Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2010, n° 09/00202

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Chronologie de l’affaire

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Nanahira Razafimaharavo · Actualités du Droit · 23 novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 3e ch. a, 23 mars 2010, n° 09/00202
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 09/00202
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 5 novembre 2008
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL DE LYON

Troisième Chambre Civile

SECTION A

ARRÊT DU 23 Mars 2010

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 06 novembre 2008 – N° rôle : 2005j2325

N° R.G. : 09/00202

Nature du recours : Appel

APPELANTE :

LA POSTE

XXX

XXX

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour

assistée de Me Michel ROUSSEAU, avocat au barreau de DIJON

INTIMEES :

SA LAMPERT

XXX

XXX

représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour

assistée de Me TETARD, avocat au barreau de LYON

SA Y EXPRESS

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assistée de la SCP DEYGAS PERRACHON BES & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

SOCIETE X TRANSPORT

XXX

XXX

représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assistée de Me GODIN, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE B C

XXX

XXX

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistée de Me RODAMEL, avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 02 Février 2010

Audience publique du 11 Février 2010

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D’APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Bernard CHAUVET, Président

Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller

Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller

DEBATS : à l’audience publique du 11 Février 2010

sur le rapport de Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Gaëlle WICKER, Greffier

ARRET : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Mars 2010, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Madame Gaëlle WICKER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS ET LES DÉCISIONS RENDUES

Suivant marché des 20 juillet et 2 août 2001 LA POSTE a confié à compter du 3 septembre 2001 à la société SA TRANSPORTS LAMPERT (LAMPERT) le transport de courriers, colis presse et messagerie sur la ligne LOUVIGNY AER LYON METZ CCT.

La société LAMPERT a elle-même sous-traité des prestations de transport entre le 19 mars et le 19 avril 2002 à la société SA Y EXPRESS (Y) qui a eu recours à un salarié intérimaire H Z A.

En raison de la disparition de sacs postaux lors de leur acheminement entre LYON SAINT EXUPERY et METZ LOUVIGNY, LA POSTE a déposé plainte contre X le 19 avril 2002. L’enquête diligentée a conduit le 15 mai 2002 à l’audition du dirigeant de la société Y et le 20 juin 2002 à l’ouverture d’une information contre X au cabinet du juge d’instruction de LYON. Entendu le 14 octobre 2002 dans le cadre d’investigations menées suite à un vol à main armée, le dirigeant de la société LAMPERT a alors déclaré que dans le souci d’assurer la continuité de la tournée que, pour des raisons techniques il ne pouvait exécuter, il l’avait sous-traitée entre le 19 mars et le 19 avril 2002 à la société Y 'malgré l’interdiction contractuelle qui lui était faite'.

Mis en examen le 18 juin 2003, et renvoyé devant le Tribunal Correctionnel de LYON par ordonnance du 2 avril 2004, H Z A a été condamné le 7 juin 2005 par cette juridiction à la peine de 2 ans d’emprisonnement sous la prévention d’abus de confiance; cette décision a reçu LA POSTE dans sa constitution de partie civile, lui a alloué la somme de 215.249 euros à titre de dommages et intérêts et une indemnité complémentaire de 5.000 euros, ordonné la restitution à LA POSTE de divers scellés et dit que les sommes consignées seraient affectées prioritairement au paiement de dommages et intérêts.

Par exploit des 8 et 25 juillet 2005 LA POSTE a fait citer à comparaître devant le Tribunal de Commerce de LYON la société LAMPERT sa co contractante et la société Y sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle afin de les voir solidairement condamner au paiement de la somme de 215.249 euros et de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par exploit du 4 avril 2006 LA POSTE a aussi fait citer la compagnie X TRANSPORTS (X), ès qualités d’assureur de la société Y pour l’entendre condamner à garantir son assurée de toutes condamnations prononcées à son encontre.

