Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 26 janvier 2021, n° 19/04831

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 26 janv. 2021, n° 19/04831
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/04831
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 18 juin 2019, N° 2019r00620
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/04831 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPDY Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Référé

du 19 juin 2019

RG : 2019r00620

S.A.R.L. LA GABRIELLE

C/

SASU CAFE DE LA HALLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 26 Janvier 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. LA GABRIELLE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S CAFE DE LA HALLE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me François CHAPRIN, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 14 Janvier 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Novembre 2020

Date de mise à disposition : 26 Janvier 2021

Audience tenue par Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président, et Raphaële vice-président placé près le premier président de la cour d’appel de Lyon, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président

— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

— Raphaële FAIVRE, vice-président placé près le premier président de la cour d’appel de Lyon, délégué par ordonnance du 31 août 2020, pour exercer les fonctions de conseiller de la cour d’appel de Lyon, affecté à la 8e Chambre Civile

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Karen STELLA, conseiller faisant fonction de président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La SARL La Gabrielle était propriétaire d’un fonds de commerce de débit de boissons, situé place de Verdun à Genay (Rhône). Ce fonds était exploité en location gérance par la société Ganabar’s jusqu’au 25 janvier 2018, date à laquelle le contrat de location gérance a été résilié par la SARL La Gabrielle.

Monsieur Y Z de X était embauché au sein de la société Ganabar’s en qualité de cuisinier depuis le 31 mars 2015.

Le 26 janvier 2018, la SARL La Gabrielle a conclu un nouveau contrat de location gérance avec la SAS Café de la Halle.

Le 14 mars 2018, la société Ganabar’s a été placée en liquidation judiciaire, Maître Reverdy étant désigné comme mandataire liquidateur.

Le 17 mai 2018, la SARL La Gabrielle a signé un compromis de vente de son fonds de commerce

avec la SAS Café de la Halle, ce compromis précisant qu’aucun salarié attaché au fonds n’était repris.

Le 9 janvier 2019, l’acte de cession du fonds de commerce est intervenu, moyennant le prix de 60 000 euros, les modalités de paiement étant fixées ainsi qu’il suit :

25 000 euros le 9 janvier 2019, jour de la cession,

15 000 euros le 15 février 2019 au plus tard,

20 000 euros le 30 juin 2019 au plus tard.

Aux motifs que la SAS Café de la Halle n’avait pas réglé la deuxième échéance du prix d’achat du fonds de commerce, la SARL La Gabrielle l’a assignée, par exploit du 30 avril 2019, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon aux fins de la voir condamner à lui payer, par provision, la somme de 15 000 euros, correspondant à la deuxième échéance de règlement du prix de cession.

La SAS Café de la Halle s’est opposée à cette demande, soutenant qu’il existait une contestation sérieuse en raison d’un litige prud’hommal en cours concernant Monsieur Y Z de X, l’ancien salarié de la société Gababar’s, ancien locataire gérant.

Par ordonnance du 19 juin 2019, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé, a rejeté les demandes présentées par les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la SARL La Gabrielle aux dépens.

Le juge des référés a retenu en substance que dans la mesure où il convient pour statuer sur la demande de provision d’analyser le statut professionnel de l’ancien salarié de la société Gababar’s, de déterminer qui était son employeur, de déterminer si la SARL La Gabrielle s’est rendue coupable de réticence dolosive, il existe une contestation sérieuse à la demande de provision.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 9 juillet 2019, la SARL La Gabrielle a interjeté appel de l’intégralité de cette décision.

Dans ses dernières écritures, régularisées par voie électronique le 12 décembre 2019, la SARL La Gabrielle demande à la Cour de réformer dans toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 19 juin 2019 et statuant à nouveau de condamner la SAS Café de la Halle à lui verser une provision de 15 000 euros, de débouter la SAS Café de la Halle de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose :

— que postérieurement à la conclusion du contrat de location gérance avec la SAS Café de la Halle, Monsieur Y Z de X, ancien salarié de la société Ganabar’s, lui a indiqué que celle-ci avait été placée en liquidation judiciaire le 14 mars 2018 et que la SARL La Gabrielle devait reprendre son contrat de travail, qu’elle a donc convenu avec celui-ci, le 6 avril 2018, d’un licenciement amiable à effet au 31 mars 2018 ;

— que c’est dans ces conditions qu’elle a signé le 14 mai 2018 un compromis de vente du fonds avec la SAS Café de la Halle, compromis qui ne faisait mention d’aucun contrat de travail puisque Monsieur Y Z de X avait été licencié le 31 mars 2018 ;

