Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 23 mars 2022, n° 19/03269

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 23 mars 2022, n° 19/03269
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/03269
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 28 avril 2019, N° 16/00851
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR


N° RG 19/03269 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MLLD


B


C/


Société RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION

APPEL D’UNE DÉCISION DU :


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 29 Avril 2019


RG : 16/00851

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 23 MARS 2022

APPELANT :

A B

né le […] à LYON

[…]

[…]

représenté par Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne JACQUIER, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION RNL

[…]

[…]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Cécile CURT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON,


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Janvier 2022


Présidée par Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


- Joëlle DOAT, présidente


- Nathalie ROCCI, conseiller


- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 23 Mars 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;


Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :


A B a été embauché à compter du 2 décembre 2013 en qualité de conducteur routier ' statut ouvrier, niveau GR7, coefficient 150M – par la SARL RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION, suivant contrat de travail à durée déterminée puis contrat de travail écrit à durée indéterminée en date du 1er février 2014 soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 16).


Par correspondance du 9 juillet 2015, la SARL RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION a convoqué A B à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif disciplinaire, fixé au 22 juillet suivant, et l’a mis à pied à titre conservatoire.


La SARL RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION a notifié à A B son licenciement pour faute par lettre recommandée du 20 août 2015, de sorte que la relation de travail a pris fin le 20 septembre 2015.


Le 2 mars 2016, A B a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées, ainsi que d’une contestation du licenciement dont il a ainsi fait l’objet, et d’une demande indemnitaire afférente.

Par jugement en date du 29 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon ' section commerce, a :

• DIT que le licenciement dont A B avait fait l’objet de la part de la société RNL était fondé ;


DIT que la demande au titre des heures supplémentaires était infondée ;•

Par conséquent,

• DÉBOUTÉ A B de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
• DÉBOUTÉ A B de sa demande au titre des rappels d’heures supplémentaires et de congés payés afférents sur les mois d’avril et juin 2015 ;

• DÉBOUTÉ A B au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

• DIT qu’il serait inéquitable de condamner A B à un article 700 du code de procédure civile ;


DÉBOUTÉ la société RNL de sa demande reconventionnelle à ce titre ;•


CONDAMNÉ A B aux éventuels entiers dépens.•


A B a interjeté appel de cette décision le 9 mai 2019.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 novembre 2021 et auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, A B sollicite de la cour de :


JUGER recevable, justifié et bien-fondé l’appel qu’il a formé ;•


INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;•

Statuant à nouveau,


JUGER que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;•

• CONDAMNER la société RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION à lui verser la somme de 13 500 euros nets de CSG, CRDS et toutes autres cotisations sociales à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


JUGER qu’il a effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées ;•

• CONDAMNER la société RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION à lui verser la somme de 528,42 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour les mois d’avril et juin 2015 outre 52,84 euros au titre des congés payés afférents ;

En tout état de cause,

• ORDONNER à la société RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION d’avoir à lui remettre des bulletins de salaires mensuels conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision ;


DIRE que la cour se réservera la liquidation de l’astreinte ;•


FIXER à 2 203,13 euros son salaire de référence ;•

• I la société RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION de toutes demandes, fins et conclusions contraires ;

• JUGER que l’ensemble des condamnations portera intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;
• CONDAMNER la société RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance.•

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2019, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION sollicite de la cour de :


DIRE l’appel interjeté par A B mal fondé et le rejeter ;•

• CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 29 avril 2019 en ce qu’il a débouté A B de l’intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

• CONSTATER que les faits à l’origine du licenciement d’A B sont avérés et constitutifs d’une faute ;

• DIRE ET JUGER que le licenciement d’A B notifié le 20 août 2015 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

• CONSTATER qu’A B n’a réalisé aucune heure supplémentaire de travail pour les mois d’avril et juin 2015 ;


I A B de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;•

En tout état de cause,

• CONDAMNER A B à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


CONDAMNER A B aux entiers dépens.•


La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 9 décembre 2021, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 19 janvier 2022.

