Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 mai 2021, n° 19/06874

  • Incendie·
  • Immeuble·
  • Responsabilité·
  • Associations·
  • Majeur protégé·
  • Assurances·
  • Intrusion·
  • Dommage·
  • Patrimoine·
  • Contrats

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 20 mai 2021, n° 19/06874
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/06874
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Avesnes-sur-Helpe, 18 novembre 2019, N° 18/00327
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/05/2021

****

N° de MINUTE : 21/237

N° RG 19/06874 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SYUW

Jugement (N° 18/00327) rendu le 19 novembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Avesnes sur Helpe

APPELANTES

AGSS de l’UDAF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

59620 Aulnoye-Aymeries

Société Maif prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

groupe Maif service sinistres

[…]

Représentées par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes

INTIMÉE

Compagnie d’Assurance Pacifica

[…]

[…]

Représentée par Me Charles Merlen, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 03 mars 2021 tenue par Claire Bertin magistrat chargée d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Y Z, onseiller

Claire Bertin, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 mai 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume salomon, Président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2021

****

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

A B était propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé […] – 59720 X, […].

Par arrêté du 8 août 2011, le maire de la commune de X a déclaré insalubre l’immeuble appartenant à A B et a, compte tenu de la situation personnelle de son propriétaire, pris d’office toutes mesures pour y interdire l’accès, notamment en y installant des plaques métalliques au niveau des portes.

A B a été placé sous tutelle par décision du 22 novembre 2011 du juge des tutelles du tribunal d’instance de Maubeuge, l’association AGSS de l’UDAF (ci-après l’AGSS de l’UDAF) étant désignée en qualité d’organisme tutélaire.

L’activité de l’association tutélaire était assurée auprès de la société Maif (ci-après la Maif).

Le 5 mars 2015, un incendie d’origine criminelle est survenu dans l’immeuble appartenant à A B, endommageant celui-ci et l’immeuble voisin. A cette époque, l’immeuble de A B était inhabité, et le majeur résidait à l’EHPAD la Roseraie à Sains du Nord.

L’enquête de police a établi que l’incendie avait été causé par l’intrusion de squatteurs et que le feu s’était propagé à l’immeuble voisin situé au […] à X, propriété de la SCI Sona immo qui avait assuré son bien immobilier auprès de la société Pacifica.

A la suite de l’incendie, la commune de X a pris un arrêté de péril imminent.

A la suite d’une réunion d’expertise amiable du 5 mars 2015 entre la SCI Sona immo, l’expert de la société Pacifica, l’AGSS de l’UDAF en qualité de tuteur de A B, et l’expert mandaté par l’AGSS de l’UDAF, le montant des dommages après vétusté a été fixé à la somme de 87 690 euros. Il a par ailleurs été constaté que l’immeuble n’était pas assuré.

La société Pacifica, ayant versé la somme de 82 544,40 euros à son assurée, la SCI Sona immo, a ensuite présenté une réclamation à hauteur de ce montant auprès de la Maif, qui a refusé d’y faire droit.

A B est décédé le […].

Par acte d’huissier du 7 février 2018, la société Pacifica a saisi le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe, aux visas des articles 496, 506, 1242 alinéa 1 du code civil, aux fins de voir engager, à titre principal, la responsabilité de A B et, à titre subsidiaire, celle de l’AGSS de l’UDAF.

Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe a :

— déclaré que A B n’était pas responsable des dommages matériels causés à la SCI Sona immo lors de l’incendie du 5 mars 2015,

— déclaré l’AGSS de l’UDAF responsable des dommages matériels causés à la SCI Sona immo lors de l’incendie survenu le 5 mars 2015,

— condamné l’AGSS de l’UDAF à payer à la société Pacifica la somme de 82 544,40 euros en réparation du dommage,

— condamné l’AGSS de l’UDAF à payer à la société Pacifica la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté l’AGSS de l’UDAF de sa demande de condamnation de la société Pacifica sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la Maif de sa demande de condamnation de la société Pacifica sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné l’AGSS de l’UDAF aux entiers dépens,

— condamné la Maif à garantir l’AGSS de l’UDAF des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens.

