Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 21 mars 2019, n° 18/03650

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 21 mars 2019, n° 18/03650
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/03650
Sur renvoi de : Cour de cassation, 2 mai 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 18/03650

N° Portalis DBVX – V – B7C – LWVP

Décisions :

— du tribunal de grande instance de D-E

(1re chambre civile)

Au fond du 10 mars 2015

RG : 13/04243

— de la cour d’appel de RIOM

(troisième chambre civile et commerciale) en date du 12 octobre 2016

RG : 15/01143

— de la Cour de cassation (première chambre civile) en date du 3 mai 2018

pourvoi n° J 17-12.473

arrêt n° 445 FS-P+B

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 21 Mars 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

Maître F Y DE Z

[…]

63000 D E

représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON

assisté de Maître Géraud MANEIM, avocat au barreau de D-E

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE

[…]

63045 D E CEDEX

représentée par la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP BASSET et associés, avocat au barreau de D-E

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 29 janvier 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 février 2019

Date de mise à disposition : 21 mars 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Aude RACHOU, président

— A B, conseiller

— Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier

A l’audience, A B a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

M. X, propriétaire d’un bien immobilier à D-E, en a confié la vente à Me Y de Z, notaire à D-E.

Un compromis de vente a été signé le 2 octobre 2009 et M. X a donné au notaire, un mandat qualifié d’irrévocable, confirmé par lettre du 2 avril 2010 adressée à la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Centre France, de virer à cette dernière la somme de 200'000 euros à valoir sur le prix de vente.

La réitération par acte authentique était fixée au 10 décembre 2010 et par acte d’huissier du même jour, M. X a fait signifier au notaire un courrier daté du 3 décembre précédent aux termes duquel il indiquait : « Je révoque en conséquence le mandat que je vous ai confié et vous demande de tenir à ma disposition un chèque à mon ordre représentant le solde net vendeur du prix de vente. »

Le notaire a alors libéré les fonds provenant de la vente entre les mains de M. X.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2013, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France a fait citer M. Y de Z devant le tribunal de grande instance de D-E afin de le voir condamner à lui payer les sommes de 200'000 euros en réparation du préjudice subi outre intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2010, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 mars 2015, le tribunal de grande instance de D-E a condamné le notaire à payer à la banque une somme de 80'000 euros à titre de dommages-intérêts destinés à réparer la perte de chance subie de recouvrer sa créance outre une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, retenant la faute du notaire pour n’avoir pas averti immédiatement la banque de la révocation du mandat en lui permettant ainsi d’exercer une voie civile d’exécution pour recouvrer sa créance.

Selon déclaration du 21 avril 2015, M. Y de Z a formé appel à l’encontre de ce jugement et par arrêt rendu le 12 octobre 2016, la cour d’appel de Riom a infirmé le jugement critiqué au titre du montant de l’indemnisation allouée à la Caisse de crédit agricole mutuel Centre France en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de recouvrer sa créance à l’égard de M. X et statuant à nouveau, condamné le notaire à payer à la banque une somme de 40'000 euros de ce chef, confirmant pour le surplus le jugement entrepris, déboutant les parties du surplus de leurs demandes et allouant une indemnité de 1 500 euros à la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi formé par M. Y de Z, par arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 12 octobre 2016 renvoyant la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon.

La Cour de Cassation a rappelé que le notaire qui instrumente un acte de vente n’est tenu d’aucun devoir d’information et de conseil envers les tiers dont il n’a pas à protéger les intérêts et qui ne disposent pas d’un droit opposable aux parties ; elle a ensuite considéré qu’en indiquant qu’il appartenait au notaire qui ne pouvait ignorer que la révocation n’était pas opposable au tiers bénéficiaire tant que celui-ci n’en avait pas été informé, de retenir le prix de la vente dans cette attente, de sorte qu’en acceptant de libérer ce prix entre les mains du vendeur le jour même de la vente, avant la notification effective de la révocation au tiers bénéficiaire, le notaire avait commis une faute engageant sa responsabilité, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1382 devenu 1240 du code civil.

Vu la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi faite le 17 mai 2018 par M. Y de Z,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 26 septembre 2018 par M. Y de Z qui conclut à la réformation du jugement du 10 mars 2015, au débouté de la Caisse de crédit agricole mutuel Centre France de l’intégralité de ses demandes et à sa condamnation à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre dépens,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 31 juillet 2018 par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France qui conclut à la confirmation du jugement critiqué qui a retenu la responsabilité du notaire et à son infirmation en ce qu’il n’a retenu qu’une perte de chance, sollicitant la condamnation de M. Y de Z à lui payer une somme de 200'000 euros à titre de dommages-intérêts, demandant à titre subsidiaire à la cour de considérer, en cas d’inexistence retenue du mandat irrévocable, que la relation tripartite entre M. X, le notaire et la banque, s’analyse en une délégation par le premier au second faite à son profit justifiant qui plus est le paiement de la somme de 200'000 euros, concluant enfin au rejet de toutes les demandes formées à son encontre et à la condamnation de M. Y de Z aux dépens et à lui payer une indemnité de 10'000

euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure en date du 29 janvier 2019.

