Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 14 décembre 2010, n° 08/01859

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, 2e ch., 14 déc. 2010, n° 08/01859
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 08/01859
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 16 mars 2008, N° 05/03056
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G. N° 08/01859

JB

N° Minute :

Grosse délivrée

le :

à :

SCP POUGNAND

SCP CALAS

SELARL DAUPHIN MIHAJLOVIC

SCP GRIMAUD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

2EME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU MARDI 14 DECEMBRE 2010

Appel d’un Jugement (N° R.G. 05/03056)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 17 mars 2008

suivant déclaration d’appel du 24 Avril 2008

APPELANTE :

S.A. BETON RHONE ALPES poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP HERVE-E POUGNAND, avoués à la Cour

assistée de Me COCHET, avocat au barreau de CHAMBERY substitué par Me BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMES :

E.U.R.L. CHAPPE 38 poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par la SCP E & Charles CALAS, avoués à la Cour

assistée de Me DELACHENAL, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Emmanuelle MANZONI, avocat

Société JOUBERT-PINET poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour

assistée de Me EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me TAMBE, avocat

Monsieur E-F X

XXX

XXX

représenté par la SCP Franck et Alexis GRIMAUD, avoués à la Cour

assisté de Me BOBANT, avocat au barreau de GRENOBLE

Madame C X

XXX

XXX

représentée par la SCP Franck et Alexis GRIMAUD, avoués à la Cour

assistée de Me BOBANT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Anne-Marie DURAND, Président,

Madame Josiane DANGUILLAUME, Conseiller,

Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Monsieur SAMBITO, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Octobre 2010, Mme BLATRY, Conseiller a été entendue en son rapport.

Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu à l’audience de ce jour, après prorogation du délibéré.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur et madame E-F X ont entrepris en 2003 la rénovation de la maison d’habitation qu’ils venaient d’acquérir sur la commune de Meylan.

Suivant devis accepté en date du 29 septembre 2003, ils ont confié à la société Joubert-Pinet divers travaux de maçonnerie moyennant le prix de 23.478,81¿ TTC.

Ils ont versé un acompte de 7.000,00¿ puis réglé une situation de travaux pour la somme de 10.394,10¿.

Des fissures sont apparues sur les 2 chapes venant d’être posées.

A cette occasion, monsieur et madame X ont découvert que le chantier était sous traité par la société Chappe 38

La société Joubert-Pinet s’est ensuite fournie auprès de la société Béton Rhône Alpes pour la pose d’un enduit sur les 2 chapes.

Monsieur et madame X opposant une exception d’inexécution à la société Joubert-Pinet, celle-ci les a, suivant exploit d’huissier en date du 5 mai 2004, fait citer devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble à l’effet d’obtenir leur condamnation à lui payer une provision.

Reconventionnellement, monsieur et madame X ont sollicité l’instauration d’une mesure d’expertise.

Par ordonnance en date du 9 juin 2004, le juge des référés a rejeté la demande en provision de la société Joubert-Pinet et a ordonné une mesure d’expertise confiée à monsieur Y, celui-ci étant remplacée par ordonnance du 23 juin 2004 par monsieur B.

Ses opérations accomplies, l’expert a déposé son rapport le 1er mars 2005.

La société Joubert-Pinet ne reprenait pas son intervention sur le chantier de monsieur et madame X.

Par acte d’huissier en date du 23 juin 2005, monsieur et madame X ont fait citer la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes à l’effet d’obtenir :

*le constat de la réception tacite des travaux et de retenir la responsabilité de la société Joubert-Pinet sur le fondement à titre principal de l’article 1792-6 du code civil et à défaut de 1147 du même code,

*la condamnation de la société Joubert-Pinet à leur payer la somme de 4.532,00¿ correspondant au coût des travaux de reprise outre celle de 27.123,11¿ au titre des préjudices immatériels,

*la condamnation de la société Chappe 38 sur le fondement des articles 1382 et suivants, in solidum avec la société Joubert-Pinet à leur payer la somme de 1.320,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape en rez de chaussée et 27.123,11¿ pour les préjudices immatériels,

*la condamnation de la société Béton Rhône Alpes sur le fondement des articles 1147 et suivants, in solidum avec la société Joubert-Pinet à leur payer la somme de 2.962,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape de l’étage outre la somme de 27.123,11¿ au titre des préjudices immatériels,

*le prononcé de l’exécution provisoire,

*la condamnation in solidum de la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes à leur payer une indemnité de procédure de 3.000,00¿.

