Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 16 septembre 2021, n° 19/03759

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 1 sect. 2, 16 sept. 2021, n° 19/03759
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/03759
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 6 mai 2019, N° 16/05789
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 16/09/2021

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/03759 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SOQL

Jugement (N° 16/05789)

rendu le 07 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANT

Monsieur C Y

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

représenté et assisté de Me Bénédicte Duval, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

Madame D A

demeurant […]

[…]

La Compagnie AXA France IARD

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social […]

[…]

représentées par Me Gilles Grardel, membre de L’AARPI Keras Avocats, avocat au barreau de Lille

La SARL Bâtiment Multi-Services ( BMS)

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social […]

[…]

représentée par Me Sylviane Mazard, avocat au barreau de Lille

La SA MAAF Assurances

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège […]

[…]

représentée par Me Ghislain Hanicotte, membre du cabinet ADEKWA, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 30 mars 2021 tenue par G H-I magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : E F

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

G H-I, président de chambre

Sophie Tuffreau, conseiller

X-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2021 après prorogation du délibéré en date du 08 juillet 2021 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par G H-I, président et E F, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 janvier 2021

****

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Lille du 7 mai 2019,

Vu la déclaration d’appel de M. C Y du 3 juillet 2019,

Vu les conclusions de M. C Y du 4 janvier 2021,

Vu les conclusions de la société Bâtiment multi-services du 25 octobre 2019,

Vu les conclusions de Mme D A et de la société Axa du 4 décembre 2019,

Vu les conclusions de la société MAAF du 16 décembre 2020,

Vu l’ordonnance de clôture du 11 janvier 2021.

EXPOSE DU LITIGE

M. C Y est propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé […] à Comines.

Par devis du 13 mars 2014, M. Y a confié à Mme D A, architecte d’intérieur, assurée auprès de la société Axa, la réalisation d’un projet en vue de l’agencement de deux chambres, d’une salle de bains et d’un dressing.

Les travaux ont été confiés à la société Bâtiment multi-services (BMS), assurée auprès de la société MAAF selon devis du 21 mai 2014, d’un montant de 21 038,33 euros.

Par ordonnance du 7 juillet 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une expertise et désigné M. Z pour y procéder.

Le 26 février 2016, l’expert a déposé son rapport.

Par acte d’huissier du 9 juin 2016, M. Y a fait assigner Mme A et son assureur, la société Axa, et la société BMS et son assureur, la société MAAF, devant le tribunal de grande instance de Lille.

Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :

— débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné M. Y à payer à Mme A la somme de 229,60 euros au titre du solde de ses factures ;

— dit irrecevable la demande en paiement formée par la société BMS ;

— dit sans objet les appels en garantie ;

— condamné M. Y à payer la somme de 2 000 euros à la société BMS et celle de 1 000 euros à la société MAAF sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration déposée au greffe le 3 juillet 2019, M. C Y a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 4 janvier 2021, M. C Y demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants, 1147 et 1134 du code civil, de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— juger que la société BMS et Mme A engagent leur responsabilité civile décennale au titre des désordres affectant la douche et plus particulièrement le siphon ;

— juger que la société BMS engage sa responsabilité contractuelle au titre de la mauvaise exécution de sa prestation, du non-respect des normes applicables, du non-respect de son devoir de conseil ;

— juger que Mme A engage sa responsabilité contractuelle en raison de sa légèreté, du non-respect de ses obligations de maître d’oeuvre, du non-respect de son devoir de conseil ;

A titre subsidiaire,

— juger que la société BMS engage sa responsabilité contractuelle au titre de la mauvaise exécution de sa prestation, du non-respect des normes applicables, du non-respect de son devoir de conseil ;

— juger que Mme A engage sa responsabilité contractuelle en raison de sa légèreté, du non-respect de ses obligations de maître d’oeuvre, du non-respect de son devoir de conseil ;

En tout état de cause,

— condamner in solidum la société BMS, Mme A et leurs assureurs, la société MAAF et la société AXA à verser à M. Y les sommes suivantes :