Par déclaration au greffe du 30 décembre 2019, l’AGSS de l’UDAF et son assureur, la Maif, ont interjeté appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas critiquées, du jugement querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a déclaré A B non responsable des dommages matériels causés à la SCI Sona immo lors de l’incendie du 5 mars 2015.

Dans leurs conclusions notifiées le 6 novembre 2020, l’AGSS de l’UDAF et la Maif sollicitent l’infirmation du jugement entrepris des chefs critiqués. Ils demandent à la cour de :

— juger que l’AGSS de l’UDAF n’a commis aucune faute dans la gestion de son mandat de tuteur de A B, relativement à l’immeuble sis «'27'» rue de Béco à X, et qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice subi par la SCI Sona immo,

— débouter en conséquence la société Pacifica de l’ensemble de ses demandes,

— la condamner au paiement d’une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Elles rappellent que la Maif n’assure pas l’immeuble appartenant à A B, mais a conclu avec l’AGSS de l’UDAF un contrat assurance multirisque de base, intitulé risques autres que véhicules à moteur (RAQVAM) des associations et des collectivités, qui couvre l’association, ses biens et ses personnes.

Elles considèrent que la Maif est tenue de couvrir, dans le cadre de sa garantie responsabilité civile tutélaire, les dommages causés au majeur protégé ou à ses ayants droit, mais pas l’immeuble appartenant à celui-ci.

Elles indiquent que l’AGSS de l’UDAF n’était pas l’établissement médico-social qui hébergeait A B de manière habituelle, et qu’elle ne le prenait pas en charge en tant qu’établissement d’accueil au sens du contrat d’assurance.

Elles exposent que dès sa désignation le 25 novembre 2011 en qualité de tutrice, l’AGSS de l’UDAF a tenté de vendre l’immeuble insalubre appartenant au majeur protégé, et aussi de l’assurer auprès de la société Allianz, qui a refusé en raison de son état d’insalubrité.

Elles ajoutent que l’AGSS de l’UDAF assurait une surveillance régulière de l’immeuble, l’avait fait évaluer puis l’avait mis en vente.

Elles contestent toute faute de l’AGSS de l’UDAF relativement au défaut d’assurance de l’immeuble, laquelle était en tout état de cause facultative, et à l’absence de sécurisation des lieux, dans la mesure où la commune de X s’en était chargée avant son intervention, et où le majeur protégé ne disposait pas des moyens financiers pour ce faire.

Elles indiquent qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’incendie criminel causé par l’intrusion de tiers et la prétendue négligence liée à l’absence de sécurisation du bien. Elles rappellent que l’accès à l’immeuble litigieux était interdit et rendu impossible par l’installation de plaques fixées sur les ouvrants.

Dans ses conclusions d’intimée notifiées le 1er décembre 2020, la société Pacifica demande à la cour, au visa des articles 496, 504, et 1382 ancien du code civil, de :

à titre principal,

— confirmer le jugement querellé en ce qu’il a dit que la responsabilité de l’AGSS de l’UDAF était engagée,

— confirmer le jugement querellé en ce qu’il a consacré la garantie de la Maif,

— en conséquence, condamner solidairement l’AGSS de l’UDF et la Maif au paiement de la somme de 82 544,40 euros, outre la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

— dire que la responsabilité de A B était engagée au moment des faits,

— consacrer la garantie de la Maif,

— condamner la Maif au paiement de la somme de 82 544,40 euros,

en tout état de cause,

— condamner solidairement l’AGSS de l’UDAF et la Maif au paiement de la somme de

4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner solidairement aux entiers frais et dépens.