De son coté la société LAMPERT a fait délivrer le 12 mai 2006 assignation à son assureur la compagnie B C afin de la voir condamner à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

Par jugement en date du 6 novembre 2008 le Tribunal a

— joint les instances

— dit et jugé irrecevable l’action quasi délictuelle engagée par LA POSTE à l’encontre de la société Y

— dit et jugé irrecevable l’action contractuelle engagée par LA POSTE

— condamné LA POSTE à payer une indemnité de procédure de 1.500 euros à chacune des sociétés LAMPERT, Y, B C et X et à supporter les dépens

— rejeté les autres demandes.

Par déclaration remise au greffe le 13 janvier 2009 LA POSTE a interjeté appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.

LES PRÉTENTIONS ET LES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions III récapitulatives signifiées le 19 janvier 2010 LA POSTE demande à la Cour au visa des articles L 132-8 et L 133-6 du Code de Commerce et 1147,1382 et 1384 alinéa 5 du Code Civil

— d’infirmer le jugement entrepris

— de déclarer son action recevable et les sociétés LAMBERT et Y responsables du dommage qui lui a été causé

— de condamner les sociétés LAMPERT ,Y et les assureurs X et B C in solidum à lui payer une indemnité de 192.910,38 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation outre 6.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires

— de condamner solidairement les sociétés LAMPERT et Y à lui payer une indemnité de procédure de 5.000 euros.

S’agissant de son action dirigée contre la société Y, LA POSTE soutient que les dispositions de l’article L 132-8 du Code de Commerce ne peuvent être invoquées alors qu’aux termes du contrat qu’elle a conclu avec la société LAMPERT la sous-traitance n’est possible en raison de la particularité des marchandises transportées (notamment des bijoux et valeurs) qu’après avoir recueilli son agrément dans un avenant; qu’il n’existe aucune relation contractuelle avec la société Y qui est intervenue sans mandat en violation du marché initial. LA POSTE conteste avoir reconnu et accepté, même implicitement, la substitution de la société LAMPERT par la société Y. Elle souligne qu’il n’existe pas d’acte manifestant sa volonté d’accepter et d’agréer le sous traitant; que le nom de la société Y n’a pas été mentionné dans les documents alors que les camions des sociétés Y et LAMPERT ne comportaient pas de marques de nature à permettre l’identification lors du chargement par ses préposés.

Elle en conclut qu’elle peut agir à l’encontre de la société Y

— sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 5 du Code Civil en sa qualité de commettant de H Z A

— mais aussi sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du Code Civil en raison de sa faute, pour s’être abstenue d’effectuer le moindre contrôle sur l’honorabilité de ce préposé, et la moindre surveillance malgré les retards constatés lors de ses tournées, et pour avoir modifié le mode de transport des sacs postaux.

Subsidiairement LA POSTE conteste l’application de la prescription annale de l’article L 133-6 du Code de Commerce en raison de la fraude commise par le préposé de la société Y.

Ensuite s’agissant de son action dirigée contre la société LAMPERT, LA POSTE soutient que les règles de la prescription doivent être écartées en raison de l’infidélité et de la déloyauté du voiturier qui a sous traité en violation avec les obligations contractuelles (article 10 du contrat). Sur ce point elle observe que l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société LAMPERT est intervenue le 26 juin 2001 soit antérieurement à la conclusion du contrat de transport; que la société LAMPERT s’est gardée de l’informer de sa situation qui aurait justifié qu’elle sollicite l’annulation du contrat pour vice du consentement; qu’en réalité le motif du recours à la société Y n’est pas le redressement judiciaire mais les raisons techniques que son dirigeant a mentionnées lors de son audition par les services de police.

Elle ajoute subsidiairement que la prescription a été interrompue alors que suite à la plainte qu’elle a déposée le 19 avril 2002, elle s’est régulièrement constituée partie civile dans le cadre de l’information ouverte pour abus de confiance et a renouvelé cette constitution de partie civile à l’audience du Tribunal Correctionnel. Elle fait valoir que la prescription a ainsi été interrompue jusqu’à la date du jugement qui est intervenu le 7 juin 2005 et est devenu définitif le 17 juin 2007.