SUR CE :

- Sur les heures supplémentaires :

A B fait principalement valoir, au soutien de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, que ses fiches de temps pour les mois d’avril et de juin 2015 laissent apparaître des heures supplémentaires de travail, qui ne lui ont pas été rémunérées, et que l’employeur ne fournit aucune explication susceptible de permettre le contrôle des « réajustements » auxquels il a procédé unilatéralement.

La SAS RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION fait valoir en substance, en réponse, que :


- A B a été rémunéré sur la base du volume horaire de 169 heures par mois contractuellement convenu ;
- les heures rémunérées résultent pour le surplus de l’exploitation automatique des disques chronotachygraphes d’A B, après correction des contradictions avec les données de l’ordre de mission qui lui avait été remis et des éventuelles erreurs de manipulation ;


- 12,78 heures supplémentaires ont même été trop payées à l’intéressé pour le mois de juillet 2015 de sorte qu’elles devraient donner lieu à compensation avec les rappels de salaires susceptibles de lui être alloués, le cas échéant.

* * * * *


Il ressort des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié. Et, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, il appartient d’abord au salarié de fournir préalablement au juge les éléments précis sur lesquels il entend fonder sa demande et, le cas échéant, il appartient alors à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.


Or, il convient de relever qu’aux termes du contrat de travail conclu avec la SARL RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION le 1er février 2014, la durée du travail d’A B a été fixée (« article 6 ' Rémunération ' Frais de déplacement ») à 169 heures par mois.


Et, au soutien de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, A B verse aux débats les fiches de temps jointes aux bulletins de salaires qui lui ont été délivrés par son employeur pour les mois d’avril et juin 2015, et qui portent mention de façon détaillée des heures travaillées quotidiennement pour les mois considérés, ainsi que d’un nombre total d’heures supplémentaires mensuelles (à hauteur respectivement de 26h23 pour le mois d’avril 2015, et de 34h00 majorées à 25 % et de 13h58 majorées à 50% pour le mois de juin 2015), excédant les dix-sept heures supplémentaires majorées qui lui ont été rémunérées par l’employeur pour ces périodes.


Si le salarié produit ainsi des éléments précis quant aux heures de travail qu’il soutient avoir effectuées, l’examen des extractions du logiciel d’exploitation des disques chronotachygraphes d’A B versés aux débats par l’employeur permet toutefois de constater que l’intéressé avait ' volontairement ou non ' effectué des erreurs de manipulation du dispositif d’enregistrement, entraînant un décompte erroné des heures de conduite, de coupure et de disponibilité effectivement réalisées, s’agissant plus particulièrement, par exemple, des heures décomptées alors que le salarié avait laissé le dispositif de suivi sur la position « travail » entre ses deux services au cours des journées des 1er avril et 5 juin 2015, alors qu’il se trouvait en réalité en repos.


Il doit ainsi être constaté à l’examen des pièces ainsi versées aux débats par la SAS RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION qu’A B n’a pas effectué, au cours des mois d’avril et juin 2015 plus particulièrement, un nombre d’heures de travail excédant le temps de travail qui lui a été rémunéré par son employeur.


Le jugement déféré, qui l’a débouté de la demande de rappel de salaire formée de ce chef, doit donc être confirmé.