Par jugement du 17 mars 2008, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

*fixé au 1er janvier 2004 la réception tacite de l’ouvrage commandé par les époux X à la société Joubert-Pinet suivant devis du 29 septembre 2003,

*déclaré responsables des désordres au niveau de la Chape à l’étage, la société Béton Rhône Alpes en sa qualité de vendeur du procédé TOPCEM défectueux en vertu des articles 1641 et suivants du code civil, la société Joubert-Pinet en sa qualité d’entrepreneur co-contractant des époux X en vertu de l’article 1792-6 du code civil et la société Chape 38 en vertu des articles 1334 et 1147 du code civil,

*déclaré responsables la société Chape 38 en sa qualité d’entrepreneur sous-traitant de la société Joubert-Pinet en vertu de l’article 1382 du code civil et la société Joubert-Pinet en sa qualité de co-contractant des époux X en vertu de l’article 1792-6 du même code des désordres de la Chape du rez de jardin,

*dit que le contrat d’entreprise régularisé le 29 septembre 2003 entre les époux X et la société Joubert-Pinet comprenait l’obligation pour celle-ci d’effectuer les enduits des parois de l’ancienne cheminée transformée en placard,

*dit que la société Joubert-Pinet n’a pas exécuté la prestation qui lui incombait au niveau de la cheminée transformée en placard,

*dit que la société Joubert-Pinet n’a pas exécuté la prestation qui lui incombait au niveau de l’ouverture conformément au devis du 29 septembre 2003,

*condamné in solidum la société Joubert-Pinet et la société Béton Rhône Alpes à payer aux époux X la somme de 2.962,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape à l’étage,

*condamné in solidum la société Joubert-Pinet et la société Chape 38 à payer aux époux X la somme de 1320,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape de rez de jardin,

*condamné la société Joubert-Pinet à payer aux époux X les sommes de :

-100,00¿ au titre de la cheminée,

-150,00¿ au titre de l’ouverture,

*condamné in solidum la société Joubert-Pinet, la société Béton Rhône Alpes et la société Chape 38 à payer aux époux X la somme de 19.000,00¿ au titre de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice d’habitation,

*débouté monsieur et madame X du surplus de leurs demandes indemnitaire,

*condamné la société Chape 38 à relever et garantir la société Joubert-Pinet de la somme mise à sa charge au titre des travaux de reprise de la Chape de l’étage dans la limite de la somme de 1.481,00¿ et de la somme mise à sa charge au titre des travaux de la reprise de la Chape en rez de jardin dans la limite de la somme de 660,00¿,

*condamné monsieur et madame X à payer à la société Joubert-Pinet la somme de 5.064,00¿ au titre du solde de la facture n° 200304 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

*condamné in solidum la société Joubert-Pinet, la société Béton Rhône Alpes et la société Chape 38 à payer aux époux X la somme de 2.000,00¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 avril 2008, la société Béton Rhône Alpes a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 15 septembre 2009, la société Béton Rhône Alpes demande à titre principal de la mettre hors de cause en l’absence de preuve d’un vice caché, subsidiairement de réduire dans de très notables proportions les indemnités alloués aux époux X et dire au surplus, qu’elle ne peut être tenue des dommages subis par eux du fait des désordres survenus à la Chape de l’étage et en tout état de cause, condamner les époux X, la société Joubert-Pinet, et la société Chape 38 à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,00¿.

Elle critique le tribunal d’avoir retenu que les malfaçons résultaient du procédé TOPCEM.

Elle relève le caractère imprécis et à tout le moins hésitant des termes du rapport d’expertise et rappelle qu’elle utilise, sans problème, ce produit depuis l’année 2000.

Elle conteste l’analyse de l’expert qui a retenu qu’un avis technique étant venu remplacer celui obtenu par ce procédé, celui-ci est devenu insuffisant.

