Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 23 avril 2021, n° 18/01257

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 1, 23 avr. 2021, n° 18/01257
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 18/01257
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lens, 21 mars 2018, N° F17/00166
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

23 Avril 2021

1489/21

N° RG 18/01257 – N° Portalis DBVT-V-B7C-RQZI

VS/SST/AL

RO

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lens

en date du

22 Mars 2018

(RG F17/00166 -section )

GROSSE :

aux avocats

le

23 Avril 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. D X

[…]

[…]

représenté par Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉE :

SAS ARTEMIS SECURITY

[…]

[…]

représentée par Me Ludovic HEMMERLING, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l’audience publique du 04 Mars 2021

Tenue par F G

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

F G

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

H I

: CONSEILLER

M N O : CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 Avril 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par F G, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 28 mai 2020

Exposé du litige:

Monsieur D X a été embauché par la société Artémis Sécurity suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 5 juillet 2013 en qualité d’agent de sécurité, coefficient 130, niveau 3, échelon 1, catégorie Agent d’exploitation moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.462,10 euros.

La convention nationale applicable à la relation de travail est celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 27 mai 2014, Monsieur X s’est vu notifier un premier avertissement pour avoir été trouvé endormi à son poste de travail ainsi qu’un second le 13 novembre 2014 pour la même raison, avertissements qu’il a contestés auprès de son employeur qui les a maintenus suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2014.

Le 19 juin 2015, l’employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire de deux jours ouvrable les 7 et 8 juillet 2015 lui reprochant de s’être endormi sur son lieu de travail.

Evoquant une situation de harcèlement moral, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Lens en septembre 2015 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes à titre d’indemnités et de dommages-intérêts.

Le 21 décembre 2015, Monsieur X a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2016, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse ayant été surpris endormi à son poste de travail le 5 décembre 2015.

Par jugement du 22 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Lens a :

— débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

— débouté la SAS Artemis Security de l’ensemble de ses demandes,

— laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Monsieur X a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 25 avril 2018.

Aux termes de ses conclusions d’appelant transmises par voie électronique le 25 juillet 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur X a demandé à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SAS Artemis Security de l’ensemble de ses demandes,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

— déclarer l’appel recevable et bien fondé,

— le dire bien fondé en l’ensemble de ses demandes,

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X aux torts exclusifs de son employeur,

Statuer ce que de droit concernant la date d’effet de la résiliation du contrat de travail de Monsieur X,

En tant que de besoin,

— dire que le licenciement de Monsieur X est nul comme reposant sur des faits de harcèlement moral,

En tout état de cause;

— condamner la société Artemis Security à payer à Monsieur X les sommes suivantes:

— indemnité de résiliation judiciaire: 26.317,80 euros,

— indemnité de prévention d’agissements de harcèlement moral : 17.545,02 euros,

— indemnité au titre du préjudice né du harcèlement moral : 8.772,60 euros,

— condamner la société Artemis Security sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le mois

du jugement à intervenir à délivrer à Monsieur X une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte,

— condamner la société Artemis Security à payer à Monsieur X la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

Monsieur X a fait valoir en substance qu’il avait subi des faits de harcèlement moral caractérisés par:

— son affectation à compter de novembre 2014 sur des sites de travail très éloignés de son domicile alors que l’employeur avait connaissance de ce qu’il ne possédait pas le permis de conduire,

— la modification incessante de ses plannings et le non-respect des délais de prévenance,

— des sanctions disciplinaires (avertissements, mise à pied) pour s’être endormi alors qu’il contestait les faits dont l’employeur n’établissait pas la matérialité,

— un rythme de travail excessif notamment en août et septembre 2015 et un dépassement de la durée journalière de travail, à l’origine d’un accident de la circulation s’étant endormi au volant le 18 septembre 2015 et d’une dégradation de son état de santé, ayant présenté un syndrome dépressif ayant nécessité un suivi psychologique et psychiatrique ajoutant que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité et de résultat alors qu’il avait été 'victime des plannings délibérément orchestrés par la société Artémis Sécurity pour provoquer un épuisement du salarié et sa démission éventuelle'.

