Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2014, n° 14/00357

  • Travail·
  • Licenciement·
  • Médecin·
  • Employeur·
  • Harcèlement moral·
  • Bilan·
  • Fait·
  • Dommages et intérêts·
  • Vis·
  • Enquête

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, 31 oct. 2014, n° 14/00357
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/00357
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Arras, 19 janvier 2014, N° 12/00310

Texte intégral

ARRET DU

31 Octobre 2014

N° 1826-14

RG 14/00357

XXX

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARRAS

en date du

20 Janvier 2014

(RG 12/00310 -section 3)

NOTIFICATION

à parties

le 31/10/2014

Copies avocats

le 31/10/2014

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. C Y

XXX

XXX

Présent et assisté de M. E F (Délégué syndical CFDT)

Régulièrement mandaté

INTIMEE :

SNC AUTO BILAN FRANCE (GROUPE DEKRA)

XXX

XXX

Représentée par Me Aliette PENNANEAC’H-SELOSSE, avocat au barreau de LYON

DEBATS : à l’audience publique du 10 Octobre 2014

Tenue par K-L M

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge BLASSEL

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE

A B

: PRESIDENT DE CHAMBRE

G H

: CONSEILLER

K-L M

: CONSEILLER

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2014,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par A B, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE-EXPOSÉ DU LITIGE:

Suivant contrat du 2 juin 2009, la société Auto Bilan France qui appartient au groupe Dekra, a embauché C Y en qualité de contrôleur technique, statut employé, échelon 6, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1500 € pour 160,33 heures de travail. La convention collective applicable était celle, nationale, des services de l’automobile.

Ce contrat, conclu pour une durée de six mois, a été modifié par un avenant du 2 décembre 2009, date à laquelle il est devenu à durée indéterminée.

Par lettre remise en mains propres le 5 juillet 2012, son employeur a convoqué M. Y un entretien préalable pour le 16, dans l’attente duquel il l’a mis à pied à titre conservatoire. Il lui a notifié le 19 juillet, dans les formes légales, son licenciement immédiat pour faute grave.

Contestant cette sanction et se disant victime de harcèlement moral, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes d’Arras qui, par jugement du 20 juillet 2014:

— dit que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse sans être justifié par une faute grave

— condamné la SNC Auto Bilan France au paiement de

* 600 € d’indemnité de licenciement;

* 1500 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis;

* 9 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

— a dit que, conformément aux articles 1153 et 1153-1 du code civil, les condamnations ci dessus emportaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 11/07/2012 pour les sommes de nature salariale, du jugement pour celles d’autre nature;

— a rappelé qu’en vertu de l’article R.1452-28 du code du travail, le jugement était exécutoire par provision de plein droit dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois qu’il a chiffrée à 1651,33 €;

— a ordonné à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées au travailleur licencié du jour de son licenciement à celui du prononcé du jugement’ dans la limite de six mois d’indemnité;

— a débouté M. Y de ses demandes en:

* nullité du licenciement;

* paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

* paiement de dommages et intérêts pour 'inexécution de bonne foi du contrat et comportement déloyal de l’employeur';

* paiement d’indemnités de trajet;

Il a enfin débouté la société Auto Bilan France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

La société en a relevé appel par lettre recommandée expédiée le 20 janvier 2014.

Elle conclut au mal fondé des prétentions adverses, subsidiairement à la réduction des dommages et intérêts à de plus justes proportions, et sollicite l’allocation d’une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

C Y soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et en déduit la nullité de son licenciement, dont il demande subsidiairement à la cour de dire qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il reproche encore à son ex employeur de n’avoir pas exécuté de bonne foi le contrat de travail. Il sollicite, en conséquence, sa condamnation au paiement de:

—  16 583,44 € (8 mois de salaire) de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

—  16 583,44 € en réparation du préjudice moral consécutif à l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail et comportement déloyal de l’employeur suite aux faits constitutifs de harcèlement';

—  24 879,12 € (12 mois de salaire brut) en réparation du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement;

—  1542,61 € d’indemnité de licenciement;

—  4562,62 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents;

Au cas où la cour ne retiendrait pas le harcèlement moral et ne prononcerait donc pas la nullité du licenciement, il réclame:

—  16 583,44 € (8 mois de salaire) de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

—  8 295,68 € de dommages et intérêts en raison du caractère abusif du licenciement;

—  4562,62 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés afférents;

—  1 175,64 € d’indemnités de trajet

Il sollicite enfin, en tout état de cause, 1500 € au titre des frais irrépétibles.