Elle rappelle qu’en tout état de cause, les avis techniques ont une durée limitée dans le temps et souligne que l’avis technique 1201-255 concernant la planéité des supports n’a pas été modifié par l’avis technique 12-03-1377.

Elle soutient que l’expert, n’ayant réalisé aucun essai de retrait avec le produit TOPCEM, procède par simple affirmation et que dès lors, il n’est pas rapporté la preuve du vice du produit.

Elle insiste sur l’avis de son expert A qui a conclu que le soulèvement de la Chape est du à un effet bi-lame par séchage différentiel dans l’épaisseur de la Chape sur un chantier aéré de façon excessive.

Elle précise qu’au surplus, aucune anomalie n’a été constatée sur le ticket de pesée, les temps de trajet ayant été respectés et le produit ayant été réceptionné sans réserve ce qui atteste de sa conformité.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que sa responsabilité in solidum ne peut être retenue concernant le préjudice de jouissance et le préjudice d’habitation puisque éventuellement , elle ne peut être tenue que du seul préjudice lié à la Chape du premier étage.

Elle allègue enfin que les préjudices subis par les époux X ont été surestimés.

Elle soutient que les intimés ne rapportent pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’évolution de l’avis technique et les dommages.

Par conclusions récapitulatives du 21 octobre 2008, monsieur et madame X sollicitent la confirmation du jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum des dommages immatériels et de l’indemnité de procédure devant être fixés à la somme de 45.000,00¿ au titre du préjudice de jouissance, à la somme de 8.664,00¿ au titre du préjudice d’habitation et à la somme de 3.000,00¿ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre in solidum de la société Joubert-Pinet, la société Béton Rhône Alpes et la société Chape 38 outre leur condamnation in solidum à leur payer une indemnité complémentaire de procédure de 2.000,00¿.

Ils s’appuient sur les conclusions de l’expertise sur l’étendue des désordres, les responsabilités en cause et le chiffrage des travaux de reprise.

Ils soulignent qu’ils ont du utiliser leur logement de façon précaire, compte tenu des non-finitions, inachèvements et mal façons, rendant l’utilisation des lieux pour le moins inconfortable.

Ils critiquent le tribunal pour avoir sous estimés leurs préjudices immatériels.

Par dernières écritures en date du 13 novembre 2008, la société Joubert-Pinet demande de :

1/au titre de la Chape en étage :

*dire et juger que les désordres proviennent exclusivement d’un défaut du procédé TOPCEM et débouter les époux X de leur demande de condamnation à leur encontre,

*dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue quant à l’hypothèse de l’aération excessive du local et débouter les époux X de ce chef,

*en tout état de cause, condamner la société Chape 38 à la relever et garantir,

2/sur la Chape en rez de jardin :

*dire et juger que les désordres proviennent exclusivement d’un défaut du procédé TOPCEM et débouter les époux X de leur demande de condamnation à leur encontre,

*subsidiairement, mettre à la charge de la société Chape 38, toutes condamnations de chef en raison de sa faute commise lors du recouvrement des fourneaux et de l’enrobage des aciers,

*en tout état de cause, condamner la société Chape 38 à la relever et garantir,

3/au titre de la cheminée, constater que le devis lui faisait la seule obligation de dévier le conduit de fumée et non de le mettre en placard,

4/au titre de l’ouverture, dire et juger que les travaux effectués sont conformes au devis et débouter les époux X de ce chef,

5/au titre des préjudices :

*rejeter les demandes de monsieur et madame X fondées sur l’article 1347 du code civil,

*subsidiairement, constater son absence de faute et débouter les époux X,

*très subsidiairement, réduire les sommes allouées,

*en tout état de cause, si la faute des époux X est retenue, constater qu’elle a concouru en grande partie aux dommages et réduire à proportion, l’indemnisation des préjudices soit disant subis,

6/reconventionnellement, condamner les époux X à lui payer la somme de 5.064,00¿ au titre du solde impayée de facture,

7/en tout état de cause, condamner les époux X, la société Béton Rhône Alpes et la société Chape 38 à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00¿.