Le harcèlement moral qu’il avait subi au point d’être plongé dans une grave dépression présentant une gravité suffisante, justifiait sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et caractérisait également un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de résultat.

A défaut, il a formellement contesté avoir été retrouvé endormi sur son lieu de travail précisant que si tel avait été le cas, il n’aurait pas effectué les pointages exigés lors de ses rondes et a argué de ce que la cause de son licenciement résultant de la dénonciation de faits de harcèlement moral dont il avait été victime, le licenciement critiqué ne pourrait qu’être annulé.

Aux termes de ses conclusions d’intimé transmises par voie électronique le 19 octobre 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur X a demandé à la cour de:

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes dans toutes ses dispositions,

En conséquence:

— dire n’y avoir lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 15 janvier 2016 (date de licenciement),

— constater que le licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur X repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

— débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Monsieur X à payer à la société Artemis Security la somme de 1.500 euros de

l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Monsieur X aux entiers frais et dépens.

La SAS Artemis Security a contesté les faits de harcèlement allégués de même que tout manquement à ses obligations légales, en précisant:

— que le changement d’affectation du lieu de travail de Monsieur X du site 'Catinvest Zac du Luc’ à Dechy au site d’Onnaing avait été rendu nécessaire en novembre 2014 en raison des manquements du salarié à ses obligations celui-ci ayant été trouvé endormi sur ce même site à deux reprises, dans la nuit du 23 au 24 mai 2014 puis dans la nuit du 12 au 13 novembre 2014,

— que l’exigence de délivrer les plannings 7 jours avant le début de la période de planification n’était applicable qu’aux personnels de sûreté aérienne et aéroportuaire, les salariés ayant accès à une plateforme informatique leur permettant de prendre connaissance et d’éditer leurs plannings dans un délai suffisant, Monsieur X affirmant faussement ne jamais savoir sur quel site il allait être affecté d’un mois sur l’autre et s’être retrouvé sur des sites où il n’était pas programmé,

— qu’elle n’avait jamais refusé de remettre ses plannings à Monsieur X, ce d’autant que celui-ci y avait directement accès,

— que les exigences conventionnelles portant sur les durées conventionnelles du travail quotidiennes, hebdomadaires et de nuit avaient été parfaitement respectées ainsi que cela résultait de l’analyse détaillé des plannings produits,

— qu’elle n’avait pas été informée par le salarié d’un incident l’ayant opposé à un autre salarié le 22 mai 2015 à l’origine de la main courante déposée par Monsieur X pour coups et blessures,

— que les différentes pièces médicales versées aux débats par Monsieur X n’établissaient aucun lien entre la dépression relevée et les conditions de travail du salarié alors que celui-ci n’avait jamais saisi le médecin du travail d’une situation de harcèlement moral ce dernier ayant à l’inverse rendu à deux reprises un avis d’aptitude sans réserve à l’issue des arrêts maladie de celui-ci;

— qu’elle avait fait preuve de patience à l’égard de Monsieur X qui avait été trouvé à plusieurs reprises endormi sur son lieu de travail, qui avait été sanctionné sur le plan disciplinaire sans contester le bien-fondé des sanctions infligées et qui n’avait pas su se ressaisir.

N’ayant commis aucun manquement à ses obligations légales, Monsieur X devrait être débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

La société Artemis Security, contestant la présentation des faits par Monsieur X lequel affirmait s’être endormi sur son lieu de travail en raison de la surcharge de travail subie, indiquait qu’elle justifiait la matérialité des faits allégués et soulignait ne pas avoir retenu la faute grave à l’encontre de Monsieur X malgré la réitération des faits.

La mise en état de la procédure a été ordonnée le 28 mai 2020, l’audience de plaidoiries ayant été fixée au 11 juin 2020, date à laquelle elle a été renvoyée au 4 mars 2021 en raison de la crise sanitaire.