Elle fait valoir que l’immeuble appartenant à A B a été laissé à l’abandon par le tuteur, de sorte qu’il était régulièrement squatté, et que plusieurs individus s’y sont introduits le 5 mars 2015 et ont tenté d’allumer un feu de cheminée, provoquant ainsi un incendie qui s’est propagé à l’immeuble voisin sis au numéro 27.

Elle indique que la Maif garantissait l’activité tutélaire de l’AGSS de l’UDAF en vertu de deux contrats : un contrat assurance de la responsabilité de gestionnaire des associations tutélaires et services de tutelle, et un contrat risques autres que véhicules à moteur des associations et des collectivités (RAQVAM).

Elle rappelle qu’en application des articles 496 et 504 du code civil, le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ; qu’il est tenu d’apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée ; qu’il accomplit seul les actes conservatoires et d’administration, nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée ; et que les tiers sont recevables à rechercher la responsabilité d’un tuteur sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil.

Elle estime que l’AGSS de l’UDAF a commis une faute dans l’accomplissement de la mission qui lui était confiée en délaissant l’immeuble du majeur protégé, en négligeant de l’assurer et en le laissant en l’état, consciente du danger qu’il représentait pour les tiers et le voisinage.

Elle déclare que l’AGSS de l’UDAF n’apporte aucune preuve de ses allégations selon lesquelles elle aurait essayé de vendre l’immeuble du majeur protégé.

Elle relève que les intrusions dans l’immeuble étaient fréquentes et qu’aucune mesure n’a été prise par le tuteur pour les faire cesser.

Elle indique que la responsabilité d’un propriétaire peut être engagée pour carences fautives même en cas d’incendie criminel, et que le lien de causalité est établi entre l’inaction fautive du tuteur et les dommages causés par l’incendie du 5 mars 2015.

Elle considère qu’en application de l’article L. 124-1 du code des assurances, et des conditions générales du contrat prises en son article 20.21, les dommages causés par l’incendie du 5 mars 2015 entrent dans les garanties couvertes par le contrat d’assurance de «'responsabilité de gestionnaire des associations tutélaires et services de tutelle'» contractées par l’AGSS de l’UDAF auprès de la Maif, et que celle-ci doit donc garantir son assurée de l’ensemble des condamnations prononcées contre elle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la responsabilité de A B dans la survenance de l’incendie est engagée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 2 ancien du code civil, dans la mesure où l’absence d’entretien de l’immeuble, de mesures anti-intrusion, et la présence de détritus ont facilité le déclenchement de l’incendie et sa propagation, et constituent un défaut de surveillance fautif de la part du propriétaire.

Elle considère, dans cette hypothèse, que la Maif doit sa garantie en application de l’article 17 des conditions générales du contrat RAQVAM, lequel prévoit que lorsque la collectivité titulaire du contrat est un établissement ou un service prenant en charge des mineurs ou des majeurs inadaptés ou handicapés, la qualité de bénéficiaires des garanties est acquise à ces derniers.

Elle argue qu’elle a indemnisé son assurée, la SCI Sona immo, du sinistre incendie à hauteur de 82 544,40 euros, et qu’elle se trouve subrogée dans les droits de cette dernière pour obtenir remboursement de cette somme auprès de l’AGGS de l’UDAF ou de A B, lesquels sont garantis par l’assureur Maif.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux

conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les «'dire et juger'» et les «'constater'» qui ne sont pas des prétentions en ce qu’ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu’ils s’analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu’ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n’est pas privée de la possibilité d’exercer ultérieurement les droits en faisant l’objet.

'

Sur la responsabilité délictuelle de l’association tutélaire

Aux termes de l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Étant ici rappelé qu’un tiers peut engager la responsabilité civile délictuelle d’un organe de protection sur le fondement de l’article 1382 ancien précité, il appartient à la société Pacifica, laquelle se déclare subrogée dans les droits et actions de son assurée, la SCI Sona immo qu’elle a indemnisée, de démontrer l’existence d’une faute commise par l’association tutélaire, un préjudice, et un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.