—  10 832,97 euros TTC au titre des travaux de reprise,

—  5 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

—  3 406,08 euros au titre des frais d’expertise,

—  304,68 euros au titre des frais de signification de l’assignation en référé expertise,

—  371,16 euros au titre des frais de constats,

—  3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les frais et dépens de la présente instance ;

— juger que ces sommes se compensent avec celles restant dues par M. Y au titre du solde des marchés, soit 2 326,84 euros TTC au profit de la société BMS et 229,60 euros TTC au profit de Mme A ;

— débouter les défendeurs de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

Il soutient notamment que:

— sur les conclusions expertales: aucun double du procès-verbal de réception ne lui a été remis, sa signature n’apparaît qu’au recto de la feuille; il n’est pas établi qu’il a eu connaissance du verso; les désordres visés au procès-verbal sont donc couverts par la signature;Mme A a sur ce point engagé sa responsabilité pour manquement grave à son obligation de conseil;

— sur les désordres concernant la douche, la vasque et le carrelage, l’expert conclut à l’impropriété à destination du siphon de la douche ; la responsabilité décennale de BMS est engagée ainsi que sa responsabilité contractuelle; il lui appartenait d’exercer son devoir d’information et de conseil lors du choix du bac receveur;

— sur les responsabilités : celle de BMS a été engagée , la pose étant non conforme au DTU 60.11; la responsabilité de Mme A, maître d’oeuvre, l’a été également, l’expert relevant les obligations élémentaires auxquelles elle a manqué;

— sur la nature juridique des responsabilités : la responsabilité décennale des locateurs d’ouvrage est engagée pour le siphon de la douche, leur responsabilité contractuelle est engagée pour les autres désordres ;

— l’expert a validé le coût des travaux de reprise ; il a retenu également un préjudice de jouissance.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 25 octobre 2019, la société Bâtiment multi-services (BMS) demande à la cour, au visa des articles 1792 et 1231-1 du code civil, de :

— confirmer le jugement de première instance sauf en ce qu’il a dit que la demande de paiement de la société BMS était irrecevable ;

— condamner M. Y à payer à la société BMS la somme de 2 989,15 en règlement du solde de sa facture;

A titre subsidiaire, si la responsabilité de la société BMS devait être retenue,

— dire et juger que le montant des préjudices allégués par M. Y n’est pas démontré ;

— en réduire le montant à une somme qui ne saurait dépasser 1 680 euros HT ;

— débouter M. Y de son préjudice de jouissance ;

— pour le cas où le devis de l’expert serait retenu, dire et juger que la société MAAF devra intervenir en garantie des condamnations éventuellement prononcées contre la société BMS ;

En toute état de cause,

— condamner in solidum Mme A et son assureur, la société Axa à garantir les condamnations éventuelles qui pourraient être prononcées contre la société BMS ;

— condamner M. Y à payer le solde de sa facture ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens pour la procédure d’appel.

Elle fait valoir notamment que:

— l’action engagée est irrecevable car les conditions de l’article 1792 du code civil ne s’appliquent pas, notamment la douche n’est pas impropre à sa destination; la responsabilité de BMS ne peut être engagée non plus sur le fondement de la responsabilité contractuelle car M. Y a lui-même choisi personnellement le matériel sans consultation de BMS, qui n’a pas manqué à son devoir de conseil, seule Mme A étant intervenue;

— M. Y qui s’était plaint d’un écoulement trop lent des eaux par le siphon d’origine, a ensuite levé les réserves suite à l’intervention de BMS;

— l’application des normes DTU n’est qu’indicative; l’expert a relevé que le choix du bac à douche extra-plat est à l’origine de la difficulté et non le travail de BMS;

— les montants sollicités sont excessifs; le devis produit par M. Y concerne la quasi-totalité des travaux réalisés par BMS;

— sur les sommes dues à BMS : M. Y a réceptionné à nouveau le chantier le 4 août 2014 en spécifiant que toutes les réserves avaient bien été levées y compris le problème de l’évacuation de la

douche.