SUR CE :

A titre liminaire, la cour relève qu’en dépit de l’affirmation figurant dans le rappel des faits du jugement entrepris selon laquelle ' suite à son licenciement, Monsieur X a déposé une saisine auprès du conseil des prud’hommes de Lens le 21 juin 2017", l’appelant, de même que l’intimée font

état d’une saisine de cette juridiction au mois de septembre 2015, le 21 septembre pour Monsieur X et le 28 septembre pour la société Artemis Security, qu’il doit être ainsi retenu que la saisine du conseil de prud’hommes de Lens par Monsieur X aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail par le salarié aux torts de l’employeur est antérieure à la notification de son licenciement pour cause réelle et sérieuse en date du 15 janvier 2016 de sorte que le bien-fondé de cette demande sera examiné.

Sur le harcèlement moral et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat:

L’employeur , tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral prévus par l’article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses affirmations Monsieur X verse aux débats les pièces suivantes :

— deux plannings de travail du mois de novembre 2014 (pièce n°3)l’affectant sur le site d’Onnaing, très éloigné de son précédent site situé à Dechy à proximité de son domicile alors qu’il se déplaçait à vélo n’étant pas titulaire du permis de conduire,

— quatre plannings modifiés pour le mois de juin 2015 (pièce n°5),

— quatre plannings modifiés pour le mois de décembre 2015 (pièce n°6),

— une lettre qu’il a adressée le 09 juin 2015 à son employeur dans les termes suivants 'je vous fais part de ma demande pour avoir mon planning de juin 2015 qui n’est toujours pas rectifié à ce jour',

— un récépissé de déclaration de main courante daté du 22 mai 2015 pour des faits de coups et blessures (pièce n°16)

— un document de suivi de ses arrêts maladie entre novembre 2014 et janvier 2016 (pièce n°4),

— un certificat médical du Dr Y, médecin généraliste, attestant le 13 avril 2015 de ce que Monsieur X est suisi pour syndrome dépressif,

— un arrêt de travail du 15 juin 2015 portant la mention 'stress – problème au travail',

— une attestation de suivi au CMP d’Auberchicourt à compter du mois de février 2015 (pièce n°10),

— un certificat médical établi par les urgences de Douai le 18 septembre 2015 à la suite d’un accident de voiture indiquant 'récemment 5 mois d’arrêt de travail pour harcèlement sur le lieu de travail, hdm en retour de poste, le patient a somnolé sur l’autoroute et s’est endormi au volant, a tapé la rembarde à 90 km/h une fois patient réveillé par le choc, pas de tonneau, patient ceinturé, pas de déclenchement air bag….vient aux urgences pour douleur dorsale',

— un certificat médical du Dr Y du 11/01/2016 certifiant que Monsieur X 'a présenté un syndrome dépressif ayant nécessité un traitement anti-dépresseur et anxiolythique et un arrêt de travail du 22 décembre 2014 au 18 mars 2015",

— cinq attestations de membres de sa famille, d’amis et/ou de voisin (pièces n°32 à 35) rapportant les propos du salarié qui affirmait avoir des problèmes avec l’entreprise, qu’on lui changeait ses plannings , qu’il était fatigué et déprimé, constatant pour deux d’entre eux qu’à plusieurs reprises il était revenu au bout d’une heure ou deux de travail 'car les plannings avaient été changés' , 'que les plannings étaient costauds, question heures, qu’il enchainaît deux ou trois nuit avec une seule nuit de repos, je me souviens qu’en novembre 2014 la pression était devenue intenable, beaucoup de fatigue….à l’époque, Monsieur X n’avait pas le permis de conduire et l’entreprise l’avait envoyé à Onnaing, à plus de 40 kms de Lewarde, le moral était au plus bas,… le médecin a dit qu’il était en train de faire une dépression..'

Ces différentes pièces permettant de supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral, il est nécessaire d’examiner chacun des griefs allégués au regard de l’ensemble des pièces produites de part et d’autre.