LA POSTE soutient aussi que la prescription n’a pu commencer à courir avant cette date puisqu’elle ignorait la naissance de son droit à réparation qui est né à partir du jour où la culpabilité de H Z A et de ses complices a été acquise ; qu’il résulte en effet des procès verbaux d’enquête qu’elle ne connaissait pas l’identité du sous traitant de son cocontractant ni a fortiori celle du préposé de celui-ci et de ses complices.

LA POSTE se prévaut aussi de la restitution d’une partie des colis détournés, qui avaient fait l’objet de divers scellés, ordonnée par le jugement du 7 juin 2005 et estime que le point de départ de la prescription de l’article L 133-6 est cette remise.

S’agissant de ses fautes prétendues, LA POSTE fait valoir qu’elle ignorait l’origine des disparitions constatées et l’existence de la société Y; qu’elle a fait vendre aux enchères les scellés dont elle a obtenu la restitution 3 ans après le détournement des colis alors que les bijoux qui transitaient entre des bijoutiers et des réparateurs étaient pour la plupart anciens et en mauvais état et qu’elle en avait indemnisé les propriétaires au regard de la valeur déclarée par ceux-ci.

S’agissant de la garantie des assureurs, LA POSTE soutient que la demande de condamnation solidaire de la compagnie B C assureur de la société LAMPERT n’est pas nouvelle puisque cette prétention est formée contre une partie déjà mise en cause en première instance par son assuré dans les 2 ans de l’assignation .

S’agissant de son préjudice, LA POSTE expose qu’il résulte du listing des clients remboursés en fonction de la valeur déclarée, qu’elle a acquitté la somme totale de 215.265 euros qui a d’ailleurs été retenue par le Tribunal Correctionnel de LYON le 7 juin 2005; qu’elle a obtenu par la vente aux enchères des scellés une somme de 22.354,62 euros de sorte qu’elle a réduit sa réclamation principale à un montant de 192.910,38 euros.

LA POSTE invoque aussi un préjudice commercial complémentaire de 6.000 euros en raison des graves perturbations que lui ont été occasionnées par les détournements de H Z A.

Par conclusions responsives récapitulatives N°2 signifiées le 4 novembre 2009 la société LAMPERT demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et de rejeter les demandes de LA POSTE en la condamnant à lui payer une indemnité de procédure de 2.500 euros et subsidiairement de condamner la compagnie B C à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

La société LAMPERT expose que l’action en responsabilité dirigée à son encontre ne peut reposer que sur le terrain contractuel; que les actions découlant du contrat de transport routier intérieur sont soumises à la prescription annale.

Elle conteste que la sous traitance du transport à la société Y serait constitutive d’un acte de fraude ou d’infidélité. Elle rappelle que l’article 10 des conditions générales du contrat de transport l’autorisait à céder le marché sans agrément du client en cas de redressement judiciaire. Elle précise qu’elle a fait l’objet le 26 juin 2001 d’une procédure de redressement judiciaire qui a donné lieu le 28 janvier 2003 à un plan de redressement par continuation. Elle se prévaut de l’exception de l’article 10 alors que LA POSTE ne pouvait ignorer la procédure collective donc elle faisait l’objet . Elle ajoute que LA POSTE était parfaitement informée de la sous traitance et observe que celle-ci a pu déposer plainte dès le mois d’avril 2002.

Elle conteste avoir fait preuve de mauvaise foi et soutient que l’exception de fraude ou d’infidélité ne peut être retenue à son encontre alors que les agissements qui lui sont reprochés n’ont pas eu pour conséquence d’empêcher le déclarant d’agir en temps utile.

