Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 28 février 2022, n° 20/01290

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 3, 28 févr. 2022, n° 20/01290
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 20/01290
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Metz, 19 mai 2020, N° 17/00901
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 22/00082

28 Février 2022

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N° RG 20/01290 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FJ36

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Tribunal Judiciaire de METZ

20 Mai 2020

[…]

------------------


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

Section 3 – Sécurité Sociale

ARRÊT DU

vingt huit Février deux mille vingt deux

APPELANT :

FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE

[…]

[…]

[…]


Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ

INTIMÉS :

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT


Ministères économiques et financiers- Direction des affaires


Juridiques-Charbonnage France- 6 rue Louise Weiss TELEDOC331
Représentée par Me Cathy NOLL, avocat au barreau de MULHOUSE

substitué par Me ANTONIAZZI, avocat au barreau de METZ

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE

[…]

[…]

représentée par Madame SCHOUG, munie d’un pouvoir général

Monsieur A Y

[…]

[…]

représenté par Me DILLENSCHNEIDER, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Octobre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d’instruire l’affaire.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Sophie RECHT, Vice-Présidente placée

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier

ARRÊT : contradictoire


Prononcé publiquement après prorogation du 2.12. 2022

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;


Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE


Le 19 septembre 2013, Monsieur A Y, né le […], ancien salarié du 7 mai 1965 au 30 septembre 1994, des […], devenues l’établissement public Charbonnages de France, a adressé à la CPAM de Moselle (la Caisse) une déclaration de maladie professionnelle inscrite au tableau 30 B, accompagnée d’un certificat médical initial du Docteur X du 15 juillet 2013, constatant des «  surélévations pleurales nodulaires partiellement calcifiées dans les deux lobes supérieurs ».
Le Tribunal des Affaires de sécurité sociale de la Moselle a, le 20 avril 2016, sur contestation de M. Y de la décision de refus de prise en charge de la Caisse, dit que les conditions du tableau n° 30B sont réunies.


En application de ce jugement, la Caisse a, le 20 mai 2016, reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles.


La CPAM de Moselle a notifié à Monsieur A Y, le 4 juillet 2016, la fixation d’un taux d’incapacité permanente de 5% à la date du 16 juillet 2013, lendemain de la date de consolidation, avec attribution d’une indemnité en capital de 1.948 euros.

Monsieur A Y a saisi, le 12 août 2016, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) d’une demande d’indemnisation. Il a accepté l’offre de cet organisme fixant l’indemnisation des préjudices à un capital de 21048,96 euros au titre du préjudiced’incapacité fonctionnelle ( 6448,96 euros), moral ( 13400 euros), du préjudice physique ( 200 euros) et du préjudice d’agrément.( 1000 euros).

Monsieur A Y a saisi la Caisse en janvier 2017, d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, Charbonnages de France.


Faute de conciliation, Monsieur A Y a saisi, le 24 octobre 2016, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Moselle d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de Charbonnages de France à l’origine de sa maladie professionnelle du tableau n° 30B.


La CPAM de Moselle a été mise en cause et le FIVA est intervenu volontairement à l’instance.


Par jugement du 20 mai 2020, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz a :


- déclaré le jugement commun à la CPAM de Moselle,


- reçu l’Agent judiciaire de l’Etat en ses intervention volontaire et reprise d’instance suite à la clôture des opérations de liquidation de Charbonnages de France,


- déclaré Monsieur A Y recevable en son action,


- déclaré le FIVA subrogé dans les droits de Monsieur Y, recevable en son action,


- dit que la maladie professionnelle de de Monsieur A Y, inscrite au tableau 30B est due à la faute inexcusable de son employeur, les […], devenues l’établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’Etat,


- ordonné la majoration maximale de l’indemnité en capital allouée à Monsieur A Y, soit à la somme de 1.948,44 euros,


- dit que cette majoration sera directement versée par la CPAM de Moselle au FIVA, créancier subrogé.