MOTIFS ET DÉCISION

M. Y de Z conteste avoir commis une quelconque faute et engagé sa responsabilité ; il soutient qu’un ordre irrévocable s’analyse en un mandat révocable par nature dans la mesure où l’engagement perpétuel est nul ; que dès lors le mandat donné par M. X même stipulé irrévocable, ne privait pas ce dernier du droit de renoncer à l’opération, le notaire n’ayant ainsi eu d’autre choix en l’espèce que d’instrumenter et libérer les sommes au profit du vendeur, sauf à commettre une faute et engager sa responsabilité en retenant la somme de 200'000 euros.

Il ajoute qu’il n’était pas le mandataire de la banque ni même son conseil et qu’il n’avait pas en charge les intérêts de cette dernière, n’étant que le mandataire du vendeur, tenu à ce titre par les seules instructions de ce dernier ; qu’il a d’ailleurs régulièrement et loyalement prévenu la banque le jour même de la révocation du mandat.

Il précise enfin que le préjudice invoqué par la banque n’est en tout état de cause nullement certain dans la mesure où la créance détenue par celle-ci était tellement peu certaine qu’elle s’était dispensée d’inscrire toute garantie conservatoire de nature à la préserver ; que le lien de causalité n’est pas établi entre sa prétendue faute et le préjudice allégué alors même qu’il n’a jamais été dépositaire des fonds qui n’ont fait que transiter à travers sa comptabilité et qu’aucune voie civile d’exécution n’aurait pu faire obstacle à la libération du produit de la vente.

Il conteste enfin la nouvelle argumentation développée devant la cour de renvoi par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France tenant à l’existence d’une délégation de créance alors même que l’ordre irrévocable de versement ne constituait nullement une sûreté mais seulement un engagement unilatéral du débiteur, la qualification de mandat excluant celle de délégation, fût-elle imparfaite.

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France soutient quant à elle qu’il appartenait au notaire au titre du mandat irrévocable qu’il détenait, de prévenir la banque de sa révocation dans des délais utiles pour lui permettre la prise d’une garantie en remplacement ; elle ajoute que si la cour de renvoi estimait ne pas devoir résister à la Cour de cassation, elle devra considérer qu’en recevant instruction de verser le prix de vente à la banque, le notaire a reçu délégation par le vendeur et engagé sa responsabilité auprès du délégataire ayant donné son consentement tacite pour l’opération.

Sur ce :

L’ordre qualifié 'irrévocable', donné par M. X au notaire à qui il avait confié la vente d’un bien immobilier, s’analyse en un mandat qui en application des dispositions de l’article 2004 du code civil et contrairement à la qualification irrévocable donnée, peut être révoqué par le mandant quand bon lui semble sauf à constituer un engagement perpétuel interdit par la loi.

En aucun cas il ne peut être analysé comme le soutient désormais en cause d’appel la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France, en une délégation de créance alors même qu’aux termes de sa lettre adressée à la banque le 2 avril 2010, le notaire a pris soin de préciser qu’il ne prenait au titre de cet ordre de virement qui lui avait été demandé, aucun engagement personnel de paiement.

Le notaire qui instrumente un acte de vente n’est tenu d’aucun devoir d’information et de conseil envers les tiers dont il n’a pas à protéger les intérêts et qui ne disposent pas d’un droit opposable aux parties.

En libérant le prix de vente entre les mains du vendeur qui avait révoqué son mandat antérieur tendant au versement du prix de vente entre les mains de la banque, le notaire qui aurait à défaut engagé sa responsabilité à l’égard de son mandant, n’a donc commis aucune faute à l’encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France qu’il justifie avoir d’ailleurs informée de cette situation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le jour même de la demande de M. X tendant au versement à son profit du produit de la vente.

La responsabilité de M. Y de Z n’est donc pas engagée et il convient en conséquence de débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France de sa demande en dommages-intérêts, infirmant en cela la décision critiquée.

Aucun abus de procédure n’est établi à l’encontre de la banque et la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée à son encontre doit être rejetée.

L’équité et la situation économique des parties commandent enfin l’octroi à M. Y de Z d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France qui succombant en toutes ses dispositions, doit être déboutée en sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 mars 2015 par le tribunal de grande instance de D-E,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France de l’intégralité de ses demandes,

La condamne à payer à M. Y de Z une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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