La société LAMPERT ajoute que suite au détournement des marchandises qui auraient du être livrées entre le 19 mars et le 24 avril 2002, l’enquête diligentée par LA POSTE a abouti en octobre 2002 à l’arrestation de H Z A ; que l’audition de son dirigeant le 14 octobre 2002 a interrompu le délai de prescription d’un an qui a commencé à courir le 24 avril 2002; que toutefois elle n’a pas fait l’objet d’autres auditions et n’est pas intervenue devant le Tribunal de Commerce de LYON; que LA POSTE qui a déposé une plainte simple s’est seulement constituée partie civile le 7 juin 2005 alors que le nouveau délai de prescription était venu à échéance le 14 octobre 2003.

La société LAMPERT conteste que le point de départ de la prescription puisse être différé

— à la reconnaissance de la culpabilité des auteurs de l’infraction à la barre du Tribunal

— à la date de la restitution des scellés alors qu’il s’agit en l’espèce d’un cas de perte totale de marchandises qui n’ont pas été remises aux clients.

La société LAMBERT fait valoir au fond que LA POSTE ne justifie pas de l’indemnisation versée à ses clients et donc de la réalité de son préjudice.

S’agissant de la garantie de la compagnie B C, la société LAMPERT fait valoir qu’elle n’était pas tenue d’assigner la société Y que LA POSTE avait elle-même appelée en cause. Elle rappelle qu’elle a mis en cause son assureur B C dans le délai de deux ans l’assignation de sorte qu’il lui doit sa garantie dans les conditions prévues au contrat d’assurance.

Par conclusions N°2 récapitulatives et complémentaires signifiées le 29 octobre 2009 la compagnie B C demande à la Cour au visa des articles L 133-1, L132-5 et L132-6 du Code de Commerce et de l’article L 124-12 du Code des Assurances:

— à titre principal de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de déclarer irrecevable comme nouvelle l’action directe formée en cause d’appel à son encontre par LA POSTE et la mettre hors de cause

— à titre subsidiaire de dire et juger la société LAMPERT déchue de tous droits à garantie pour non respect des articles 14 et 15 du contrat d’assurance et la mettre hors de cause

— à titre infiniment subsidiaire de dire que sa garantie ne saurait excéder le plafond de garantie de 91.469,41 euros sous déduction de la franchise contractuelle de 228,67 euros et condamner solidairement les sociétés Y et X à la relever et garantir

— dans tous les cas de condamner in solidum LA POSTE et/ou la société LAMPERT ou qui mieux le devra à lui payer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

La compagnie B C soulève d’abord l’irrecevabilité de l’action directe formée à son encontre par LA POSTE suivant conclusions signifiées le 12 mars 2009

— comme nouvelle au sens de l’article 564 du Code Civil

— comme tardive pour n’avoir pas été exercée dans le délai de 2 ans à compter du jour où l’assurée LAMPERT a elle-même été assignée.

Ensuite la compagnie B C conclut à sa mise hors de cause alors que l’action de nature contractuelle dirigée contre la société LAMPERT est prescrite

— pour n’avoir pas été exercée dans le délai annal de l’article L 133-6 qui expirait en l’espèce le 14 avril 2003

— alors qu’il n’existe pas de cause de suspension et d’interruption de prescription; sur ce point la compagnie B C observe que la poste a déposé en avril 2002 une plainte simple contre X ; que la constitution de partie civile à l’audience du 7 juin 2005 est inopérante puisqu’hors délai; que ni la plainte ni la constitution de partie civile à l’audience n’ont visé la société LAMPERT

— alors qu’il n’existe pas non plus de fraude ou d’infidélité ; sur ce point elle expose que la société LAMPERT a fait le choix d’affréter un sous traitant pour assurer la continuité du service pour une durée n’excédant pas 4 semaines ; que le contrat de transport n’interdit pas la sous traitance, son article 10 conditionnant l’agrément du sous traitant à la possibilité de mettre en oeuvre un paiement direct; que le marché n’a pas été cédé; que la prescription de l’action n’a pas de lien avec la prétendue fraude ou infidélité LA POSTE disposant d’un délai suffisant pour agir.

La compagnie B C souligne que l’espèce est régie par les dispositions antérieures à la loi du 17 juin 2008.