- dit que cette majoration pour faute inexcusable suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur A Y en cas d’aggravation de son état de santé et qu’en cas de décès de Monsieur Y résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant,


- débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation présentées au titre des souffrances physiques et morales endurées ainsi qu’au titre du préjudice d’agrément,
- déclaré l’AJE irrecevable en sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge rendue le 20 mai 2016 par la CPAM de Moselle;


- condamné l’Agent judiciaire de l’Etat à rembourser à la CPAM de Moselle, l’ensemble des sommes que cet organisme sera tenu d’avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre de la pathologie professionnelle de Monsieur Y inscrite au tableau 30B,


- condamné l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens;


- dit que l’ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement;


- ordonné l’exécution provisoire de la décision.


Le FIVA, a, par déclaration adressée au guichet unique de greffe du Palais de Justice de METZ , le 2 juillet 2020, interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée,par LRAR du 28 juin 2020, l’appel étant limité à la disposition le déboutant de ses demandes d’indemnisation présentées au titre des souffrances physiques et morales et du préjudice d’agrément.


Par conclusions datées du 27 septembre 2021, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante sollicite de la Cour :


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Monsieur A Y;


- de fixer l’indemnisation des préjudices personnels de Monsieur A Y à la somme de 13.400 euros au titre du préjudice moral,200 euros au titre du préjudice physique et 1000 euros au titre du préjudice d’agrément;


- de juger que la CPAM de Moselle devra verser cette somme de 14.600 euros au FIVA, créancier subrogé,


- de confirmer le jugement pour le surplus,


- de condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au FIVA une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,


- de condamner la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du code de procédure civile.


Par conclusions datées du 16 octobre 2021, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, l’Agent judiciaire de l’Etat, sollicite:

à titre principal et d’appel incident:


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la preuve de l’exposition de Monsieur Y au sens du tableau 30B des maladies professionnelles serait rapportée,

par conséquent, statuant à nouveau:


- de débouter Monsieur Y, le FIVA et la CPAM de Moselle de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’exposition de Monsieur Y au sens du tableau 30B des maladies professionnelles n’étant pas rapportée, à titre subsidiaire et d’appel incident:


- d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la preuve d’une faute inexcusable commise par l’exploitant minier serait rapportée,

par conséquent, statuant à nouveau:


- de débouter Monsieur Y, le FIVA et la CPAM de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de l’AJE, la preuve de l’exposition de Monsieur Y au sens du tableau 30B des maladies professionnelles n’étant pas rapportée,

à titre infiniment subsidiaire,si par extraordinaire la faute inexcusable venait à être retenue:


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le FIVA de ses demandes d’indemnisation des souffrances morales et physiques subis par Monsieur Y,

par conséquent,


- de débouter le FIVA de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées par Monsieur Y,


- plus subsidiairement encore de réduire à de plus justes proportions la demande du FIVA au titre des souffrances physiques et morales endurées par Monsieur Y;


- sur le préjudice d’agrément de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le FIVA de sa demande

en tout état de cause


- de déclarer infondée la demande présentée par Monsieur Y au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, par conséquent l’en débouter ou tout au moins réduire toute condamnation à la somme de 500 euros,


- de déclarer infondée la demande du FIVA à ce titre, par conséquent le débouter purement et simplement de ce chef,


- de dire n’y avoir lieu à dépens.


Par conclusions datées du 12 octobre 2021, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son conseil, Monsieur A Y sollicite de la Cour :


- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

en conséquence,


- de déclarer recevable et bien fondé son recours,


- de rejeter toutes les exceptions et fins de non-recevoir invoquées par l’Agent judiciaire de l’ Etat et la Caisse,


- de dire et juger que sa maladie professionnelle est due à une faute inexcusable de son employeur, les HBL devenues l’établissement public les Charbonnages de France aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’Etat,
- de fixer au maximum l’indemnité en capital dont il bénéfice aux termes des dispositions du code de la sécurité sociale et dire que cette majoration sera directement versée par la CPAM de Moselle au FIVA;


- de dire et juger qu’en cas d’aggravation de son état de santé, la majoration maximum de la rente suivra l’évolution du taux d’IPP de la victime,


