Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 18 septembre 2018, n° 17/08913

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. b, 18 sept. 2018, n° 17/08913
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 17/08913
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 9 novembre 2017, N° 15/06393
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/08913 Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 10 novembre 2017

RG : 15/06393

[…]

SARL F2B

C/

Organisme AG2R X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 18 Septembre 2018

APPELANTE :

La SARL F2B exerçant sous l’enseigne MAISON BETTANT, prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric UROZ de la SELARL UROZ ZANA & ASSOCIES (ENSEIGNE UZA), avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

AG2R A X, anciennement AG2R X, Institution de X régie par le Code de la Sécurité Sociale, agréée par les Ministères du travail et de l’Agriculture, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[…]

[…]

Représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 19 Juin 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Juin 2018

Date de mise à disposition : 18 Septembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Y Z, président

— Michel FICAGNA, conseiller

— Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l’audience, Y Z a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Y Z, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L’AFFAIRE

Les professions de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie sont régies par la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie du 19 mars1976.

Un avenant n°83 à cette convention collective, signé le 24 avril 2006, a mis en place un régime de remboursement complémentaire obligatoire aux frais de santé, ce en application de l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale.

L’article 13 de l’avenant n° 83 désignait AG2R X comme organisme assureur en application de l’article L 912-1 du code de la sécurité sociale. L’article 14 instaurait une clause de migration prévoyant que l’adhésion des entreprises relevant de cette convention collective nationale et l’affiliation de leurs salariés auprès de l’organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d’effet précisée à l’article 16 et que ces dispositions s’appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d’un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant.

Cet avenant a fait l’objet d’un arrêté d’extension à l’ensemble des salariés des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective, en date du 16 octobre 2006. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 19 mai 2008.

Par jugement du 27 juillet 2010 le tribunal de grande instance de LYON a débouté AG2R X de ses demandes dirigées contre diverses entreprises de boulangerie, parmi

lesquelles la SARL GIBOULET FRERES, l’EURL LE BANQUET, la SARL FBM BETTANT et la SARL F2B BETTANT, après avoir retenu que la clause de migration édictée par l’article 14 de l’avenant n° 83 était illicite, condamné AG2R X aux dépens et à verser à chacune des entreprises une indemnité de 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur appel d’AG2R X, la cour de LYON, par arrêt du 31 janvier 2013, a infirmé ce jugement et, après avoir déclaré licite la clause de migration, a condamné la SARL GIBOULET FRERES devenue SARL GIBOULET ZECCHIN, l’EURL LE BANQUET, la SARL FBM BETTANT et la SARL F2B BETTANT à régulariser leur adhésion auprès de AG2R X et à payer les cotisations y afférentes, ce à compter du ler janvier 2007 et sous peine d’astreinte, ainsi qu’une indemnité de 500 € chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile et les a condamnées in solidum aux dépens.

Par arrêt du 17 décembre 2014, la cour de cassation a déclaré non admis les pourvois régularisés à l’encontre de cette décision.

Dans l’intervalle :

— un arrêt du 3 mars 2011, la CJUE, saisie de la validité du dispositif instauré par l’avenant n°83, a dit que le droit de la concurrence ne s’opposait pas à la conclusion d’accords instaurant un régime de complémentaire santé collective obligatoire comportant une clause de désignation et une clause de migration,

— un avenant n°100 à la convention collective de la boulangerie pâtisserie, signé le 27 mars 2011, a reconduit AG2R en qualité d’unique organisme gestionnaire du régime complémentaire santé obligatoire, ce pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2012. Il a été étendu par un arrêté ministériel du 23 décembre 2011 et cet arrêté a fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat,

— le Conseil Constitutionnel par décision du 18 octobre 2013, a déclaré l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale contraire à la constitution et qu’il ne peut plus être appliqué à compter de la date de publication de la décision, soit le 16 juin 2013, la déclaration d’inconstitutionnalité n’étant néanmoins pas applicable aux contrats pris sur son fondement en cours à la date de cette publication.