— que le 25 juin 2018, Monsieur Y Z de X a assigné la SARL La Gabrielle et la SAS Café de la Halle devant le conseil des prud’hommes de Lyon pour obtenir ses indemnités de

licenciement et qu’ainsi la SAS Café de la Halle a signé en parfaite connaissance de cause l’acte de cession du fonds de commerce le 9 janvier 2019, l’acte stipulant par ailleurs qu’il existait une procédure en cours devant le conseil des prud’hommes pour une somme à parfaire de 37 961,84 euros ;

— que par la suite la SAS Café de la Halle lui a indiqué qu’elle ne lui réglerait pas les sommes restant dues au titre de la vente du fonds de commerce en raison du litige prud’hommal en cours, raison pour laquelle elle a engagé une procédure de référé à son encontre.

Elle soutient que c’est à tort que le juge des référés a retenu qu’il n’y avait lieu à référé sur sa demande de provision aux motifs que l’analyse nécessaire des relations entre les parties pour trancher le litige excédait ses pouvoirs, alors que :

— le versement de la somme demandée était la contrepartie de la cession du fonds, exploité par la SAS Café de la Halle depuis le mois de janvier 2019, le règlement des sommes dues étant indépendant de tout litige au fond et la créance étant certaine, liquide et exigible ;

— contrairement à ce que soutient la SAS Café de la Halle, il ne peut lui être reproché de réticence dolosive lors de la vente du fonds, dans la mesure où, à la date de la vente, celle-ci avait parfaitement connaissance de la procédure prud’homale intentée par Monsieur Y Z de X ;

— si la SAS Café de la Halle a été condamnée à payer à Monsieur Y Z de X diverses indemnités par jugement du conseil des prud’hommes du 28 mai 2019, ce jugement l’a mise définitivement hors de cause puisque la SAS Café de la Halle, qui en a fait appel, n’a pas formé appel incident à son encontre et a donc acquiescé au jugement en ce qu’il l’a exonérée de toute responsabilité ;

— qu’elle ne peut, dans ces conditions, solliciter une compensation avec les sommes qu’elle reste à lui devoir.

Dans ses dernières écritures, régularisées par voie électronique le 24 décembre 2019, la SAS Café de la Halle demande à la Cour de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la SARL La Gabrielle, de la débouter de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle expose :

— que la SARL La Gabrielle lui a sciemment caché que Monsieur Y Z de X, dès mars 2018, l’avait mise en demeure de régler ses salaires, que le mandataire judiciaire de la société Ganabar’s lui avait demandé de reprendre son contrat depuis le 4 mars 2018 et qu’un licenciement amiable était en cours ;

— qu’une procédure prud’homale ayant été enclenchée par Monsieur Y Z de X en juin 2018 à l’encontre de la SARL La Gabrielle mais également à son encontre, elle a refusé de payer le solde du prix de cession compte tenu de son risque de condamnation, Monsieur Y Z de X demandant des indemnités équivalentes au prix de vente.

Elle soutient que la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse, en ce que :

— le fonds a été cédé sans aucun salarié transféré ;

— il ressort de l’instance prud’homale que la SARL La Gabrielle n’a jamais licencié Monsieur Y Z de X ni réglé ses indemnités ;

— postérieurement à l’acte de cession, elle a été condamnée par le conseil des prud’hommes, qui l’a reconnue comme employeur, à régler à Monsieur Y Z de X la somme de 47 491,45 euros ;

— elle a fait délivrer à la SARL La Gabrielle une assignation au fond devant le tribunal de commerce de Lyon pour qu’elle soit condamnée à prendre en charge, en raison de sa réticence dolosive, les indemnités de licenciement de Monsieur Y Z de X, ou tout au moins que soit ordonnée la compensation entre les sommes dues au titre de la cession du fonds, laquelle ne comportait aucun salarié repris, et les indemnités réglées à Monsieur Y Z de X.

Elle ajoute qu’elle ne pouvait faire autrement que de signer l’acte de cession du fonds, compte tenu des investissements qu’elle avait déjà réalisés et du risque de procédure en cas de refus de signature de l’acte définitif.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

En vertu de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, la SARL La Gabrielle demande que la SAS Café de la Halle soit condamnée à lui verser une provision de 15 000 euros, correspondant à la deuxième échéance du prix de cession du fonds de commerce.