- de dire et juger qu’en cas de décès imputable à sa maladie, le principe de la majoration maximum de la rente restera acquis au conjoint survivant,


- de dire et juger que l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement;


- de condamner l’Agent judiciaire de l’Etat au paiement d’une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- de condamner l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens ;


- d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir;


Par conclusions datées du 14 septembre 2021, soutenues oralement à l’audience de plaidoirie par son représentant, la Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle sollicite:


- de lui donner acte qu’elle s’en remet à la sagesse de la Cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à Charbonnages de France (AJE),

le cas échéant:


- de lui donner acte qu’elle s’en remet à la Cour en ce qui concerne la fixation des préjudices extrapatrimoniaux réclamés par le FIVA,


- de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande d’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge par la Caisse,


- de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’Agent Judiciaire de l’Etat à rembourser à la Caisse les sommes qu’elle a déjà versées au FIVA au titre de la majoration de l’indemnité en capital et de condamner l’ AJE à lui rembourser les sommes qu’elle peut être amenée à verser au titre des préjudice extrapatrimoniaux.


SUR CE:

Sur l’exposition au risque « amiante »:


L’Agent Judiciaire de l’Etat conteste l’exposition habituelle de Monsieur A Y au risque « amiante » et soutient qu’aucun des emplois occupés ne l’a exposé à ce risque;s’agissant des attestations produites,il relève qu’aucun relevé de périodes d’emplois n’est joint aux témoignages versés aux débats par M. Y, de sorte que les périodes d’emploi des témoins, leurs fonctions et le site d’affectation qui sont invérifiables.


Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et Monsieur Y font valoir qu’il a été exposé aux poussières d’amiante durant de nombreuses années;


La Caisse s’en remet à l’appréciation de la Cour.
*****************


Aux termes de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau .


Le tableau n°30B désigne les plaques pleurales confirmées par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l’inhalation de poussières d’amiante ; ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection dont notamment des travaux d’entretien et de maintenance effectués sur des équipements ou dans des locaux contenant des matériaux à base d’amiante,de sorte que ce tableau n’impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu’il ait effectué des travaux l’ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d’amiante .


Il n’est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur A Y répond aux conditions médicales du tableau n° 30B ; seule est discutée son exposition habituelle au risque d’inhalation de poussières d’amiante.


Les plaques pleurales sont une maladie caractéristique de l’inhalation des poussières d’amiante.


Il résulte du certificat de travail établi par les HBL que Monsieur A Y a travaillé exclusivement dans les chantiers du fond entre mai 1965 et septembre 1994, à SAINTE- FONTAINE comme boiseur-foudroyeur et abatteur boiseur,( 1965-1970) puis à VOUTERS comme abatteur-boiseur, conducteur de machine d’abattage, piqueur d’élevage, préposé déblocage en voie et préparateur installateur entretien monorail ( Juin 1970 à septembre 1994).

Monsieur A Y produit les attestations précises et circontanciées d’anciens collègues directs de travail , non utilement critiquées par l’AJE qui ne verse aux débats aucun élément de nature à douter de la sincérité des faits relatés , Messieurs B C ( 1970 à 1979) et D E ( 1981 à 1992) qui caractérisent son exposition habituelle au risque d’inhalation des poussières d’amiante au sein des […], lors de l’utilisation d’engins dont les garnitures de frein étaient composées d’amiante, tels que treuils , palans… ;


La présence d’amiante dans certains outils et engins utilisés au fond n’est pas contestée par l’AJE et ressort également de ses pièces générales, produites aux débats.Il admet ainsi que certains joints utilisés au fond de la mine étaient constitués de matériaux contenant des fibres d’amiante et que les freins des treuils pouvaient contenir de l’amiante mais qu’ils étaient équipés de capots à partir du milieu des années 1970 ce qui qui évitait l’envol des poussières.


Il convient de relever à ce titre que M. Y a travaillé plus de 29 ans dans les chantiers du fond dont environ 10 ans avant que les treuils ne soient équipés de capots.


