Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 25 novembre 2021, n° 21/02267

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 8 sect. 3, 25 nov. 2021, n° 21/02267
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 21/02267
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Douai, JEX, 11 avril 2021, N° 21/00132
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 3

ARRÊT DU 25/11/2021

N° de MINUTE : 21/1211

N° RG 21/02267 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSMP

Jugement (N° 21/00132) rendu le 12 avril 2021

par le juge de l’exécution de Douai

APPELANTE

Sas Eos France anciennement dénommée eos credirec, venant aux droits de la Société Diac suivant acte de cession passé en date du 12/12/13, prise en la personne de son représentant légal

[…]

[…]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai et Me Claire Bouscatel, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

Monsieur X Y

né le […] à […]

chez ses parents – 47, […]

[…]

Représenté par Me Théodora Bucur, avocat au barreau de Douai

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/005448 du 03/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)

DÉBATS à l’audience publique du 23 septembre 2021 tenue par Hélène Billières magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Sylvie Collière, président de chambre

Catherine Convain, conseiller

Hélène Billières, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 7 septembre 2021

FAITS ET PROCEDURE :

Par un jugement du 2 novembre 2005 signifié le 21 novembre suivant, le tribunal d’instance de Douai a condamné M. X Y à payer à la société Diac la somme de 9 924,74 euros avec intérêts au taux de 4,84 % l’an sur la somme de 9 167,35 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 18 février 2005 en règlement du solde d’un crédit accessoire à la vente d’un véhicule qu’il avait souscrit auprès de cet établissement de crédit selon une offre préalable acceptée le 25 juillet 2003.

Par un acte d’huissier en date du 20 mars 2006, la société Diac, en même temps qu’elle faisait à nouveau signifier le jugement susvisé à M. X Y, a, sur le fondement de ce même jugement, fait délivrer à l’intéressé un commandement de payer la somme de 10 397,02 euros en principal, intérêts et frais.

Puis, par un acte du 12 avril 2006, elle a, toujours sur le fondement du jugement précité du 2 novembre 2005, fait délivrer à M. X Y un commandement aux fins de saisie-vente afin d’obtenir paiement de la somme de 10 540,41 euros en principal, intérêts et frais.

La société Eos France, anciennement dénommée Eos Crédirec, se disant venir aux droits de la société Diac à la suite d’une cession de créance intervenue le 12 décembre 2013, a repris l’exécution du jugement du tribunal d’instance de Douai du 2 novembre 2005 et, par un acte d’huissier en date du 2 septembre 2020, a, en même temps qu’elle faisait signifier à M. X Y l’acte de cession de créances en question, fait délivrer à l’intéressé un commandement aux fins de saisie-vente afin d’obtenir paiement de la somme de 5 989,60 euros en principal, intérêts et frais.

Elle a par ailleurs, par acte du 5 octobre 2020 de la société Sinequae, huissiers de justice à Calais, fait signifier au préfet du Nord un procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation du véhicule automobile de marque Peugeot type 208 immatriculé DY-777-HT appartenant à M. X Y, lequel procès-verbal a été dénoncé à ce dernier, sur le fondement du jugement du tribunal d’instance de Douai du 2 novembre 2005, par un acte du 7 octobre 2020 de la même société Sinequae délivré à la requête du fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 1, représenté par sa société de gestion Eurotitrisation, pour obtenir paiement d’une somme de 6 255,96 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite des acomptes reçus.

Ce même fonds commun de titrisation Crédinvest a par ailleurs et par un acte de la société Sinequae du 14 octobre 2020, fait dénoncer un procès-verbal d’immobilisation avec enlèvement dressé par acte du ministère de la S.A.S. Sinequae le 7 octobre 2020 à M. X Y, lequel a alors saisi le 12 novembre 2020 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai à fins de contester la régularité de ces procédures d’indisponibilité du certificat d’immatriculation et d’immobilisation de son véhicule en assignant tant le fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 1,

représenté par sa société de gestion Eurotitrisation, que la société Eos France.

La société Eos France, se disant venir aux droits de la société Diac, ayant, par un acte signifié à M. X Y le 11 décembre 2020, donné « mainlevée pure, simple, entière et définitive du PV d’immobilisation avec enlèvement du véhicule (') dressé par acte du ministère de la S.A.S. Sinequae (') en date du 7 octobre 2020 », M. X Y a renoncé à sa contestation relative au procès-verbal d’immobilisation de son véhicule dressé le 7 octobre 2020 et dénoncé le 14 octobre suivant, celui-ci « ayant été levé » ainsi qu’il en résulte des énonciations du jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai du 15 février 2021.