Il résulte des articles 496 et 504 du code civil que le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine ; qu’il est tenu d’apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée ; qu’il accomplit seul les actes conservatoires et, sous réserve des dispositions du second alinéa de l’article 473, les actes d’administration du patrimoine de la personne protégée.

Selon l’annexe 1 du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008, la conclusion ou le renouvellement d’un contrat d’assurance de biens ou de responsabilité civile constitue un acte d’administration

En l’espèce, l’examen des pièces établit que A B a quitté au début de l’année 2011 l’immeuble insalubre qui lui appartenait et qu’il habitait, pour résider en maison de retraite.

Un rapport d’information administratif, établi le 24 janvier 2011 par le service de la sécurité municipale de X, a révélé l’état d’encombrement et de délabrement de l’immeuble, et indiqué que faute de clés, «'les portes [étaient] refermées par des plaques métalliques'».

Suivant arrêté préfectoral du 8 août 2011, ledit immeuble sis […] à X, lequel n’était plus étanche à l’air et à l’eau avec menace d’effondrement du plancher des combles, encombrement par des détritus, développement de moisissures et de champignons sur l’ensemble des murs du rez-de-chaussée et de l’étage, vétusté électrique, équipements sanitaires hors d’usage, cheminée à feu de bois non entretenue, a été déclaré insalubre à titre irrémédiable, et interdit définitivement à l’habitation, et ce de manière immédiate.

A B a été placé sous tutelle par jugement du 22 novembre 2011 du tribunal d’instance de Maubeuge, la mesure étant confiée à l’AGSS de l’UDAF qui était donc, à compter de cette date, tenue d’apporter dans la gestion du patrimoine de la personne protégée des soins prudents, diligents et avisés dans le seul intérêt de cette dernière.

Dans une note de situation du 12 août 2015, Mme C D, déléguée à la protection des majeurs en charge de la mesure depuis 2012, relatait qu’elle n’avait pu assurer l’immeuble en raison de son insalubrité, les assureurs refusant d’accorder pour ce type d’immeuble leur garantie assurance habitation, laquelle n’est pas obligatoire. Elle ajoutait qu’un incendie s’était déclaré le 5 mars 2015 dans l’immeuble appartenant à A B, occasionnant des dégâts dans la maison mitoyenne au numéro 27. Elle précisait avoir déposé plainte au nom de la personne protégée pour dégradations volontaires par incendie contre les quatre auteurs identifiés.

Dans son audition devant les policiers de Maubeuge le 11 mars 2015, Mme E F exposait qu’elle n’était jamais rentrée dans la maison de son protégé ; qu’elle «'ne [faisait] que passer devant pour vérifier l’état extérieur de la maison, mais uniquement la façade'» ; que «'c'[étaient] les services de la mairie de X qui [avaient] condamné la porte d’entrée principale par des plaques métalliques'» ; que des démarches avaient été’ «'enclenchées pour mettre en vente la maison'» ; que nous avions «'l’évaluation d’une agence immobilière qui [avait] été réalisée de l’extérieur, et [en attendions] une autre d’un notaire que nous [avions] sollicité depuis 2012'».

Par lettre du 25 mars 2015, le maire de X faisait part à A B de son inquiétude grandissante face aux dégradations très importantes de l’immeuble, qui avait subi des squats et un incendie le 5 mars 2015, et qui constituait une véritable menace pour la sécurité publique, notamment celle des enfants du secteur, qui avaient pénétré tout récemment sur sa propriété, et de ce qu’il lançait une procédure de péril imminent.

Au soutien de ses allégations, l’AGGS de l’UDAF produit un seul fax du 16 janvier 2013 de l’assureur Allianz lui confirmant l’impossibilité d’assurer un bien en état d’insalubrité. Cette seule pièce est manifestement insuffisante pour justifier des démarches qu’elle aurait réellement accomplies auprès d’autres compagnies d’assurance aux fins d’assurer l’immeuble, et des éventuels refus opposés par celles-ci.