Pour plus ample exposé des demandes et moyens, il est renvoyé aux écritures déposées

— le 3 octobre 2014 par l’intimée

— le 10 octobre 2014 par l’appelant

qui ont été reprises et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

I- Sur les indemnités de trajet:

M. Y réclame à ce titre paiement d’une somme de 1 175,64 € correspondant aux frais de déplacement qu’il a exposés, du 2 juin 2009 au 5 juillet 2012, entre le centre d’Arras auquel il était affecté selon son contrat et les centres auxiliaires sur lesquels il s’est rendu dans le cadre de ses fonctions.

Il produit ses plannings et justifie du kilométrage parcouru par des extraits du site maps.google.fr. Il invoque l’article 1.09 ter de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile (qui couvre l’activité de contrôle technique automobile) du 15 janvier 1981 étendue par arrêté du 30 octobre 1981.

La société Auto Bilan France rappelle qu’en vertu de l’article L. 3121-4 du code de travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du travail n’est pas un temps de travail effectif, et qu’un dépassement éventuel du temps normal ne peut donner lieu qu’à des contreparties en repos ou en argent fixées par la convention collective (en l’espèce 25%). Elle fait plaider que M. Y, dont le contrat stipulait qu’il exercerait son activité soit au pôle d’Arras soit au sein des installations de contrôle rattachées à celui ci ne peut prétendre à une quelconque contrepartie ou indemnité.

Le contrat du 2 juin 2009 stipulait que C Y exercerait ses fonctions 'dans les centres en propre et les installations de contrôle du pôle d’Arras’ et mentionnait le seul existant alors qui était situé sis XXX. L’avenant du 2 décembre 2009 a complété la liste des installations de contrôle rattachées à ce pôle, qui sont celles dans lesquelles M. Y s’est déplacé dans le cadre de son activité et qui sont concernées par le présent litige. C’est donc à juste titre que le conseil a rejeté ce chef de demande, après avoir relevé que le salarié utilisait un véhicule de la société pour se rendre sur les centres auxiliaires.

II- Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement:

II-1: C Y se plaint d’avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement qui se seraient atténués après sa désignation par la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT (à laquelle il a adhéré le 1er septembre 2011), le 14 février 2012, en qualité de représentant syndical auprès du comité d’entreprise mais auraient pris un nouvel essor après que le tribunal d’instance de Versailles ait, par jugement du 30 mai 2012, annulé cette désignation avec effet rétroactif, jugement devenu définitif le15 mai 2013. Il indique que le comité d’entreprise a souligné, lors de sa réunion du 27 septembre 2011, que les conditions de travail de dégradaient dans certaines régions et que les cas de mal être au travail se multipliaient.

Il indique avoir eu, le 11 octobre 2011, une vive altercation avec son chef de centre, Renato Z, au cours de laquelle celui ci a proféré à son encontre 'de lourdes menaces verbales', suivie d’une seconde le lendemain; que ces faits l’ont conduit à consulter son médecin traitant, qui lui a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 4 décembre, et à exiger de la direction une déclaration d’accident du travail; il précise que M. Z, qui avait, lors de la réunion du comité d’entreprise du 29 novembre, contesté avoir proféré des menaces contre M. Y, s’est excusé au cours de l’entretien qu’il a eu avec celui ci le 5 novembre en présence d’un représentant de la direction.

Il se plaint encore:

— d’avoir été injustement accusé, par lettre du 9 décembre 2011, d’avoir 'falsifié les journées des 13 et 14 octobre 2011" dont il soutient qu’elles auraient été 'posées', pendant son arrêt maladie, par un collègue qui connaissait son identifiant et son mot de passe, ce qui le conduira à se faire prescrire par son médecin traitant un nouvel arrêt de travail;

— de la teneur du courrier du 8 décembre aux membres du CHSCT qui était appelé à se prononcer, le 21 décembre, sur l’enquête menée par cette institution après que deux accidents du travail 'consécutifs à une dépression nerveuse suite au comportement du supérieur hiérarchique', dont le sien, aient été déclarés au pôle d’Arras;

— d’avoir du continuer à travailler au pôle d’Arras alors que le médecin du travail avait demandé, le 5 décembre, de 'favoriser un poste de travail en centre auxiliaire ou une mutation sur un autre centre de rattachement', et que son médecin traitant avait évoqué l’éventualité d’une dépression si les choses restaient en l’état;