Elle soutient que concernant la Chape à l’étage, les désordres relevés sont minimes et que seule la responsabilité de la société Béton Rhône Alpes qui a mis en oeuvre le procédé TOPCEM dont le retrait est mal maîtrisé, doit être retenue.

Elle conteste que le local ait pu être trop aéré et estime qu’en tout état de cause, il appartenait à la société Chape 38 de respecter les préconisations de l’avis technique même laconiques, sur ce point ou que dans l’affirmative, il convient de relever une faute des époux X sur ce point, éventuellement conjointe avec celle commise par la société Chappe 38

Elle allègue que seul le défaut du procédé TOPCEM est la cause des désordres de la Chape du rez de jardin entraînant de ce fait, la seule responsabilité de la société Béton Rhône Alpes.

À titre très subsidiaire, elle fait valoir la faute de nature délictuelle commise par la société Chappe 38 dans le recouvrement des fourreaux et l’enrobage des aciers défectueux.

Elle prétend qu’aux termes du devis, elle était seulement tenue de la modification du conduit de cheminée et nullement de la création d’un placard qui incombait au plâtrier.

Elle explique que le béton cellulaire ayant les mêmes caractéristiques que les agglos, les époux X ne peuvent se prévaloir d’aucun préjudice en rapport avec l’ouverture prévue au devis.

Par ailleurs, elle indique que sa responsabilité ne pouvant être retenue, elle ne saurait être condamnée à quelque indemnisation de préjudices que ce soit.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les époux X ne justifient aucunement des privations de jouissance ou d’habitation.

Elle conteste devoir toutes pénalités de retard comme l’a justement retenu le tribunal.

Au dernier état de leurs conclusions en date du 22 juin 2010, la société Chappe 38 demande :

1/au titre de la Chape en étage :

*dire et juger que les désordres proviennent exclusivement d’un défaut d’exécution du procédé TOPCEM et débouter les époux X de leur demande à leur encontre,

*subsidiairement, dire et juger que sa responsabilité ne peut être retenue quant à l’hypothèse de l’aération excessive du local, celle-ci résultant des fautes conjuguées des époux X et de la société Joubert-Pinet, laquelle constitue une cause étrangère l’exonérant,

*en conséquence débouter la société Joubert-Pinet de son appel en garantie,

2/ sur la Chape en rez de jardin :

*constater que les désordres proviennent exclusivement des limites du procédé TOPCEM et débouter les époux X de leur demande à leur encontre et rejeter la demande en garantie de la société Joubert-Pinet,

*subsidiairement, constater le caractère évolutif du phénomène de fissuration, dire et juger qu’il résulte du non respect par les époux X des délais de pose du revêtement du sol et débouter les époux X de leur demande à leur encontre et rejeter la demande en garantie de la société Joubert-Pinet,

*en tout état, dire n’y avoir lieu à une quelconque solidarité au titre des condamnations,

3/sur les préjudices :

*dire et juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre, à ce titre en l’absence de toute responsabilité de leur part,

*débouter les époux X, les préjudices allégués n’étant pas démontrés,

*dire et juger qu’aucune pénalité de retard n’était prévue dans les documents contractuels,

*subsidiairement, ramener à de plus justes proportions ces demandes,

*en tout état, dire n’y avoir lieu à une quelconque solidarité au titre des condamnations,

*dire que sa part de responsabilité ne saurait excéder 12% conformément aux conclusions de l’expert,

4/ en toutes hypothèses, condamner les époux X ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 3.000,00¿.

Elle soutient qu’aucune faute n’est démontrée à son encontre, aucune responsabilité ne lui est imputable dans les désordres affectant les Chapes et que concernant la Chape en étage, les phénomènes de fissurations sont liés principalement au procédé TOPCEM qui présente un retrait excessif et mal maîtrisé.

Elle critique l’expert d’avoir retenu l’existence d’un enrobage insuffisant des aciers concernant la Chape en rez de jardin et d’un délai d’exécution non conforme à l’avis technique.

Elle fait valoir que le temps de mise en oeuvre de la Chape , inférieur à 2 heures est conforme aux préconisations techniques et qu’aucun reproche ne peut lui être adressé.