Par ce même jugement, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai a notamment :

— " déclaré nul le procès-verbal d’indisponibilité du certificat d’immatriculation établi le 5 octobre 2020 concernant le véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT appartenant à M. X Y ;

— déclaré nulles les dénonciations dudit procès-verbal intervenues les 7 et 14 octobre 2020 ;

— ordonné la restitution du [véhicule] saisi au titre des actes annulés ".

Dans l’intervalle, la société Eos France a, le 17 décembre 2020, fait dénoncer à M. X Y un procès-verbal d’immobilisation du véhicule automobile de marque Peugeot type 208 immatriculé DY-777-HT lui appartenant, dressé le 14 décembre précédent, avec commandement de payer la somme actualisée à 6 620,84 euros en principal, intérêts et frais, et ce, en vertu de la même décision.

Invoquant le défaut de qualité à agir de la société Eos France, le caractère abusif de la saisie ainsi pratiquée et l’absence de caractère certain, liquide et exigible de la créance compte tenu de la prescription biennale des intérêts, M. X Y a assigné, le 15 janvier 2021, la société Eos France devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Douai à fin d’obtenir l’annulation du procès-verbal d’immobilisation dressé le 14 décembre 2020 et dénoncé le 17 octobre suivant, la mainlevée de la saisie, la restitution sous astreinte du véhicule ainsi que l’allocation de dommages et intérêts.

Par jugement du 12 avril 2021, le juge de l’exécution a :

— écarté la fin de non-recevoir présentée au titre de la prescription ;

— dit que la procédure d’immobilisation du véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT est irrégulière ;

— ordonné la mainlevée de l’immobilisation du 14 décembre 2020, dénoncée le 17 décembre 2020 à M. X Y concernant le véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT, les frais en étant laissés à la charge de la société Eos France ;

— ordonné la restitution du véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT à M. X Y dans un délai de cinq jours à compter de la signification de la décision ;

— condamné la société Eos France à payer à M. X Y la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration adressée par la voie électronique le 20 avril 2021, la société Eos France a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions autres que celle écartant la fin de non-recevoir présentée au titre de la prescription.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 28 juillet 2021, la société Eos France, qui expose venir aux droits de la société Diac en vertu d’une cession de créance intervenue le 12 décembre 2013, notifiée à M. X Y par courrier du 29 janvier 2014 et signifiée au même par acte d’huissier du 2 septembre 2020, dénie tout caractère abusif de la saisie, faisant valoir à cet égard que le débiteur a cessé de procéder au règlement de sa créance au mois d’avril 2020, que le véhicule de ce dernier constitue son seul gage lui permettant de recouvrer sa créance dont le montant excède 6 500 euros et qu’elle n’avait pas de raison d’agir avant le mois d’octobre 2020 puisque le débiteur, jusqu’au mois de mai 2020, effectuait des règlements partiels.

Elle fait valoir ensuite, sur l’exigibilité de sa créance, que les nombreux règlements partiels effectués par M. X Y entre le 31 octobre 2006 et le 10 avril 2020 emportent reconnaissance de dette de sorte qu’à cette dernière date, le délai de la « prescription décennale » a été interrompu et qu’ « un nouveau délai de dix ans a donc commencé à courir pour se terminer le 10 avril 2030 ». Elle en déduit que la créance résultant du jugement du tribunal d’instance de Douai du 2 novembre 2005 est parfaitement exigible, déduction faites des règlements effectués par M. X Y et des intérêts éventuellement prescrits.

La société Eos France soutient encore, s’agissant de la prescription des intérêts, que le jugement fondant la saisie ayant été rendu antérieurement à l’entrée en vigueur, le 18 juin 2008, de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation, seule la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil est applicable au recouvrement des intérêts de sa créance, principe qu’elle a parfaitement respecté puisqu’aucun intérêt de plus de cinq ans n’a été encaissé ni même réclamé à M. X Y. Elle reproche à cet égard au premier juge d’avoir retenu qu’alors que des règlements dépassant le montant initial du capital restant dû étaient intervenus depuis le jugement et avant le délai de cinq ans sus-énoncé, ils figuraient dans le décompte fourni sans venir réduire le montant du capital restant dû pour en déduire qu’elle ne justifiait pas de l’existence d’un capital restant dû après application de la « déchéance précitée et donc de l’existence d’une créance exigible et liquide » alors qu’elle a, conformément à l’article 1343-1 du code civil, imputé les paiements partiels opérés par M. X Y en priorité sur les intérêts les plus anciens et que jusqu’au 25 novembre 2014, ces paiements étaient trop peu fréquents et pas assez suffisants pour s’imputer également sur le capital.