Aux termes de leurs conclusions déposées au greffe le 4 décembre 2019, Mme D A et la société Axa demandent à la cour, au visa des articles 1792 et suivants et 1147 du code civil, de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes;

— le condamner à payer à Mme A et à la société Axa une somme globale de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— le condamner aux entiers dépens en ce compris les frais et honoraires de l’expert judiciaire ;

A titre subsidiaire,

— débouter M. Y de sa demande au titre du préjudice de jouissance ;

— condamner in solidum, la société BMS et son assureur, la société MAAF à tenir quitte et indemne Mme A et son assureur la société Axa, de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en principal, frais et dépens.

Elles soutiennent notamment que:

— l’original du procès-verbal de réception a été produit lors de l’expertise: l’expert a considéré que le chantier avait été réceptionné le 31 juillet 2014 et les réserves levées le 4 août;

— la démonstration d’un désordre de nature décennale concernant le siphon n’est pas apportée;

— sur le fondement contractuel, M. Y n’apporte pas la preuve d’une faute commise par Mme A,

— à titre subsidiaire, l’expert démontre que la présence d’eau stagnante dans le fond du siphon s’explique par l’existence d’une contrepente de l’évacuation des eaux après le siphon; la société BMS et son assureur leur doivent la garantie pleine et entière pour la faute commise de nature quasi-délictuelle;

— la douche n’est pas inutilisable; en outre, M. Y dispose d’une autre salle de bains; le préjudice de jouissance n’est pas démontré.

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 16 décembre 2020, la société MAAF demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

— dire que le problème de sous-dimensionnement des siphons a été réservé à la réception du 31 juillet 2014 et n’a jamais été levé ;

— débouter M. Y de sa demande de condamnation in solidum à l’égard de la société MAAF ;

— débouter la société BMS de sa demande en garantie à l’encontre de la société MAAF au titre de sa responsabilité civile professionnelle ;

— débouter M. Y de sa demande au titre du trouble de jouissance ;

— fixer le coût des travaux de réparation du siphon à la somme de 1 840 euros TTC ;

— condamner Mme A et la société Axa à garantir la société MAAF de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

— condamner M. Y ou à défaut in solidum Mme A et la société Axa à payer à la société MAAF une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. Y ou à défaut in solidum Mme A et la société Axa aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

— les travaux ont fait l’objet d’une réception le 31juillet 2014 avec une liste des désordres apparents où il est noté le problème d’évacuation de la douche ;

— il résulte des échanges que la réserve relative à l’évacuation de la douche n’a jamais été levée, de sorte qu’aucune garantie au titre de la responsabilité décennale ne saurait être mobilisée pour le siphon inadapté de la douche réservé à réception;

— il n’existe aucune impropriété à destination du fait de l’usage moins commode de la douche ; en outre, le siphon est un élément d’équipement ;

— aucune condamnation ne peut être prononcée contre la MAAF au titre de la police d’assurance décennale ;

— la MAAF ne couvre pas la responsabilité contractuelle de l’entreprise à l’égard du maître d’ouvrage résultant d’une exécution de non-façon ou de malfaçon ;

— l’expert n’a pas caractérisé l’existence d’un préjudice de jouissance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur les demandes de M. Y

M. Y fait état de désordres dans l’ouvrage exécuté par la société BMS, sous la maîtrise d’oeuvre de Mme D A.

Il sollicite ainsi la condamnation in solidum du maître d’oeuvre Mme A, du locateur d’ouvrage la société BMS et de leurs assureurs respectifs Axa et MAAF, au paiement de la somme de 10 832,97 euros TTC au titre des travaux de reprise correspondant à la dépose du receveur de douche et la reconstruction de l’évacuation du receveur adéquat ainsi qu’aux travaux nécessaires suite à cette modification (carrelage, paroi de douche, déplacement de meuble, auxquels s’ajoutent les honoraires de la maîtrise d’oeuvre (p.24 du rapport d’expertise sur la base du devis Soels Sanicom du 12 novembre 2015 annexe B17 dudit rapport).