Si la conclusion d’un contrat d’assurance habitation s’avère facultative pour le propriétaire d’un immeuble, il reste que l’immeuble à l’abandon de A B était attenant à celui appartenant à la SCI Sona immo, qu’il se trouvait en front de rue donnant directement sur la voie publique, et qu’il avait fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité depuis le 8 août 2011, de sorte qu’il apparaissait conforme à l’intérêt de son propriétaire de chercher à l’assurer contre les risques que le bien pouvait occasionner aux tiers.

En outre, contrairement à ses affirmations, l’AGSS de l’UDAF ne justifie pas des démarches effectives accomplies depuis novembre 2011 pour faire évaluer l’immeuble et, à tout le moins, la parcelle, et ensuite l’offrir à la vente. Elle ne produit à cet égard ni évaluation immobilière ou notariale ni mandat de vente confié à un professionnel de l’immobilier, étant ici observé qu’à la date du sinistre incendie, elle était chargée depuis plus de trois ans de gérer le patrimoine du majeur protégé en bon père de famille, et ce au mieux des intérêts de ce dernier.

Au surplus, l’AGSS de l’UDAF ne peut valablement se retrancher derrière l’intervention en urgence des services municipaux de X en 2011, lesquels ont installé des plaques métalliques uniquement devant la porte d’entrée principale, pour tenter d’échapper à sa responsabilité s’agissant de l’absence de sécurisation du site. En effet, il ressort des pièces versées au débat que la déléguée à la mesure de protection a reconnu n’avoir jamais pénétré dans la maison, et s’être contentée de vérifier en façade son état extérieur. Il appartenait à l’association tutélaire de s’assurer de la mise en sécurité complète du site et de l’ensemble de ses ouvrants comprenant des accès en façade avant ainsi qu’à l’arrière du bâtiment, et ce d’autant qu’elle était parfaitement informée de la fréquence des intrusions dans les lieux squattés, et qu’elle était en charge de la préservation du patrimoine de ce dernier, étant observé surabondamment qu’elle ne justifie nullement de l’insuffisance alléguée des revenus de la personne protégée l’empêchant d’agir dans son intérêt.

De l’ensemble de ces pièces, constatations et énonciations, il résulte que l’AGSS de l’UDAF a bien commis une faute dans la gestion du patrimoine de la personne protégée en négligeant d’assurer son immeuble contre les risques occasionnés aux tiers, de le surveiller, de le sécuriser, d’en interdire et condamner l’accès afin d’empêcher toute intrusion, de contrôler l’occupation du bien insalubre, laissé vacant et encombré de détritus pendant plus de trois ans, laquelle est de nature à engager sa responsabilité suite à l’incendie survenu dans les lieux le 5 mars 2015, qui en a entraîné la complète destruction, et s’est propagé à l’immeuble attenant.

La cour considère qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre les manquements fautifs reprochés à l’AGGS de l’UDAF s’agissant du défaut d’assurance du bien immobilier, de l’absence de dispositif anti-intrusion, et de diligences pour mise en vente, et les dommages résultant d’une intrusion de squatteurs dans les lieux, lesquels ont provoqué un incendie occasionnant des dégâts à la SCI Sona immo.

S’agissant du préjudice, il ressort du procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages, régularisé le 26 août 2015 entre la SCI Sona immo, l’AGGS de l’UDAF, et les experts mandatés par les assureurs, que les dommages causés à l’immeuble n°27 s’élevaient à la somme de 87 690 euros après déduction de la vétusté.

La société Pacifica justifie des provisions et règlements effectués entre les mains de son assurée, la SCI Sona immo prise en la personne de son gérant, indemnisant le sinistre incendie à hauteur de 5 000 euros le 9 mars 2015, 5 505,86 euros le 7 avril 2015,

1 814,40 euros le 27 avril 2015, 13 357,53 euros le 14 octobre 2015, et 56 866,61 euros le 20 octobre 2015, soit une indemnisation totale de 82 544,40 euros.