- Sur le licenciement : A B fait valoir en substance, au soutien des demandes qu’il forme au titre de la rupture injustifiée de son contrat de travail, que :


- s’agissant du grief tiré de son comportement agressif, il était en droit de demander des explications à son employeur sur le contenu incomplet ' s’agissant des mentions relatives aux heures de nuit ' des bulletins de salaire qui lui avaient été remis, sur l’indemnité de repas unique de nuit (même s’il s’était alors fondé à tort sur un texte qui ne lui était pas applicable), et sur les heures supplémentaires qui ne lui avaient pas été rémunérées ;


- s’il a pu hausser le ton lors de la conversation avec la gérante de la société, du fait de son propre déficit auditif, sans pour autant faire preuve d’agressivité ou de familiarité à son égard, il s’en était par la suite excusé ;


- il n’a jamais refusé d’effectuer des heures de conduite en dehors de son trajet habituel dès lors qu’il était prévenu suffisamment à l’avance et disponible, et l’employeur ne précise et ne démontre d’ailleurs pas les refus qu’il lui impute de ce chef ;


- sa demande d’être assisté par d’autres salariés lors de l’entretien qu’envisageait l’employeur sur la poursuite du contrat de travail ne peut caractériser une quelconque insubordination à l’égard de la gérante ;


- il n’a jamais été informé oralement de sa mise à pied conservatoire ;


- les griefs tenant au refus d’exécuter les consignes de l’employeur sont infondés.

La SAS RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION soutient pour sa part, en réponse, que :


- Les manquements établis d’A B à ses obligations découlant du contrat de travail, exposés dans la lettre de licenciement, étaient d’une gravité telle qu’ils justifiaient la rupture du contrat de travail pour motif disciplinaire, alors que l’intéressé avait déjà fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires et recadrages au cours de la relation de travail, pour des motifs similaires notamment ;


- la correspondance qui lui a été adressée le 7 juillet 2015, qui apportait réponse à des revendications dont il l’avait saisie, ne peut s’analyser en une sanction disciplinaire ;


- en tout état de cause, le salarié, qui disposait d’une ancienneté inférieure à deux années, ne justifie pas du préjudice dont il demande réparation à raison de la rupture du contrat de travail.

* * * * *


L’article L.1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé, et justifié par une cause réelle et sérieuse.


Il résulte à cet égard des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable, qu’en cas de litige, il incombe au juge d’apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, la lettre de licenciement fixant alors les limites du litige, les motifs invoqués devant être précis, objectifs et vérifiables.


Il appartient ainsi au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié, puis, le cas échéant, de les qualifier et de décider s’ils constituaient à la date du licenciement une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L.
1232-1 du code du travail.


Le juge forme alors sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute subsiste, il doit profiter au salarié.


En l’espèce, la SAS RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION a procédé au licenciement d’A B pour motif disciplinaire par lettre de licenciement du 20 août 2015 rédigée dans les termes suivants :

« Suite à l’entretien préalable en date du 22 juillet 2015 au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur C D, conducteur routier, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs que nous vous avons exposés lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.

Depuis plusieurs mois, nous déplorons la persistance de graves manquements à vos obligations professionnelles et contractuelles et ce, malgré nos efforts et notre écoute.

Ces manquements répétés dans l’exécution de vos fonctions se sont caractérisés au travers des constats suivants.

* Un comportement agressif vis-à-vis de votre hiérarchie :

Le 9 juillet 2015, aux alentours de 15h40 vous m’avez contacté par téléphone.

Dès le début de la conversation, vous n’avez pas hésité à employer un ton vindicatif, agressif et familier, voire diffamant à mon égard, me reprochant à tort d’être injoignable et n’hésitant pas à m’interpeller par mon prénom.

Suite à cela, j’ai tenté en vain de vous calmer en vous indiquant qu’il était inutile de crier. Que je venais de vous écrire en recommandé, pour répondre à la revendication que vous aviez formulée à propos des frais de déplacements,

Tant bien que mal, avec Madame E X, responsable du service paie, nous avons essayé une nouvelle fois de vous expliquer les modalités des frais de déplacement, qui vous avaient déjà été rappelé à maintes reprises au cours d’entretiens oraux, à savoir :

- que l’indemnité de frais de déplacement fixée à 8.04 euros concernait exclusivement les cas particuliers des déplacements dans la zone de camionnage autour de Paris ;

- que l’indemnité de repas unique de « NUIT » est bien de 7.82 euros et qu’elle est perçue dès lors que le conducteur assure un service de nuit comportant quatre heures de travail entre 22h et 7h, ce qui est votre cas,

- que vous confondiez l’indemnité de la région parisienne à 8.04 euros et l’indemnité de repas unique de « NUIT ».

