Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 18 décembre 2019, n° 17/07075

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 18 déc. 2019, n° 17/07075
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 17/07075
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 14 septembre 2017, N° 15/01430
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/07075 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LJAP

Syndicat des copropriétaires SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LES J ARDINS DE X

C/

Y

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 15 Septembre 2017

RG : 15/01430

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2019

APPELANTE :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LES

JARDINS DE X

Chez son syndic en exercice LA SAS E F I 15

[…]

[…]

Me Axel BARJON de la SELARL BIGEARD – BARJON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

C Y

[…]

[…]

Me Zerrin BATARAY, avocat au barreau de VIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Novembre 2019

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment

avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de J K, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— L M, présidente

— Evelyne ALLAIS, conseiller

— Nathalie ROCCI, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 Décembre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par L M, Président et par J K, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Suivant contrat à durée indéterminée du 30 novembre 2007, M. C Y a été engagé en qualité de gardien concierge par le syndicat des copropriétaires de la résidence les jardins de X (Urbania Lyon Barioz), moyennant un salaire brut mensuel de 1 973, 83 euros au dernier état de la relation contractuelle.

La convention collective applicable est la convention des gardiens, concierges et employés d’immeuble.

A compter du mois d’août 2010, le syndicat des copropriétaires a engagé la société E F I comme nouveau mandataire en lieu et place de la société Urbania Lyon Barioz.

Le 8 avril 2014, M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 30 juin 2014, M. Y a été placé en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail pour une blessure à l’épaule droite, arrêt régulièrement prolongé.

Il a été déclaré inapte à un poste avec manutentions, suivant un avis du médecin du travail du 7 septembre 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2015, M. Y a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 13 avril 2015, M. C Y avait saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir prononcer, à titre principal, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société E F I, es qualités, en raison du harcèlement moral qu’il a subi ou à tout le moins, compte tenu de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur. Il demandait en dernier lieu au conseil de prud’hommes de juger à titre subsidiaire que son licenciement pour inaptitude professionnelle est sans cause réelle et sérieuse en raison du non respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

Par jugement du 15 septembre 2017, le conseil des prud’hommes de Lyon a:

— prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs du syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X', représenté par la société E F I

— condamné le syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X’ représenté par la société E F I à verser à M. C Y les sommes suivantes:

• 16 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

• 8 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

• 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procéure civile

— condamné le syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X', représenté par la société E F I aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution du présent jugement

— dit qu’il n’y a pas lieu à prononcer l’exécution provisoire

— débouté le syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X', représenté par la société E F I, de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté les parties de toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les Jardins de X’ a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 octobre 2017.

Par conclusions notifiées le 10 janvier 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les Jardins de X', demande à la cour de:

— réformer le jugement dont appel du 15 septembre 2017 en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes comme infondées et injustiées,

— dire et juger valide et reposant bien sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de

M. Y intervenu le 23 octobre 2015 postérieurement à son départ de son logement et de son lieu de travail à l’été 2015,

— condamner M. Y à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et en tous les dépens.

Par conclusions notifiées le 9 mars 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. C Y demande à la Cour de:

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société E F I en sa qualité de mandataire du Syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X’ entrainant les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral subi ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse

à titre principal:

— infirmer le jugement déféré et faire droit à ses demandes reconventionnelles et en conséquence :

— condamner la société E F I en sa qualité de mandataire du

Syndicat des copropriétaires 'les Jardins de X, à lui verser les sommes suivantes :

• 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

• 30 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou, à tout le moins, exécution

• déloyale du contrat de travail

• 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse

à titre subsidiaire:

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon

En tout état de cause :

— condamner la société E F I en sa qualité de mandataire du syndicat des copropriétaires 'les Jardins de X, à lui verser les sommes suivantes:

• 2 000euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure

• prud’homale,

• 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure devant la Cour d’appel

— condamner la même société aux entiers dépens de l’instance

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions sus-visées

L’affaire a été clôturée par ordonnance du 26 septembre 2019.

SUR CE:

M. Y expose qu’à compter du mois d’août 2010, date à laquelle le syndicat des copropriétaires 'Les Jardins de X’ a changé de mandataire, il a dû faire face, d’une part à des manquements graves de son employeur à son obligation de sécurité (1°) et d’autre part, à un véritable harcèlement moral (2°)de la part du nouveau mandataire, la société E F I, mais aussi de certains résidents.Il indique notamment qu’il a été insulté et menacé à plusieurs reprises par M. Z et Mme A.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les jardins de X’ conteste tant les faits de harcèlement moral dont il souligne que la preuve ne peut résulter des seules déclarations de M. Y et d’attestations ne respectant pas les exigences légales de forme, que les manquements à son obligation de sécurité en faisant valoir qu’il a procédé, depuis plusieurs années, à l’acquisition de nombreux équipements permettant de soulager les tâches de M. Y.