Par acte d’huissier de justice en date du 19 février 2015, la société F2B a fait assigner la société AG2R devant le tribunal de grande instance de LYON à l’effet de voir dire qu’elle était dispensée de toute affiliation et d’obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 10 novembre 2017, le tribunal a :

— dit que la SARL F2B était dispensée d’affiliation à l’organisme AG2R X depuis le 1er janvier 2012,

— débouté la SARL F2B de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre d’AG2R X,

— dit n’y avoir lieu à saisine, à titre préjudiciel, de cette juridiction de la validité de l’arrêté d’extension de 2007 en application des dispositions de l’article 49 du code de procédure civile ni à sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil d’Etat,

— débouté la SARL F2B du surplus de ses demandes,

— condamné AG2R X à payer à la SARL F2B la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me UROZ.

Par acte du 20 décembre 2017, la SARL F2B a interjeté appel de cette décision, limité aux dispositions l’ayant déboutée de sa demande de dispense d’affiliation pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 et de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par la faute de l’organisme.

Au terme de conclusions notifiées le 14 mai 2018, elle demande à la cour de :

— réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dispense d’affiliation pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011,

— dire qu’elle est dispensée de toute obligation d’affiliation à AG2R depuis le 1er janvier 2007

— condamner AG2R X à lui payer la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

— confirmer le jugement pour le surplus,

— y ajoutant, condamner la société AG2R X à lui payer la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir :

— que son action est recevable, qu’il est possible à un justiciable d’intenter une nouvelle action en justice suite à un revirement de jurisprudence ainsi que l’a décidé la cour européenne des droits de l’homme le 17 mars 2015 dans une affaire BARRAS,

— que dans ses arrêts de revirement du 7 mars 2017, la cour de cassation a jugé que l’arrêté d’extension du 16 octobre 2006 était incompatible avec les règles issues du droit de l’Union telles qu’interprétées par la CJUE de sorte que son application doit être écartée,

— que l’autorité de chose jugée ne s’applique pas à sa demande de dommages et intérêts, demande qui n’avait pas été formulée dans l’instance initiale,

— que la décision de la CJUE en date du 17 décembre 2015 et l’arrêt subséquent du Conseil d’Etat en date du 8 juillet 2016, rendus dans le cadre du recours contre l’arrêt d’extension n°100 du 27 mars 2011, ainsi que la décision du conseil constitutionnel du 13 juin 2013 relative à l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale ont fait perdre tout fondement légal à l’obligation d’adhésion à AG2R et ce rétroactivement au 1er janvier 2007,

— que les effets de l’arrêté d’extension n° 100 n’ont été maintenus que pour les entreprises de boulangerie n’ayant pas engagé d’action contentieuse de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a écarté l’application de cet arrêté en ce qui la concernait, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation du 7 mars 2017,

— que le refus d’AG2R d’appliquer le droit de l’Union européenne constitue une faute, que sont fautifs la désignation et le renouvellement d’AG2R comme gestionnaire du régime complémentaire de frais de soins de santé par les avenants n°83 et 100,

— que les poursuites diligentées par AG2R alors que l’arrêté d’extension de 2011 était soumis au contrôle de légalité du Conseil d’Etat constituent une faute,

— qu’AG2R qui n’ignorait pas le caractère illégal de sa décision n’était pas obligée de l’accepter,

— que l’obligation de transparence édictée par l’article 56 TFUE s’applique au dispositif en cause

s’agissant d’une concession de service présentant un intérêt transfrontalier avéré et non un simple intérêt national,

— qu’elle a dû faire l’avance ou la provision d’importantes sommes au titre de paiement de condamnations et d’honoraires et de frais d’expertise-comptable, d’avocats et d’huissiers, sommes qui n’ont pu être investies au profit de l’entreprise causant à cette dernière un manque à gagner et des difficultés de trésorerie ; que l’importance des sommes réclamées par AG2R l’a obligée à les provisionner ce qui a dégradé ses comptes et ses facultés d’endettement et d’emprunt.

Au terme de conclusions notifiées le 22 mars 2018, AG2R X devenue AG2R A X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société F2B et sa demande de dommages et intérêts,

— réformer le jugement en ce qu’il a admis la dispense d’affiliation à compter du 1er janvier 2012,

— débouter la SARL F2B de ses demandes,

— condamner la SARL F2B à lui payer la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS.