Au visa des dispositions précitées, il convient donc de déterminer si le paiement provisionnel sollicité ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

En l’espèce, il est constant et confirmé par les pièces versées aux débats :

— que le 17 mai 2018, la SARL La Gabrielle a signé avec la SAS Café de la Halle un compromis de vente de son fonds de commerce, en l’occurrence un débit de boissons situé place de Verdun à Genay (Rhône), le compromis de vente indiquant qu’aucun salarié attaché au fonds n’était repris ;

— que le 25 juin 2018, Monsieur Y Z de X, ancien salarié de la société Ganabar’s, ancienne locataire gérante du fonds, placée en liquidation judiciaire, a engagé une procédure devant le conseil des prud’hommes à l’encontre de la SARL La Gabrielle et de la SAS Café de la Halle au titre de son licenciement et aux fins de percevoir les indemnités qui lui étaient dues sur le fondement de l’article 1223-1 du code du travail ;

— que l’acte de cession du fonds est intervenu le 9 janvier 2019, moyennant le prix de 60 000 euros, l’acte de cession prévoyant le règlement du prix en trois fois : 25 000 euros le jour de la cession, 15 000 euros au plus tard le 15 février 2019 et 20 000 euros le 30 juin 2019 au plus tard ;

— que la somme de 25 000 euros a été réglée par la SAS Café de la Halle le jour de la cession du fonds mais qu’en revanche, celle-ci s’est abstenue de régler les deux autres échéances aux termes convenus ;

— que par jugement du 28 mai 2019, le conseil des prud’hommes de Lyon a condamné la SAS Café de la Halle à payer à Monsieur Y Z de X la somme de 47 491,45 euros correspondant aux sommes lui étant dues au titre de son contrat de travail et de son licenciement.

La SAS Café de la Halle soutient qu’il existe une contestation sérieuse justifiant qu’il ne soit pas fait droit à la demande de provision présentée à son encontre, aux motifs :

— qu’il existe un problème d’interprétation de l’acte de cession, dans lequel il est indiqué que le cédant n’avait consenti aucun contrat de travail et qui fait référence à la procédure engagée par Monsieur Y Z de X devant le conseil des prud’hommes sans indiquer qui devrait assumer les condamnations, alors que le prix à payer avait pour contrepartie la cession d’un fonds ne comportant aucun salarié transféré ;

— que la SARL La Gabrielle s’est rendue coupable de réticence dolosive en ne l’informant pas de la réclamation de Monsieur Y Z de X et du risque de transfert de son contrat de travail au repreneur du fonds.

Pour autant, force est de constater :

— que lorsque la SAS Café de la Halle a signé l’acte de cession, soit le 9 janvier 2019, elle savait qu’elle pouvait être condamnée par le conseil des prud’hommes à prendre en charge le licenciement de monsieur Y Z de X et les indemnités qui lui étaient dues puisqu’elle avait été assignée à cette fin le 25 juin 2018 par celui-ci ;

— que néanmoins, elle a signé l’acte de cession sans émettre de réserves sur les mentions qui y figuraient.

Par ailleurs, si une action a été engagée par la SAS Café de la Halle à l’encontre de la SARL La Gabrielle pour réticence dolosive, cette action porte non sur la validité de l’acte de cession, qu’elle ne remet pas en cause puisqu’il n’est pas contesté qu’elle exploite le fonds mais sur la prise en charge des sommes qu’elle a été condamnée à régler à Monsieur Y Z de X au titre de son contrat de travail, cette action, à vocation indemnitaire, n’ayant pas d’incidence directe sur la cession du fonds et le prix qui est dû à ce titre, paiement auquel elle est tenu par application de l’article 1134 du code civil, devenu 1103 du même code.

Il s’ensuit que la demande de provision présentée par la SARL La Gabrielle ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée dans son intégralité et statuant à nouveau condamne la SAS Café de la Halle à payer à la SARL La Gabrielle la somme provisionnelle de 15 000 euros en règlement de la deuxième échéance du prix de cession du fonds.

La Cour infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la SARL La Gabrielle aux dépens, et statuant à nouveau, condamne la SAS Café de la Halle aux dépens de première instance.

La SAS Café de la Halle, partie perdante en appel est condamnée aux dépens à hauteur d’appel.

En équité, la Cour condamne la SAS Café de la Halle à payer à la SARL La Gabrielle la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour déboute la SAS Café de la Halle de ses demandes accessoires.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déboute la SAS Café de la Halle de ses entières demandes,

Infirme la décision déférée dans son intégralité,

Statuant à nouveau :

Condamne la SAS Café de la Halle à payer à la SARL La Gabrielle la somme provisionnelle de 15 000 euros en règlement de la deuxième échéance du prix de cession du fonds ;

Condamne la SAS Café de la Halle aux dépens de première instance ;

Condamne la SAS Café de la Halle aux dépens à hauteur d’appel ;

Condamne la SAS Café de la Halle à payer à la SARL La Gabrielle la somme de

2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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