Sur l’affectation du salarié à des sites éloignés de son domicile et le non-respect des délais de prévenance:

Le contrat de travail de Monsieur X comporte une clause de mobilité rédigée ainsi qu’il suit:

'Compte tenu de la nature des fonctions de Monsieur X, du rayonnement géographique et des implantations actuelles de la société, les besoins liés à l’organisation et à la bonne marche de l’entreprise ou les opportunités de carrière pourront à tout moment conduire à un changement de son lieu de travail ce que Monsieur X accepte sans que cela modifie une modification du présent travail.

Cette mobilité pourra s’exercer dans les limites géographiques suivantes : 02-59-62 et 80.

En cas de mise en oeuvre de la présente clause, Monsieur X sera informé 4 semaines avant la date de son affectation effective sur son nouveau lieu de travail; il bénéficiera préalablement à la mise en oeuvre de la clause de mobilité de 3 jours d’absence rémunérés pour la recherche d’un logement et l’accomplissement de toutes les démarches nécessaires.'

Le salarié affirmant également que toute modification du planning devait être porté à sa connaissance au moins 7 jours avant la prise de poste.

La lecture des plannings versés aux débats entre novembre 2014 et janvier 2016, étant relevé que ceux des mois de juillet, août, septembre et octobre 2015 n’ont pas été produits par le salarié, permet de constater qu’à l’exception du mois de juin 2015 durant lequel le salarié a été affecté 10 jours sur le site Meryl Fiber de St Laurent Blangy dans le Pas de Calais (62), toutes les autres affectations ont été réalisées sur des sites situés dans le département du Nord (59) que la référence à la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail n’est pas pertinente pour souligner un manquement de l’employeur à ses obligations, le salarié n’ayant pas été affecté à une distance nécessitant un changement de domicile.

En revanche, en signant son contrat de travail, Monsieur X était dûment informé de son périmètre conséquent d’intervention, or, il ne conteste pas qu’à compter du 5 juillet 2013 jusqu’au 12 novembre 2014 inclus il a été exclusivement affecté sur le site 'Catinvest Zac du Luc' à Dechy, lieu de sa résidence, l’employeur justifiant son changement d’affectation et donc la modification de son planning d’intervention à compter des 15 et 16 novembre 2014 sur Onnaing (59) par le fait qu’il ait été trouvé endormi pour la seconde fois sur ce même site dans la nuit du 11 au 12 novembre 2014, alors qu’il ne conteste pas avoir reçu un premier avertissement pour des faits identiques constatés dans la nuit du 23 au 24 mai 2015 par un autre contrôleur Monsieur Z, Monsieur A, contrôleur du site ayant attesté 'l’avoir trouvé endormi au niveau du local du poste de garde… j’ai dû le réveiller car il ne m’avait même pas vu arriver….je tiens à signaler que je suis pratiquement resté cinq minutes à ses côtés sans qu’il ne réagisse' ce que Monsieur X conteste vainement en ne produisant cependant strictement aucun élément contraire alors qu’au surplus le délai de prévenance de 7 jours concernant la remise des plannings dont il se prévaut et qui est effectivement prévu à l’article 15 de la convention collective applicable ne concerne que le personnel de sureté aérienne et aéroportuaire et non les autres agents de sécurité.

Aucun élément produit ne prouve que Monsieur X n’a pas eu connaissance en temps utile de ce qu’il était affecté les 15 et 16 novembre 2014 sur le site d’Onnaing alors que l’employeur qui a affirmé que ses salariés avaient accès à une plateforme informatique et qu’ils prenaient ainsi connaissance de leurs plannings qu’ils éditaient ce qui est confirmé par les dates d’édition des plannings modifiés pour les mois de juin 2015, novembre et décembre 2015 produits par le salarié (pièces n°5,6 et 7) établit que quelques jours séparaient toujours l’édition initiale de la modification, l’attention des salariés étant d’ailleurs attirée sur le fait que 'ce planning est susceptible d’être modifié', le caractère tardif de communication des plannings initiaux et des plannings modificatifs n’est donc pas avéré.

