Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 13 février 2019, n° 18/06051

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 13 févr. 2019, n° 18/06051
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 18/06051
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 20 juin 2018, N° 16/00371
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : N° RG 18/06051 – N° Portalis DBVX-V-B7C-L4N7

X

C/

Société I G-H OLIVIERVANDER E Z A

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON

du 21 Juin 2018

RG : 16/00371

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 13 FEVRIER 2019

APPELANT :

Y X

né le […] à […]

[…]

[…]

représenté par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMÉE :

S.C.P I G-H OLIVIERVANDER E Z A Huissiers de Justice Associés représentée par ses dirigeants

légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis

[…]

[…]

représentée par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON, Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET Y NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Décembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

L M, Président

Evelyne ALLAIS, Conseiller

Annette DUBLED VACHERON, Conseiller

Assistés pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 13 Février 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par L M, Président, et par J K, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

*************

Le 1er mars 2010, Monsieur Y X a été embauché par la SCP d’huissiers de justice I G-H, B D E, Z A, en qualité de clerc significateur et de clerc aux actes.

Le 9 janvier 2012, il a été élu aux fonctions de délégué du personnel titulaire.

Par requête en date du 26 janvier 2016, Monsieur Y X a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon des demandes suivantes dirigées contre la SCP I G-H, B D E, Z A :

'' 7.500 euros pour manquement à l’obligation de sécurité

' 15.000 euros pour harcèlement moral

' résiliation judiciaire du contrat de travail avec toutes conséquences de droit

' 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.'

Suivant deux avis du 15 mars 2016 et du 30 mars 2016, le médecin du travail a déclaré Monsieur X inapte à son poste de travail.

Le 29 mars 2016, Monsieur X a déposé plainte auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon à l’encontre de son employeur pour harcèlement moral. Il s’est ensuite constitué partie civile devant le doyen des juges d’instruction pour les mêmes faits.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 juin 2016, la SCP I G-H, B D E, Z A a convoqué M. X à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 7 juillet 2016, l’inspection du travail a autorisé la SCP I G-H, B D E, Z A à licencier Monsieur X pour inaptitude et impossibilité de reclassement, mesure qui a été notifiée à ce dernier par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2016.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 7 avril 2017.

Par jugement en date du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a débouté Monsieur X de sa contestation de l’autorisation de licenciement accordée par l’inspection du travail

Au dernier état de ses demandes devant la formation de départage du conseil de prud’hommes, Monsieur X a sollicité la condamnation de la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer des dommages et intérêts en réparation de préjudices résultant d’un délit d’entrave à l’exécution de son mandat de délégué du personnel, de l’absence de respect de l’obligation de formation, du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, de la procédure disciplinaire engagée le 17 décembre 2015 et la condamnation de la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer diverses sommes consécutives à la rupture de son emploi, demandant qu’il soit dit, à titre principal, que, du fait de l’employeur, le contrat ne pouvait plus s’exécuter normalement et à titre subsidiaire, que son licenciement était nul.

Par jugement en date du 21 juin 2018, le conseil de prud’hommes statuant dans sa formation de départage a :

' ordonné le sursis à statuer dans l’attente des suites données à la plainte pénale déposée des chefs de harcèlement moral par Monsieur Y X

' dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de communiquer au conseil de prud’hommes de Lyon la copie de la décision de la juridiction actuellement saisie afin que l’affaire soit enrôlée à la première date utile

' réservé les dépens.

Par acte d’huissier en date du 17 juillet 2018, Monsieur Y X a fait assigner la SCP I G-H, B D E, Z A en référé devant la juridiction du premier président, sur le fondement de l’article 380 du code de procédure civile, aux fins d’être autorisé à former appel à l’encontre du jugement du conseil de prud’hommes.