— de la contestation par la direction de l’avis d’aptitude médicale dont il avait fait l’objet le 5 janvier 2012;

— de l’obligation dans laquelle il s’est trouvé, les 7 et 8 février 2012, de se rendre au centre auxiliaire de Doullens en dépit des conditions climatiques et, s’agissant du 8, de l’absence de toute activité sur place;

— de la découverte, le 29 février 2012, dans le coffre de sa voiture personnelle, d’un écran d’ordinateur neuf de marque Philips appartenant à la société et destiné au centre de Prévent, à la suite de laquelle une procédure disciplinaire a été engagée, qui s’est achevée par 'une mise en garde de ne plus réitérer ce comportement’ (courrier du 20 avril 2012) S’appuyant sur une attestation de Mme Z, il accuse son supérieur hiérarchique d’avoir mis l’écran dans son coffre pour le faire accuser de vol;

— d’un regain de tension entre M. Z et lui même, le 19 mars 2012, à propos de l’usage du véhicule de service et d’un différent sur les heures supplémentaires;

— de la remise tardive de tickets restaurants le 9 mai 2012;

— d’une difficulté, survenue le 16 juin, au sujet de cartes dites 'de dénotage’ destinées à faciliter les remises en banque par les contrôleurs, cartes que M. Y accuse son supérieur d’avoir conservé sous clé, à la suite de laquelle un échange aura lieu le 19 entre M. Z et lui même sur le rôle respectif de chacun dans ce domaine.

Il affirme enfin n’avoir pu se rendre, du fait de son état de santé, à son entretien annuel d’évaluation (dit de progrès) du 10 janvier 2012.

Il reproche, en substance, à Renato Z de l’avoir continûment maltraité et à son employeur de l’avoir maintenu, en dépit des avis médicaux, dans un environnement hostile tout en faisant mine de le soutenir. Il se plaint d’avoir été victime de harcèlement managérial.

Il produit des documents médicaux desquels il ressort notamment:

— que son médecin traitant lui a prescrit le 13 octobre un arrêt de travail jusqu’au 4 décembre pour syndrome anxio dépressif;

— que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois a, après enquête, refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle (lettre du 24 février), décision confirmée le 27 juillet 2012 par la commission de recours amiable;

— qu’à l’issue de la visite de reprise le 5 décembre 2011, le médecin du travail avait préconisé un travail dans les centres auxiliaires ou une mutation dans un autre centre de rattachement;

— qu’un nouvel arrêt de travail lui a été prescrit le 7 décembre 2011 jusqu’au 21, puis du 21 décembre jusqu’au 2 janvier, terme reporté au 3;

— qu’il a été mis une nouvelle fois en arrêt de travail le 8 février 2012 (pour 'gelures aux doigts’ et 'déprime') jusqu’au 17 puis au 20 février et enfin jusqu’au 8 mars;

— que la CPAM a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident déclaré le 7 février;

— que le médecin du travail a indiqué, à la suite d’une visite de M. Y le 9 février 2012, que 'l’inaptitude (de celui ci) au poste tel qu’il est organisé actuellement est à prévoir. Envisager un poste dans un autre environnement managerial’ mais a conclu, le 23 février, à son aptitude sans formuler de réserve;

— que le même médecin a conclu dans le même sens à la suite d’une visite effectuée le 19 mars à l’initiative du salarié

Il communique, par ailleurs:

— les nombreuses correspondances échangées entre lui même et la direction ou entre celle ci et le représentant syndical qu’il a chargé de la défense de ses intérêts;

— l’attestation de Mme Z évoquée plus haut;

— une copie de sa déclaration aux services de police, prise en main courante le 3 mars 2012, concernant les faits du 29 février;

— les rapports d’enquête du CHSCT du 30 novembre 2011 (sur les faits des 11 et 12 octobre) et du 4 juillet 2012, ce dernier concluant à la nécessité de ne plus faire travailler ensemble MM Y et Z, le premier étant 'irrespectueux’ envers le second.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, font présumer l’existence d’un harcèlement moral.

II-2: L’employeur reconnaît que M. Z a tenu le 11 octobre 2011, en salle de pause, des 'propos maladroits’ pour lesquels il s’est excusé publiquement au cours de la réunion organisée par la direction dans le but de rétablir le dialogue entre les deux hommes. Il conteste en revanche le comportement menaçant qui aurait été celui de ce chef de centre le 12 octobre et les propos qu’il aurait tenus.