Elle demande pour le cas où sa responsabilité serait retenue pour un défaut de mise en oeuvre, qu’il ne soit fait droit à l’appel en garantie de la société Joubert-Pinet.

Elle allègue la faute des époux X qui contrairement à l’article 7 de l’avis technique12/01-1255 ont laissé la Chape VICAT apparente en omettant de faire poser le carrelage, ce qui a contribué au développement des fissures.

Elle critique l’expert d’avoir repris au titre des préjudices immatériels des époux X les conclusions de leur propre expert, monsieur Z, alors que ne désirant pas procéder à la réhabilitation immédiate de leur logement, ils ne démontrent aucun préjudice.

Elle estime que les époux X ne rapportent pas davantage la preuve de leur obligation de déménager durant les travaux.

La clôture de la procédure est intervenue le 21 septembre 2010.

SUR CE :

1/ sur la réception des travaux :

Attendu qu’aux termes du marché de travaux conclu entre la société Joubert-Pinet et monsieur et madame X, l’entreprise s’engageait à réaliser les travaux ainsi listés :

*amené, replis du matériel et protection des travaux,

*étage :

— modification de l’ouverture existante entre salon et séjour, création d’une ouverture de 170X210cm, non compris, reprise de plâtrerie,

— création d’une ouverture par sciage de 150X250cm mur béton de 40cm,

— modification du conduit de cheminée pour création d’un placard de 80X210cm,

— Chape liquide épaisseur 5cm sur isolant type 'styrodur ou similaire,

*sous-sol :

— cloison en agglos de 10X20X50 creux avec enduit frotté gris situé au départ des escaliers d’accès à l’étage, 200X140 compris encrages,

— démolition du dallage en sur-épaisseur, décaissement et évacuation des gravats (attention basé sur une épaisseur de 6cm maxi, sondage réalisé avant la signature du marché pour chiffrage définitif),

— Chape liquide 5 cm,

— démolition du bassin en BA et de son socle+ reprise du dallage,

— bouchement d’une ouverture en agglos de 20X20X50creux avec enduit gris frotté fin 200X100cm,

— modification d’ouvertures comprenant sciage de l’allège, reprise des tableaux et seuil en béton ;

Attendu que par application de l’article 1792-6 du code civil, la réception des travaux peut être soit expresse, soit tacite soit judiciaire ;

Qu’aucune réception expresse des travaux n’est intervenue ;

Que la réception tacite doit résulter de la volonté non équivoque du maître de recevoir l’ouvrage ;

Attendu qu’il est établi que monsieur et madame X vivent dans leur maison depuis janvier 2004 ;

Qu’ainsi, ils ont pris possession de l’ouvrage ;

Que toutefois, cette prise de possession des lieux s’explique plus par la nécessité de se loger que par une acceptation des travaux, fusse sous les réserves qu’ils ont exprimées dans leurs courriers en date du 17 février et du 1er mars 2004 adressés à la société Joubert- Pinet ;

Qu’en effet, les époux X opposant une exception d’inexécution, ont refusé de régler le solde de la facture présentée par la société Joubert-Pinet ;

Qu’ainsi, aucune volonté non équivoque de recevoir les travaux n’a été exprimée par les maîtres de l’ouvrage ;

Que dès lors, c’est à tort que le tribunal a fixé la réception tacite des travaux au 1er janvier 2004 ;

Que par voie de conséquence, la responsabilité de plein droit des constructeurs ne peut trouver application et qu’il convient de rechercher si la responsabilité des entrepreneurs peut être retenue sur le fondement de l’article 1147 du code civil et si la responsabilité du vendeur du procédé TOPCEM peut être retenue par application de l’article 1641 du même code ;

2/ sur les désordres :

Attendu que les conclusions du rapport d’expertise, lequel est clair, précis et argumenté, seront retenues pour trancher le présent litige ;

Attendu qu’aux termes de l’article 1147 du code civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu, au paiement de dommages intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ;

Que l’entrepreneur est tenu d’exécuter sa prestation selon les règles de l’art ;

