Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 20 octobre 2020, n° 18/02160

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 3, 20 oct. 2020, n° 18/02160
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 18/02160
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Moselle, 28 juin 2018, N° 91501301
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 20/00248

20 Octobre 2020

---------------

N° RG 18/02160 – N° Portalis DBVS-V-B7C-E2JN

------------------

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la MOSELLE

29 Juin 2018

91501301

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt Octobre deux mille vingt

APPELANT

L’AGENT JUDICIAIRE DE l’ ETAT (AJE)

venant aux droits de l’Etablissement public CHARBONNAGES DE FRANCE suite à la clôture de sa liquidation

Ministères économiques et financiers

Direction des affaires juridiques

Télédoc 353

[…]

[…]

représenté par Me Laure HELLENBRAND, avocate au barreau de METZ substituée par Me ANTONIAZZI-SCHOEN , avocat au barreau de METZ

INTIMÉS

 :

CAISSE AUTONOME NATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE […]

ayant pour mandataire de gestion la CPAM de Moselle prise en la personne de son directeur

et pour adresse postale

L’Assurance Maladie des Mines

[…]

[…]

représentée par M. X,Attaché juridique, muni d’un pouvoir général

Monsieur A Z

[…]

[…]

représenté par Me Frédéric QUINQUIS de la SCP Michel LEDOUX et Associés, avocat au barreau de PARIS

dispensé de comparaître en application de l’article 446-1alinéa 2 du code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juillet 2020, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire, en audience à publicité restreinte en vertu de l’article 6-1 de l’ordonnance du n°2020-595 du 20 mai 2020 .

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme carole PAUTREL, Conseillère

Mme Sophie RECHT, Vice- Présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 16 mai 2014, Monsieur A Z, né le […], ancien salarié du 1er octobre 1962 au 30 novembre 1996 des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues l’établissement public Charbonnages de France, a adressé à la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les mines (la CNASSM) une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau 25A2, accompagnée d’un certificat médical initial du Docteur Y du 22 avril 2014, constatant une silicose chronique.

Suivant courrier du 04 septembre 2014, le caractère professionnel de cette maladie, silicose chronique, inscrite au tableau n° 25A2 des maladies professionnelles a été reconnu par la Caisse.

La Caisse a notifié à Monsieur A Z, le 09 octobre 2014, la fixation d’un taux d’incapacité permanente de 5% à compter du 23 avril 2014, lendemain de la date de consolidation, avec attribution d’une indemnité en capital de 1.948,44 euros.

Monsieur A Z a saisi, le 28 août 2015, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de Charbonnages de France à l’origine de sa maladie professionnelle du tableau n° 25A2.

La Caisse a été mise en cause.

Par jugement du 29 juin 2018, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle a :

— reçu l’Agent Judiciaire de l’Etat en son intervention volontaire suite à la clôture de la liquidation des Charbonnages de France venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine,

— dit que la maladie professionnelle de Monsieur A Z inscrite au tableau 25 est due à la faute inexcusable de son employeur, les Charbonnages de France, venant aux droits des Houillères du Bassin de Lorraine,

— ordonné la majoration à son maximum de l’indemnité en capital allouée à Monsieur A Z, soit la somme de 1.948,44 euros,

— dit que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur A Z en cas d’aggravation de son état de santé et qu’elle prendra effet à la date du nouveau taux accordé au titre de l’aggravation,

— jugé qu’en cas de décès de Monsieur A Z résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,

— fixé l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur A Z au titre de cette maladie à la somme de 23.000 euros au titre des souffrances physiques et morales

— rejeté la demande formée au titre du préjudice d’agrément,

— condamné la CPAM de Moselle agissant pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines à verser cette somme de 23.000 euros à Monsieur A Z avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

— condamné l’Agent Judiciaire de l’Etat à rembourser à la CPAM de la Moselle, les sommes qu’elle sera tenue d’avancer, en principal et intérêts, au titre de la majoration de l’indemnité en capital et des préjudices extra-patrimoniaux de Monsieur A Z sur le fondement de l’article L.452-3-1 du code de la Sécurité Sociale,

— condamné l’Agent Judiciaire de l’Etat à verser à Monsieur A Z la somme de 1.000 euros pour frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, les premiers juges relèvent que les mesures de protection mises en 'uvre étaient insuffisantes ; qu’il n’existait pas de dispositifs d’aérage et d’abattage de poussières satisfaisants et que les masques mis à disposition des salariés n’étaient pas suffisamment efficaces .