Dans l’hypothèse où la cour considèrerait néanmoins que c’est la prescription biennale des intérêts qui s’applique, elle fait valoir que seuls les intérêts antérieurs au 2 septembre 2018 seraient déclarés prescrits « dès lors qu’un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié ».

La société poursuivante rappelle enfin qu’au 5 octobre 2020, M. X Y était débiteur de la somme de 6 620,84 euros et qu’elle est détentrice d’un titre exécutoire définitif de sorte qu’elle avait intérêt à agir en tentant de recouvrer les sommes dues et qu’elle n’a donc commis aucune faute en engageant à l’encontre de l’intéressé une procédure d’immobilisation de son véhicule.

Se fondant sur les dispositions des articles L.223-1, L.223-2 et R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution, 2240 et 1343-1 du code civil et 700 du code de procédure civile, la société Eos France demande en conséquence à la cour, de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré la procédure d’immobilisation du véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT appartenant à M. X Y irrégulière, en ce qu’il a ordonné la mainlevée de ladite procédure, en laissant à sa charge les frais y afférents, et en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. X Y la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré qu’elle avait qualité à agir à l’encontre de M. X Y en vertu du jugement du tribunal d’instance de Douai du 2 novembre 2005 et en ce qu’il a débouté M. X Y de sa demande indemnitaire ;

— " statuant à nouveau,

. prononcer la validité de la procédure d’immobilisation du véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-HT appartenant à M. X Y ;

. condamner M. X Y au remboursement des frais engagés par [elle] dans la procédure d’immobilisation du véhicule Peugeot 208 immatriculé DY-777-

HT ;

. débouter M. X Y de l’intégralité de ses demandes ;

— à titre infiniment subsidiaire,

. cantonner le montant des intérêts aux seuls intérêts postérieurs au 2 septembre 2018 ;

. débouter M. X Y pour le surplus ;

— en tout état de cause,

. condamner M. X Y à [lui] payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ".

Dans ses écritures transmises au greffe de la cour le 23 juin 2021, M. X Y, reprenant en cause d’appel les moyens de contestations qu’il avait soulevés devant le premier juge, fait valoir que, s’il « ne conteste pas la succession des entités venues aux droits de la Diac », il n’est en revanche pas justifié « des relations existant ou ayant existé entre Eos France et le fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 1, représenté par sa société de gestion Eurotitrisation » alors qu’il ne peut même pas s’assurer que la première immobilisation a bien été levée, que son véhicule ne lui a pas été restitué dans l’intervalle et qu’une nouvelle saisie a été pratiquée.

Il soutient ensuite que la saisie pratiquée est abusive, motifs pris que la « valeur argus brute » du véhicule est bien inférieure à la créance réclamée, qu’il ne peut être démontré si l’état actuel dudit véhicule n’est pas la résultante de la saisie abusive et irrégulière initiale pratiquée le 7 octobre 2020, que le coût de la vente aux enchères et la multiplicité de frais annexes semblent en totale disproportion avec la mesure de recouvrement pratiquée et qu’alors enfin qu’il est à la recherche d’un emploi, l’immobilisation du véhicule l’a empêché d’effectuer ses démarches.

M. X Y, se fondant sur un avis de la Cour de cassation du 4 juillet 2016, entend encore opposer la prescription biennale des intérêts de la dette en application de l’article L. 218-2 du code de la consommation, disposition d’ordre public d’application immédiate quelle que soit la date de conclusion du contrat, pour prétendre que la société Eos France ne peut recouvrer les intérêts rétroactivement au-delà d’un délai de deux ans.

Il considère enfin que c’est à bon droit que le premier juge a considéré que la créance n’était pas certaine, liquide et exigible dès lors qu’une grande partie des intérêts sont prescrits et que la société Eos France ne justifie pas d’un capital restant dû.