Par ordonnance de référé en date du 10 août 2018, la juridiction du premier président de la cour d’appel de LYON a :

— autorisé Monsieur Y X à relever appel du jugement rendu le 21 juin 2018 par le juge départiteur du conseil de prud’hommes de LYON

— sous réserve de formation de la déclaration d’appel par M. X, fixé l’examen de l’affaire devant la chambre sociale section A de la cour en son audience du 18 décembre 2018

— autorisé l’appelant à faire délivrer assignation à l’intimée à comparaître à ladite audience, cette assignation devant intervenir dans un délai suffisant pour qu’elle puisse préparer sa défense

— laissé à chaque partie la charge des dépens et frais irrépétibles qu’elle a exposés.

Monsieur Y X a interjeté appel du jugement, le 20 août 2018.

Par acte d’huissier en date du 7 novembre 2018, Monsieur Y X a fait assigner la SCP d’huissiers de justice I G-H, B C et Z A devant la cour.

Dans ses conclusions, il demande à la cour :

in limine litis,

s’il advenait que l’exception soit réitérée en cause d’appel,

— de rejeter la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive sur l’action pénale

s’il advenait que l’exception soit réitérée en cause d’appel,

— de rejeter l’exception d’incompétence au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon

s’il advenait que l’exception soit réitérée en cause d’appel,

— de rejeter la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif de l’autorisation administrative de licenciement

— de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi

— de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer les sommes suivantes :

• 8.009,15 euros à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement

• 6.102,78 euros au titre de l’indemnité spécifique destinée à compenser l’indemnité de préavis

• 6.382,76 euros au titre du doublement de l’indemnité légale de licenciement

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice subi en raison des entraves à l’exécution de son mandat de délégué du personnel, aux missions du comité entreprise et aux missions du CHSCT

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 800 euros au titre de la prime 2016

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer les sommes suivantes :

• 14.000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance d’améliorer sa qualification pour pouvoir évoluer au sein de la grille de salaire, subsidiairement, 5.000 euros

• 5.000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance de retrouver un emploi mieux rémunéré et plus rapidement, subsidiairement, 1.000 euros

• 1.500 euros en réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance d’utiliser son DIF conventionnel de 126 heures

' de dire qu’il a été harcelé par le seul B D F

' d’annuler l’avertissement qui lui a été notifié le 25 janvier 2016

' de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SCP I G-H, B D E, Z A, à raison des agissements de harcèlement moral du seul B D E

' de dire que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 96.664 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi

' de dire que son licenciement produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 96.664 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi

' de condamner la SCP I G-H, B D E, Z A à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions, la SCP I G-H, B D E, Z A demande à la cour :

à titre principal,

' de confirmer le jugement en ce qu’il a dit qu’il y avait lieu de surseoir à statuer dans l’attente des suites données à la plainte pénale déposée

des chefs de harcèlement moral déposée par Monsieur X, s’agissant de toutes les demandes qui s’y réfèrent

à titre subsidiaire,

' de déclarer irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur X en l’état de l’autorisation administrative de licenciement

' de déclarer illicites et d’écarter des débats des pièces numéro 68, 70,71, 72,73 produites par Monsieur X

' de débouter Monsieur X de l’intégralité de ses demandes

en tout état de cause,

' de le condamner à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

SUR CE :

En application de l’article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

La juridiction du premier président ayant autorisé M. Y X à interjeter appel du jugement qui a ordonné le sursis à statuer, la présente cour n’est saisie en conséquence que de la question du bien-fondé du sursis.

La SCP G-H demande à la cour, sur le fondement des articles 2 et 4 du code de procédure pénale, de confirmer le jugement qui a prononcé le sursis à statuer, en faisant valoir que les prétendues fautes que Monsieur X lui reproche sont nécessairement liées à sa plainte pour harcèlement moral, par ailleurs fermement contestée, et que la principale demande de ce dernier tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur est en réalité elle-même fondée sur le prétendu harcèlement moral qu’il estime avoir subi de la part du 'seul B D E', précisément visé par sa plainte avec constitution de partie civile et placé sous le statut de témoin assisté dans ce cadre.