Attendu que par application de l’article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent notamment impropre à l’usage auquel on la destine ;

sur les Chapes :

Chape de l’étage :

Attendu que l’expert relève la présence de nombreuses fissurations transversales de 0,8 à 1,5mn, particulièrement en angle de la cuisine côté porte-fenêtre et en séjour depuis la cloison du dégagement jusqu’à l’angle de la porte-fenêtre et des tuilages hors tolérance de l’avis technique 12/01-1255, article 2.12 ;

Qu’il souligne le caractère évolutif du phénomène de fissuration puisque malgré la reprise intervenue en février 2004 avec une résine EPOFOND, les lèvres des fissures s’étaient à nouveau écartées ;

Qu’il constate un défaut de planéité au seuil de la porte-fenêtre Ouest du séjour et un faux niveau dans la salle de bain ;

Qu’il impute ces désordres à la mise en oeuvre du procédé TOPCEM défaillant dont le retrait est mal maîtrisé ;

Que l’expert souligne à cet égard les limites de ce procédé qui a nécessité la modification des préconisations techniques concernant la planéité des supports, la réparation des fissures accidentelles et du tuilage éventuel ;

Que l’expert conteste l’argumentation de la société Béton Rhône Alpes concernant l’effet bi-lame par séchage différentiel dans l’épaisseur de la Chape en expliquant qu’une stabilisation aurait dû intervenir si ce seul phénomène avait été en jeu ;

Qu’il relève que c’était la position de la société Chappe 38 qui a traité les fissures avec une résine EPOFOND laquelle s’est montrée inopérante dans la reprise des dites fissures ;

Qu’au regard des conclusions expertales, il est démontrés que le procédé TOPCEM qui ne permet pas de réaliser les enduits de façon efficace, présente un vice caché dont son vendeur, la société Béton Rhône Alpes, doit garantie ;

Attendu que l’expert souligne également qu’il n’a pas été contesté en cours des réunions d’expertise que le local a été aéré de façon excessive au cours des 7 premiers jours, contrairement aux préconisations de l’avis technique 12/01-1255 article 4.51, lequel stipule que le bâtiment doit être clos, couvert, fenêtres et portes-fenêtres posées et fermées afin d’éviter tout courant d’air lors du coulage et des premières heures de durcissement de la Chape ;

Que concernant la ventilation excessive des locaux lors de la réalisation de l’ouvrage, l’expert indique qu’il n’appartient pas au maître de l’ouvrage d’assurer les bonnes conditions d’exécution des travaux ;

Que les entrepreneurs au contraire, doivent veiller à la conservation de leurs travaux et se montrer particulièrement vigilants dans l’hypothèse de coactivité de corps d’état ;

Qu’en outre, il convient de relever que monsieur et madame X n’habitaient pas les lieux à l’époque de la réalisation de la Chape en novembre 2003 ;

Que les constructeurs sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne démontrent aucunement une faute des maîtres de l’ouvrage en ce sens ;

Attendu que monsieur et madame X sont en l’état des ouvrages édifiés par les constructeurs, dans l’impossibilité de faire procéder à la pose des carrelages et d’y habiter normalement ;

Qu’à cet égard, la société Eurosol, entreprise de carrelage a par courrier du 14 février 2004, fait valoir à monsieur et madame X leur refus d’intervenir sur des supports inadaptés ;

Qu’ainsi, l’argument de la société Chappe 38 sur le défaut de pose de carrelage laissant à nu le support, est inopérant ;

Que le procédé TOPCEM est défaillant à permettre la bonne réalisation d’une Chape exempte de fissuration et permettant la pose de carrelage, de sorte qu’une impropriété à usage telle que visée par l’article 1641 du code civil doit être retenue ;

Attendu qu’il est ainsi démontré un défaut d’exécution et des manquements contractuels à l’égard des constructeurs, à savoir, la société Joubert-Pinet contractante de monsieur et madame X, la société Chappe 38 qui a réalisé la Chape et un vice caché du procédé TOPCEM vendu par la société Rhône Alpes Béton justifiant de retenir la responsabilité de ces sociétés ;