M. X Y conclut en conséquence à la confirmation « pure et simple » du jugement entrepris, au rejet de l’ensemble des demandes, fins et conclusions plus amples et contraires adverses ainsi qu’à l’allocation, à la charge de la société Eos France, d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

MOTIFS :

Sur le défaut de qualité à agir de la société Eos France :

La société Eos France produit aux débats l’acte sous seing privé du 12 décembre 2013 par lequel la société Diac a cédé à la société Eos Crédirec, devenue Eos France, deux sous-portefeuilles du portefeuille Lot B4, l’un, dénommé S1, de 82 créances cédées catégorie « Crédits » et, l’autre, dénommé S2, de 24 créances cédées catégories « Produits locatifs », ainsi qu’un extrait de l’annexe 2 qui désigne et individualise les créances ainsi cédées, lequel extrait mentionne les nom et prénom de M. X Y, ainsi qu’un numéro de dossier EE206596H, lequel numéro correspondant à celui qui avait été attribué par la société Diac, créancier cédant, au contrat de crédit souscrit auprès d’elle le 25 juillet 2003 par M. X Y, ainsi qu’il en ressort des mentions apposées sur la facture du véhicule financé par le crédit litigieux ainsi que sur la mise en demeure de régulariser l’arriéré des mensualités échues restées impayées que cette société avait adressée à M. X Y par courrier recommandé du 15 février 2005.

La société Eos France produit en outre un extrait du bulletin officiel des annonces civiles et commerciales des 26 et 27 janvier 2019 attestant qu’elle était anciennement dénommée Eos Credirec ainsi que l’acte d’huissier du 2 septembre 2020 par lequel elle a fait signifier à M. X Y la cession de créance susvisée.

Dans la mesure où M. X Y ne discute pas que la société Eos France vient aux droits de la société Diac, il importe peu, au regard de la qualité à agir de la société poursuivante, que de précédentes saisies de son véhicule, l’une, par déclaration auprès de l’autorité administrative, l’autre par immobilisation, aient été préalablement pratiquées, manifestement à la suite d’une erreur matérielle, au nom du fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 1, et ce, alors même que la première de ces saisies a été invalidée par le jugement du 15 février 2021 dont M. X Y indique lui-même qu’il n’a pas été frappé d’appel et que l’intéressé a par ailleurs lui-même reconnu dans ses écritures comme à l’audience ayant abouti audit jugement que la mainlevée de la seconde avait été ordonnée « du fait de l’irrégularité ».

C’est, partant, à bon droit que le premier juge a écarté la contestation élevée par M. X Y, tirée du défaut de qualité à agir de la société Eos France.

Sur le caractère abusif et disproportionné de la mesure d’immobilisation et la prescription des intérêts :

Selon l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Selon encore l’article L. 111-4 du même code, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

Il ressort du décompte de créance mentionné dans le commandement de payer inséré dans l’acte de dénonciation du procès-verbal d’immobilisation du véhicule signifié à M. X Y le 17 décembre 2020 que la société Eos France a calculé les intérêts courus au taux contractuel de 4,84 % sur la somme de 9 167,35 euros et au taux légal sur la somme de 757,39 euros du 18 février 2005 au 15 décembre 2020, le taux légal ayant été majoré de cinq points à compter du 21 juin 2006, comme s’élevant à un total d’intérêts de 7 378,58 euros, somme de laquelle cette société a retranché 956,10 euros correspondant au montant des intérêts prescrits.

Il résulte des explications de la société Eos France et de l’examen du décompte de créance arrêté au 5 octobre 2020 produit par elle sous le numéro 20 de son bordereau de communication de pièces que, pour parvenir à ce montant de 956,10 euros, la société poursuivante a fait application de la

prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil. Il apparaît de même que pour parvenir à un solde de créance résiduel de

5 801,51 euros en principal et intérêts au 15 décembre 2020, la société Eos France a imputé les paiements partiels opérés par M. X Y entre la date du 31 octobre 2006 et celle du 10 avril 2020, d’un montant global de 10 545,71 euros, d’abord sur les seuls intérêts puis sur les intérêts et le capital.

Pour déclarer la mesure d’immobilisation du véhicule Peugeot 208 appartenant à M. X Y irrégulière, le premier juge, après avoir énoncé que le créancier ne pouvait en application de l’article 2224 du code civil obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande, a retenu " qu’alors que des règlements dépassant le montant initial du capital restant dû [étaient] intervenus depuis le jugement [du 2 novembre 2005] et avant le délai de cinq ans sus-énoncé, ils figuraient dans le décompte fourni sans venir réduire le montant du capital restant dû démontrant la non-conformité des calculs au principe rappelé ci-dessus « . Il en a déduit que la société Eos France ne justifiait en ces conditions pas » de l’existence d’un capital restant dû après application de la déchéance précitée et donc de l’existence d’une créance exigible et liquide ".