L’Agent Judiciaire de l’Etat, a, par déclaration adressée au greffe le 1er août 2018, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 18 juillet 2018.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 21 janvier 2020,date à laquelle l’affaire a fait l’objet d’un renvoi contradictoire, compte tenu d’un mouvement de grève des avocats, à l’audience du 28 avril 2020 qui n’a pu se tenir en raison de la crise sanitaire. L’affaire a fait l’objet d’une nouvelle fixation, sur convocation par lettres simples des parties, à l’audience du 06 juillet 2020.

Monsieur A Z a sollicité que le dossier soit mis en décision sur la base de ses écrits sans se présenter à l’audience du 06 juillet 2020, en application du deuxième alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation sanitaire, la cour a dispensé Monsieur A Z de comparaître.

Par conclusions datées du 19 juin 2020, soutenues oralement à l’audience par son conseil, l’Agent Judiciaire de l’Etat sollicite:

— à titre préalable de le déclarer recevable en son appel interjeté le 1er août 2018,

à titre principal

— de le déclarer bien fondé en son appel,

— d’infirmer purement et simplement ledit jugement en ce qu’il a retenu l’existence d’une faute inexcusable de l’exploitant minier,

— de dire et juger qu’aucune faute inexcusable n’a été commise par l’exploitant, aux droits et obligations duquel vient l’AJE, au préjudice de Monsieur A Z,

— de déclarer Monsieur A Z et l’Assurance Maladie des Mines mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de l’AJE,

— de les débouter de toutes leurs prétentions,

à titre subsidiaire

— d’infirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a alloué une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales de Monsieur A Z,

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur A Z au titre de son préjudice d’agrément,

— de débouter Monsieur A Z de sa demande de réparation au titre de l’ensemble de ses préjudices personnels

— plus subsidiairement encore de réduire à de plus justes proportions les demandes de Monsieur

A Z tendant à la réparation d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endures,

— en toute hypothèse de déclarer infondée toute demande que pourrait formuler Monsieur A Z sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites datées du 20 janvier 2020, Monsieur A Z sollicite de la Cour :

— de déclarer recevable et bien fondé son recours,

— de rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par l’Agent Judiciaire de l’Etat et l’Assurance Maladie des Mines,

— de dire et juger que la maladie professionnelle dont il est atteint est due à la faute inexcusable de son employeur la société Les Charbonnages de France aux droits de laquelle vient l’Agent Judiciaire de l’Etat suite à la clôture de sa liquidation le 31 décembre 2017,

— de fixer au maximum la majoration des indemnités, de dire et juger qu’en cas d’aggravation de son état de santé la majoration maximum de la rente suivra l’évolution de son taux d’IPP,

— de dire et juger qu’en cas de décès le principe de la majoration maximum de la rente restera acquis au conjoint survivant,

— de fixer la réparation de ses préjudices à la somme de 15.000 euros au titre du préjudice causé par les souffrances physiques, 25.000 euros au titre du préjudice causé par les souffrances morales, 10.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

— de dire et juger que l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

— de condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 10 janvier 2020, soutenues oralement à l’audience par son représentant, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle, intervenant pour le compte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines, sollicite:

— de lui donner acte qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la faute inexcusable de l’employeur,

— de lui donner acte qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation du montant de la majoration de l’indemnité en capital réclamée par Monsieur A Z,

— de fixer la majoration de l’indemnité en capital dans la limite de 1.948,44 euros,

— de prendre acte qu’elle ne s’oppose pas à ce que la majoration de rente suive l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur A Z,

— de constater qu’elle ne s’oppose pas à ce que le principe de la majoration de rente reste acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant en cas de décès de Monsieur A Z consécutivement à sa maladie professionnelle,

— de lui donner acte qu’elle s’en remet en ce qui concerne la fixation des préjudices extra- patrimoniaux subis par Monsieur A Z,

— de condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à lui rembourser les sommes qu’elle sera tenue de verser au titre de la majoration de l’indemnité en capital et des préjudices extra-patrimoniaux ainsi que des intérêts légaux subséquents, en application des dispositions de l’article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale,

— de constater que l’opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle T25A2 de Monsieur A Z est définitive à l’égard de l’employeur,

— de dire et juger que la décision de la Caisse du 18 juillet 2016 portant reconnaissance à titre de maladie professionnelle de l’affection présentée par Monsieur A Z est opposable à l’Agent Judiciaire de l’Etat.

