Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 15 décembre 2011, n° 10/03817

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc., 15 déc. 2011, n° 10/03817
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 10/03817
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 26 juillet 2010, N° F09/01705

Sur les parties

Texte intégral

RG N° 10/03817

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 15 DÉCEMBRE 2011

Appel d’une décision (N° RG F09/01705)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 27 juillet 2010

suivant déclaration d’appel du 25 Août 2010

APPELANTE :

LA S.A.S. CHAUSSEA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Olivia KLOPPENBURG (avocat au barreau de GRENOBLE)

INTIMEE :

Madame Y X

XXX

XXX

Comparante en personne, assistée de Me Jane-Laure NOWACZYK (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2011, M. VIGNY, chargé du rapport, et Mme JACOB, assistés de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Notifié le :

Grosse délivrée le :

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 15 Décembre 2011.

Mme X a été embauchée le 11 avril 1995 par contrat à durée déterminée qui se poursuivra suivant contrat à durée indéterminée, par la société Multichauss en qualité de distributrice au magasin de Voiron. Le 2 janvier 2002, elle est devenue vendeuse responsable.

En mars 2006, la société Chaussea a acheté la société Multichauss, de sorte que le contrat de travail de Mme X s’est trouvé transféré.

Mme X a attiré l’attention de son employeur, à plusieurs reprises, sur des difficultés rencontrées : conditions de travail pénibles pour le personnel, stocks excessifs, démarque due au déménagement, amplitude horaire d’ouverture du magasin excessive, nuisances dans le magasin…

En juin 2008, la première vendeuse s’est trouvée en arrêt maladie pour un an et Mme X a dû gérer la situation avec 2 vendeuses.

Le 4 novembre 2008, Mme X a été en arrêt maladie jusqu’au 31 mars 2009.

Le 11 février 2009 la caisse de l’Isère a reconnu le caractère professionnel de sa maladie.

Par deux avis, en date du 31 mars 2009 puis du 14 avril 2009, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à titre définitif à son poste et à tout poste nécessitant des efforts des bras en hauteur et loin du corps. Il a indiqué qu’une mutation à un poste sans effort important des bras ou administratif était nécessaire.

Le 16 avril 2009, les délégués du personnel ont été informés de l’inaptitude de la salariée.

Par lettre du 5 mai 2009, Mme X a été licenciée pour inaptitude. La lettre mentionnait une impossibilité de reclassement.

Par jugement du conseil des prud’hommes de Grenoble en date du 27 juillet 2010, le licenciement de Mme X a été déclaré sans cause réelle et sérieuse.

La juridiction a alloué à Mme X les sommes suivantes :

—  458 € heures supplémentaires

—  34 200 € dommages-intérêts pour rupture infondée

—  1500 € en application de l’article 700 du CPC

La société Chaussea a relevé appel. Elle demande de débouter Mme X de toutes ses réclamations et sollicite 3000 € en application de l’article 700 du CPC.

Elle fait valoir que :

— sur le respect de l’obligation de reclassement : dès le 16 avril 2009, le cas de Mme X a été exposé pour avis aux délégués du personnel.

Un seul poste administratif – infographiste – était disponible au siège de la société en Meurthe-et-Moselle. Ce poste nécessitait une formation particulière et approfondie, la salariée n’avait pas d’expérience en cette matière. La direction des ressources humaines de la société centralisant tout grâce à son système informatique, il n’a pas fallu plus d’une journée pour identifier les emplois, notamment administratifs, disponibles. Ceci explique le bref délai entre le deuxième avis du médecin du travail et le licenciement.

Elle a sollicité l’avis du médecin du travail sur le poste d’infographiste mais elle n’a pas eu de réponse.

— la société n’a pas informé par écrit la salariée de l’impossibilité de la reclasser :cette inobservation ne peut donner lieu qu’au paiement de dommages-intérêts.

— la salariée n’a pas justifié des heures supplémentaires invoquées.

Mme X demande la confirmation du jugement, en ce que cette décision a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qui concerne la condamnation à 458 € (heures supplémentaires semaine 5 année 2008). Elle demande les sommes suivantes :

—  40'000 € à titre de dommages-intérêts se décomposant ainsi :

22'800 € d’indemnité plancher, en application de l’article L. 1226 -15 du code du travail (12 mois de salaire), et 17'200 € au titre de son préjudice spécifique

—  3099,80 € et 2331,32 €, outre les congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées en 2007 et en 2008

—  3000 € en application de l’article 700 du CPC

Elle fait valoir que :

— sur le non-respect de l’obligation de reclassement : la société ne justifie pas des recherches. Le seul élément qu’elle verse est le courrier adressé au médecin du travail le 20 avril 2009. La société s’est abstenue de toute question complémentaire sur les possibilités de reclassement ou sur l’éventualité d’un aménagement de poste conforme aux prescriptions du médecin.

La chronologie est parlante : le 14 avril 2009, elle a passé la deuxième visite médicale, le 16 avril 2009, la société a informé les délégués du personnel de ce qu’un seul poste de reclassement a été identifié mais nécessite une formation particulière, le 20 avril 2009 la société a déclaré au médecin du travail être dans l’impossibilité de reclasser la salariée, le 21 avril 2009, elle a adressé à la salariée la lettre de convocation à entretien préalable. Tout s’est passé en 5 jours ouvrés.

La société comporte 850 salariés répartis sur 209 magasins en France.