Par ailleurs, si Monsieur X s’est trouvé contraint d’effectuer à vélo le trajet séparant son domicile de ce site n’étant pas encore titulaire du permis de conduire qu’il a obtenu le 27 mars 2015, il ne peut valablement le reprocher à l’employeur qui, bien qu’il n’ait eu sur ce point aucune obligation, la charge d’organiser son déplacement jusqu’à son lieu de travail incombant au seul salarié, avait jusqu’alors affecté le salarié uniquement sur le site 'Catinvest Zac du Luc' situé à Dechy à proximité de son domicile et qu’il doit être relevé au surplus qu’il n’a effectué ce trajet que deux jours ayant été placé en arrêt maladie à compter du 17 novembre 2014 jusqu’au 18 mars 2015 soit durant quatre mois.

Il n’est pas davantage établi par Monsieur X qu’à son retour d’arrêt de travail, l’employeur ne lui a pas communiqué le planning du mois de mars 2015, lui a imposé des congés payés du 1er au 12 avril 2015 inclus alors qu’il résulte du courrier qu’il a adressé à la SAS Artemis Security le 09 juin 2015 qu’il souhaitait obtenir un planning rectifié du mois de juin 2015 ayant ainsi nécessairement eu connaissance antérieurement de ce dernier ainsi que cela résulte de la version de celui-ci qu’il produit et qui est datée du 28 mai 2015 à 22h47 (pièce n°5/3) et l’a encore affecté sur des sites sur lesquels d’autres salariés étaient déjà affectés, alors que ni Monsieur X ni Mme B (pièce n°33) qui l’évoquent également ne précisent de dates ou de lieu permettant d’opérer quelque vérification que ce soit.

Sur les horaires de travail :

Aux termes de la section 5 de la convention collective aplicable :

— la durée quotidienne maximale est de 12 heures,

— la durée hebdomadaire maximale est de 48 heures sur 4 semaines,

— le temps de repos entre 2 services est de 12 heures minimum, 24 heures après 48 heures de travail.

L’examen comparé des plannings produits par le salarié, étant rappelé qu’il en manque quatre, et du tableau d’analyse des amplitudes horaires détaillé en page 12 et 13 des écritures de la société Artemis

Security permet de constater que, contrairement aux allégations de Monsieur X, les témoignages qu’il produit sur ce point se bornant tous à rapporter ses propos, aucun des témoins n’ayant rien constaté, les durées maximales des temps de travail quotidien et des temps de repos ont été parfaitement respectées par l’employeur auquel aucun manquement sur ce point ne peut être reproché, Monsieur X n’ayant jamais effectué plus de douze heures dans une même journée et ayant bénéficié d’un repos consécutif de plus de 12 heures lorsqu’il effectuait 24 heures de travail continu étant utilement rappelé que le temps de déplacement entre le domicile et le lieu de travail n’est pas un temps de travail effectif et n’entre donc pas dans le décompte des heures de travail.

Sur la main courante du 22 mai 2015:

Cette dernière dont le contenu est particulièrement succint puisqu’il n’est pas même fait état de l’identité du salarié auteur des coups et blessures dénoncés n’est corroborée par aucun autre élément en sorte que rien ne permet de considérer que l’employeur a été effectivement informé le 22 mai 2015 où dans les jours qui ont suivi, de l’existence de ce différend et qu’il ne peut donc lui être valablement reproché de ne pas avoir pris une quelconque mesure au bénéfice de Monsieur X qui ne peut utilement souligner que la société Artemis Security a préféré le convoquer ce même jour à un entretien préalable à une nouvelle sanction fixée le 15 juin 2015.