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour un examen complet des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Sur la faute inexcusable de l’employeur

Attendu qu’à l’appui de son appel, l’Agent Judiciaire de l’État soutient que les Houillères du Bassin de Lorraine ont pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, dans le cadre de la prévention des risques, de l’information et de la formation, par la mise en 'uvre de moyens collectifs et individuels adaptés ; qu’elles ont mis en 'uvre tous les moyens utiles et efficaces dont elles pouvaient disposer à l’époque où Monsieur A Z travaillait ;

Attendu que Monsieur A Z fait valoir qu’il n’a pas bénéficié de mesures de protection efficaces ; que les Houillères du Bassin de Lorraine avaient une conscience parfaite du danger auquel elles l’exposait; qu’elles n’ont pas respecté la législation en vigueur ainsi que les connaissances scientifiques, techniques et médicales ;

* * * * * * * *

Attendu que l’article L. 452-1 du code de la Sécurité Sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire ;

qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise ;

que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ;

qu’il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ;

Attendu que l’Agent Judiciaire de l’État ne conteste pas le caractère professionnel de la maladie de Monsieur A Z, l’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs attestant que Monsieur A Z, affecté aux chantiers du fond, a été exposé au risque au sens du tableau 25A2 de 1962 à 1966 et de 1967 à 1996.

qu’il reconnaît que les Houillères du Bassin de Lorraine avaient une conscience éclairée du danger representé par l’inhalation des poussières de silice et revendique même la conscience de ce risque;

que les parties s’opposent sur l’existence et l’efficacité des mesures de protection individuelle et collective prises par l’employeur afin de préserver la victime du danger auquel elle était exposée ;

que ces mesures de protection sont déterminées par le décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines, reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 prévoyant l’évacuation des poussières ou, en cas d’impossibilité, la mise à disposition de moyens de protection individuelle ;

que son article 187 dispose que lorsque l’abattage, le chargement, le transport ou la manipulation du charbon peuvent entraîner la mise en suspension ou l’accumulation de poussières, des mesures efficaces doivent être prises pour s’y opposer ou y remédier ;

que l’instruction du 30 novembre 1956 prescrit des mesures de protection collective (arrosage et humidification des poussières) et individuelle (port d’un masque) précises et devant être efficaces ;

que s’agissant des masques, on peut lire dans l’instruction du 30 octobre 1956 que « seuls les masques à pouvoir d’arrêt élevé pour les particules de moins de 5 microns et à résistance faible à la respiration peuvent être pris en considération. La protection individuelle ne saurait être admise en remplacement d’une protection collective possible qui aurait été négligée. Elle ne doit être appliquée qu’en complément de la prévention collective qui doit toujours être poussée aussi loin que possible » ;

que s’agissant de la foration, il résulte de l’instruction de 1956 que « la foration habituelle en roche ou minerai à teneur élevée en silice libre ne doit être faite qu’avec des engins munis d’injection d’eau ou de captage à sec ou reconnus par l’ingénieur en chef des mines comme étant d’efficacité équivalente » ; que « cette règle intangible s’applique en particulier à la foration habituelle pour boulonnage du toit » et que « la foration au charbon ou en roche ou minerai contenant moins de 5. 100 de silice libre peut être faite sans injection d’eau ni captage à sec, à condition d’être rotative et non soufflante ou que le massif soit au préalable suffisamment humidifié » ;

qu’il résulte du relevé de périodes et d’emplois du 26 mai 2014 établi par l’Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs que Monsieur A Z a été affecté à l’Unité d’explotation de La HOUVE du 1er novembre 1963 au 30 novembre 1996 successivement en qualité d’ouvrier annexe travaux de préparation charbon (octobre 1962 à décembre 1969), de piqueur traçage charbon (janvier 1970 à mai 1975), de boutefeu ( juin 1975 à mars 1978), de piqueur-boutefeu au rocher (décembre 1978 à octobre 1979), de boutefeu (novembre 1979 à janvier 1980), de piqueur boutefeu au rocher ( février 1980 à mars 1982), technicien stagiaire mars 1982 à octobre 1982, de porion d’exploitation( novembre 1982 à novembre 1996) ;