***

1°) sur l’obligation de sécurité:

La directive n° 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en 'uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail fait peser sur l’employeur une obligation de mise en 'uvre de la sécurité au travail et, sur le salarié, une obligation d’apporter son concours à la sécurité.

L’obligation de sécurité repose sur l’article L. 4121-1 du code du travail, issu de la transposition de cette directive, qui impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et de mettre en oeuvre ces mesures pour éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l’homme….

Satisfait à son obligation de sécurité l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l’espèce, il résulte du document unique de transcription des résultats de l’évaluation des risques émis pour la copropriété, par le bureau Veritas, à la date du 30 juin 2011 et mis à jour le 18 septembre 2012, que pour l’ensemble des risques repertoriés, que ce soit dans les rubriques 'environnement général', 'entretien des surfaces', 'évacuation des déchets' ou encore 'petite maintenance et entretien', le niveau de risque résiduel compte tenu des mesures existantes est très élevé, puisqu’il se situe, sur une échelle de 1 à 16, à 13 dans la rubrique 'entretien général', entre 1et 8 dans la rubrique 'entretien des surfaces', entre 10 et 14 dans la rubrique 'évacuation des déchets' et entre 3 et 14 dans la rubrique 'petite maintenance et entretien'.

L’employeur qui doit justifier, conformément aux dispositions de l’article L 4121-1 sus-visé, d’actions de prévention des risques professionnels, d’action d’information et de formation, ainsi que de la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, verse au débat cinq factures d’achat de petit matériel tels que des ampoules, gants, gilet multipoche, brouette, ou encore d’une tronçonneuse, toutes postérieures à l’évaluation effectuée par le bureau Veritas, s’agissant de factures éditées entre le 29 février 2012 et le 30 novembre 2013.

Le syndicat de copropriétaires produit également des contrats de formation à la sécurité électrique et à la sécurité incendie, aux gestes de premier secours, et à la manutention manuelle, datés du 2 avril 2013. En revanche, il reste taisant sur l’existence d’un rapport de la médecine du travail dont l’objet aurait été d’effectuer une étude des conditions de travail de M. Y, rapport pourtant évoqué et réclamé par ce dernier.

Il résulte en conséquence des éléments du débat que M. Y a effectué la majeure partie de son contrat de travail dans une situation de niveau de risques élevé, le syndicat des copropriétaires ne justifiant d’aucune mesure de prévention ou de formation particulière avant l’évaluation des risques effectuée en juin 2011 par le bureau Veritas.

Il apparaît en outre que l’accident dont M. Y a été victime le 30 juin 2014 dans les circonstances telles qu’elles résultent de la déclaration d’accident rédigée dans les termes suivants: ' en tirant un bac, dans la montée principale de la résidence, la poignée a lâché, en la rattrapant, M. Y s’est blessé,' est la parfaite illustration de l’un des risques répertoriés.

En effet, le document du bureau Veritas sus-visé indique en ce qui concerne le risque de douleurs dorsolombaires à la manutention de conteneurs à déchets, que la manutention des bacs à déchets et du bac à herbe d’un poids de 70 kilogrammes est difficile compte tenu de petites roulettes non adaptées au type de revêtement car se coinçant dans les gravillons,et compte tenu d’une pente nécessitant un effort important.

L’occurrence de cet accident démontre la justesse de l’appréciation effectuée par le bureau Veritas qui avait évalué ce risque au niveau 10 sur l’échelle de 1 à 16 en prenant en considération un personnel prudent et expérimenté, dédouanant ainsi le salarié de tout mauvais geste.

Compte tenu de ces éléments, le manquement du syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les jardins de X’ à son obligation de sécurité est avéré et le jugement déféré qui a condamné le syndicat des copropriétaires à payer à M. Y la somme de 8 000 euros à titre de

dommages-intérêts sera confirmé, le préjudice ayant été exactement apprécié.

