Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 septembre 2011, n° 10/09122

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Chronologie de l’affaire

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Pauline Pierce · Squire Patton Boggs · 4 janvier 2017

Le défaut du ou des entretiens préalables à la conclusion d'une convention de rupture entraîne la nullité de la convention. Attention : c'est à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir l'existence. Il revient donc au salarié d'apporter la preuve de cette nullité. De plus, ce n'est pas parce que l'employeur n'est pas en mesure de fournir des éléments établissant la tenue des entretiens que l'absence de cette formalité essentielle peut être déduite par les juges du fond. En effet, dans le cadre de la rupture conventionnelle l'employeur n'est pas tenu de formaliser la …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. c, 23 sept. 2011, n° 10/09122
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 10/09122
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montbrison, 5 décembre 2010, N° 10/00009
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 10/09122

[T] [O]

C/

SAS BATIMENT ET GENIE CIVIL

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTBRISON

du 06 Décembre 2010

RG : F 10/00009

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2011

APPELANT :

[G] [T] [O]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de M. [P] [L]

(Délégué syndical ouvrier)

muni d’un pouvoir spécial

INTIMÉE :

SAS BATIMENT ET GENIE CIVIL

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-pierre COCHET,

avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

PARTIES CONVOQUÉES LE : 14 Janvier 2011

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Juin 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nicole BURKEL, Président de chambre

Hélène HOMS, Conseiller

Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Septembre 2011, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nicole BURKEL, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSÉ DU LITIGE

[G] [T] [O] a été embauché en qualité de maçon par la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL suivant contrat à durée déterminée du 12 juin au 30 octobre 2006 suivi d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 octobre 2006.

Le 8 avril 2009, les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail qui a été homologuée à effet du 18 mai 2009.

Le 20 janvier 2010, [G] [T] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Montbrison pour contester cette rupture.

Par jugement en date du 6 décembre 2010, le conseil de prud’hommes a :

— dit que la rupture conventionnelle conclue par les parties et homologuée par la DDTEFP est valable,

— débouté [G] [T] [O] de l’ensemble de ses demandes,

— débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,

— condamné [G] [T] [O] aux entiers dépens de l’instance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2010, [G] [T] [O] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions écrites, déposées, visées par le greffier le 24 juin 2011et soutenues oralement, [G] [T] [O] demande à la cour de :

— dire que la rupture conventionnelle de son contrat de travail à durée indéterminée est nulle,

— condamner la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL à lui verser les sommes suivantes :

* rappel indemnité de licenciement : 36,41 euros,

* indemnité pour non-respect de la procédure de rupture conventionnelle : 2.290,99 euros,

* indemnité de préavis : 4.581,98 euros outre 458,20 euros de congés payés afférents,

* dommages et intérêts pour licenciement abusif : 13.795,94 euros,

* rappel de salaire du 7 au 18 mai 2009 : 582,40 euros outre 58,24 euros,

— condamner la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL à lui remettre une attestation Assedic rectifiée conforme à ses salaires bruts,

— fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2.290,99 euros,

— statuer sur la date de départ des intérêts légaux,

— ordonner l’exécution provisoire,

— condamner la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL à lui verser 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL aux dépens.

Par conclusions écrites, déposées le 17 juin 2011, visées par le greffier le 24 juin 2011et soutenues oralement, la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu’il a :

* dit et jugé que la rupture conventionnelle signée par les parties le 8 avril 2009 et homologuée par la DDTEFP le 18 mai suivant est parfaitement régulière,

— dit et jugé que l’employeur a délivré une attestation Assedic conforme,

* débouté, en conséquence, le demandeur de l’ensemble de ses demandes,

— condamner, à titre reconventionnel, l’appelant à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour renvoie, en application de l’article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon les dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, elle est soumise à des dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; elle résulte d’une convention signée par les parties après un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent se faire assister ; la convention doit prévoir une indemnité spécifique de rupture qui ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement et elle fixe la date de la rupture qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ; à compter de la signature de la convention, les parties disposent d’un droit de rétractation pendant quinze jours ; à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative avec un exemplaire de la convention ; la validité de la convention est subordonnée à son homologation.