Elle observe que, conscient de ce que sa demande relative au harcèlement moral est parfaitement infondée, notamment au regard de l’enquête menée au sein de la SCP, Monsieur X a préféré la retirer, précisant qu’il entendait la présenter devant la juridiction pénale, mais que cette demande est bien sous-jacente à la présente instance et que la solution du litige dépend des conclusions qui seront émises à l’issue de l’enquête pénale ordonnée à la suite de la plainte.

Monsieur Y X s’oppose au sursis à statuer pour les motifs suivants :

— le sort de l’action pénale n’a aucun impact sur dix des onze demandes 'soumises à la cour'

— s’il est exact qu’il demande 'à la cour’ de juger qu’il a bien été victime de harcèlement moral, il ne forme aucune demande indemnitaire à ce titre

— rien ne fait obstacle à ce que la cour lui reconnaisse la qualité de victime de harcèlement moral et que, par la suite, Monsieur D F soit relaxé par le juge pénal à raison de l’absence d’intentionnalité, puisqu’en matière de harcèlement moral, le juge civil et le juge pénal ne statuent pas selon les mêmes règles de procédure, de sorte que le juge civil faisant application des dispositions de l’article L1454-1 du code du travail ne peut être tenu par une décision de relaxe au pénal.

En l’espèce, le sursis a été prononcé par le premier juge au motif qu’il ne pouvait être possible de se prononcer sur la prétendue violation de l’obligation de sécurité de l’employeur et donc sur la résiliation judiciaire du contrat de travail qu’une fois que la juridiction pénale se sera prononcée sur la question du harcèlement qui serait à l’origine de cette prétendue violation et que les éléments de l’enquête pénale étaient nécessaires pour juger cette affaire.

Devant le premier juge, Monsieur X soutenait certes qu’il avait été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et en tirait des conséquences en ce qui concerne la rupture de son contrat de travail qu’il impute à faute à ce dernier et les demandes d’indemnisation qu’il présente.

Néanmoins, comme il le dit justement, les règles de preuve ne sont pas les mêmes devant le juge du contrat de travail que devant le juge pénal.

En effet, en vertu des dispositions de l’article L1154-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date du litige, il appartient au salarié qui l’invoque d’établir la réalité de faits susceptibles de laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur étant tenu, si tel est le cas, de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, de sorte que la décision à intervenir au pénal n’apparaît pas susceptible d’exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès prud’homal.

Monsieur X demande par ailleurs la réparation de préjudices résultant d’autres fautes qu’il invoque à l’encontre de son employeur, à savoir un délit d’entrave, un défaut de respect de l’obligation de former son salarié, un avertissement injustifié et le manquement à l’obligation de sécurité.

Dans ces conditions, c’est à tort que le premier juge a décidé de surseoir à statuer sur le litige qui lui était soumis.

Il convient d’infirmer le jugement, de rejeter la demande de sursis à statuer et de renvoyer l’affaire devant la formation de départage du conseil de prud’hommes.

Les parties ont toutes les deux conclu au fond pour le cas où le sursis à statuer serait rejeté et, par notes en délibéré, ont demandé à la cour d’évoquer le fond du litige, pour un motif tiré de la bonne

administration de la justice.

Or, l’article 568 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017 énonce que, lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.

S’agissant de l’infirmation d’un jugement qui a ordonné un sursis à statuer, exception de procédure qui ne met pas fin à l’instance, les conditions de l’évocation ne sont pas réunies.

La SCP G-H sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité ne commande pas de mettre à la charge de cette société les frais irrépétibles d’appel exposés par Monsieur X.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement:

INFIRME le jugement

STATUANT à nouveau,

REJETTE la demande de sursis à statuer

RENVOIE l’affaire devant la formation de départage du conseil de prud’hommes de LYON pour qu’il soit statué sur les demandes de Monsieur Y X

CONDAMNE la SCP I G-H, B D E, Z A aux dépens d’appel

REJETTE la demande de Monsieur X fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

J K L M

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