Si l’AJE n’admet qu’une quantité négligeable de fibres libérées , cette affirmation ne saurait écarter la présomption d’imputabilité qui découle de l’établissement de l’exposition habituelle à l’inhalation de poussières d’amiante, indépendamment de la question de la nocivité, le tableau 30 ne fixant pas de seuil d’exposition.


L’ensemble de ces éléments établit que Monsieur A Y, dans l’atmosphère confinée des chantiers du fond, a été exposé de façon habituelle au risque d’inhalation des poussières d’amiante


L a m a l a d i e d é c l a r é e p a r M o n s i e u r B A R R O S r e m p l i s s a n t t o u t e s l e s c o n d i t i o n s médico-administratives du tableau n° 30B et en l’absence de toute preuve contraire que le travail n’a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le caractère professionnel des plaques pleurales dont se trouve atteint Monsieur Y est établi à l’égard des […], devenues l’établissement public Charbonnages de France auquel se substitue l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Sur la faute inexcusable de l’employeur :


L’Agent Judiciaire de l’Etat, outre la contestation de l’exposition au risque « amiante », soutient que les […] ne pouvaient avoir conscience du risque et qu’elles ont mis en 'uvre tous les moyens nécessaires pour protéger les salariés des risques connus à chacune des époques de l’exploitation, avec les données connues et les mesures de protection qui existaient ; qu’elles ont parfaitement satisfait à leur obligation de prévention et de sécurité et qu’aucun défaut d’information ne peut leur être reproché. Il conteste la valeur probante des attestations produites par M. Y.

Monsieur Y fait valoir que compte tenu de l’inscription des affections respiratoires liées à l’amiante dans un tableau des maladies professionnelles à partir de 1945, des connaissances scientifiques raisonnablement accessibles à l’époque, de la réglementation applicable relative à la protection contre les poussières et de l’importance de l’organisation et de l’activité de cet employeur, celui-ci aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; que ni l’information, ni les moyens nécessaires à sa protection n’ont été mis en 'uvre par Charbonnages de France.


Le FIVA soutient les arguments de M. Y.


La Caisse s’en remet à la sagesse de la Cour.

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L’ article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire .


En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise; les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l’employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur.


Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.


Il incombe au salarié qui invoque la faute inexcusable de son employeur de rapporter la preuve de ce que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé et de ce qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.


S’agissant de la conscience du danger, c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont caractérisé la conscience que Charbonnages de France a ou aurait du avoir du danger lié au risque d’inhalation des poussières d’amiante;


S’agissant des mesures de protection mises en oeuvre, une réglementation en matière de protection contre l’ empoussiérage a existé très tôt et a connu une évolution particulière à partir de 1951, date du décret n° 51-508 du 4 mai 1951 portant règlement général sur l’exploitation des mines dont l’article 314 énonce : « Des mesures sont prises pour protéger les ouvriers contre les poussières dont l’inhalation est dangereuse »;'une instruction du 15 décembre 1975 relative aux mesures de prévention médicales dans les mines de houille a introduit la notion de pneumoconiose autre que la silicose et a préconisé des mesures de prévention telles que des mesures d’empoussiérage, de classement des chantiers empoussiérés, de détermination de l’aptitude des travailleurs aux différents chantiers et de leur affectation dans les chantiers empoussiérés.

Monsieur D E qui expose avoir travaillé dans le service déblocage principal à VOUTERS avec M. A Y de 1981 à 1992, atteste l’avoir vu nettoyer des joints amiantés, les enlever et les polir à la toile émeri, l’avoir vu utiliser toutes sortes d’engins de levage et de traction, treuils, palans, neuhaus pourvus de ferrodos qui en fonctionnant dégageaient des fibres d’amiante et ce, sans protections particulières.Il souligne qu’à l’époque, ils n’ont pris aucune précaution particulière contre ce risque qu’ils ne connaissaient pas, n’ayant reçu aucune information sur ce danger.