S’agissant de l’envoi de M. Y en centre auxiliaire le 8 février 2012, l’employeur estime n’avoir fait que suivre les préconisations du médecin du travail, l’avis du CHSCT et la propre volonté du salarié en évitant, autant que possible, de le faire travailler au centre Churchill. Il explique l’absence de remise des cartes de dénotage le 6 mai 2012 par l’absence de besoin et le retard dans la transmission des tickets restaurants le 9 mai par les congés payés successifs de M. Y et par le surcroît de travail généré par le déménagement du centre d’Avesnes le Comte auquel le chef de centre a dû faire face du 30 avril au 30 mai 2012. Il fait enfin valoir que la caisse primaire a refusé la prise en charge des prétendus accidents du travail en raison de leur absence de lien avec le travail.

II-3: Il a été vu plus haut que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Artois avait refusé la prise en charge des faits déclarés comme accidents du travail et que les conclusions des enquêtes diligentées par le CHSCT n’ont pas été celles attendues par le salarié. La lettre adressée à ce dernier, le 8 décembre 2011, par la directrice des ressources humaines d’Auto Bilan France, qui retrace l’évolution de la situation depuis la révélation des faits du 11 octobre n’est pas critiquable en ce qu’elle traduit la volonté de la direction de rechercher l’apaisement.

* Il ressort de la lettre de M. Y en date du 13 octobre 2011 que, le 11 pendant la pause méridienne, M. Z, qui revenait d’une réunion à Lille, a indiqué aux personnes présentes que, selon le directeur des ressources humaines, une personne était de trop au pôle d’Arras, qu’il a désignée en pointant le doigt vers M. Y dont il a indiqué qu’il 'faisait partie du wagon', ce qui était normal puisqu’il était le dernier arrivé et que son licenciement coïterait moins cher que celui d’un collègue plus ancien; que M. Y ayant fait valoir qu’il était handicapé et père de quatre enfants, son chef lui a répondu que ces considérations étaient secondaires et que 'Dekra pouvait me trouver des boulettes et qu’ils y arrivaient toujours', avant d’être contredit par son adjoint. Il indique avoir 'déjà eu droit à plusieurs attaques de la part de son chef de centre'.

Le compte rendu reproduit les déclarations de trois témoins de la scène qui confirment globalement l’énoncé qui précède et l’existence d’antécédents de même nature de la part de M. Z. La matérialité des faits est donc établie.

L’appelant reproche à la direction de les avoir qualifié de 'malentendu’ dans sa lettre du 13 octobre et de ne pas l’avoir convié à la réunion de service du 4 novembre au cours de laquelle M. Z a présenté ses excuses alors qu’il était directement concerné.

Le qualificatif incriminé était compréhensible dans un courrier par lequel l’employeur accusait réception d’une dénonciation dont il ne pouvait savoir, à ce stade, si elle était exacte (Il parlera, au demeurant, de 'réelle maladresse’ dans sa lettre du 3 janvier 2012). L’absence de M. Y à la réunion du 4 novembre est certes regrettable mais ne traduit en aucune manière une complaisance de la direction, puisqu’il était en arrêt de travail à cette date et que les excuses écrites de son supérieur lui ont été transmises avant d’être réitérées au cours de la réunion du 5 décembre.

* M. Y soutient, par ailleurs, avoir été victime de provocation ('Que penses tu quand tu te regarde dans la glace le matin'') et de menace de sanction, le tout devant témoin et sur son lieu de travail, de la part de M. Z. Il invoque le courrier électronique qu’il a adressé le 26 octobre au défenseur syndical chargé de la défense de ses intérêts (M. X) dont la teneur a été reprise dans sa lettre du 20 octobre aux membres du CHSCT ('il m’est devenu impossible de travailler dans ces conditions de menaces de licenciement').

La matérialité de ces faits est déniée par l’employeur et ne saurait résulter des documents cités ci dessus.

* Il est par ailleurs établi que des heures supplémentaires ont été portées à tort au crédit de M. Y sur le logiciel Ariane pour une période pendant laquelle l’intéressé était en arrêt maladie. L’intéressé s’est défendu d’être à l’origine de cette saisie, et a mis en cause un collègue non identifié auquel il a affirmé avoir communiqué ses identifiant et mot de passe. Dans sa lettre du 9 décembre 2011, l’employeur se borne à lui demander d’annuler cette fausse déclaration, lui demande de changer son mot de passe et le met en garde contre la manière dont il a procédé. Cette façon de faire n’est en rien critiquable.