Attendu que Monsieur A Z produit aux débats le témoignage circonstancié, d’un de ses anciens collègues directs, Monsieur B C qui, exposant avoir travaillé aux HBL de 1957 à 1989, déclare avoir travaillé avec M. Z lorsqu’il était boutefeu dans la même équipe que lui;qu’il précise qu’à l’arrière du front, quand il y avait un gros bloc, il fallait le tirer et donc forer et que cette foration se faisait à sec car il n’y avait pas de robinet d’eau à proximité, que postérieurement au tir du massif à l’explosif ils étaient exposés aux fumées de tir et aux poussières ; que les godets des chargeuses soulevaient beaucoup de poussières à chaque déversement malgré l’arrosage superficiel du tas avant le chargement; que les masques se bouchaient très vite, n’épousaient pas toujours les contours du visage et étaient souvent mis de côté ; que le déversement des produits dans la berline soulevait beaucoup de poussières malgré les duses d’arrosage trop souvent bouchées; qu’il y avait énormement de poussières dans la galerie; que lorsqu’ils réalisaient le boulonnage des cintres, la foration se faisait également à sec en l’absence de robinets d’eau à

proximité;

que Monsieur D E employé des HBL de 1975 à 1996, qui déclare également avoir travaillé avec la victime, expose qu’au service rocher, ils retournaient rapidement au front à travers les fumées de tir, après les tirs à l’explosif afin de gagner du temps; que lors du chargement avec convoyeur blindé, Monsieur Z était occupé à casser les blocs de pierre ce qui provoquait la libération de beaucoup de poussières, qu’il n’avait pas de masques adapté pour ce travail pénible,

que Monsieur F G employé aux HBL de 1964 à 1995, atteste avoir travaillé avec M. Z aux mineurs continus 3 et 4 ,qu’il n’y avait pas de dépoussiéreurs , que lorsqu’ils rencontraient une faille, ils foraient la pierre avec la perforatrice à sec, que lors du tir à l’explosif les galeries étaient très empoussiérées, qu’ils réalisaient le boulonnage du toit à sec, que les masques étaient souvent bouchés, qu’il n’y avait pas ou peu de filtre de rechange et que beaucoup de mineurs ne les portaient pas;que lorsque le mineur havait au mur il y avait beaucoup de poussières car l’arrosage était très insuffisant, que les débits d’air étaient beaucoup trop faibles et que les poussières s’évacuaient mal ;

que si l’AJE relève que ces attestations manquent de précision quant aux postes et services précisément occupés par les témoins et périodes durant lesquelles ils ont travaillé avec M. Z, il n’y a pas lieu de les écarter de ce seul fait dès lors que ces témoins décrivent les tâches qu’ils l’ont vu accomplir , que les faits qu’ils relatent sont concordants et non utilement critiqués par l’Agent Judiciaire de l’Etat qui ne verse aux débats aucun élément de nature à élever des doutes sur l’authenticité des faits relates.

que ces témoignages concordants confirment l’insuffisance des mesures de protection individuelle et collective mises en place par Charbonnages de France pour protéger la victime ;

que l’Agent Judiciaire de l’Etat développe seulement des considérations d’ordre général ; que s’il ressort des pièces qu’il produit que des mesures ont été progressivement mises en 'uvre au cours des années pour améliorer l’arrosage des haveuses, lutter contre les poussières provenant du soutènement et favoriser l’aérage de la taille, ces pièces ne contiennent aucun élément sur les conditions concrètes de travail de Monsieur A Z et ne permettent pas de contredire la situation dans laquelle il s’est trouvée décrite par les témoins;

que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a admis l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur.

Sur les conséquences financières de la faute inexcusable :

Sur la majoration de rente :

Attendu qu’aucune discussion n’existe à hauteur de Cour concernant les dispositions du jugement entrepris ayant ordonné la majoration au maximum de l’indemnité en capital revenant à la victime sans que cette majoration ne puisse excéder la somme de 1.948,44 euros, ayant dit que cette majoration sera versée directement par la Caisse à Monsieur A Z,qu’elle suivra l’évolution du taux d’IPP de la victime en cas d’aggravation de son état de santé due à sa maladie professionnelle et qu’en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ; que ces dispositions sont par conséquent confirmées.