Que ces 3 sociétés dont les différentes fautes ont ensemble concourues à la production de l’entier dommage, doivent être condamnées in solidum à l’égard des maîtres de l’ouvrage ;

Chape en rez de jardin :

Attendu qu’il résulte du rapport d’expertise que :

* cette Chape présente un faïençage général, des fissurations sans discontinuité affectant l’ensemble de la surface,

*en plusieurs endroits, les tolérances de planéité ne sont pas respectées,

*un recouvrement sur fourreau d’alimentation électrique de 5mn pour un minimum nécessaire de 25mn de sorte que les aciers sont directement en contact avec le support isolant STYRODUR et qui ne sont donc que partiellement adhérents à la Chape ,

*les ragréages en plinthes n’ont pas été effectués suite à leur démolition,

*la mise en oeuvre totale est estimée à 2 heures et demie pour une préconisation de 2 heures ;

Attendu que l’expert impute la responsabilité de ces désordres à la société Joubert-Pinet et la société Chappe 38 auxquelles peuvent être reprochés des défauts d’exécution et des manquements aux règles de l’art justifiant de retenir leur responsabilité sur le fondement de l’article 1147 du code civil ;

Que leur action ayant causé de manière indissociable l’entier dommage, elles doivent être condamnées in solidum à le réparer ;

sur la création d’un placard à la place du conduit de fumée :

Attendu que le contrat prévoyait la modification du conduit de cheminée pour création d’un placard de 80X210cm ;

Que dés lors, contrairement aux affirmations de la société Joubert-Pinet, celle-ci était contractuellement tenue non seulement à la déviation du conduit de cheminée mais également à la création d’un placard ;

Que l’expert a constaté le défaut de réalisation du dit placard dont la responsabilité sur le fondement de l’article 1147 du code civil est entièrement imputable à la société Joubert-Pinet ;

sur les ouvertures :

Attendu que le contrat prévoyait le bouchement d’une ouverture en agglos de 20X20X50creux avec enduit gris frotté fin 200X100cm ;

Que l’argumentation de la société Joubert-Pinet selon laquelle le béton cellulaire ayant les mêmes caractéristiques que les agglos, elle aurait parfaitement respecté les termes du contrat, ne saurait être retenue, dés lors que l’expert relève le défaut de réalisation ;

Que dès lors, la société Joubert-Pinet est, par application de l’article 1147 du même code, tenue entièrement pour cette non-conformité ;

3/ sur l’indemnisation des préjudices :

Attendu au préalable que contrairement aux allégations de la société Joubert-Pinet, les époux X ne formulent aucune demande sur le fondement de l’article 1347 du code civil ;

Attendu qu 'au regard des conclusions de l’expert, c’est à juste titre que le tribunal a condamné :

* in solidum la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes à payer à monsieur et madame X, la somme de 2.962,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape en étage consistant dans la reprise du tuilage par application du produit VICAT’STAB, avec garnissage d’une résine époxy outre la pose d’une nappe DITRA,

* in solidum la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 à payer à monsieur et madame X, la somme de 1.320,00¿ au titre des travaux de reprise de la Chape en rez de jardin,

* la société Joubert-Pinet à payer à monsieur et madame X, la somme de 100,00¿ au titre des travaux de création d’un placard sur conduit de cheminée,

* la société Joubert-Pinet à payer à monsieur et madame X, la somme de 150,00¿ au titre de l’ouverture en agglos de 20X20X50 ;

Attendu qu’il est incontestable que monsieur et madame X ont été contraints de vivre dans des conditions précaires liées à l’impossibilité de carreler leur logement ce qui a entraîné un inconfort certain, un défaut d’isolation et donc un impact sur la température du logement, outre de la poussière, de sorte qu’un préjudice d’habitation et de jouissance doit nécessairement être retenu ;

Que le tribunal a alloué à ce titre la somme de 15.000,00¿ ;

Que cette indemnisation s’avère insuffisante au regard de la durée du préjudice courant de janvier 2004 à avril 2008, le jugement étant intervenu le 17 mars 2008 et aucun reproche ne pouvant être adressé aux époux X de n’avoir pas fait réaliser à leurs frais avancés, les travaux de reprise ;

