Cour d'appel de Lyon, 14 novembre 2013, n° 12/01583

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 14 nov. 2013, n° 12/01583
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/01583
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 2 janvier 2012, N° 09/12811

Texte intégral

R.G : 12/01583

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 janvier 2012

RG : 09/12811

XXX

F

Compagnie d’assurances MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L’INDUSTRIE

C/

SA SOGESSUR

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE VIENNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6e Chambre

ARRET DU 14 Novembre 2013

APPELANTES :

Mme M F épouse Z

née le XXX à XXX

agissant tant en son nom personnel qu’eun qualité de représentante légale de ses trois enfants mineurs :

— B née le XXX à XXX

— Océane née le XXX à XXX

— Y née le XXX à DECINES

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L’INDUSTRIE ET DU COMMERCE

XXX

XXX

Représentée par la SCP BAULIEUX- BOHE-MUGNIER-RINCK,

avocats au barreau de LYON

INTIMEES :

SA SOGESSUR

XXX

92565 RUEIL-MALMAISON

Représentée par la SELARL REBOTIER ROSSI ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE VIENNE

XXX

XXX

défaillante

Date de clôture de l’instruction : 11 Décembre 2012

Date des plaidoiries tenues en audience publique :

24 Septembre 2013

Date de mise à disposition : 14 Novembre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Françoise CUNY, président

— Olivier GOURSAUD, conseiller

— Danièle T-U, conseiller

assistés pendant les débats de Martine SAUVAGE, greffier

A l’audience, Danièle T-U a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CUNY, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Le XXX, est décédé monsieur K Z, alors qu’il se trouvait chez un ami, monsieur V-W C. Les deux personnes sont décédées d’une intoxication au monoxyde de carbone par la suite d’un incendie.

Parmi les personnes étant entrées dans l’appartement dont la porte n’était pas fermée, après que celles-ci aient senti une odeur de brûlé, monsieur E « a alors aperçu des traces noires au dessus de la porte de l’appartement du gardien, il a ouvert cette porte qui n’était pas fermée à clef, a constaté que des braises se trouvaient sur le canapé du salon. Il a alors pris un extincteur qui se trouvait sur le palier du premier étage et a éteint les braises. »

Les deux victimes se trouvaient sur le lit de la chambre.

L’enquête a conclu à un incendie accidentel à la cause indéterminée.

Monsieur C était assuré auprès de la société SOGESSUR.

Madame M F veuve Z, et ses XXX, B Z, née le XXX, Océane Z, née le XXX et Y Z, née le XXX, ont reçu une indemnisation de leur assureur la MACIF: frais d’obsèques et capital décès.

Par des actes d’huissier en date des 29 septembre 2009 et 10 février 2010, madame F Z à titre personnel, et représentant ses trois enfants mineurs, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de LYON, la société SOGESSUR, ainsi que la MACIF, et la CPAM de VIENNE, pour obtenir une indemnisation de leurs préjudices, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Les demandes étaient les suivantes:

* à titre personnel:

—  30 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  281 148,39 euros au titre du préjudice économique

—  384,38 euros au titre des frais d’obsèques

* pour B:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  25 905,52 euros au titre du préjudice économique

* pour Océane:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  30 118,61 euros au titre du préjudice économique

* pour Y:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  33 952,80 euros

* 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La MACIF, subrogée dans les droits de madame F Z a formé une demande de remboursement des sommes versées au titre des frais d’obsèques et du capital décès, soit la somme de 129 906,60 euros, et de paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La CPAM a formé une demande de remboursement par la société SOGESSUR des sommes suivantes:

—  6 739,20 euros au titre du capital décès

—  980,00 euros au titre de l’indemnité forfaitaire

—  1 000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société SOGESSUR a conclu principalement au rejet de toutes les demandes à son encontre au motif que les causes de l’incendie étant indéterminées, la preuve d’une faute de monsieur C au sens de l’article 1382 du Code civil, à l’origine de l’incendie, n’est pas rapportée. Subsidiairement, cette société a conclu à la réduction des indemnités réclamées, et le sursis à statuer sur les préjudices économiques des enfants, dans l’attente de connaître la capitalisation de la rente annuelle servie par la MACIF.

Par un jugement en date du 3 janvier 2012, le tribunal a rejeté les demandes et a condamné solidairement aux dépens, madame F Z, la MACIF et la CPAM de l’Isère.

Il a motivé son jugement par l’absence de preuve de la faute de monsieur C, alors que l’enquête a conclu au caractère accidentel du sinistre; que le fait fautif de monsieur C soit, que le feu a été mis par une cigarette mal éteinte, fumée et abandonnée par monsieur C, n’est qu’une affirmation, vraisemblable, mais non certaine; qu’il n’est pas contesté que monsieur Z était également fumeur.

Pour être complet, le jugement a dit que de même, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 2, la demande se heurterait à l’absence de démonstration de la faute de monsieur C.

La déclaration d’appel de madame F Z, ainsi que de la MACIF est du 29 février 2012.