Enfin, si Monsieur X verse aux débats de nombreuses pièces médicales dont il résulte qu’à compter de la fin de l’année 2014, il a présenté un état dépressif ayant nécessité un suivi psychologique et un traitement médicamenteux, aucun lien n’est établi avec des difficultés dans le cadre professionnel, les professionnels de santé utilisant le terme de harcèlement moral rapportant les propos de leur patient alors que les deux fiches médicales établies par le médecin du travail à l’issue des visites de reprises suivant les deux périodes d’arrêt maladie de Monsieur X le 23 mars 2015 et le 19 octobre 2015 le déclarent apte à la reprise de son activité sans aucune réserve et que le salarié n’a adressé aucun courrier à l’employeur se plaignant de ses conditions de travail et notamment d’une surcharge de travail à l’origine de son état de fatigue et de sa dépression.

Il se déduit des développements précédents que les faits allégués par Monsieur X ne sont pas matériellement établis à l’exception de l’affectation du salarié à compter du mois de novembre 2014 sur un site éloigné de son domicile, l’employeur ayant toutefois justifié cette décision par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le fait que le salarié ait été trouvé endormi pour la seconde fois sur ce site de Dechy alors même que celui-ci se trouvait à proximité de son domicile et qu’il n’avait nullement évoqué antérieurement à la date de novembre 2014 un quelconque manquement de l’employeur à ses obligations en sorte que le salarié n’a pas établi l’existence d’une situation de harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

L’employeur n’ayant pas davantage manqué à son obligation de sécurité et de résultat, c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté Monsieur X de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Sur la rupture du contrat de travail :

Le salarié peut demander au Conseil de Prud’hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail s’il estime que l’employeur manque à ses obligations.

L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail implique la poursuite des relations contractuelles dans l’attente de la décision du juge du fond. Si le salarié est licencié avant cette décision, les juges doivent en premier lieu rechercher si la demande en résiliation était justifiée. C’est seulement dans le cas où la demande de résiliation judiciaire n’est pas justifiée qu’ils se prononcent sur le licenciement notifié par l’employeur.

Si les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour empêcher

la poursuite du contrat de travail, le juge prononce la rupture de celui-ci au jour de la décision sauf si celui-ci a déjà été interrompu. Cette rupture produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse eu égard à la nature des manquements évoqués et ouvre droit au bénéfice pour le salarié de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d’une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés sur préavis.

En l’espèce, aucun des manquements allégués par Monsieur X à l’encontre de la société Artemis Security n’ayant été retenu, il convient par confirmation des dispositions du jugement entrepris de débouter Monsieur X de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail

En application des dispositions de l’article L 1235-1 du code du travail, la charge de la preuve n’incombe spécifiquement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

L’article 4121-1 du code du travail dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique des travailleurs.

L’employeur , tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral prévus par l’article L.1152-1 du code du travail matérialisés par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par lettre du 15 janvier 2016, la SAS Artemis Security a notifié à Monsieur X son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants:

'… En effet, Monsieur J C, contrôleur, vous a surpris une nouvelle fois endormi lors de votre vacation le 5 décembre 2015 de 20h00 à 8h00 sur le site de notre client 'Catinvest Zac du Luc’ à Dechy. Par ailleurs vous avez refusé de signer la tablette du contrôleur qui venait d’établir le rapport.

Votre comportement n’est pas un acte isolé puisque nous vous avons déjà sanctionné à plusieurs reprises pour des faits similaires.

En effet dans la nuit du 23 au 24 mai 2014, lors de votre vacation de 20h00 à 8h00 sur le site de notre client 'Catinvest Zac du Luc’ à Dechy, vous avez été contrôlé à 2h16 par Monsieur K Z. Il a été constaté que vous vous étiez endormi à votre poste de travail. Nous vous avons adressé un avertissement en date du 27 mai 2014.

Dans la nuit du 11 au 12 novembre 2014, lors de votre vacation de 20h00 à 8h00 sur le site ci-dessus, Monsieur L A – responsable d’exploitation vous a contrôlé à 3h38, il a été également constaté que vous vous étiez endormi à votre poste de travail. Nous vous avons de fait adressé un avertissement en date du 13 novembre 2014.