En application toutefois de l’article L. 137-2 du code de la consommation, tel qu’issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, devenu l’article L. 218-2 du même code en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire, en raison de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur, sont soumises au délai de prescription biennale.

Selon en outre l’article 26- II de la loi précitée du 17 juin 2008, les dispositions nouvelles qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

L’article L. 137-2, devenu L. 218-2 susvisé étant énoncé de façon générale, il a vocation à s’appliquer à tous les contrats de consommation et, par suite, aux intérêts produits à compter de son entrée en vigueur le 19 juin 2008 sous son ancienne numérotation, par la créance fixée par le jugement du 2 novembre 2005, née du contrat de crédit accessoire souscrit par M. X Y auprès de la société Diac et ce, quand même ce contrat a été conclu selon une offre préalable acceptée le 25 juillet 2003 et donc antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 susvisé.

M. X Y est par conséquent fondé à demander qu’il soit fait application, pour le calcul des intérêts, de la prescription biennale prévue à l’article L. 137-2, devenu L.218-2 du code de la consommation.

Selon par ailleurs l’article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. L’article 2231 du même code énonce encore que l’interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

Pour prétendre que le délai de prescription biennale a été interrompu, la société Eos France se borne à faire valoir que, dans les deux années qui ont précédé la délivrance du commandement de payer inséré dans l’acte du 17 décembre 2020 de dénonciation du procès-verbal d’immobilisation, elle a fait signifier le 2 septembre 2020 à M. X Y un commandement de payer aux fins de saisie-vente. Si un tel commandement n’est pas un acte d’exécution forcée, il engage néanmoins la mesure d’exécution forcée et interrompt la prescription de la créance qu’elle tend à recouvrer.

La société Eos France est en conséquence fondée à soutenir que le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré par elle le 2 septembre 2020, soit dans les deux ans ayant précédé la

délivrance du commandement de payer inséré dans l’acte du 17 décembre 2020 aujourd’hui contesté, a eu pour effet d’interrompre la prescription.

Il en résulte que la société Eos France ne peut obtenir le recouvrement des intérêts échus plus de deux ans avant le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 2 septembre 2020, soit avant le 2 septembre 2018, et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement a été obtenu, avec cette précision que la prescription des intérêts invoquée par M. X Y ne peut affecter que les intérêts ainsi échus qui n’ont pas été réglés par l’effet des paiements partiels intervenus entre le 31 octobre 2006 et le 10 avril 2020.

Selon précisément l’article 1254 du code civil, devenu l’article 1343-1 du même code à la suite de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêts, le paiement fait sur le capital et intérêts qui n’est que partiel s’impute d’abord sur les intérêts.

Dès lors qu’il ressort du décompte de créance arrêté au 5 octobre 2020 susvisé que M. X Y a opéré, entre la date du 31 octobre 2006 et celle du 10 avril 2020, 76 versements d’un montant variable compris entre 50 et 253,34 euros jusqu’au 17 avril 2013, puis d’un montant de 150 euros chacun à compter du 25 novembre 2014, il ne saurait être fait grief à la société Eos France d’avoir imputé ces paiements, qui n’étaient que partiels, sur les intérêts échus au jour de chacun de ces versements par préférence au principal, la circonstance que ces paiements soient venus en leur temps s’imputer sur des intérêts précédant de plus de deux années le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 2 septembre 2020 ne remettant pas en cause l’effet libératoire de ces règlements.

Si ces paiements sont par ailleurs venus, jusqu’au 25 novembre 2016, s’imputer exclusivement sur les intérêts jusqu’alors produits compte tenu de leur montant insuffisant, il apparaît que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, ils sont ensuite venus, à compter de cette date, s’imputer également sur le principal de la créance, dont le montant initial de 9 924,75 euros a ainsi été ramené à la somme de 5 594,20 euros à la date du 5 octobre 2020, le principal sur lequel couraient les intérêts au taux légal ayant quant à lui été intégralement soldé le 25 mai 2017 selon ce que révèle le décompte de créance arrêté au 5 octobre 2020.

C’est donc à tort que le premier juge a retenu que les paiements partiels effectués par M. X Y entre le 31 octobre 2006 et le 10 avril 2020 auraient dû, par l’effet de la prescription des intérêts, s’imputer exclusivement sur le principal de la créance.