* Le fait d’avoir envoyé le salarié au centre auxiliaire de Doullens le 8 février 2012 traduit la volonté de respecter les préconisations du médecin du travail, (Avis du 5/12: 'favoriser un poste de travail en centre auxiliaire ou une mutation sur un autre centre de rattachement'). Certes, M. Y indique avoir constaté la veille qu’il n’y avait pas de travail, et avoir demandé à la direction d’annuler son déplacement pour cette raison mais ne produit aucun élément tangible à l’appui de cette allégation.

*S’agissant de l’incident du 29 février, le salarié verse aux débats une attestation de Mme Z selon laquelle son époux, de laquelle elle indique être en instance de divorce, lui aurait avoué avoir placé dans le coffre du véhicule de M. Y un écran d’ordinateur appartenant à la société 'afin de le faire accuser de vol', aveu que le témoin estime compatible avec ce qu’elle savait de son mari.

Ce seul élément ne peut prouver la réalité des faits, alors que le divorce des époux Z a été particulièrement conflictuel. En tout état de cause, la direction- à laquelle il est simplement reproché de n’avoir pas mené d’enquête à ce sujet- était étrangère à un geste qui, s’il a effectivement eu lieu, traduisait un ressentiment personnel de son auteur.

* Le fait que les cartes de dénotage permettant aux contrôleurs d’effectuer les remises en banque n’aient pas été remises à M. Y le 6 mai 2012 s’explique d’une part par le fait qu’il avait été en congés du 19 au 30 avril d’autre part par le fait qu’il n’en avait pas de besoin immédiat, la remise incombant alors à son chef de centre. Au demeurant, l’intéressé explique simultanément (v. Infra IV-1) que cette tâche ne lui incombait pas.

*Le retard dans la transmission des tickets restaurant (remis le 9 mai alors qu’ils avaient été réclamés le 2) ne traduit pas, ainsi qu’il est soutenu, une atteinte à l’égalité de traitement entre les collaborateurs de l’entreprise mais s’explique par les congés de M. Y du 19 au 30 avril et par le surcroît de travail du chef de centre généré par le déménagement du centre auxiliaire d’Avesnes le Comte dont il devait s’occuper alors que son adjoint était en congé.

Il convient enfin d’observer que l’inspection du travail, à laquelle les faits avaient été dénoncés par l’appelant le 14 octobre, a procédé le 9 février 2012 à une enquête contradictoire à laquelle elle n’a donné aucune suite.

Il résulte de ce qui précède que les actions ou inactions de la hiérarchie ou de la direction étaient étrangères à tout harcèlement. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. Y de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et refusé d’annuler son licenciement.

III- Sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail:

C Y reproche à son ex employeur d’avoir manqué à la bonne foi en tentant de minimiser l’incident du 11 octobre 2011, en ne le soutenant pas comme il convenait face à M. Z, en tentant de l’intimider et de le déstabiliser , en ne prenant pas en compte les préconisations du médecin du travail et enfin en tentant de le faire accuser de vol. La société s’en défend.

Ces divers griefs sont les mêmes que ceux examinés plus haut et seront écartés pour les mêmes raisons, étant observés que les deux demandes de dommages et intérêts faisaient double emploi.

IV- Sur le licenciement:

La lettre du 19 juillet 2012, dont les extraits pertinents sont reproduits ci après en caractères italiques, mentionne deux motifs qui seront examinés successivement. Elle y voit une 'attitude systématique de refus des consignes, agressive et insultante vis à vis de votre hiérarchie’ étant précisé qu’il ne s’agit pas de faits isolés tant vous n’avez cessé de multiplier les incidents au sein du centre au cours des derniers mois.' et conclut 'Votre comportement met en cause la bonne marche des centres dans lesquels vous travaillez et nuit au climat social et aux relations professionnelles créant des tensions totalement injustifiées'.

1) Il est d’abord reproché à M. Y de n’avoir 'pas établi', le 16 juin, 'de document de fin de journée et de fin de semaine dans le logiciel Aurore'. Interrogé par M. Z sur 'les raisons de ce manquement', le collaborateur n’a 'pas été en mesure de fournir d’explication valable alors même (qu’il savait) pertinemment que ces documents […] sont primordiaux pour la bonne gestion du centre de contrôle et de la comptabilité'. Il lui est encore fait grief de s’être 'violemment emporté’ et d’avoir 'tenu des propos insultants’ à l’endroit de M. Z.