La compagnie B C poursuit en soulignant l’absence de justificatif d’indemnisations à hauteur de 215.000 euros.

Elle observe que la société LAMPERT n’a pas formé de recours contre son substitué Y dans le délai d’un mois de l’assignation qu’elle a reçue le 25 juillet 2005; que son assurée ne lui a fait délivrer assignation que le 16 mai 2006; que Y oppose la forclusion de l’article L 133-6 alinéa 4 à son assurée.

Elle soutient donc dans le cas où la Cour retiendrait l’argumentation de la société Y et de son assureur X , qu’elle peut opposer la déchéance de garantie du contrat puisqu’elle serait elle-même privée de tout recours par la carence de son assurée.

La compagnie B C rappelle aussi le plafond de garantie et la franchise contractuels.

Elle conclut aussi à la garantie due par Y et son assureur fondé sur l’article

L 133-1 du Code de Commerce.

Par conclusions N°2 signifiées le 2 novembre 2009 la société Y demande à la Cour

— à titre principal de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a exclu l’action quasi délictuelle de LA POSTE et déclaré prescrite son action contractuelle

— à titre subsidiaire de déclarer irrecevables les demandes de LA POSTE faute d’intérêt à agir

— à titre très subsidiaire de dire et juger que LA POSTE ne démontre pas la prise en charge des marchandises par Y et la débouter de ses demandes

— à titre plus subsidiaire de dire et juger que LA POSTE par son comportement est à l’origine de son préjudice et qu’elle ne justifie pas du préjudice invoqué

— dans tous les cas de

* déclarer irrecevable comme prescrite l’action en garantie dirigée à son encontre par la compagnie B C

* condamner la compagnie X à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre

* condamner LA POSTE à lui payer une indemnité de procédure de 10.000 euros.

La société Y rappelle que LA POSTE est liée contractuellement à la société LAMPERT qui lui a elle-même sous traité la prestation de transport. Elle expose que le droit du transport déroge au droit de la sous traitance en matière de contrat d’entreprise ou de construction en ce que l’action directe du maître d’ouvrage contre le sous traitant reste de nature contractuelle, le but étant de rendre chacun responsable du fait de son substitué. Elle se prévaut des dispositions de l’article L 132-8 du Code de Commerce.

Elle soutient que

— peu importe que son nom figure sur les titres de transport, ou qu’il n’y ait pas eu de contrat écrit conclu entre elle-même et la société LAMPERT

— l’interdiction de sous traitance qui figurait au contrat principal est sans effet dans ses relations avec LA POSTE alors qu’elle est elle-même intervenue en parfaite légalité et ignorait les termes du contrat principal.

Elle se prévaut de décisions validant l’action directe du voiturier contre le donneur d’ordre sauf dans le cas où le voiturier aurait connu l’interdiction de sous traiter ou aurait dû en avoir connaissance. Elle estime que même dans ce cas le refus de l’action directe ne se fonde pas sur la négation du lien contractuel mais sur la notion de faute ou fraude. Elle conteste toute fraude alors qu’elle est intervenue pendant une durée limitée au vu des services de LA POSTE alors que le véhicule habituel de la société LAMPERT connaissait des problèmes mécaniques

Elle conclut à l’irrecevabilité de l’action quasi délictuelle dirigée à son encontre.

La société Y soutient que l’action contractuelle de LA POSTE est prescrite

— en l’absence d’actes interruptifs de prescription alors qu’il n’est pas justifié d’une constitution de partie civile antérieure au 7 juin 2005

— en l’absence de fraude ou infidélité alors que le comportement à analyser n’est pas celui à l’origine de la disparition de la marchandise mais celui qui aurait empêché le donneur d’ordres de faire valoir ses droits en temps utile

— alors qu’en l’espèce LA POSTE connaissait la sous traitance dès le 19 avril 2002 et en a informé la société LAMPERT

— alors que si son dirigeant a été entendu le 15 mai 2002 dans le cadre de l’enquête elle n’a plus été informée de la suite de la procédure pénale.