Il considère que les désordres affectant la douche – en l’espèce, écoulement de l’eau trop lent de la douche nécessitant le retrait du siphon – sont de nature décennale, dont la responsabilité incombe à la société BMS et à Mme A, que les désordres visés au procès-verbal de réception ont été couverts

par sa signature sans qu’il soit informé des conséquences, engageant ainsi la responsabilité du maître d’oeuvre qui a failli à son obligation d’information et de conseil.

La garantie décennale prévue à l’article 1792 du code civil pour les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination, suppose l’existence de désordres n’ayant pas fait l’objet de réserves, non apparents lors de la réception.

En outre, en vertu de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable à la présente espèce, la responsabilité civile contractuelle du locateur d’ouvrage est engagée

— au titre de son obligation de résultat pour les désordres apparents lors de la réception ayant fait l’objet de réserves non levées,

— pour faute prouvée pour les désordres non apparents à la réception .

Enfin, la responsabilité du maître d’oeuvre peut être engagée au titre de son obligation de conseil lors de la réception de l’ouvrage pour laquelle il a assisté le maître d’ouvrage.

a- sur le procès-verbal de réception

Aux termes de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné.

En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.

L’exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

La garantie ne s’étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l’usure normale ou de l’usage.

En l’espèce, le procès-verbal de réception en date du 31 juillet 2014 a été signé par le maître d’ouvrage, avec la mention des réserves levées, selon le document le 4 août 2014 également signé par M. Y (pièce n°6 Axa/A). Il est également signé par la société BMS et Mme A, cette dernière étant rédactrice du document.

Les réserves figurent sur la première page signée, avec un renvoi par une flèche au verso du document sur lequel l’énumération des réserves se poursuit de sorte qu’aucun doute ne subsiste sur la connaissance qu’avait M. Y du contenu du document, les réserves et la levée de ces dernières.

Il est par ailleurs établi que Mme A a adressé le procès-verbal à M. Y, par message

électronique du 31 juillet 2014 (pièce n°8).

Comme le relève le premier juge, le document ainsi établi et signé, caractérise l’existence d’une réception et l’acceptation des travaux après la levée des réserves.

Le document fait état notamment des réserves suivantes :

' SDB

- R (remarque) décalage entre l’alignement vasque et meuble ht,

- joint (') dessous meuble ht +côtés lattes

- changer le bouchon pour bonde VP

remarque: ce mode de pose peut entraîner un débordement de la vasque le premier produit même problème

R-pose des moulures fenêtre ext. Inadmissible

R- dessus douche claque (celui de gauche)

R- sifflement de la robinetterie

- joint acrylique en ht des baguettes de finition alu (douche)

-alignement du bouton thermostatique de douche

attente usine le 4/08

-refaire joint bas du bac de douche (sol)

-revoir l’alignement des portes de douche

-recouper les baguettes de joint de porte de douche

-refaire les joints entre porte de douche et receveur

- problème d’évacuation de la douche

- refaire les joints entre bac de douche et carrelage

joint carrelage

joint cyclone

R-de nombreux coups dans la porte (23)

-refaire les enduits à côté de la porte

-refaire les carreaux de douche décalés + joints défauts

Fuite au robinet et alimentation de la vasque

-M. Y a constaté une importante fuite le samedi 19 juillet

-M. Y m’a averti le dimanche 20 juillet

- M. B [BMS] a modifié et réparé la pose le mardi 22 juillet

Réserve sur la robinetterie, l’évacuation et la tuyauterie

- Fiche d’entretien du carrelage à fournir

- Plan de pose technique électrique et rail placo.'

Le désordre principal concernant la douche est expressément mentionné dans le procès-verbal de réception.

Aux termes de leurs conclusions, la société BMS et Mme A indiquent qu’à la date où les réserves ont été levées, le désordre avait été réglé par la société BMS.

Cependant, M. Y soutient que 'le 4 août [il] a dû déplorer un nouveau sinistre: la température de la douche n’est pas réglable et le siphon ne permet pas d’évacuer l’eau ce qui occasionne une inondation de la salle de bain. Malgré l’intervention de BMS les désordres persistent.'