De plus, lors de votre vacation sur le site de notre client 'La Snet’ à Hornaing dans la nuit du 16 au 17 mai 2015, Monsieur K Z, contrôleur, vous a une fois de plus surpris en train de dormir pendant vos heures de travail. Par ailleurs les caméras du site étaient désorientées et étaient dirigées vers les entrées principales du bâtiment…..Par conséquent, nous vous avons notifié une mise à pied à titre disciplinaire de deux jours ouvrables.

Nous vous rappelons que vous êtes engagés en tant qu’agent de sécurité et qu’à ce titre vos missions sont la surveillance des biens et des personnes. Vous devez constamment adopter un comportement professionnel et rester vigilant lors de vos prises de poste. La surveillance ne peut être faite lorsque vous vous endormez pendant vos vacations…'

La société Artemis Security produit aux débats deux attestations précises et circonstanciées établies par Monsieur C qui a constaté l’endormissement de Monsieur X le 6 décembre 2015 à 6h35 et par Monsieur A qui a également constaté que Monsieur X était endormi dans la nuit du 11 au 12 novembre 2014 à 3h38 alors que ce dernier qui conteste les faits qui lui sont reprochés ne verse strictement aucun élément contraire aux débats se bornant à affirmer qu’il ne pouvait s’être endormi étant tenu de pointer durant ses rondes.

Or, outre le fait que ce dernier argument manque de pertinence, le salarié ayant parfaitement pu s’endormir entre deux rondes, ces constatations ont été toutes deux réalisées sur le site du client 'Catinvest Zac du Luc’ à Dechy soit à proximité du domicile de Monsieur X alors que l’examen des plannings des mois de novembre et de décembre 2015 établit que celui-ci était de repos du 29 novembre 2015 à 18h00 au 2 décembre 2015 à 20h00, soit deux jours et demi, qu’il était également de repos du 3 décembre 2015 à 8h00 au 5 décembre à 20h00, soit deux jours, qu’il ne peut ainsi valablement soutenir qu’à supposer qu’il se soit endormi, cela résultait de manquements de l’employeur à ses obligations légales liés à une charge de travail excessive et/ou à un dépassement de ses temps de travail quotidien et hebdomadaire nullement établis alors que la situation de harcèlement moral évoquée n’a pas été retenue dans le paragraphe précédent aucun lien n’ayant été en outre démontré entre des difficultés professionnelles et l’état dépressif de Monsieur X.

Enfin, si la lecture de la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 8 décembre 2014 à Monsieur X (pièce n°20) par la SAS Artemis Security permet de comprendre qu’il s’agit d’une réponse à une contestation de sa part des avertissements notifiés les 27 mai 2014 et le 12 novembre 2014, l’employeur maintenant ces deux décisions, il n’en demeure pas moins que le salarié n’a sollicité l’annulation judiciaire ni de ces deux avertissements ni de la mise à pied du 19 juin 2015 pour des faits identiques, qu’il n’a nullement démontré que le licenciement prononcé était la conséquence d’une situation de harcèlement moral imputable à l’employeur ou qu’il était fondé sur un motif différent de celui développé dans la lettre de licenciement et qu’au regard des missions d’agent de sécurité qui étaient les siennes et des avertissements réitérés dont il avait été rendu destinataire, ce nouveau manquement revêtait une gravité certaine rendant impossible la continuation du contrat de travail en sorte que les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Monsieur X de sa demande tendant à voir déclarer nul le licenciement prononcé sont confirmées, ce dernier ayant été licencié pour une cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de condamnation de la société Artemis Security à la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat:

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement entrepris ayant débouté Monsieur X de sa demande de condamnation de la société Artemis Security à la délivrance sous astreinte des documents de fin de contrat.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Les dispositions du jugement entrepris ayant débouté les parties de leur demande respective formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

En revanche, les dispositions relatives à la charge des dépens de première instance sont infirmées, Monsieur X étant condamné à les supporter de même que les dépens d’appel.

Par ces motifs:

La cour:

Statuant publiquement et en premier ressort:

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception de celle concernant les dépens de première instance.

Y ajoutant:

Condamne Monsieur X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

A. LESIEUR V. G

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Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 23 avril 2021, n° 18/01257