Au soutien de sa contestation, [G] [T] [O] fait valoir :

— que la rupture conventionnelle de son contrat de travail lui a été imposée par l’employeur qui lui a fait croire qu’il s’agissait d’un licenciement ordinaire,

— qu’il n’a pas été convoqué au seul entretien préalable qui a eu lieu le 3 avril 2009 et qu’ainsi l’information qu’il pouvait se faire assister ne lui a pas été communiquée,

— que le montant de l’indemnité spécifique est inférieur à l’indemnité de licenciement,

— que le double de la convention ne lui a pas été remis ce qui ce qui l’a mis dans l’impossibilité de contester la rupture pendant les 15 jours de réflexion avant transmission à la DDTEFP.

En l’espèce, la convention de rupture conventionnelle signée par les parties a pris la forme du formulaire CERFA contenant la demande d’homologation.

Cette convention mentionne la tenue de deux entretiens préalables les 3 et 8 avril 2009 au cours desquels les parties n’étaient pas assistées.

Ni la loi ni ses textes d’application n’imposent un formalisme particulier pour les entretiens et aucune disposition ne fixe les modalités d’une éventuelle convocation, la date, l’heure et le lieu des entretiens.

Toutefois, pour garantir la liberté du consentement du salarié, il est essentiel que celui-ci soit informé de la possibilité de se faire assister dans les conditions prévues par l’article L. 1237-12 du code du travail et qu’il sache qu’il peut au cours des discussions recueillir les informations et avis nécessaires à sa décision.

En l’espèce, la seule indication sur le formulaire de l’absence d’assistance des parties au cours des entretiens au moyen d’une croix apposée sur la case correspondante ne démontre pas que le salarié a été informé de la possibilité qu’il avait de se faire assister au cours des entretiens.

D’autre part, la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL ne conteste pas qu’elle n’a pas remis un exemplaire de la convention au salarié arguant que la loi ne prévoit pas l’établissement de la convention en double exemplaire.

Aux termes de l’article 1325 du code civil, les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct.

Ainsi la convention de rupture conventionnelle d’un contrat de travail qui est un acte sous seing privé contenant des conventions synallagmatiques doit être établie en deux exemplaires, chaque partie ayant un intérêt distinct.

D’ailleurs, en stipulant qu’à l’expiration du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture, l’article L. 1237-14 du code du travail rappelle implicitement que la convention doit être établie en double exemplaire sans quoi, une des parties serait privée du droit d’exercer son droit de demander l’homologation.

A défaut pour [G] [T] [O] d’avoir été en possession d’un exemplaire de la convention, il ne peut être vérifié qu’il a eu une parfaite connaissance des termes de la convention signée et il ne peut être présumé qu’il avait retenu la totalité des dispositions et en particulier qu’il pouvait contacter le service public de l’emploi pour l’aider à prendre une décision en pleine connaissance de cause, qu’il disposait d’une faculté de rétractation, qu’il devait l’exercer dans un délai de quinze jours et que ce délai expirait le 23 avril 2009, toutes ces informations figurant dans la convention.

Par ailleurs, la convention de rupture conventionnelle doit être datée et signée par chaque partie avec la mention manuscrite 'lu et approuvé', ces mentions étant de nature à s’assurer du consentement des parties sur la totalité des dispositions de la convention.

En l’espèce, [G] [T] [O] n’a pas daté la convention et n’a pas fait précéder sa signature de la mention 'lu et approuvé'.

De ce fait, la réalité du second entretien mentionné sur la convention et contestée par [G] [T] [O] n’est pas démontrée.

Enfin, l’indemnité spécifique ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement.

L’indemnité de licenciement est calculée sur la moyenne la plus favorable des trois ou des douze derniers mois bruts de salaire perçus avant la rupture effective du contrat de travail.

Son montant ne peut être inférieur à 1/5 de mois de salaire par année et par mois complet d’ancienneté.

La date de la rupture du contrat de travail est fixée par les parties mais elle ne peut être intervenir avant le lendemain du jour de la notification de l’homologation.

En l’espèce la convention fixe la rupture au 19 mai 2009 et l’homologation est en date du 18 mai.

L’indemnité de licenciement doit donc être calculée au 19 mai, peut important que la salarié ait été embauché par un autre employeur à compter du 11 mai 2009 soit après la signature de la convention, le 8 avril 2009, date à laquelle devait être calculée l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et donc l’indemnité de licenciement.

Au 19 mai 2009, [G] [T] [O] avait une ancienneté de 2 ans et 11 mois.

La moyenne des salaires des trois derniers mois de salaire ressort à 2.290,90 euros ce qui donne une indemnité de licenciement de 1.336,41 euros.