Il résulte des pièces produites que des réunions ont été organisées avec la société BMS, M. Y, Mme A ainsi que des fournisseurs (robinetterie, receveur de douche) démontrant que le désordre relatif à l’écoulement de l’eau dans le receveur de douche avait été évoqué le 11 septembre 2014.

En signant la levée des réserves alors que le désordre a persisté, M. Y a ainsi couvert le désordre apparent.

Il s’agit en effet du même désordre apparent lors de la réception, ayant fait l’objet d’une réserve, levée par le maître d’ouvrage, de sorte que, s’agissant du même désordre, apparent à la réception, et non d’un désordre nouveau, M. Y ne peut agir à l’encontre de la société BMS ni au titre de la responsabilité décennale, ni au titre de la responsabilité contractuelle.

De même, le désordre étant apparent et la réserve étant levée, la responsabilité décennale du maître d’oeuvre ne peut être retenue. En revanche, sa responsabilité contractuelle peut être engagée s’il est démontré que Mme A a failli à son obligation de conseil lors de la réception de l’ouvrage et de la levée des réserves.

Le jugement sera confirmé par substitution de motifs, en ce qu’il a rejeté les demandes de M. Y au titre de la garantie décennale dirigées à l’encontre de Mme A et de la société BMS et au titre de la responsabilité contractuelle de cette dernière.

b- sur la responsabilité de Mme A au titre de son devoir de conseil

Il résulte d’une part du procès-verbal de constat de l’huissier du 22 janvier 2015, d’autre part des opérations d’expertise, que des réserves mentionnées au procès-verbal de réception, et notamment le problème de l’évacuation de la douche, ont été levées alors même que, soit les désordres n’ont pas fait l’objet d’une intervention, soit celle-ci a été inefficace.

Ainsi, s’agissant de l’évacuation de l’eau du bac receveur de la douche, selon la réserve mentionnée au procès-verbal de réception, les correspondances et réunions rappelées ci-dessus de septembre et

octobre 2014, le désordre apparent dès la réception a perduré, la cause étant l’insuffisance de pente du fait du choix de la forme extra plate du bac (p.19 à 23 du rapport d’expertise).

De même, le procès-verbal de réception mentionne les réserves suivantes :

'- joint acrylique en ht des baguettes de finition alu (douche)

-refaire joint bas du bac de douche (sol)

-revoir l’alignement des portes de douche

-recouper les baguettes de joint de porte de douche

-refaire les joints entre porte de douche et receveur

- décalage entre l’alignement vasque et meuble ht

- refaire les joints entre bac de douche et carrelage

joint carrelage

joint cyclone

-refaire les carreaux de douche décalés + joints défauts

Or, le rapport d’expertise note que 'une porte coulissante vitrée est non étanche', le 'délitement du joint du pourtour de crédence', les 'baguettes d’habillage plus ou moins saillantes', la 'vasque non centrée', l''absence de joint d’étanchéité entre le carrelage et le bac receveur de la douche', les largeurs de joints [de carrelage] sont de dimension variable entre 3 et 6 millimètres. Particulièrement irréguliers dans l’angle à gauche de l’alimentation en eau'.

En sa qualité de maître d’oeuvre chargé d’assister le maître d’ouvrage lors des opérations de réception qu’elle a dirigées, Mme A se devait de s’assurer que les travaux faisant l’objet de réserves étaient effectivement réalisés, d’informer M. Y des conséquences d’une levée de réserves pour des travaux de remise en état réalisés partiellement ou non exécutés .

Les manquements de Mme A a son obligation de conseil auprès de M. Y lors des opérations de réception ont pour conséquence l’impossibilité pour ce dernier d’agir à l’encontre de la société BMS, laquelle au titre de son obligation de résultat aurait dû livrer un ouvrage conforme.

c-sur les travaux de remise en état

Mme A qui a engagé sa responsabilité contractuelle, est tenue de réparer le dommage causé au maître d’ouvrage à hauteur du montant des travaux retenus par l’expert.