— sur le non-respect de l’obligation de consulter les délégués du personnel : la société a dit à ces derniers que le poste d’infographiste était disponible, alors qu’il ne pouvait lui être proposé. La réunion a eu lieu le surlendemain de la deuxième visite médicale, alors que la réunion doit être fixée suffisamment à l’avance pour permettre aux délégués de remettre une note écrite.

— la société n’a pas justifié par écrit de la possibilité de la reclasser. Cette question n’est pas discutée par l’appelante.

— sur son préjudice : elle a 41 ans, elle a un enfant à charge, deux ans après son licenciement, elle est toujours en recherche d’emploi stable. Concernant son préjudice spécifique : la société connaissait les très mauvaises conditions de travail (voir ses rapports ; le CHSCT et le comité d’entreprise étaient informés, même si le premier cité n’a pas été réuni par la société, comme celle-ci le prétend, le 18 mars 2008 ; quant au second cité, il a demandé la réalisation d’une expertise sur les conditions de travail).

— sur les heures supplémentaires : elle verse des attestations de salariés, ses plannings,

— la société n’a pas respecté son obligation d’adaptation et d’employabilité (article L 6321 -11 du code du travail : « l’employeur assure l’adaptabilité des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations »).

MOTIFS DE L’ARRÊT

1. Sur le licenciement pour inaptitude.

L’article L. 1226 -10 du code du travail dispose : « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un emploi adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformation de postes ou aménagements du temps de travail ».

La situation de Mme X a été évoquée, le 16 avril 2009, lors de la réunion des délégués du personnel de la société. La direction a donné connaissance des deux avis du médecin du travail et a indiqué qu’un seul poste administratif était disponible au siège, celui d’infographiste, nécessitant une formation particulière. Les délégués du personnel ont déclaré ne pas s’opposer aux propositions de reclassement, et ont précisé, qu’en cas de refus, le licenciement ne pourrait pas être évité. Sur les quatre votants, il y a eu trois avis « pour» et un avis « contre ».

L’information donnée aux délégués du personnel était erronée, dans la mesure où ce poste ne pouvait pas être proposé à la salariée. En effet, ainsi que l’a écrit, elle-même, la société appelante au médecin du travail, le 20 avril 2009, ce poste d’infographiste nécessitait des compétences en informatique spécialisée que n’avait pas madame X et requérait un travail constant sur poste informatique avec mouvements de l’épaule, du coude et du poignet répétés pour la manipulation de la souris et l’écriture sur le clavier de l’ordinateur.

Par ailleurs, il a été fait état aux délégués du personnel de « propositions », au pluriel, alors qu’il n’y en avait qu’une, au surplus non valable.

La société appelante ne justifie pas de ses recherches de reclassement. Le seul élément qu’elle verse aux débats est la lettre adressée au médecin du travail le 20 avril 2009.

À cet égard, la société appelante stigmatise le fait que le médecin du travail n’a pas répondu à ce courrier. Contrairement à ce que soutient la société appelante, ce courrier ne constituait pas une demande d’avis puisque dans ce courrier, elle exposait au médecin du travail les raisons s’opposant à la proposition du poste d’infographiste à Mme X. La société Chausséa concluait sa correspondance de la façon suivante : « voilà pourquoi il nous est impossible de donner une suite favorable à vos suggestions ».

Si, ainsi que le dit la société appelante, la direction des ressources humaines centralisait tout grâce à son système informatique, elle ne produit néanmoins aucun document permettant de connaître la structure de la société, de son personnel (type d’emplois) et de ses services.

En réalité, et sans que cela soit discuté, la société appelante n’a fait à Mme X aucune proposition de reclassement loyale. Elle a agi avec une précipitation que le rapprochement des dates permet de caractériser.

Alors que la salariée a passé la deuxième visite médicale, le 14 avril 2009, son employeur a recueilli, le 16 avril 2009, l’avis des délégués du personnel dans les conditions ci-dessus critiquées, a déclaré, le 20 avril 2009, au médecin du travail l’impossibilité de reclasser la salariée et a adressé à cette dernière dès le 21 avril 2009 une convocation à entretien préalable.

La société appelante n’a pas, en application de l’article L. 1226 -12 du code du travail fait connaître par écrit à la salariée les motifs qui s’opposent à son reclassement.

La société Chausséa n’ayant pas respecté son obligation de reclassement, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Eu égard au fait que la société Chausséa a manqué à ses obligations, alors même qu’il s’agit d’une inaptitude d’ordre professionnel, eu égard à l’ancienneté de Mme X (près de 14 ans), le préjudice de cette dernière doit être fixé à 40'000 €.

2. Sur les heures supplémentaires.

Ainsi que l’a retenu à juste titre le premier juge, Mme X n’a étayé sa demande que pendant la période de déménagement du magasin. Le 12 février 2008, elle a, effectivement, adressé au directeur des ressources humaines de la société une lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant que depuis l’ouverture du 2 février 2008 du magasin dans le local provisoire, l’amplitude horaire avait été de 63 heures par semaine. Aucune réponse n’a été fournie à la salariée.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qui concerne les heures supplémentaires.

L’équité commande la condamnation de la société appelante à payer à Mme X la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Confirme le jugement de ses dispositions, à l’exception de la somme allouée à Mme X à titre de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau.

Condamne la société Chausséa à payer à Mme X de la somme de 40'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Chausséa à payer à Mme X la somme de 2000 € en application de l’articles 700 du code de procédure civile

Condamne la société Chausséa aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Vigny, président, et par Mlle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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