Sur les préjudices personnels de Monsieur A Z:

Attendu que Monsieur A Z demande que l’indemnisation de ses préjudices personnels soit portée à la somme de 15.000 euros au titre du préjudice causé par les souffrances

physiques, 25.000 euros au titre du préjudice causé par les souffrances morales, 10.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

Attendu que l’Agent Judiciaire de l’Etat sollicite la confirmation du jugement entrepris en tant qu’il a débouté Monsieur A Z de sa demande au titre du préjudice d’agrément et l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a alloué une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales sollicitant le débouté des conclusions adverses à ce titre;

Attendu que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Moselle s’en remet à la Cour ;

*******

Attendu que la rente ou l’indemnité en capital versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise d’une part les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et d’autre part le déficit fonctionnel permanent incluant les douleurs permanentes de sorte que sont réparables en application de l’article L. 452-3 du code de la Sécurité Sociale, les souffrances physiques et morales endurées par la victime et non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;

qu’il en résulte que sont indemnisables au titre des souffrances physiques et morales, celles subies par la victime avant consolidation ;

qu’en l’espèce, la consolidation des lésions imputables à la maladie professionnelle du tableau n° 25 de Monsieur A Z a été fixée par la Caisse au 22 avril 2014, date du certificat médical initial, au lendemain de laquelle elle lui a reconnu un taux d’incapacité permanente partielle de 5% ;

que Monsieur Z ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer l’existence de souffrances physiques subies avant le 22 avril 2014;

qu’après consolidation, les douleurs permanentes liées à l’état séquellaire étant indemnisées dans le cadre du déficit fonctionnel permanent par la rente ou l’indemnité en capital, il appartient à la victime de démontrer l’existence d’un préjudice distinct ;

que les pièces médicales qu’il produit, postérieures au 22 avril 2014 dont notamment le certificat médical du 30 mars 2015 du Docteur LE QUANG faisant état d’une dyspnée associée à des oppressions thoraciques avec des plaintes de sensation de suffocation, ne caractérisent pas l’existence de souffrances physiques subies qui ne soient pas déjà indemnisées dans le cadre du déficit fonctionnel permanent;

qu’il convient, en conséquence, de débouter M. Z de sa demande au titre des souffrances physiques ;

que s’agissant du préjudice moral, Monsieur Z était âgé de près de 67 ans lorsqu’il a appris par le scanner thoracique du 11 mars 2014 qu’il était atteint de silicose; que la nécessité de se soumettre à un suivi médical régulier face au risque à tout moment de dégradation de l’état de santé et de menaces sur le pronostic vital,constitue un préjudice spécifique se distinguant des souffrances psychologiques associées à l’atteinte séquellaire réparées au titre du déficit fonctionnel permanent et devant être indemnisé en tant que tel, sans encourir le reproche d’une double indemnisation.

que le montant de 12.000 euros constitue une juste et intégrale indemnisation de ce chef de dommage ;

que s’agissant du préjudice d’agrément, l’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit

justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer ;

que les troubles dans les conditions d’existence et la perte de qualité de vie sont indemnisés dans le cadre du déficit fonctionnel permanent par la rente ou l’indemnité en capital et n’ont pas lieu d’être indemnisés sous couvert d’un préjudice d’agrément général ;

que force est de constater que Monsieur Z ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière d’une activité spécifique sportive ou de loisir, quelle qu’elle soit, avant l’annonce de sa maladie professionnelle du tableau n° 25, que les attestations produites de ses proches ne permettent pas d’établir la réalité de ce préjudice de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Z de sa demande au titre du préjudice d’agrément;

que c’est en définitive une somme de 12.000 euros que la Caisse devra verser à Monsieur Z, au titre de son préjudice moral ;

que jugement entrepris est par ailleurs confirmé en ce qu’il a fait droit à l’action récursoire de la Caisse contre l’Agent Judiciaire de l’ Etat ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu que l’Agent Judiciaire de l’Etat,succombant en grande partie, il convient de confirmer les frais irrépétibles de première instance et de condamner l’ AJE à payer à Monsieur Z la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle du 29 juin 2018 en ce qu’il a fixé l’indemnisation des préjudices personnels subis par Monsieur A Z à la somme de 23.000 euros au titre des souffrances morales et physiques et en ce qu’il a condamné la Caisse à verser cette somme à Monsieur A Z avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.

Statuant à nouveau,

FIXE l’indemnisation en réparation du préjudice moral subi par Monsieur A Z à la somme de 12.000 euros.

DEBOUTE Monsieur A Z de sa demande au titre du préjudice physique.

DIT que la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines devra verser à Monsieur A Z au titre de ses préjudices personnels la somme de 12.000 euros correspondant à son préjudice moral.

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus.

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’ Etat à payer à Monsieur A Z la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT n’y avoir lieu à dépens.

Le Greffier, La Présidente,

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