La lettre ajoute 'Malgré le rappel de votre responsable hiérarchique sur la nécessité de produire ces documents, vous ne les avez, à nouveau, pas établis le 23 juin 2012. Monsieur Z vous a une nouvelle fois interrogé sur les raisons de ce manquements, et vous avez tenu des propos insultants à son égard.

Ces faits sont intolérables[…] et démontrent votre comportement sciemment provoquant vis à vis des demandes de votre responsable hiérarchique'.

M. Y affirme avoir bien établi, le 16 juin, le document de fin de journée. Il ajoute que, le 19 juin, son chef s’est déplacé sur son lieu de travail pour lui faire signer une feuille de réunion mensuelle faisant état de son refus, le 16 juin, d’effectuer la remise en banque de fin de semaine alors que c’était au chef de centre, à défaut aux secrétaires et contrôleurs volontaires que cette formalité incombait. Il produit une attestation de son défenseur syndical, M. X, à ce sujet.

Il conteste par ailleurs avoir eu une altercation avec quiconque, tenu des propos insultants ou s’être emporté alors même que l’acharnement de M. Z à vouloir le déstabiliser aurait justifié qu’il hausse le ton.

La réalité des faits reprochée est attestée par Renato Z et corroborée par le témoignage de Maxime Boulet, contrôleur chez Auto Bilan France, qui affirme avoir entendu le 2 juillet 2012 M. Y demander à M. Z, qualifié de 'pauvre merde', d’aller 'faire joujou ailleurs'. Requis par le second d’établir une attestation, le témoin dit avoir été invité par le premier de faire attention ce qu’il signait.

2) Il est fait grief à l’appelant, en deuxième lieu, d’avoir 'adopté', depuis octobre 2011, 'une attitude ouvertement provocante et conflictuelle vis à vis de Monsieur Z en multipliant les actions à son encontre. Ainsi, vous avez tenté d’instrumentaliser votre état de santé en déclarant des accidents du travail qui ont été à chaque fois rejetés’ […] et d’avoir 'à différentes reprises accusé Monsieur Z de faits de harcèlement alors même que les différentes enquêtes du CHSCT menées suite à la dégradation des relations avec votre responsable n’ont rien démontré à ce titre. En revanche, face à votre comportement provocateur et agressif à son égard, Monsieur Z a été, quant à lui, contraint de déposer, à plusieurs reprises, des mains courantes.

Il ressort des pièces produites que M. Z a déposé, les 20 avril et 19 juin 2011 des mains courantes pour des faits imputés à l’appelant. Il a été vu plus haut que les déclarations d’accident du travail et les demandes d’enquête auprès du CHSCT n’avaient pas eu l’effet escompté. Enfin, six collaborateurs directs de M. Z, dont trois affectés au pôle d’Arras, ont attesté, dans un courrier commun daté du 22 novembre 2011, de 'l’ambiance détestable’ qui régnait depuis que 'certaines accusations’ avaient été portées à l’encontre d’un chef dont le mode de management ne leur paraissait en rien inadapté, agressif ou harcelant.

Il en résulte que le licenciement de M. Y avait une cause réelle et sérieuse sans être justifié par une faute grave. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail et l’a condamné au remboursement des allocations de chômage. Il sera en revanche confirmé sur les indemnités de rupture, qui n’étaient contestées qu’en leur principe.

V- Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Il y a lieu de condamner l’appelant, dont les prétentions étaient largement infondées, aux dépens, conformément à la règleénoncée par l’article 696 du code de procédure civile, ce qui interdit de faire application à son profit des dispositions de l’article 700 du même code.

Il n’est pas inéquitable, pour autant, de laisser à la charge de l’intimé les frais non compris dans les dépens qu’il a du exposer pour la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a

— condamné la SNC Auto Bilan France au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

— ordonné à cette société de rembourser les allocations de chômage servies à C Y du jour de son licenciement à celui du prononcé;

— condamné cette société au paiement de 500 € au titre des frais irrépétible ainsi qu’aux dépens;

Statuant à nouveau:

Déboute l’intéressé de sa demande de dommages et intérêts et de celle fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;;

Dit n’y avoir pas lieu à remboursement des allocations de chômage;

CONFIRME le jugement pour le surplus;

Y ajoutant

Rejette les demandes formulées de part et d’autre au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne C Y aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S. LAWECKI E. B

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, 31 octobre 2014, n° 14/00357