Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 15 avril 2022, n° 19/04920

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 15 avr. 2022, n° 19/04920
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/04920
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 7 juillet 2019, N° F17/02809
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/04920 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPLS

[M]

C/

Société KEOLIS LYON

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 08 Juillet 2019

RG : F17/02809

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

APPELANT :

[V] [M]

né le 29 Octobre 1977 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Laurent CHABRY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société KEOLIS LYON

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM-ROCHON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laetitia PIERRE, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Février 2022

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— Patricia GONZALEZ, présidente

— Sophie NOIR, conseiller

— Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 Avril 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [V] [M] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société Keolis à compter du 29 août 2005, avec reprise d’ancienneté au 11 juillet 2005, au poste de conducteur receveur de véhicules de transport en commun.

Au dernier état des relations contractuelles, monsieur [M] occupait les fonctions de conducteur receveur, statut non-cadre, coefficient 210, palier 10, classe d’ancienneté 2E.

Du 18 au 27 novembre 2007, puis du 16 janvier 2017 jusqu’à son licenciement, monsieur [M] a été en arrêt de maladie.

Par courrier du 21 juin 2017, la société Keolis a convoqué monsieur [M] à un entretien préalable fixé au 30 juin 2017.

Monsieur [M] a également été convoqué à une audition fixée au 11 juillet 2017 ainsi qu’à un conseil de discipline le jour suivant. Le conseil s’est prononcé en faveur d’une mesure disciplinaire significative, considérant que le comportement fautif de monsieur [M] était parfaitement inacceptable.

Par courrier du 24 juillet 2017, la société Keolis a licencié l’intéressé pour faute grave, aux motifs qu’il avait violé à plusieurs reprises son obligation de loyauté en exerçant une activité de traiteur pendant son arrêt de maladie du 18 au 27 novembre 2016 ainsi que pendant son arrêt de maladie ayant débuté le 16 janvier 2017, alors que son contrat de travail interdisait le cumul d’emplois en raison d’une clause d’exclusivité et que l’activité de traiteur était une activité rémunérée et que Keolis lui avait viré un complément de salaire mensuel en sus des indemnités journalières de sécurité sociale.

Par requête du 21 septembre 2017, monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de voir condamner la société Keolis à lui verser les sommes suivantes : 3 668,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 366,80 euros bruts au titre des congés payés afférents, 4 979,31 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, 25 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire, outre 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [M] a également demandé au conseil de prud’hommes de condamner la société Keolis à lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés suite aux condamnations prononcées, le tout sous astreinte, d’ordonner l’exécution provisoire du jugement et de fixer subsidiairement la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme brute de 1 834,37 euros.

Par jugement du 8 juillet 2000, le conseil de prud’hommes de Lyon a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné en conséquence la société Keolis à verser à monsieur [M] la somme de 3 668,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 368,80 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 4 979,31 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a également condamné la société Keolis à remettre à monsieur [M] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la notification du jugement.

Le conseil a débouté monsieur [M] du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 12 juillet 2019, monsieur [M] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 4 mai 2020, il demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a dit que son licenciement ne reposait pas sur une faute grave et condamné la société Keolis à lui payer la somme de 3 668,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 368,80 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 4 979,31 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de réformer le jugement pour le surplus, de dire que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et que la procédure de licenciement a été vexatoire et de condamner la société Keolis à lui verser, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, la somme de 25 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il demande en outre la condamnation de Keolis aux dépens de première instance et d’appel.

Au dernier état de ses conclusions, déposées le 20 décembre 2000, la société Keolis demande à la cour de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a débouté monsieur [M] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail au titre d’une procédure de licenciement prétendument vexatoire.

La société Keolis demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à monsieur [M] la somme de 3 668,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 368,80 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 4 979,31 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à lui remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

La société Keolis sollicite de la cour qu’elle déboute monsieur [M] de ses demandes, qu’elle lui ordonne de rembourser les sommes perçues en exécution du jugement du conseil de prud’hommes, soit la somme totale de 9 538,16 euros et qu’elle le condamne à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n’est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s’ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L1232-1 du code du travail, l’employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail. Néanmoins, le code du travail prévoit « qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales » (L.1332-4).