Elle fait valoir :

— que le régime mis en place par l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale s’inscrit dans un objectif de solidarité conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union,

— que la décision du Conseil Constitutionnel invalidant l’article L.912-1 a précisé que tous les accords collectifs signés antérieurement à la publication de la déclaration d’inconstitutionnalité ont été sanctuarisés jusqu’à leur terme, ce qui était le cas des avenants n°83 et n°100,

— qu’il ressort des études conduites par un comité d’expert mandaté par la commission européenne et d’un avis de l’autorité française de la concurrence que l’activité d’assurance de personnes ne peut pas être concernée par l’obligation de transparence, s’agissant de marchés de dimension exclusivement nationale, sauf pour les gros risques donnant lieu à réassurance, et par là même dépourvus de tout intérêt transfrontalier, qu’en outre le paritarisme français est sans équivalent en Europe selon un rapport d’information déposé le 8 juin 2016 à l’Assemblée Nationale,

— que la CJUE dans un arrêt du 6 octobre 2016 a retenu que les obstacles d’ordre juridique et linguistiques faisaient obstacles à la reconnaissance d’un intérêt transfrontalier certain, que c’est le cas de contrats ayant pour objet d’assurer des garanties collectives de X,

— qu’en tout état de cause, l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 juillet 2016 a sanctuarisé les accords collectifs signés avant le 17 décembre 2015 jusqu’au 31 décembre 2016, de sorte que l’annulation de l’arrêté d’extension du 23 décembre 2011 ne peut donc concerner les cotisations dues avant le 17 décembre 2015 qu’elles soient dues au titre de l’avenant n°83 ou au titre de l’avenant n°100 sauf pour les boulangers qui auraient formé un recours 'en excès de pouvoir’ avant cette date,

— que son action n’est pas une action contentieuse mettant en cause les actes pris sur le fondement de l’arrêté annulé,

— que les arrêts du 7 mars 2017 sont critiquables en ce qu’ils n’ont pas recherché l’existence d’un intérêt transfrontalier et qu’ils n’ont pas analysé les conditions de l’extension de l’avenant n°83 par l’arrêté de 2006, au regard notamment de l’existence d’un intérêt transfrontalier à cette date,

— qu’ayant été régulièrement désignée par les syndicats représentatifs de la profession, elle n’a pas commis de faute en acceptant sa désignation, qu’elle est un tiers à la convention signée par les syndicats, qu’en poursuivant le règlement des cotisations sociales dues en application d’un accord collectif, elle n’a fait qu’exécuter la volonté des parties signataires, qu’elle n’a donc commis aucun abus de son droit d’agir,

— que les dispositions de la convention collective restent en vigueur jusqu’à ce que ladite convention soit dénoncée par les partenaires sociaux, qu’un accord collectif n’est pas une entente au sens de l’article 101 TFUE de sorte que le droit de la concurrence est étranger au débat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dispense d’affiliation pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011

Selon l’article 1351 (devenu 1355) du code civil, l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même, entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.

En l’espèce, il a été statué de façon irrévocable sur l’obligation d’affiliation de la SARL F2B à AG2R pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 par l’arrêt du 31 janvier 2013 et l’arrêt de rejet du pourvoi en date du 17 décembre 2014, ces décision ayant été rendues sur le fondement de l’arrêté d’extension de l’avenant n°83 en date du 16 octobre 2006 et alors que le recours formé contre cet arrêté avait été rejeté par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 19 mai 2008.

L’irrégularité alléguée de l’arrêté d’extension du 16 octobre 2006 au regard de l’article 56 TFUE n’avait donné lieu à aucune jurisprudence à la date des décisions en cause de sorte que l’appelant ne saurait soutenir qu’un revirement de jurisprudence est venu modifier les données du litige.

C’est par une exacte analyse que le premier juge a retenu au vu de l’identité de parties, d’objet et de cause de la présente procédure et de la procédure close par l’arrêt de rejet du 17 décembre 2014 que la demande de dispense d’affiliation pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 se heurtait à l’autorité de la chose jugée.

Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

Sur la demande de dispense d’affiliation à compter du 1er janvier 2012

C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a fait droit à ce chef de demande et le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a rejeté ce chef de demande de sorte que le jugement doit également être confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

L’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi ou encore avec une légèreté blâmable.

En l’espèce, aucun abus du droit d’agir n’est caractérisé dès lors que l’action de l’appelante a été reconnue partiellement fondée.

Chaque partie succombant partiellement, il convient de dire que chacune conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute AG2R A X de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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