Cette attestation est confortée par celle de M. F Z qui a travaillé entre 1963 et 1997 au siège VOUTERS, notamment comme délégué mineur dans les chantiers d’exploitation des dressants entre 1985 et 1997, chantiers dans lesquels Monsieur Y a aussi travaillé entre 1970 et 1981 ainsi qu’il résulte de son relevé de carrière

( pièce A de l’AJE). Monsieur Z confirme que les mineurs n’avaient alors pas d’équipement spécial les protégeant des poussières d’amiante libérés par le fonctionnement des engins utilisés au fond et notamment ne disposaient pas de masques adaptés.


L’AJE ne verse au dossier aucun élément de nature à remettre en cause la sincérité de ces témoignages concordants qu’il n’y a pas lieu d’écarter.Il ne peut sans contradiction prétendre que les HBL ont pris tous les moyens nécessaires pour protéger les mineurs contre le danger lié à l’amiante et en même prétendre qu’ils ne pouvaient avoir conscience de ce risque avant 1996.


Les explications qu’il fournit fournies et les pièces générales qu’il produit établissent que la lutte contre les poussières avait manifestement pour objectif essentiel la lutte contre la silicose.


Si sont produits des comptes-rendus de réunion ou rapports émanant des services médicaux du travail devant certaines instances, telles que le comité d’hygiène et de sécurité, évoquant les maladies liées à l’utilisation de l’amiante, ces documents ne sont pas de nature à contrecarrer les témoignages précités et à démontrer que la victime a bénéficié de moyens de protection efficaces alors que les poussières d’amiante beaucoup plus fines que les poussières de silice nécessitaient des protections respiratoires spécifiques et qu’il ressort de l’annexe au compte rendu de la réunion du comité de Bassin du 12 septembre 1996 qu’une action de sensibilisation de l’ensemble du personnel concernant l’amiante était seulement, à cette date, en préparation .


Enfin, si l’AJE souligne que Charbonnages de France a mis en place une surveillance médicale spéciale amiante dès 1977, il ne précise toutefois pas à quels salariés elle s’était appliquée et si Monsieur Y en a été bénéficiaire ; cette surveillance médicale ne peut, en tout état de cause être considérée comme un moyen suffisant de prévention des maladies liées à l’inhalation des poussières d’amiante, ayant seulement pour objet de constater la présence de la maladie en vue de son traitement.


Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la maladie professionnelle de Monsieur Y inscrite au tableau 30 B est due à la faute inexcusable de son employeur, les […] devenues Charbonnages de France.

Sur les conséquences financières de la faute inexcusable :

Sur la majoration de l’indemnité en capital:
Aaucune discussion n’existe à hauteur de Cour concernant la majoration au maximum de l’indemnité en capital allouée à la victime; cette majoration sera versée directement par la Caisse au FIVA, créancier subrogé; elle suivra l’évolution du taux d’incapacité permanente partielle de Monsieur Y en cas d’aggravation de son état de santé et en cas de décès résultant des conséquences de sa maladie professionnelle 30B , le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant.


Le jugement entrepris est confirmé sur l’ensemble de ces points.

Sur les souffrances physiques et morales subies par Monsieur Y:


Le jugement entrepris a débouté le FIVA de sa demande de réparation des souffrances physiques et morales subies par M. Y.


L’Agent Judiciaire de l’Etat soutient que seules les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, c’est à dire celles endurées pendant la période antérieure à la date de consolidation, peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire; que la date de consolidation coïncide avec la date du certificat médical initial de sorte que le FIVA ne peut se prévaloir d’un déficit fonctionnel temporaire et ne peut revendiquer l’existence d’un préjudice moral et de souffrances physiques non déjà indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent.


Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante fait valoir qu’il résulte de la rédaction de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par le capital ou la rente majorés sont totalement distincts des préjudices visés à l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d’IPP.


Il expose que M. Y se plaint de dyspnée à l’effort et d’expertorations et souffre de troubles ventilatoires avec bronchectasie et que son préjudice consiste dans l’anxiété résultant de la connaisance de sa maladie liée à l’amiante et de la crainte de la voir évoluer.