L’indemnité spécifique de rupture ayant été fixée à 1.300 euros, elle est inférieure à l’indemnité de licenciement.

Ce fait ne pouvait être vérifié à partir des éléments mentionnés sur la convention, l’employeur ayant indiqué une ancienneté de 2 ans et de 10 mois et n’ayant pas fait figurer dans les salaires des douze derniers mois celui de mars ce qui modifie les bases de calcul aboutissant à une indemnité spécifique supérieure à l’indemnité de licenciement.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments d’une part, que le libre consentement de [G] [T] [O] n’a pas été garanti et d’autre part, que les conditions de la convention relatives à l’indemnité spécifique de rupture ne sont pas légales.

En conséquence, la convention de rupture conventionnelle est nulle.

Sur les conséquences de la nullité de la convention de rupture conventionnelle :

La nullité de la convention de rupture conventionnelle vaut licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui ouvre droit pour le salarié à une indemnité compensatrice de préavis, peu important que le salarié ait travaillé pour un autre l’employeur et à une indemnité pour réparer le préjudice subi.

L’indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire ressort à 4.581,98 euros à laquelle s’ajoute 458,20 euros pour l’incidence des congés payés.

[G] [T] [O], qui avait plus de deux ans d’ancienneté et travaillait dans une entreprise employant 25 salariés, a droit à l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail d’un montant au moins égal aux six derniers mois de salaire soit la somme de 13.795,94 euros qu’il réclame.

Sur l’indemnité pour non-respect de la procédure de rupture conventionnelle :

Aucune disposition ne prévoyant l’obligation de convoquer par écrit le salarié aux entretiens préalables à la signature de la convention de rupture conventionnelle, [G] [T] [O] n’est pas fondé à réclamer une indemnité pour irrégularité de la procédure en raison de l’absence de convocation à ces entretiens.

Sur le rappel de salaire :

Le contrat de travail a été rompu le 19 mai 2009 soit le lendemain du jour de l’homologation.

La SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL a réglé, le salaire jusqu’au 7 mai 2009.

[G] [T] [O] sollicite le paiement du salaire pour la période du 7 au 18 mai.

Cependant il est démontré par l’employeur et reconnu par le salarié, qu’il est entré au service d’une autre société à compter du lundi 11 mai 2009.

N’ayant fourni aucune prestation pour la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL et ne s’étant pas tenu à disposition de celle-ci, il ne peut prétendre au paiement d’un salaire.

Il doit être débouté de ce chef de demande.

Sur la rectification de l’attestation destinée à Pôle Emploi :

Sur l’attestation destinée à Pôle Emploi, la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL a mentionné, au titre des salaires bruts perçus par [G] [T] [O] durant les douze mois précédant la rupture, le montant des salaires bruts diminués de l’abattement de 10 % pour les frais professionnels.

[G] [T] [O] soutient que cet abattement destiné au calcul des charges sociales ne doit pas être appliqué dans la déclaration de revenus contenue dans l’attestation destinée à Pôle Emploi, ce que conteste la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL.

Le montant du salaire brut devant être mentionné sur l’attestation destinée à Pôle Emploi est celui figurant sur les fiches de paie soit avant abattement de 10 % donnant l’assiette de calcul des cotisations sociales.

La demande de [G] [T] [O] est justifiée.

Sur les dépens et les frais non répétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu’elle a exposés et verser à [G] [T] [O] une indemnité de 700 euros pour les frais non répétibles qu’elle l’a contraint à exposer.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Reçoit l’appel,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [G] [T] [O] de ses demandes d’indemnité pour irrégularité de procédure et de rappel de salaire,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Juge que la convention de rupture conventionnelle du contrat de travail signée par les parties le 8 avril 2009 est nulle,

Condamne la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL à verser à [G] [T] [O] les sommes suivantes :

* indemnité compensatrice de préavis : 4.581,98 euros,

* congés payés afférents : 458,20 euros,

* rappel d’indemnité de licenciement : 36,41 euros,

* dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail : 13.795,94 euros,

* indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile : 700 euros,

Ordonne à la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL de fournir à [G] [T] [O] une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, en ce qui concerne le montant des salaires bruts, conformément aux dispositions du présent arrêt,

Condamne la SAS BÂTIMENT ET GÉNIE CIVIL aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier Le Président

Evelyne FERRIER Nicole BURKEL

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