Malgré tout, vous avez continué à prétendre, toujours en criant et en adoptant un ton menaçant, qu’on vous « volait » et que vous ne vous laisseriez pas faire.

Je vous ai à nouveau demandé de vous calmer et que la situation ne méritait pas une telle réaction d’énervement.

En réponse, vous n’avez pas hésité à indiquer que nous vous ne payions pas vos heures supplémentaires, ce qui est totalement faux, et que vous refuseriez pour l’avenir de réaliser des heures de conduite en dehors du relais, en violation totale de l’article 5 de votre contrat de travail.

Madame E X vous a alors rappelé que votre base contractuelle était de 169 heures par mois et que si vous ne dépassiez pas ce temps de travail, nous n’avions pas à vous rémunérer d’avantage.

Je suis ensuite revenue sur les termes de mon courrier du 7 juillet 2015, et ai évoqué avec vous le fait que vous continuiez à manipuler intempestivement votre disque chronotachygraphe, en vue de générer le paiement d’heures indues, ce qui ne pouvait être toléré.

Mes affirmations vous ont fait redoubler d’énervement, et vous avez continué à manifester de l’agressivité à mon égard.

Face à cette réaction totalement incompréhensible de votre part, je vous ai proposé avec Madame X un rendez-vous pour le mardi suivant, afin de vous apporter toute explication utile, et ce en vue d’apaiser la situation.

Vous n’avez alors pas hésité à répondre que vous exigiez la présence de Messieurs F G et H Y me rétorquant sur un ton méprisant à mon égard « avec vous, je ne veux plus parler, vous ne comprenez rien ».

C’est dans ce contexte que face à cette attitude inadmissible d’insubordination, je vous ai notifié oralement votre mise à pied à titre conservatoire.

Vous m’avez alors raccroché au nez, et n’avez plus daigné répondre lorsque j’ai tenté de vous rappeler sur votre téléphone professionnel.

Cette mise à pied à titre conservatoire vous a été confirmée par courrier du 9 juillet 2015, par lequel je vous ai également convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Lors de l’entretien préalable du 22 juillet, vous avez reconnu votre erreur d’interprétation quant à l’indemnité de repas unique de « NUIT ».

Toutefois, vous n’avez pas hésité à prétendre de manière mensongère, pour tenter de justifier votre comportement agressif du 9 juillet, que nous n’avions jamais eu d’entretien à ce sujet, alors même que Monsieur Y, Madame X et moi-même vous avions reçu à plusieurs reprises entre septembre 2014 et avril 2015 sur ce sujet.

Dans de telles circonstances de déloyauté et de défiance, vous comprendrez aisément que toute poursuite de nos relations contractuelles est rendue impossible au regard de votre totale absence de remise en cause.

En effet, votre attitude irrespectueuse et agressive envers la Direction ne trouve aucune place sur le lieu de travail et ne saurait être tolérée davantage.

Plus encore, nous déplorons que ce comportement agressif à l’égard de votre Direction soit doublé de manquements répétés dans l’exécution de vos fonctions.

* Des manquements persistants à vos obligations contractuelles, malgré nos différentes alertes :

Nous avons constaté à plusieurs reprises des dérives de votre part sur les relais Corbas-Genay ( l i g n e F r a n c e E x p r e s s G e n a y / T r o y e s ) e t C h a s s e s u r R h ô n e / M â c o n ( l i g n e G e o d i s Toulon/Gennevilliers) qui perdurent malgré nos alertes et demandes d’explication. Ainsi, vous ne cessez de manipuler intempestivement votre disque chronotachygraphe, ce qui nous amène à constater régulièrement un dépassement quotidien de votre amplitude horaire de 30 minutes à 2 heures.