En effet, outre la réparation du désordre consistant à remplacer le bac receveur de douche et le système de branchement afin de disposer d’une pente suffisante permettant l’évacuation aisée de l’eau, il est établi par le rapport d’expertise que ces travaux nécessaires ont pour conséquence un remplacement du carrelage de la douche, des portes de la douche, le bac receveur n’étant pas de même dimension, ainsi que le déplacement de la vasque et du meuble .

Il convient en conséquence de condamner in solidum Mme A et son assureur la société Axa au paiement de la somme de 10 832,97 euros TTC au titre des travaux de remise en état, conformément au devis Soels Sanicom (Annexe B17 du rapport d’expertise), seul devis remis à l’expert.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

d-sur le préjudice de jouissance

Il est établi par le rapport d’expertise que l’eau s’évacuait du bac receveur de douche après avoir retiré le siphon, manoeuvre aisée, de sorte que M. Y a pu et peut prendre des douches sans difficulté (p. 34 du rapport).

En outre, il n’est pas contesté que M. Y dispose d’une seconde salle de bain (p.37 du rapport).

En l’état, il ne justifie pas d’un préjudice de jouissance.

Le jugement qui l’a débouté de sa demande à ce titre sera confirmé.

2- sur la demande de garantie de Mme A et de la société Axa à l’encontre de la société BMS et de la société MAAF

Aux termes de l’article 1382 du code civil dans sa version applicable à la présente espèce, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société BMS reconnaît que la configuration des lieux posait difficulté au niveau de la pente d’écoulement des eaux, eu égard au matériel choisi par M. Y (p. 9 des conclusions BMS).

Aux termes de son rapport, l’expert confirme cette analyse en indiquant :

'- la canalisation d’évacuation ne permet pas une évacuation rapide des eaux sans stagnation,

- la pente de 1 cm/m recommandée n’est pas assurée ,

-la hauteur est très supérieure à la moitié du diamètre,'

ce qu’il explique par 'la forme ' extra plate’ du receveur qui n’a pas permis à l’entrepreneur de raccorder sur l’existant suivant la pente normalisée'.

L’expert considère que 'l’entrepreneur avait le devoir de conseil et aurait dû refuser de poser sans cette pente de 1cm/m.'

La société BMS affirme avoir informé M. Y lequel aurait insisté pour que l’ouvrage soit posé en l’état au motif que la salle de bains devait être accessible en fauteuil roulant et aurait refusé que le bac soit légèrement rehaussé.

Cependant, outre que la société BMS ne justifie pas avoir informé ni M. Y , ni Mme A, il lui appartenait en tant que professionnel desdits travaux, de refuser leur exécution dans de telles conditions.

En acceptant d’effectuer les travaux malgré la connaissance qu’elle avait de cette inadéquation, la société BMS a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard du maître d’oeuvre lui même tenu à l’égard du maître d’ouvrage de la bonne exécution des travaux.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de garantie de Mme A et de son assureur à l’encontre de la BMS à hauteur de 50% du montant des condamnations prononcées contre eux.

S’agissant de la société MAAF, elle dénie sa garantie affirmant que celle-ci n’était due qu’au titre de la responsabilité décennale de la société BMS.

Il résulte cependant de l’attestation d’assurance produite par M. Y (pièce n°14) que la société BMS avait souscrit auprès de la MAAF pour l’année où ont été exécutés les travaux, un 'contrat multirisque professionnelle’ au titre de la responsabilité civile liée à l’exploitation de l’entreprise et au titre de la responsabilité professionnelle.

La société MAAF, qui ne produit en outre aucune pièce, ne conteste pas le document et n’apporte aucune explication.

En l’espèce, l’attestation d’assurance ne distingue pas entre les différents régimes de responsabilité de sorte, qu’à défaut de toute explication de la MAAF, il convient de considérer que celle-ci garantit la société BMS au titre de sa responsabilité délictuelle.

