poignée unique dont la position détermine le choix de l’ouverture, peut être utilisée en ouverture traditionnelle ou en ouverture inclinée ;

que les factures de la société SMDI font état de l’acquisition de menuiseries comportant des vantaux oscillo-battants ;

qu’enfin, le constat de Me C versé aux débats par les époux B confirme, à propos de la salle de bains de l’étage, que si les deux fenêtres (en réalité deux vantaux) sont équipées de vitrages non transparents et si la première ouverture est équipée d’un verre dormant, la seconde est équipée d’un mécanisme oscillo-battant ; que si l’huissier ne fait état que de l’ouverture verticale en soufflet, il n’affirme pas de manière explicite qu’il est impossible de faire fonctionner l’ouverture en battant traditionnel ;

qu’au surplus, madame Y observe justement que les photographies jointes au constat montrent sur la fenêtre de gauche des charnières incompatibles avec l’affirmation selon laquelle il s’agirait d’un châssis fixe et de même sur la fenêtre de droite deux charnières basse et haute qui ne se justifieraient pas si la fenêtre ne pouvait s’ouvrir que verticalement comme il est prétendu ;

et attendu ainsi, que nonobstant la persistance des époux B, à hauteur d’appel, à soutenir, contre l’évidence, que la fenêtre de la salle de bains de l’étage ne pourrait être ouverte autrement qu’en oscillation horizontale, il y a lieu de constater que cette ouverture, malgré son verre dépoli, n’assure pas contre le risque d’indiscrétion, alors au surplus qu’elle n’est installée qu’à une hauteur de 1,02 m non conforme aux dispositions de l’article 677 du code civil ; qu’en effet, s’il est admis que la hauteur est indifférente lorsque la fenêtre est équipée d’un châssis fixe sur lequel est monté un matériau non transparent mais seulement translucide, il en va différemment lorsque la fenêtre, bien qu’équipée d’un verre dépoli, est munie, comme en l’espèce, d’une possibilité d’ouverture ;

qu’au surplus, à supposer même avéré que l’ouverture en battant soit condamnée, force est de constater qu’une ouverture qui laisse passer l’air ne peut être qualifiée de simple jour de souffrance, alors que le texte de l’article 676 du code civil a pour justification 'de protéger les particuliers contre les indiscrétions de leurs voisins en prohibant les ouvertures qui laissent passer l’air et les regards', cette définition figurant précisément sur une réponse ministérielle jointe au dossier des époux B eux-mêmes ;

qu’en conséquence, infirmant le jugement, il y a lieu de faire droit à la demande de madame Y tendant, non pas à la suppression pure et simple de l’ouverture, mais à sa mise en conformité avec l’article 676 du code civil en procédant au remplacement de ladite fenêtre par des briques de verre ou tout autre procédé équivalent, ainsi que le proposait les plans déposés avec la demande de permis de construire ;

***

attendu s’agissant de l’ouverture du rez-de-chaussée, que même si elle présente une faible dimension (10x22cm), force est de constater que cette ouverture ne constitue pas plus que l’autre un simple jour de souffrance en conformité avec les textes, dès lors qu’implantée à 1,79 m du sol, soit à une hauteur moindre que celle prescrite par l’article 677 du code civil (2,60 m) pour les ouvertures en rez-de-chaussée, elle permet l’aération de la pièce par un châssis ouvrant largement en bascule verticale de telle sorte que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal et que soutiennent toujours à hauteur d’appel les époux B, l’ouverture pratiquée n’interdit ni la vue en dépit d’un verre dépoli, ni le jet d’objet, ni surtout l’indiscrétion qui résulte de ce que l’ouverture est positionnée au-dessus d’un wc dont elle a pour objet d’assurer l’aération ; que dès lors, c’est à bon droit que madame Y, s’emparant de cette circonstance, en demande la condamnation, le jugement devant être réformé en ce sens et les époux B condamné à la mise en conformité de cette ouverture avec l’article 676 du code civil, par le même procédé de la mise en place de briques de verre ou d’un procédé équivalent ;

***

attendu que pour garantir l’exécution de la présente décision, il y a lieu, tout en laissant un délai suffisant aux époux B pour satisfaire à l’obligation mise à leur charge, de prévoir, à défaut de mise en conformité des ouvertures dans le délai de quatre mois à compter de la signification de l’arrêt, une astreinte de 30 euros par jour qui courra pendant un délai de six mois après lequel, il pourra être de nouveau fait droit à défaut d’exécution ;

***

attendu que les époux B qui succombent supporteront les dépens de première instance et d’appel et, en équité, seront condamnés au paiement envers madame Y de la somme de 1 800 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

attendu que le sens de la décision conduit au rejet de la demande des époux B sur le même fondement ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’action de madame Y recevable,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

ordonne la mise en conformité avec les dispositions de l’article 676 du code civil des deux ouvertures pratiquées par les époux B dans leur mur joignant immédiatement le fonds de l’indivision J,

Dit que cette mise en conformité se fera par le remplacement des fenêtres et l’obstruction des ouvertures pratiquées par des briques de verre ou tout autre procédé équivalent, dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire, passé ce délai, de 30 euros par jour de retard qui courra pendant un délai de six mois passé lequel à défaut d’exécution, il pourra être de nouveau fait droit,

Condamne les époux B au paiement envers madame Y de la somme de 1 800 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux B aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés comme il est dit à l’article 699 du code de procédure civile,

Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires.

Le greffier, Le président,

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