* * * * * * * *

ll résulte de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisés à ce titre l’ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l’accident ou l’évènement qui lui est assimilé.


L’indemnisation des souffrances physiques et morales prévues par ce texte ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l’absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui n’est ni prévue par ce texte, ni par les dispositions des articles L.434-1, L.434-2 et L.452-2 du code de la sécurité sociale, puisque la rente servie après consolidation est déterminée par la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ne comprenant pas la prise en compte de quelconques souffrances, sur la base d’un salaire de référence, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité. Si la notion de douleurs est évoquée par le barème, celles-ci se rapportent aux conditions d’évaluation de l’incapacité fonctionnelle et ne sont pas prises en compte isolément. Il s’ensuit que la rente et sa majoration ne peuvent indemniser les souffrances endurées.


S’agissant des souffrances physiques subies , le rapport médical d’évaluation du taux d’IPP en AT/MP établi par le médecin conseil de la caisse le 8 juin 2016 mentionne une dyspnée d’effort , des troubles ventilatoires avec bronchectasie dont l’imputabilité à la maladie professionnelle du tableau n° 30B n’est pas établie, sachant que M. Y souffre par ailleurs d’une silicose indemnisée à 10% ( cf certificat médical initial du Dr X du 15 juillet 2013) et que le médecin conseil a conclu à l’absence de retentissement fonctionnel de la maladie du tableau n°30B.


Le FIVA est, par conséquent, débouté d sa demande à ce titre.


S’agissant du préjudice moral, Monsieur Y était âgé de 69 ans lorsqu’il a appris qu’il était atteint de plaques pleurales.


L’anxiété indissociable du fait de se savoir atteint d’une maladie irréversible due à l’amiante et liée aux craintes de son évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l’allocation d’une somme de 10000 euros de dommages-intérêts eu égard à la nature de la pathologie en cause et à l’âge de Monsieur Y au moment de son diagnostic.


Sur le préjudice d’agrément


L’indemnisation de ce poste de préjudice suppose qu’il soit justifié de la pratique régulière par la victime, antérieurement à sa maladie professionnelle, d’une activité spécifique sportive ou de loisir qu’il lui est désormais impossible de pratiquer.


En l’espèce, force est de constater que le FIVA ne rapporte pas la preuve de la pratique régulière par Monsieur Y avant le diagnostic de sa maladie professionnelle d’une activité spécifique sportive ou de loisir quelle qu’elle soit.


La demande présentée par le FIVA au titre du préjudice d’agrément sera ainsi rejetée.

*****


C’est par conséquent, en définitive un montant de 10.000 euros qui revient au FIVA créancier subrogé, montant qui devra lui être versé directement par l’organisme de sécurité sociale.


Le principe de l’action récursoire dont dispose la caisse tant sur le fondement de l’article L 452-2 ( majoration de rente) que de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale ( préjudices personnels ) qui a déjà été affirmé par le jugement entrepris est confirmé, aucune discussion n’existant sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :


L’issue du litige conduit la Cour à condamner l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et à Monsieur Y, à chacun, la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .


L’Agent Judiciaire de l’Etat qui succombe supporte les dépens de première instance dont les chefs sont nés à compter du 1er janvier 2019 ainsi que les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris du 20 mai 2020 du Tribunal Judiciaire de METZ en ce qu’il a débouté le FIVA de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice moral de Monsieur A Y ,


Statuant à nouveau sur ce point,

FIXE l’indemnité réparant le préjudice moral subi par Monsieur A Y à la somme de 10.000 euros.
DIT que la CPAM de Moselle devra verser au FIVA ladite somme de 10.000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,sauf en ce qui concerne les dépens,

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer au FIVA et à Monsieur A Y, à chacun, la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,pour l’instance d’appel.

CONDAMNE l’Agent Judiciaire de l’Etat aux dépens de première instance dont les chefs sont nés à compter du 1er janvier 2019 et aux dépens d’appel.


Le Greffier Le Président 1. G H I J

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Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 3, 28 février 2022, n° 20/01290