2°) sur le harcèlement moral:

Il résulte des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, qu’aucun salarié ne doit subir les agissement répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-4 du même code oblige l’employeur à prendre toutes dispositions

nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge en application de l’article 1154-1 du code du travail, d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail sus-visé. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

M. Y expose avoir subi des faits de harcèlement caractérisés par:

1°) une attitude agressive, autoritaire et dénigrante de M. G B, président de la société E F I

2°) l’inertie de la société E F I face aux insultes et menaces proférées à son encontre par un copropriétaire en la personne de M. Z, ou encore, de façon anonyme, sous la forme d’ inscriptions outrageantes sur des notes d’information relatives à la prolongation de son arrêt de travail

3°) des brimades comme la diffusion d’une note demandant aux résidents de ne pas cotoyer les employés

4°) le défaut de transmission de la déclaration d’accident du travail à la CPAM

5°) l’interdiction faite à son épouse d’exercer dans le logement de fonction qui lui était attribué l’activité d’assistante maternelle pourtant exercée par Mme Y depuis plusieurs années, dans les mêmes conditions.

1°) Pour illustrer l’agressivité du président de la société E F I à son égard, M. Y produit un courriel du 20 janvier 2011 commençant ainsi: 'Bien que vous ne puissiez rien tenir dans les mains, vos yeux fonctionnent toujours. (...)', un échange du 5 février 2014 par lequel M. B lui reproche d’avoir laissé des ampoules hors service pendant deux mois soulignant 'ce n’est pas tolérable car un tour des garages deux fois par semaine ne demande pas un effort important' et se terminant par la phrase: 'parfait merci, je compte sur votre sens de l’initiative car beaucoup de reproches me sont remontés vous concernant; Cordialement. '

Enfin par un courriel du 12 février 2014, M. B fait le reproche à M. Y de ne pas être assez communicatif sur ce qui se passe sur la copropriété et notamment les rapports entre le gens et termine par ces mots: 'c’est votre gros défaut'.

Le syndicat des copropriétaires conteste toute attitude d’intimidation ou familiariété du représentant de la régie Bauer à l’égard de M. Y, mais force est de constater que les courriels sus-visés expriment effectivement des reproches récurrents en des termes peu cordiaux.

2°) En ce qui concerne l’inertie reprochée à la société E F I face aux insultes et menaces proférées à l’encontre de M. Y par un copropriétaire en la personne de M. Z, ou encore, de façon anonyme, sous la forme d’ inscriptions outrageantes sur des notes d’information relatives à la prolongation de son arrêt de travail, le syndicat des copropriétaires conteste la réalité des comportements de résidents dénoncés par M. Y et dénie toute responsabilité dans les mentions manuscrites apposées sur les notes de la régie.

L’existence d’un problème relationnel grave avec un résident désigné est cependant suffisamment établie par les pièces versées au débat, dés lors que M. Y a déposé une plainte pour menaces de mort réitérées et harcèlement moral contre M. Z le 3 novembre 2014 au commissariat d’Oullins et a consulté son médecin le jour même, lequel atteste qu’il a constaté un état de stress réactionnel à l’agression du 3 novembre, justifiant une incapacité totale de travail de 15 jours et la prescription d’un traitement anxiolytique.

Or, il apparaît que cette situation que l’employeur ne pouvait ignorer, n’a donné lieu à aucune observation ou intervention du syndicat des copropriétaires au soutien de M. Y, alors même que l’employeur est tenu de garantir à son salarié, des conditions sereines et dignes d’exercice de sa mission.

3° et 4°) En revanche, la diffusion d’une note demandant aux résidents de ne pas cotoyer les employés et le défaut de transmission de la déclaration d’accident du travail à la CPAM sont des faits insuffisamment établis par les pièces versées au débat.

5°) L’interdiction qui a été faite à l’épouse de M. Y, Mme H Y, d’exercer son activité d’assistante maternelle au sein de la résidence est un fait constant qui résulte de la mise en demeure qui lui a été adressée, par courrier du 30 mars 2015 du conseil du syndicat des copropriétaires, de cesser l’exercice de l’activité d’assistante maternelle dans le logement de fonction attribué à titre personnel à son époux, au motif que le contrat de travail stipule que ledit logement ne pourra être utilisé à d’autres fins que l’habitation.

Ainsi, il résulte du débat que M. Y a effectivement fait l’objet d’une communication agressive de la part de la part de la société E F I, que celle-ci n’est pas intervenue à son soutien lorsqu’il a été pris à partie et menacé par un résident, et que Mme Y s’est vue interdire l’activité d’assistance maternelle dans le logement de fonction.

Ces faits pris dans leur ensemble laissent présumer un harcèlement moral et il appartient à l’employeur de les justifier par des éléments objectifs pour combattre la présomption ainsi établie.

Or, il résulte des débats qu’aucune circonstance ne justifie le ton, à la fois réprobateur et humiliant utilisé dans les écrits adressés à M. Y, ni même la récurrence des reproches, dont l’employeur prétend qu’ils illustrent l’insatisfaction des résidents mais n’en justifie pas. En tout état de cause, les propos péjoratifs disqualifient les observations faites par l’employeur sur la qualité du travail de M. Y.