En conséquence, la société BMS et la société MAAF seront condamnées in solidum à garantir Mme A et la société Axa à hauteur de 50% des condamnations prononcées contre elles.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3- sur la demande de Mme D A au titre du solde de sa facture

M. Y a interjeté appel du jugement en ce qu’il l’a condamné à payer le solde de la facture d’honoraire de Mme A, soit la somme de 229,60 euros TTC mais ne motive pas son appel de ce chef, sollicitant en outre dans le dispositif de ses conclusions la compensation entre cette somme et celles qu’il réclame à Mme A et à son assureur.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

4- sur la demande de la société BMS au titre du solde de ses factures

Le 3e et dernier devis établi par la société BMS le 21 mai 2014, dont il n’est pas contesté qu’il a été accepté par M. Y (pièces n°11 et 12 appelant) porte sur la somme de 21 038,33 euros TTC.

La facture de la société BMS n°1861 du 30 juillet 2014 se réfère au devis ci-dessus mais y ajoute des 'plus values demandées par vos soins et non prévues au devis' pour un montant de 1 429,55 euros HT.

Il n’est justifié ni d’un devis pour des travaux/ fournitures complémentaires, signé par M. Y, ni de correspondances permettant d’établir que M. Y a effectivement sollicité ces prestations.

En conséquence, seul le montant du devis ci-dessus peut être pris en compte.

Selon les termes du rapport d’expertise, les règlements de M. Y sont établis à hauteur de 18 711,49 euros TTC soit un solde de 2 326,84 euros.

M. Y ne conteste pas devoir ladite somme puisqu’il demande sa compensation avec celles qu’il réclame à la société BMS et à son assureur.

M. Y sera condamné à payer la somme de 2 326,84 euros au titre du solde de la facture de travaux de la société BMS.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

5- sur la compensation

Il convient d’ordonner la compensation entre la condamnation prononcée à l’encontre de Mme A et de son assureur et celle prononcée par le premier juge à l’encontre de M. Y au bénéfice de ces derniers.

En revanche, aucune condamnation n’étant prononcée à l’encontre de la société BMS et de son assureur au bénéfice de M. Y, ce dernier sera débouté de sa demande de compensation.

6- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Mme D A et la société Axa seront condamnées in solidum à payer à M. Y la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

M. Y sera débouté de sa demande au titre des frais de constats, l’indemnité ci-dessus incluant lesdits frais.

Mme A et la société Axa seront déboutées de leur demande à ce titre à l’encontre de M. Y.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions précitées au bénéfice de la société BMS et de la société MAAF à l’encontre de M. Y.

Mme D A et la société Axa d’une part et la société BMS et la société MAAF d’autre part seront condamnées, à hauteur chacun de 50%, aux dépens de référé, de première instance et d’appel ainsi qu’aux frais et honoraires d’expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à la disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

rejeté les demandes de M. C Y à l’encontre de la société Bâtiment Multi-services (BMS) et de la société MAAF,

— rejeté sa demande au titre du préjudice de jouissance,

— condamné M. Y à payer à Mme D A la somme de 229,60 euros au titre du solde de ses factures,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum Mme D A et la société Axa à payer à M. C Y la somme de 10 832,97 euros au titre des travaux de reprise,

Ordonne la compensation entre cette somme et celle de 229,60 euros à laquelle M. Y a été

condamné par le jugement dont appel,

Condamne M. C Y à payer à la société BSM la somme de 2 326,84 euros TTC au titre du solde du marché,

Déboute M. C Y de sa demande de compensation à l’égard de la société BMS,

Condamne in solidum la société BMS et la société MAAF à garantir à hauteur de 50% Mme D A et la société Axa des condamnations prononcées contre ces dernières,

Condamne in solidum Mme D A et la société Axa à payer à M. C Y la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’ensemble de la procédure, ladite somme comprenant les frais de constats,

Déboute Mme D A, la société Axa, la société BMS et la société MAAF de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles,

Condamne à hauteur chacun de 50%, d’une part in solidum Mme D A et la société Axa, d’autre part in solidum la société BMS et la société MAAF aux dépens de référé, de première instance et d’appel ainsi qu’aux frais et honoraires d’expertise.

Le Greffier Le Président

E F G H-I

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 16 septembre 2021, n° 19/03759