S’agissant du point de départ de la prescription annale la société Y fait valoir que LA POSTE n’avait aucunement besoin de voir reconnaître la culpabilité de H Z A alors qu’il lui suffisait de constater que les marchandises confiées pour le transport avaient disparu. Elle conteste que la remise de marchandises à son insu par les services judiciaires dans le cadre de restitution de scellés puisse constituer la livraison faisant courir le délai annal.

La société Y conteste aussi avoir eu un comportement fautif. Elle souligne que H Z A n’avait jamais été condamné , qu’elle n’avait pas à organiser de contrôles alors qu’il ne lui était pas signalé d’incident et qu’elle n’avait pas reçu de consigne particulière de la société LAMPERT.

La société Y relève aussi que LA POSTE n’a pas justifié des indemnisations, qu’en l’absence de bon de remise ou de liste de colisage LA POSTE ne justifie pas de la prise en charge des marchandises par ses soins.

La société Y reproche à LA POSTE d’être à l’origine du préjudice invoqué alors que H Z A a reconnu avoir dérobé des bijoux sur la période de mars à avril 2002; que LA POSTE n’a pas procédé à des pointages ni signalé des incidents; qu’elle s’est ensuite abstenue de former des réclamations pendant plus de trois années; qu’elle a fait procéder à son insu et à vil prix. à la vente aux enchères des bijoux placés sous scellés.

Elle conteste le montant du préjudice allégué et fait valoir que le jugement du Tribunal Correctionnel n’a pas autorité de la chose jugée à son égard. Elle observe aussi que le montant des sommes consignées n’a pas été déduit.

S’agissant de la demande de garantie formée par la compagnie B C la société Y rappelle que cette compagnie tout comme son assurée LAMPERT devait impérativement l’appeler en garantie dans le délai d’un mois de l’article L 133-6 alinéa 4 de sorte que la demande de garantie est irrecevable.

S’agissant de la garantie due par X , la société Y soutient que l’exclusion de garantie visant le détournement des marchandises par un chauffeur ou un préposé de l’assuré lorsque celui-ci est intérimaire ou à l’essai ne peut concerner que la responsabilité civile contractuelle d’exploitation.

Par conclusions N°3 signifiées le 22 décembre 2009 la compagnie X demande à la Cour

— à titre principal de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant de condamner LA POSTE à lui payer une indemnité de procédure de 10.000 euros

— subsidiairement de déclarer les actions dirigées à son encontre par LA POSTE, la compagnie B C et la société Y irrecevables et plus subsidiairement mal fondées et condamner ces sociétés à lui payer une indemnité de procédure de 10.000 euros.

La compagnie X soutient que la responsabilité de la société Y envers LA POSTE ne peut se trouver engagée que sur le fondement de l’article L133-1 du Code de Commerce, la circonstance de l’absence d’agrément du sous traitant n’ayant pu modifier la nature juridique des contrats. Elle ajoute que LA POSTE ne rapporte pas la preuve que Y ait eu connaissance d’une interdiction de sous traiter et qu’elle a implicitement accepté la sous-traitance. Elle observe en outre que la société LAMPERT se trouvait en situation de redressement judiciaire au moment des faits et qu’il appartenait à LA POSTE de procéder à des vérifications sur la situation de la société à laquelle elle confiait un marché important.

La société X rappelle le principe du non concours des responsabilités.

Elle soutient aussi que la prescription de l’article L 133-6 est applicable même lorsque le contrat de transport peut donner lieu à des actions quasi délictuelles.

Elle rappelle que les détournements ont été commis à l’occasion de transports effectués entre le 19 mars et le 14 avril 2002; que le point de départ de la prescription est le 14 avril 2002 qui est le jour où les marchandises faisant partie de la même expédition que le dernier chargement perdu ont été remises au destinataire.

Elle estime que LA POSTE n’était pas dans l’impossibilité d’agir avant le 14 avril 2003 alors qu’elle connaissait alors le nom du sous traitant et de son préposé ; qu’il n’y a eu ni fraude ni infidélité ayant pour effet de la priver du droit d’agir.