Vu les conclusions de madame F Z, tant en son nom personnel qu’au nom de ses enfants mineurs, et de la MACIF, en date du 24 septembre 2012, tendant, au vu des articles 1353, 1382 et 1384 du Code civil, à l’infirmation du jugement, a ce qu’il soit jugé qu’elles rapportent la preuve de ce que monsieur C est entièrement responsable du sinistre incendie ( il existe un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes qui permettent de retenir que l’incendie provient d’une cigarette mal éteinte laissée sur le canapé et qu’en tout état de cause, monsieur C n’a rien fait pour éteindre le canapé dont il était le gardien, et ce, en raison de son état d’impregnation alcoolique qui ne lui a pas permis d’adopter le comportement que tout bon père de famille doit adopter.

Elle a formé les demandes d’indemnisation suivantes:

* à titre personnel:

—  30 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  281 148,39 euros au titre du préjudice économique

—  384,38 euros au titre des frais d’obsèques

* pour B:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  25 905,52 euros au titre du préjudice économique

* pour Océane:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  30118,61 euros au titre du préjudice économique

* pour Y:

—  35 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  33 952,80 euros

* 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La MACIF, subrogée dans les droits de madame F Z a formé une demande de remboursement des sommes versées au titre des frais d’obsèques et du capital décès, soit les sommes suivantes:

* 3 180,00 euros euros au titre des frais d’obsèques

* 138 929,90 euros au titre des rentes verses aux enfants qui viendront en déduction des sommes allouées à madame F Z.

La CPAM assignée à une personne habilitée par acte d’huissier du 6 juin 2012 contenant dénonciation des conclusions des appelants, a transmis à la cour l’état définitif de sa créance au titre du capital décès, soit 6 739,20 euros.

Vu les conclusions de la société SOGESSUR, en date du 23 novembre 2012, tendant principalement à la confirmation du jugement, à défaut de preuve d’une faute de monsieur C, et subsidiairement à la fixation des préjudices de la manière suivante:

* madame F Z à titre personnel:

—  3 564,38 euros au titre des frais d’obsèques

—  172 295,00 euros au titre du préjudice économique

déduction à faire des sommes versées par la CPAM (6 739,20 euros) et par la MACIF ( 83 890 euros)

déduction également des sommes versées par les organismes de prévoyance professionnels au titre de capitaux décès ou pensions de reversion souscrits par le défunt ou son employeur, madame F Z étant sommée de justifier de la perception ou de la non perception d’indemnités à ce titre.

—  25 000,00 euros au titre du préjudice moral

* pour B:

—  25 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  13 688,02 euros au titre du préjudice économique

* pour Océane:

—  25 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  18 573,22 euros au titre du préjudice économique

* pour Y:

—  25 000,00 euros au titre du préjudice moral

—  22 950,995 euros au titre du préjudice économique,

déduction à faire des sommes versées par la MACIF au titre de la rente d’éducation dont le montant final est inconnu.

Elle demande le sursis à statuer sur le préjudice économique des enfants dans l’attente de connaître la capitalisation de la rente annuelle versée par la MACIF.

* pour la MACIF, la somme de 83 890,00 euros.

Elle sollicite le rejet des demandes en application de l’article 700 du Code de procédure civile et que les frais et dépens soient supportés par les intimés.

Elle rappelle que l’expert incendie n’a pu déterminer avec certitude les causes de l’incendie, qui peuvent être, soit un mégot de cigarettes, soit un court circuit, et que les deux victimes étaient fumeurs et alcoolisées.

Elle fait valoir que sur le fondement de l’article 1384 alinéa 2 du Code civil, la responsabilité du fait de la chose ne s’applique qu’en cas de communication d’incendie dans un immeuble à l’autre et non pas lorsque la victime se trouve à l’intérieur du local incendié.

DISCUSSION

SUR LA RESPONSABILITE

Monsieur C était le gardien des locaux de l’association LE RHONE SPORTIF, XXX

Celui-ci disposait d’un appartement au premier étage, constitué par un couloir désservant à gauche, un séjour, (salon/salle à manger), une cuisine en face de la porte d’entrée, et légèrement à droite en face une chambre à coucher 1 et encore plus à droite en face , une chambre à coucher 2 et à droite une salle de bains et wc séparés.

Monsieur Z, le XXX, a disputé un match de rugby qui a terminé vers 17 heures; cellui-ci est resté à la buvette jusqu’à au moins 19H30; il ne devait pas rentrer dormir chez lui, mais chez sa mère ou chez monsieur C. Ces deux personnes ont regardé un match de foot au bar CHEZ OLIVE, ont bu de la bière et mangé en consommant du vin; un ami les a déposé sur le parking de l’appartement de monsieur C vers D.

A 9 H30, le lendemain, le médecin légiste a relevé, pour monsieur Z un taux d’alcoolémie de 1,39 mg d’alcool par litre de sang et un taux de HBCO de 62% et un taux de carbone de 150 ml; pour monsieur C, un taux d’alcoolémie de 1,54 mg d’alcool par litre de sang et un taux de HBCO de 61% et un taux de carbone de 90 ml.