En l’espèce, l’employeur, dans sa lettre de licenciement, reproche au salarié d’avoir violé à plusieurs reprises son obligation de loyauté en exerçant une activité de traiteur pendant son arrêt de maladie du 18 au 27 novembre 2016, ainsi que pendant son arrêt de maladie ayant débuté le 16 janvier 2017, alors que son contrat de travail interdit le cumul d’emplois en raison d’une clause d’exclusivité, que l’activité de traiteur est une activité rémunérée et que Keolis lui a viré un complément de salaire mensuel en sus des indemnités journalières de sécurité sociale.

Le cumul d’emplois ressort amplement des pièces communiquées par Keolis, et en particulier du constat d’huissier sur le réseau social Facebook, des échanges entre monsieur [M] et de futurs clients et des réponses apportées par le salarié aux membres du conseil de discipline (pièces 7, 9 et 14).

Pour autant, l’employeur ne caractérise pas en quoi les faits qu’il reproche à son salarié rendaient impossible son maintien dans l’entreprise et justifiaient la cessation immédiate du contrat de travail.

Par ailleurs, le contrat de travail de monsieur [M] prévoyait une activité partielle de 121,60 heures de travail par mois, si bien que Keolis ne pouvait lui imposer une obligation d’exclusivité.

Kéolis ne démontre pas en quoi monsieur [M] a fait preuve de déloyauté en travaillant pour son épouse dont l’activité n’était absolument pas concurrente de celle de son employeur. La société ne démontre pas non plus que monsieur [M] aurait abusé des arrêts de travail et ainsi désorganisé son fonctionnement, les seules dénonciations figurant dans le courrier anonyme du 22 mai 2017 n’étant pas suffisantes à cet égard.

Quant au complément de salaire mensuel versé en sus des indemnités journalières de sécurité sociale, en l’absence de contre-visite médicale organisée par Keolis dans les conditions prévues par la loi du 24 décembre 2009, il est dû au salarié nonobstant l’exercice par lui d’une autre activité au cours de son arrêt de travail. Keolis n’apporte d’ailleurs aucun élément susceptible d’établir que l’état de santé de son salarié ne lui permettait pas de participer à l’activité de son épouse.

La société Keolis ne pouvait donc pas licencier son salarié pour les motifs qu’elle a repris dans son courrier de notification du 24 juillet 2017. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Monsieur [M] sollicite la confirmation du jugement qui a condamné Keolis à lui verser 4179,30 euros au titre de l’indemnité de licenciement. Keolis ne contestant pas ce montant, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

En application de l’article L1234-5 du code du travail, la société Keolis est redevable envers monsieur [M] d’une indemnité compensatrice de préavis. Cette indemnité est calculée à partir de la rémunération brute du salarié ; les avantages en nature et les primes perçues sont prises en compte dans le calcul du salaire mensuel.

L’employeur indique dans ses conclusions que monsieur [M] percevait un salaire mensuel brut moyen de 1 834,37 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné Keolis à verser à monsieur [M] 3 668,74 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 366,87 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L1235-3 du contrat de travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est au minimum égale à 6 mois de salaires bruts.

Monsieur [M] fait valoir son ancienneté supérieure à 12 ans, sa carrière sans tache, sa situation de demandeur d’emploi et le traitement antidépresseur qui lui a été prescrit, son licenciement l’ayant particulièrement affecté.

En considération de ces éléments, le préjudice subi par monsieur [M] sera justement réparé par le paiement par Keolis d’une indemnité égale à 11 mois de salaire soit 20 178 euros.

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure vexatoire

La procédure utilisée par l’employeur doit être qualifiée de vexatoire dans la mesure où elle a entraîné pour monsieur [M] une comparution devant le conseil de discipline et un licenciement sans préavis.

Le jugement sera donc infirmé et Keolis condamnée à verser à monsieur [M] la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le remboursement des allocations de chômage

En application de l’article L 1235-4 du code du travail, la société Keolis devra rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à monsieur [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Keolis sera condamnée aux dépens de l’instance.

L’équité commande de la condamner à payer à monsieur [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Keolis Lyon à verser à monsieur [V] [M] la somme de 3 668,74 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 366,80 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 4 979,31 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de monsieur [V] [M] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Keolis à verser à monsieur [V] [M] une indemnité de 20 178 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Keolis à verser à monsieur [V] [M] une indemnité de 2 000 euros pour procédure vexatoire ;

Condamne la société Keolis à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à monsieur [M] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités ;

Condamne la société Keolis aux dépens d’appel ;

Condamne la société Keolis à verser à monsieur [V] [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le GreffierLa Présidente

Gaétan PILLIEPatricia GONZALEZ

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