Elle estime qu’il n’existe pas d’actes interruptifs de prescription alors que LA POSTE ne s’est constituée partie civile que le 7 juin 2005.

La compagnie X qui expose que les dispositions sur l’action civile du jugement correctionnel n’ont pas d’autorité de la chose jugée à son égard estime que LA POSTE n’a pas justifié de son intérêt à agir faute de rapporter la preuve de l’indemnisation de ses propres clients, les documents unilatéralement établis par l’appelante étant insuffisants à cet effet.

La compagnie X conteste aussi toute faute de la société Y.

Elle estime que la compagnie B C est irrecevable à former à son égard un recours en garantie sur le fondement de l’article L 133-1, l’assureur ne pouvant être subrogé dans les droits et actions de l’assuré contre le tiers que par son paiement.

Enfin la compagnie X se prévaut de l’exclusion de garantie de l’article 20.1 d de la police souscrite auprès d’elle par la société Y qui selon elle s’applique dans tous les cas.

Une ordonnance en date du 2 février 2010 clôture la procédure.

SUR CE LA COUR

Attendu tout d’abord, s’agissant de la nature de l’action dirigée par LA POSTE contre la société Y que l’article L 132-8 du Code de Commerce dispose que la lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier; que le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur ou du destinataire, lesquels parties à une convention ayant pour objet la même opération sont garants du prix du transport; que ne peut être opposée au transporteur substitué qui exerce l’action directe que l’interdiction de substitution dont ce voiturier a eu ou aurait dû avoir connaissance;

Qu’en l’espèce suivant marché de transport des 20 juillet et 2 août 2001 LA POSTE a confié à compter du 3 septembre 2001 à la société LAMPERT le transport de courriers, colis presse et messagerie sur la ligne LOUVIGNY AER LYON METZ CCT; qu’étaient annexées à ce marché, et paraphées par les parties, les conditions générales des marchés de LA POSTE qui comportent un article 10 ainsi libellé:

'La sous-traitance est possible dans les conditions de la loi 75-1334 du 31 décembre 1975;

La demande d’acceptation d’un sous traitant et d’agrément des conditions de paiement présentée par le titulaire avant la signature du marché et acceptée par la personne habilitée à engager LA POSTE est une pièce contractuelle du marché. Lorsque la demande est présentée en cours d’exécution du marché et acceptée, elle constitue un avenant au marché.

Sauf dans le cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le marché ne peut être cédé sans l’agrément de LA POSTE. Cette cession ne peut intervenir qu’aux conditions figurant dans le contrat.'

Qu’il résulte des pièces respectivement versées aux débats , et notamment les pièces 1, 2, 9,10 et 11 de LA POSTE, qu’en raison de l’immobilisation suite à une panne moteur de l’un de ses véhicules, dédié au tronçon SAINT EXUPERY -DIJON, la société LAMPERT s’est substituée à compter du 19 mars 2002 la société Y pour une durée initiale de 4 jours qui a toutefois perduré jusqu’au 19 avril 2002 ; qu’il n’est pas allégué que la société Y, auquel le marché n’a donc pas été cédé, aurait eu connaissance ou aurait du avoir connaissance des dispositions de l’article 10 des conditions générales des marchés de LA POSTE ;

Qu’en conséquence les premiers juges ont à juste titre déclaré irrecevable l’action quasi délictuelle engagée par LA POSTE à l’encontre de la société Y qui est partie au même contrat de transport;

Attendu qu’aux termes de l’article L 133-6 du Code de Commerce les actions pour avaries, pertes ou retards auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport sont prescrites dans le délai d’un an, sans préjudice des cas de fraude ou d’infidélité;

que la fraude ou l’infidélité s’entend d’un comportement qui met une partie dans l’impossibilité de faire valoir ses droits en temps utile;

qu’ainsi si le transporteur qui a été chargé de transporter une marchandise en s’en étant vu interdire toute sous-traitance par l’expéditeur et qui sous traite l’opération commet une faute dolosive, qui le prive du bénéfice des limitations d’indemnisation que lui ménage la loi ou le contrat, un tel manquement à ses obligations ne constitue une fraude ou une infidélité que dans la mesure où elle a eu une incidence sur l’exercice du droit à réparation;