Il suit de l’ensemble de ce qui précède qu’à la date du commandement de payer inséré dans l’acte de dénonciation du procès-verbal d’immobilisation du véhicule de M. X Y, le 17 décembre 2020, la société Eos France détenait donc à l’encontre de M. X Y une créance s’établissant comme suit :

— principal après imputation des paiements opérés entre

le 31 octobre 2006 et le 10 avril 2020 : 5 594,20 euros ;

— intérêts échus entre le 10 avril 2020 et le 15 décembre 2020

et non réglés par l’effet des paiements opérés du 31 octobre 2006

au 10 avril 2020 : 185,45 euros ;

soit un total en principal et intérêts de 5 779,65 euros.

M. X Y, qui a brutalement mis fin au règlement échelonné de sa créance au mois d’avril

2020 sans jamais reprendre depuis le moindre versement ni faire la moindre proposition de reprise de paiement, ne prétend pas ni a fortiori ne démontre qu’il existait d’autre mesure d’exécution susceptible d’être utilement mise en 'uvre par la société Eos France pour parvenir au recouvrement de cette créance. Il ne produit pas davantage d’élément permettant de connaître la valeur du véhicule, objet de la mesure d’immobilisation, ni son état à la date de la première mesure d’immobilisation pratiquée le 7 octobre 2020.

Il n’établit par conséquent ni que la mesure d’immobilisation pratiquée le 14 décembre 2020 et dénoncée le 17 décembre suivant serait abusive ni qu’elle excèderait ce qui se révèle nécessaire pour permettre à la société poursuivante d’obtenir le paiement de sa créance de sorte que la mainlevée ne saurait en ces conditions en être ordonnée sur le fondement des articles L. 111-4 et L.121-2 précités du code des procédures civiles d’exécution.

C’est, partant, à bon droit que le premier juge a écarté la contestation élevée par M. X Y, tirée du caractère abusif ou disproportionné de cette mesure d’immobilisation.

La cour observe ensuite que si le premier juge a, dans les motifs de son jugement, écarté la demande en dommages et intérêts fondée sur l’abus de saisie que M. X Y avait formée devant lui contre la société Eos France, il n’a pas repris le rejet de cette demande dans le dispositif de cette décision. Il n’y a dès lors pas lieu, comme le réclame la société Eos France, de confirmer le jugement « en ce qu’il a débouté M. X Y de sa demande indemnitaire ».

Dans la mesure ensuite où M. X Y se borne à conclure à la confirmation « pure et » simple " du jugement déféré sans réitérer, dans le dispositif de ses écritures, la demande de dommages et intérêts formée devant le premier juge, la cour n’a pas davantage à examiner ce point.

Sur la demande de validation et de cantonnement de la mesure d’immobilisation :

Compte tenu de ce qui précède, il convient de valider la mesure d’immobilisation du véhicule automobile de marque Peugeot type 208 immatriculé DY-777-HT pratiquée par acte du 14 décembre 2020 et dénoncée à M. X Y le 17 décembre suivant mais d’en limiter les effets au recouvrement de la somme réellement due, soit 6 598,98 euros en principal, intérêts et frais se décomposant comme suit :

— principal après imputation des paiements opérés entre

le 31 octobre 2006 et le 10 avril 2020 : 5 594,20 euros ;

— intérêts échus entre le 2 septembre 2008 et le 17 décembre 2020

et non réglés par l’effet des paiements opérés du 31 octobre 2006

au 10 avril 2020 : 185,45 euros ;

— frais non contestés mentionnés dans l’acte du 17 décembre 2020 : 715,48 euros ;

— émolument art A 444-31 : 103,85 euros ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il y a lieu de condamner M. X Y aux dépens de première instance et d’appel et de le débouter, partant, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît enfin équitable de faire supporter par M. X Y, au titre des frais exposés par la

société Eos France et non compris dans les dépens, la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Écarte les contestations élevées par M. X Y tirées du défaut de qualité à agir de la S.A.S Eos France et du caractère abusif et disproportionné de la mesure d’immobilisation du véhicule automobile de marque Peugeot type 208 immatriculé DY-777-HT pratiquée par acte du 14 décembre 2020 et dénoncée à M. X Y le 17 décembre suivant ;

Valide la mesure d’immobilisation du véhicule automobile de marque Peugeot type 208 immatriculé DY-777-HT pratiquée par acte du 14 décembre 2020 et dénoncée à M. X Y le 17 décembre suivant à hauteur de la somme de 6 598,98 euros en principal, intérêts et frais ;

Déboute M. X Y de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X Y à payer à la S.A.S. Eos France la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X Y aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

I. Capiez S. Collière

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Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 25 novembre 2021, n° 21/02267