En ce qui concerne l’inertie face à l’agressivité de certains résidents, le syndicat des copropriétaires ne saurait se contenter d’invoquer l’absence de preuve ou l’hypothèse que M. Y puisse être à l’origine des mentions manuscrites outrageantes à son égard dans le seul but de se constituer une preuve à lui-même, dés lors que le syndicat des copropriétaires n’ a manifestement mené aucune investigation ou démarche pour établir la réalité des faits, alors qu’il est débiteur à l’égard de son salarié d’une obligation de sécurité laquelle prend en compte les risques psycho-sociaux de toute

nature.

Enfin, en ce qui concerne l’interdiction d’exercice faite à Mme Y, le syndicat des copropriétaires s’appuie sur le contrat de travail de M. Y qui précise que sera interdite toute activité commerciale ou artisanale.

Mais il apparaît, d’une part, que cette mise en demeure est intervenue plusieurs mois après que Mme Y ait été sommée de ne plus utiliser les parties communes, et notamment les espaces verts devant sa maison, pour faire jouer les enfants placés sous sa garde, ce qui atteste que le syndicat des copropriétaires, bien qu’informé de la profession de Mme Y, n’avait pas jugé cette activité incompatible avec l’occupation d’un logement de fonction.

Il apparaît d’autre part, que les termes du contrat de M. Y n’excluent nullement l’activité d’assistante maternelle qui appartient à la catégorie des services à la personne, et ne modifie en rien la destination et la fonction du logement, soit l’habitation du salarié et de sa famille.

Il en résulte une interdiction arbitraire car non justifiée par des motifs pertinents, et dont les conséquences pour M. Y sont graves s’agissant de priver son épouse de sa seule source de revenus et d’un logement pour lequel celle-ci a nécessairement reçu un agrément de l’autorité administrative compétente.

En conclusion, la conjonction de propos agressifs contenant des reproches récurrents n’ayant cependant jamais donné lieu à des observations ou sanctions contradictoires et ne reposant par conséquent sur aucun élément objectif, établis par des courriels couvrant une période de trois années, et l’interdiction d’exercice de son métier d’assistante maternelle, opposée à Mme Y sans motif légitime, caractérisent une situation de harcèlement à l’encontre de M. Y.

Le préjudice résultant pour M. Y de la situation de harcèlement subie pendant plusieurs années sera justement réparé par l’allocation de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et le jugement déféré qui a rejeté sa demande à ce titre sera infirmé en ce sens.

- Sur la résiliation judiciaire:

Sur le fondement de l’article 1184 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. Tout salarié est recevable à demander la résiliation de son contrat de travail.

La résiliation judiciaire peut être prononcée nonobstant toute régularisation au regard

des manquements allégués, dès lors que les faits reprochés à l’employeur sont suffisamment graves.

Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la

demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au

jour du licenciement ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l’employeur.

En l’espèce, les manquements du syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les Jardins de X’ à son obligation de santé et de sécurité ainsi que la situation de harcèlement moral dûment établis par M. Y constituent des faits suffisamment graves justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 23 octobre 2015, date de son licenciement pour une autre cause. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux

torts exclusifs du syndicat des copropriétaires des 'Jardins de X', représenté par la société E F I.

La rupture ainsi prononcée ayant les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral dont M. Y a été victime, ce dernier est fondé à solliciter des dommages et intérêts à ce titre.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. Y âgé de 44 ans lors de la rupture, de son ancienneté de sept années et onze mois, du défaut d’éléments sur sa situation professionnelle actuelle, de sa capacité à retrouver un emploi d’un niveau de qualification identique, avec la réserve médicale relative aux travaux de manutention, la cour estime que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation du préjudice résultant pour ce dernier de la rupture du contrat de travail en lui allouant la somme de 16.000 euros, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.

- Sur les demandes accessoires:

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les jardins de X', représenté par la société E F I, les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. Y une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les jardins de X', représenté par la société E F I, sera condamné aux dépens d’appel.

L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. C Y de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral

STATUANT à nouveau sur le chef infirmé

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les Jardins de X’ représentée par la société E F I à payer à M. C Y la somme de

15 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi par le salarié

RAPPELLE que les créances indemnitaires sont productrices d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les Jardins de X’ représentée par la société E F I à payer à M. C Y la somme de

1 000 euros en application des disposions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'Les jardins de X’ représentée par la société E F I aux dépens d’appel.

Le Greffier La Présidente

J K L M

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