A titre d’exemple, des arrêts fréquents en position « travail » non justifiés apparaissent sur votre disque.

Ceci est d’autant plus anormal du fait que votre poste a vocation à être qualifié comme « sauterelle » puisque vous n’effectuez que des relais (principalement de la conduite et quelques positions en travail), afin de réguler les heures des conducteurs titulaires sur la ligne.

En tout état de cause, nous constatons que dès lors (que) vous êtes remplacé, le relais se fait dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas le cas lorsque vous travaillez.

Nous vous avions pourtant demandé à maintes reprises lors de différents entretiens de respecter votre ordre de mission, ce que vous refusez manifestement de faire.

Vous aviez d’ailleurs reconnu lors de ces entretiens manipuler régulièrement de manière erronée votre disque, et aviez pris l’engagement de respecter votre fiche de ligne pour l’avenir.

Force est de constater que vous n’avez pas tenu vos engagements.

Ce comportement n’est pas sans conséquence sur le travail de vos collègues.

Ainsi, Monsieur Z, conducteur au départ de TOULON nous a interpellé à plusieurs reprises concernant votre mauvais état d’esprit.

En effet, suite à un différend entre vous, vous arrivez sciemment avec seulement 3 minutes d’avance au relais de Chasse sur Rhône, alors que vous devez en principe arriver entre 15 mn et 30 mn avant au relais, dans le respect de la réglementation routière et votre ordre de mission.

Vos arrêts injustifiés et votre conduite anormalement lente sur certaines portions de route, voire votre entêtement à ne pas prendre le tunnel de Fourvière sous prétexte que nous ne sommes pas habilités à le faire en raison de l’interdiction des poids lourds ce qui est totalement faux (nous vous avons maintes fois rappelé la réglementation sur ce point), met la ligne en tension et génère un stress auprès de Monsieur Z qui ne dispose d’aucun battement en cas de problème rencontré sur la route.

Par ailleurs, vous refusez fréquemment d’effectuer des heures supplémentaires, au motif erroné que vous ne voulez pas travailler « bénévolement », et ce malgré le fait que nous vous avons confirmé que tout travail qui générait des heures supplémentaires était bien entendu payé.

Vous n’avez également pas hésité à affirmer que vous pourriez être amené à refuser d’effectuer la (liaison avec) Grenoble, qui entre pourtant dans vos horaires normaux de travail, au motif que dans tous les cas, vous seriez payé 169 heures.

Ce comportement d’insubordination et la persistance de votre attitude caractérise un manquement à vos obligations contractuelles.

En agissant ainsi, vous compromettez, là-encore, gravement les intérêts de l’entreprise, ce qui engendre de graves dysfonctionnements, tant au niveau de l’activité que de l’ambiance de travail insupportable pour les salariés travaillant avec vous.

l’absence de redressement de la situation est extrêmement préjudiciable à l’activité de la société et ne laisse espérer aucune amélioration de la situation pour l’avenir.

En effet, malgré notre patience et notre écoute, vous persistez à adopter la même attitude de défiance envers nous.

Nous sommes donc très sceptiques sur votre loyauté à venir et sur vos promesses de respecter désormais votre plan de transport tel que nous vous l’avions défini lors de votre embauche.

Par conséquent, nous considérons que l’ensemble de ces faits caractérise une grave insubordination d’une part, et des manquements répétés à vos obligations contractuelles d’autre part.

Dans de telles circonstances, vous comprendrez aisément que toute poursuite de nos relations contractuelles est rendue impossible au regard de votre comportement inadmissible.

Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien préalable n’ont pas permis de modifier notre appréciation des faits d’autant que vous avez reconnu à posteriori l’ensemble des griefs qui vous sont reprochés.