Aux termes de l’article L. 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

En conséquence, la société Pacifica est bien fondée en son action subrogatoire tendant à obtenir la condamnation de l’AGSS de l’UDAF, qui engage sa responsabilité pour manquement fautif dans la gestion du patrimoine immobilier appartenant au majeur protégé, à lui payer la somme de 82 544,40 euros en remboursement de l’indemnité versée à son assurée.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur l’appel en garantie de l’assureur Maif

Aux termes de l’article L. 124-1 du code des assurances, dans les assurances de responsabilité, l’assureur n’est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l’assuré par le tiers lésé.

Après plusieurs relances de la société Pacifica, la Maif a accepté, par courriel du 7 décembre 2015, puis à nouveau par lettre du 13 juillet 2016, de lui adresser les conditions générales et particulières du contrat d’assurance conclu avec l’AGGS de l’UDAF.

Il n’est pas contesté que la Maif a consenti à l’AGSS de l’UDAF un contrat d’assurance multirisque intitulé RAQVAM associations et collectivités (risques autres que véhicules à moteur des associations et des collectivités), lequel prévoit en l’article 20.21 des conditions générales intitulées «'responsabilité civile générale'» que «'la mutuelle garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous-même ou tout bénéficiaire des garanties peuvent encourir à l’égard des tiers, du fait des activités, des biens et des risques locatifs ou d’occupant, assurés au titre du contrat'».

Il est stipulé que «'la garantie s’applique à la responsabilité du fait personnel, ['] et plus généralement à toute responsabilité vous incombant en raison des textes légaux ou réglementaires, ou mise à votre charge par décision de justice'».

En outre, un avenant intitulé «'assurance de la responsabilité de gestionnaire des associations tutélaires et services de tutelles'», prévoit en son paragraphe «'objet de la garantie'» que :

«'Le contrat a pour objet de garantir le sociétaire contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité qui peut lui incomber pour son activité de gestion des biens des personnes protégées dont il a la charge.

Il produit ses effets pour tous les dommages causés à une personne protégée ou à ses ayants droit et dont la responsabilité incombe :

à l’association tutélaire ou au service de tutelle,

à l’un de ses préposés salariés ou bénévoles, du fait de l’exercice de l’activité tutélaire et résultant d’erreurs, omissions, négligences, commises dans le cadre de ladite activité ['].'»

Si l’avenant n’a pas vocation à s’appliquer au cas d’espèce puisqu’il garantit les dommages causés par l’association tutélaire au majeur protégé lui-même, il reste pour autant que les conditions générales s’appliquent pour les dommages causés au tiers, lequel est défini par le contrat comme «'toute victime autre que l’auteur des dommages'».

Il s’ensuit que les dommages causés au tiers par suite de l’inaction fautive du tuteur dans la gestion du patrimoine d’une personne protégée sont bien de nature à entrer dans le champ des garanties couvertes par le contrat RAQVAM associations et collectivités.

La responsabilité civile pour faute de l’AGSS de l’UDAF se trouvant engagée vis à vis de la société Pacifica subrogée dans les droits et actions de la SCI Sona immo, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a condamné la Maif à relever indemne et garantir l’AGSS de l’UDAF de toutes les condamnations prononcées à son égard, en ce compris les dépens et frais irrépétibles.

Sur les dépens

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles.

L’AGSS de l’UDAF et la Maif qui succombent seront condamnées in solidum aux entiers dépens d’appel.

L’équité commande de condamner in solidum l’AGSS de l’UDAF et la Maif à payer à la société Pacifica la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 novembre 2019 par le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe,

Y ajoutant,

Condamne in solidum l’association AGSS de l’UDAF et la société Maif aux dépens d’appel,

Les condamne en outre à payer in solidum à la société Pacifica la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

[…]

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 mai 2021, n° 19/06874