Qu’en l’espèce dans sa plainte du 19 avril 2002 dénonçant des détournements perpétrés dans le cadre des opérations de transport confiées à la société LAMPERT, D E responsable service qualité à LA POSTE a mentionné que son cocontractant avait sous-traité le marché à une autre société; que dans une seconde audition du 6 mai 2002 D E a lui-même communiqué aux services de polices les coordonnées du sous-traitant Y, 9 route de Châteaudun à CHAMPAGNE AU MONT D’OR dont le directeur d’exploitation, F G ,entendu le 15 mai 2002, a communiqué le nom du chauffeur H Z A;

Qu’ainsi les fautes, infidélités ou déloyautés reprochées à la société LAMPERT et à la société Y n’ont pas mis LA POSTE dans l’impossibilité de faire valoir ses droits dans le délai annal prescrit par l’article L 133-6 tant à l’encontre du voiturier que de son substitué;

Attendu qu’aux termes de l’article L 113-6 le délai de prescription est compté dans le cas de perte totale du jour où la remise de la marchandise aurait du être effectuée et dans tous les autres cas du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire; qu’en l’espèce alors que les détournements ont été opérés par H Z A à l’occasion de transports effectués entre le 19 mars et le 14 avril 2002 il convient de retenir comme point de départ de la prescription la date du 14 avril 2002 qui est celle du jour où les marchandises faisant partie de la même expédition que le dernier chargement ont été remises au destinataire; que la remise des scellés par l’autorité judiciaire à l’insu du voiturier et de son substitué ne peut en effet constituer le point de départ du délai annal; que le droit à réparation de LA POSTE à l’encontre du voiturier et de son substitué n’a pas été différé au jour de la déclaration de culpabilité de H Z A et de ses complices;

Que l’espèce est soumise aux dispositions antérieures à la loi du 17 juin 2008; que LA POSTE qui a déposé une plainte simple contre X le 19 avril 2002, ne justifie pas s’être constituée partie civile avant l’audience du 7 juin 2005 alors que l’ordonnance de renvoi du 2 avril 2004 ne mentionne pas de partie civile; que l’appelante ne se prévaut pas de la déclaration faite le 14 octobre 2002 dans le cadre d’investigations menées suite à un vol à main armée par le dirigeant de la société LAMPERT; qu’en toute hypothèse , aucune diligence n’a été effectuée à l’encontre de la société LAMPERT à compter du 14 octobre 2002;

Qu’ainsi les premiers juges ont a bon droit estimé qu’au jour de la délivrance des exploits introductif d’instance les 8 et 25 juillet 2005 l’action de LA POSTE était prescrite ;

que le jugement entrepris sera donc aussi confirmé en ce qu’il a jugé irrecevable l’action contractuelle de LA POSTE;

Attendu enfin s’agissant de l’action directe formée en cause d’appel par conclusions du 12 mars 2009 par LA POSTE à l’encontre de la compagnie B C , assureur de la société LAMPERT, que celle-ci sera aussi déclarée prescrite faute d’avoir été exercée dans le délai de 2 ans à compter du jour de la délivrance de l’exploit introductif d’instance à l’assurée;

Qu’il convient de condamner LA POSTE aux dépens;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 novembre 2008 par le Tribunal de Commerce de LYON,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable comme prescrite l’action directe formée en cause d’appel par conclusions du 12 mars 2009 par LA POSTE à l’encontre de la compagnie B C , assureur de la société LAMPERT,

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, dit n’y avoir lieu en cause d’appel d’allouer une indemnité de procédure complémentaire aux sociétés LAMBERT,Y, B C et X,

Condamne LA POSTE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2010, n° 09/00202