La cause du décès des deux victimes et une intoxication par oxyde de carbone, le taux de HBCO à partir de 50% étant mortel.

L’intoxication a pour cause un incendie qui s’est déroulé dans la salle de séjour. Le procès verbal de police du 29 octobre 2007 indique que monsieur X, l’expert en incendie a précisé 'que d’après les premiers éléments, cet incendie n’est pas d’origine criminelle mais il n’est pas en mesure de nous indiquer les causes exactes de cet incendie'.

Les photographies des lieux produites aux débats, montrent que l’incendie a bien eu lieu dans la salle de séjour, et que les suies ont envahi l’ensemble des autres pièces.

Il est possible que l’incendie ait pris dans le canapé de cette pièce, dès lors que monsieur A, le premier arrivé sur les lieux, en ouvrant la porte non fermée de l’appartement, a constaté que des braises se trouvaient sur le canapé (vraisemblablement réactivées par l’arrivée de l’air par la porte) et a éteint ces braises à l’aide d’un extincteur.

A été évoqué le fait qu’un mégot non éteint aurait pu être laissé sur le canapé, à l’origine de l’incendie.

Aucun élément ne permet de l’affirmer ou de l’infirmer: les deux victimes étaient toutes deux fumeuses.

La recherche de la responsabilité est celle fondée sur les dispositions de l’article 1384 alinéa 2 du Code civil, ainsi rédigé:

' toutefois, celui qui détient à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance, ne sera responsable, vis à vis des tiers, des dommages causés par cet incendie qu s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.'

En l’espèce, monsieur C est bien détenteur du canapé incriminé, mais également de la salle de séjour dans laquelle l’incendie s’est déclenché et qui est cause de la propagation des fumées toxiques: les dispositions de l’article 1384 alinéa 2 sont applicables, cet article ne distinguant pas pour son application, suivant que la cause première de l’incendie a été déterminée et suivant qu’elle est liée ou non à une chose dont est gardien l’occupant du fonds où l’incendie a pris naissance; il suffit que l’incendie soit né dans l’immeuble ou le bien mobilier de celui-ci, ce qui est le cas en l’espèce.

La victime est au surplus un tiers au sens des dispositions de l’article 1384 alinéa 2 du Code civil, dès lors que le dommage résulte directement de la propagation des fumées toxiques.

Cependant, le texte met à la charge du tiers, la preuve de ce que l’incendie soit attribuée à la faute, la négligence ou l’imprudence du gardien ayant concouru à l’incendie, à l’extension ou à l’aggravation du sinistre.

En l’espèce, la cause de l’incendie est demeurée inconnue et dès lors la responsabilité de monsieur C, en qualité de détenteur n’est pas engagée.

Les appelantes soutiennent que monsieur C pourrait avoir une responsabilité dans le fait d’avoir laissé un mégot de cigarette allumé: rien n’établit que monsieur C ait été à l’origine de ce fait, monsieur Z étant lui-même fumeur. Rien ne permet de dire que monsieur C aurait pu voir qu’un mégot avait été laissé dans l’hypothèse où le mégot aurait été celui de monsieur Z.

Elles soutiennent que monsieur C aurait commis une faute en n’éteignant pas l’incendie du canapé dont il était le gardien. Or, à l’heure à laquelle les deux amis sont rentrés, soit au milieu de la nuit, il est établi que ceux-ci avaient l’intention de passer la nuit et de se coucher, ce qu’ils ont fait, dans une pièce relativement distante du salon salle à manger, soit la chambre 1.

L’intoxication par les fumées toxiques s’est faite au cours du sommeil de chacun d’eux et aucun d’eux n’a pu avoir conscience de ce qui se passait; il n’existe aucun élément dans le dossier pour conclure que monsieur C aurait tenté de se lever. Il n’est pas démontré que l’imprégnation alcoolique de chacune des victimes ait joué un quelconque rôle dans le déroulement des faits.

Les appelants n’établissent en conséquence aucune faute quelconque de monsieur C à l’origine du sinistre au cours duquel il a également perdu la vie.

La responsabilité de monsieur C n’est en conséquence engagée, ni en application des dispositions de l’article 1382 du Code civil, ni des dispositions de l’article 1384 al 1 dans son exception applicable en l’espèce de l’alinéa 2.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de madame F, personnellement et ès qualités ainsi que celles de la MACIF et de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’isère.

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES ET LES DEPENS

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement aux dépens madame F, la MACIF et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Isère.

Les appelantes seront déboutées de leurs demandes à ces titres.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les appelantes seront condamnées solidairement aux dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne solidairement madame M F Z, tant à titre personnel qu’es qualités d’administratrice légale de ses trois enfants mineurs, et la MACIF MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIES DE L’INDUSTRIE ET DU COMMERCE aux dépens de la procédure d’appel avec application au profit de la société SOGESSUR, des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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