Qu’il convient en conséquence d’allouer à ce titre aux maîtres de l’ouvrage la somme de 30.600,00¿ (600,00¿ par mois durant 51 mois) ;

Que lors de la réalisation des travaux de reprise, le logement sera temporairement inhabitable et ce pour une durée estimée des travaux de semaine ;

Que l’ampleur des travaux ne permettra aucun repli dans ce logement, durant la réalisation de ceux-ci ;

Que c’est à juste titre que le tribunal a indemnisé ce poste à la somme de 4.000,00¿ ;

Attendu que concernant ces préjudices immatériels, la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes ayant ensemble par leurs fautes respectives, concouru à la réalisation de l’entier dommage, elles seront condamnées in solidum à le réparer ;

Attendu que dans les rapports entre elles, la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes, seront tenues à hauteur d’un tiers des condamnations prononcées concernant la Chape de l’étage et la réparation des préjudices immatériels ;

Que dans les rapports entre elles, la société Joubert-Pinet et la société Chappe 38 seront tenues par moitié des condamnations prononcées concernant la Chape du rez de chaussée ;

4/ sur la demande reconventionnelle de la société Joubert-Pinet :

Attendu que la reconnaissance des désordres qui sont par ailleurs indemnisés ne dispense pas monsieur et madame X de régler à la société Joubert-Pinet le solde des travaux impayés tel que résultant de la facture n° 200304 avec intérêts au taux légal à compter du jugement déféré ;

5/ sur les mesures accessoires :

Attendu que la cour estime devoir faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de monsieur et madame X ;

Attendu que la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes seront condamnées aux dépens tant de première instance qu’en cause d’appel qui comprennent les frais d’expertises et seront recouvrés par l’avoué de leurs adversaires, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Infirme le jugement rendu le 17 mars 2008 par le tribunal de grande instance de Grenoble,

Statuant à nouveau :

Dit qu’il n’y a pas lieu à fixation d’une réception tacite des travaux,

Déclare la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes ensemble responsables de l’intégralité des désordres affectant la chape de l’étage de l’habitation des époux X et de leurs préjudices immatériels sur le fondement des articles 1147 et 1641 du code civil,

Déclare la société Joubert-Pinet et la société Chappe 38 ensemble responsables de l’intégralité des désordres affectant la chape de l’étage de l’habitation des époux X sur le fondement de l’article 1147 du code civil,

Condamne in solidum, la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes à payer à monsieur et madame X, la somme de 2.962,00¿ au titre des travaux de reprise de la chape en étage,

Condamne in solidum la société Joubert-Pinet et la société Chappe 38 à payer à monsieur et madame X, la somme de 1.320,00¿ au titre des travaux de reprise de la chape en rez de jardin,

Condamne la société Joubert-Pinet a payer à monsieur et madame X les sommes de 100,00¿ au titre de la création d’un placard et de 150,00¿ au titre de la création d’une ouverture en agglos,

Condamne in solidum la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes à payer à monsieur et madame E-F X la somme de 30.600,00¿ au titre du préjudice de jouissance et la somme de 4.000,00¿ au titre du préjudice d’habitation lors des travaux de reprise,

Dit que dans les rapports entre elles, la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône Alpes, seront tenues à hauteur d’un tiers des condamnations prononcées concernant la chape de l’étage et la réparation des préjudices immatériels,

Dit que dans les rapports entre elles, la société Joubert-Pinet et la société Chappe 38 seront tenues par moitié des condamnations prononcées concernant la chape du rez de chaussée,

Condamne in solidum monsieur et madame X à payer à la société Joubert-Pinet la somme de 5.064,00¿ avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre d’un solde de facture impayée,

Condamne la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône à payer à monsieur et madame X la somme de 2.000,00¿ par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Joubert-Pinet, la société Chappe 38 et la société Béton Rhône aux dépens tant de première instance qu’en cause d’appel qui comprennent les frais d’expertises et seront recouvrés par l’avoué de leurs adversaires, conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Marie DURAND, Président, et par Monsieur Salvatore SAMBITO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 14 décembre 2010, n° 08/01859