Toutefois et bien que ces faits auraient pu justifier votre licenciement pour faute grave, nous avons décidé par souci de mansuétude, de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En conséquence, votre licenciement prendra effet au terme d’un préavis d’un mois qui commencera à courir à compter de la date de la première présentation de la présente et que nous vous dispensons d’effectuer.

Bien évidemment, votre préavis vous sera intégralement rémunéré à chaque échéance normale de paie.

De plus, nous vous informons également que la période de votre mise à pied à titre conservatoire courant depuis le 9 juillet 2015 vous sera rémunérée (…) ».


Or, il ressort des attestations circonstanciées et convergentes établies par H Y et E X-J, respectivement responsable d’exploitation et gestionnaire de paie au sein de la société, qu’A B avait été reçu à plusieurs reprises par l’employeur à compter de novembre 2014 ensuite des réclamations dont il l’avait saisi ' en se fondant à tort sur des dispositions conventionnelles qui ne lui étaient pas applicables, ainsi qu’il le reconnaît désormais ' quant au montant de l’indemnité unique de nuit lui étant versée par la SARL RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION.

Madame X-J a néanmoins décrit, par attestation très détaillée versée aux débats, l’emportement d’A B à l’encontre de la gérante de la SARL RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION le 9 juillet 2015 alors que celle-ci lui proposait de le recevoir une nouvelle fois afin d’examiner la réclamation qu’il formait, de nouveau, concernant le paiement des heures supplémentaires effectuées et des indemnités lui étant dues, ainsi que les propos agressifs et injurieux qu’il avait alors formulés à son encontre dans les circonstances décrites dans les termes ci-dessus repris de la lettre de licenciement.


Et il convient parallèlement de relever que, tandis qu’il reconnaît dans les explications dont il saisit la cour que « il a pu hausser le ton lors de la conversation téléphonique (ce que la gérante a interprété comme de l’agressivité) », A B avait déjà fait l’objet d’un rappel de consignes le 14 octobre 2014 (avec quatre autres salariés) à raison de l’absence de signalement au service technique de l’entreprise de la casse du cabochon de son véhicule, et avait été sanctionné d’un avertissement le 17 mars 2015 à raison de son refus sans motif de convoyer des semi-remorques dont la société venait de faire l’acquisition.
Et, par correspondance du 7 juillet 2015, la SARL RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION venait de rappeler A B à l’ordre concernant « la dérive constatée sur (sa) ligne », s’agissant plus particulièrement « Des arrêts fréquents en position « travail » non justifiés » et son refus à plusieurs reprises d’effectuer des heures supplémentaires sans justification.


Il apparaît ainsi que, sans qu’il soit même besoin d’examiner la réalité des autres griefs disciplinaires invoqués par l’employeur au soutien du licenciement, la SARL RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION établit la matérialité d’un manquement fautif d’A B justifiant, par sa gravité intrinsèque comme par les précédents rappels à l’ordre auxquels il faisait suite, la rupture de son contrat de travail.


Le jugement déféré, qui a débouté le salarié des demandes qu’il formait au titre de la rupture du contrat de travail, doit par conséquent être confirmé.

- Sur les demandes accessoires :


A B, partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit supporter les dépens de l’instance.


Et il serait particulièrement inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce telles qu’elles ressortent des circonstances de fait ci-dessus exposées notamment, de laisser à la charge de la SARL RHODANIENNE DE NEGOCE ET DE LOCATION l’intégralité des sommes qu’elle a été contrainte d’exposer à nouveau pour la défense en justice de ses intérêts, de sorte qu’il convient de condamner A B à lui verser la somme de 500 euros par application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :


La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE A B à verser à la SARL RHODANIENNE DE NÉGOCE ET DE LOCATION la somme de cinq cents euros (500 euros) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE A B de la demande qu’il formait sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

CONDAMNE A B au paiement des dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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