Cour d'appel de Montpellier, 4° chambre sociale, 1er juin 2011, n° 10/06099

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 4° ch. soc., 1er juin 2011, n° 10/06099
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 10/06099
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 9 juin 2010

Sur les parties

Texte intégral

XXX

4° chambre sociale

ARRÊT DU 01 Juin 2011

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/06099

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 juin 2010 conseil de prud’hommes – formation paritaire de montpellier

N° RGF 09/1133

APPELANT :

Monsieur D X

XXX

XXX

Représentant : Me Nicolas GANGLOFF (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SA CONFORAMA prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

XXX

Représentant : Me DI SALVO Floriane (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 AVRIL 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D’HERVE, Président de Chambre, chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre D’HERVE, Président de Chambre

Madame F G, Conseillère

Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

— signé par Monsieur Pierre D’HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

Alors qu’il était salarié de société anonyme CONFORAMA France en qualité de vendeur très qualifié, groupe G4 niveau 1 de la convention collective nationale du négoce de l’ameublement, affecté au rayon meubles du magasin 'Conforama Montpellier’ situé à Lattes, D X a été convoqué par son employeur suivant lettre recommandée datée du 2 février 2009 à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour faute grave, entretien fixé au 9 février 2009, puis par lettre recommandée datée du 9 février 2009 à un entretien préalable aux mêmes fins, fixé au 19 février 2009.

Il a été licencié par son employeur suivant lettre recommandée du 2 mars 2009 rédigée comme suit :

' A deux reprises, par courrier recommandé du 2 février que vous avez réceptionné le 4 février et par courrier recommandé du 10 février que vous avez réceptionné le 13 février, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour faute grave le 9 février ainsi que le 19 février et vous ne vous êtes présenté à aucun de ces deux entretiens.

Par conséquent, j’ai le regret de devoir vous notifier votre licenciement pour faute grave et ce pour les raisons suivantes :

Le 17 octobre 2008, vous avez vendu au client B C (facture 882965) cinq plans de travail sur mesures. Afin de commander les marchandises désirées par le client, vous avez saisi des dimensions et coloris de chaque plan de travail dans le logiciel informatique prévu à cet effet; le logiciel a déterminé automatiquement le prix de vente TTC de chacun des plans de travail et comme d’habitude, il vous suffisait ensuite de saisir à l’identique chacun des cinq prix de vente TTC dans le progiciel de vente Mercure.

Or, il n’en a rien été ce qui implique que dans le cadre de vos fonctions, vous vous êtes livré à des manoeuvres d’une extrême gravité.

En effet, vous n’avez pas tenu compte du prix de vente TTC délivré par le logiciel mais vous avez facturé chacun des articles à des prix nettement inférieurs en diminuant les prix entre 25% et 65% suivant les articles soit une remise totale en valeur de cinq cents euros.

Au total, vous avez sciemment consenti une réduction de prix de plus de 500 € à ce client qui, après enquête interne, se trouve être le fils d’un des agents de sécurité du magasin.

Ces faits particulièrement graves, qui mettent en cause votre honnêteté et votre probité ne me permettent pas d’envisager la poursuite de votre contrat de travail dans des conditions sereines indispensables au bon fonctionnement du magasin.

Compte tenu de votre ancienneté dans l’entreprise, vous n’êtes pas sans savoir que cette pratique est formellement interdite et qu’elle constitue un acte de fraude caractérisé s’apparentant à du vol.

En outre, et eu égard à la particulière gravité des faits reprochés, nous vous notifions par la présente votre licenciement à effet immédiat pour faute grave…/…'

Contestant le bien fondé de son licenciement, monsieur X a, par requête reçue le 20 mars 2009, saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture.

Après radiation et réinscription, la juridiction saisie, par jugement du 10 juin 2010, a requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse, condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 3416 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, débouté le salarié du surplus de ses demandes, débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et mis les dépens 'à la charge équitable des deux parties'.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 juillet 2010,monsieur X a régulièrement relevé appel de ce jugement dont il apparaît qu’il n’a pu lui être notifié.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse de licenciement, de dire et juger qu’il n’existe aucune faute grave pouvant fonder un licenciement, de dire et juger que le licenciement est abusif et de condamner la société intimée à lui payer la somme de 3416 € à titre d’indemnité de préavis, celle de 3416 € à titre de congés payés, celle de 61 488 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient pour l’essentiel :

— qu’il a une ancienneté de 19 ans au sein de Conforama, est l’un des meilleurs vendeurs de Conforama Latttes et que pendant toutes ces années, il n’a reçu que des félicitations et louanges depuis août 1988, date de son entrée à Conforama;

— que les faits qui lui sont reprochés ne résultent pas d’une volonté délibérée de sa part, ne connaissant ni le client, ni tous les agents de sécurité du magasin et encore moins les enfants de ces vigiles;

— qu’il n’avait aucun intérêt à favoriser un client inconnu pur un montant de 500 €, compte tenu de son comportement exemplaire au service de l’employeur depuis de nombreuses années, alors qu’en outre il dispose d’une carte d’achat 'personnel’ d’un montant de 3500 € à l’année qu’il n’utilise pas pour lui mais aurait pu en faire bénéficier la famille ou des amis;

— que la remise critiquée résulte d’un problème de logiciel qui venait d’être installé et qui a calculé une remise sur les 5 plans alors qu’elle devait l’être sur l’ensemble; que concrètement, avec le nouveau logiciel 'Mercure', lors de la vente d’une cuisine avec un plan de travail, on se sert de la matrice MVM 'fournisseur du plan de travail’ pour calculer les dimensions et les prix; que l’erreur a été faite dans la saisie de la commande spéciale appelée contremarque : plan de travail spéciaux;

— que par ailleurs, au moment de l’erreur, il était fragilisé, étant en pleine période de divorce;

— que selon l’article L 1332-4 du code du travail, un salarié ne peut être sanctionné pour des fautes de plus de deux mois; que l’erreur a été commise le 17 octobre 2008 et la lettre de convocation à entretien préalable est du 9 février 2009; que le premier juge, pour écarter la prescription, a retenu une attestation d’un salarié de la société se constituant ainsi à elle même une preuve, alors que cette attestation est par ailleurs mensongère puisqu’elle indique que son auteur n’a pas de lien de subordination avec les parties;

— qu’en outre un salarié ne peut être licencié pour faute grave dés le premier 'faux pas’ et que n’importe quel employeur, tenant son ancienneté, lui aurait au pire retenu les 501 € sur sa paie, sans pour autant briser sa vie professionnelle pour une erreur;

— que son licenciement est intervenu au moment où des plans de licenciement pour motif économique étaient en cours.

La société intimée demande à la cour d’infirmer pour partie le jugement déféré en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, de débouter en conséquence le salarié de l’ensemble de ses demandes, de condamner l’appelant à lui rembourser la somme de 2667,56 € (correspondant à celle de 3416 € brut) qu’elle a versée au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré à titre d’indemnité de préavis, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande relative au versement d’une indemnité de congés payés pour la somme de 3416 € brut et de condamner l’appelant à lui payer la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance en ce qui la concerne :

— que le salarié ne peut prétendre à une ancienneté de 19 ans acquise au sein de la société Conforama, son anciennté étant de 9 années ainsi qu’il est établi et l’ancienneté acquise ne pouvant en tout état de cause constituer une circonstance atténuante de la faute reprochée au salarié;

— que les faits reprochés ne sont pas prescrits, l’employeur n’ en ayant eu connaissance qu’à compter du 9 décembre 2008, ainsi qu’il en ressort de l’attestation du responsable du rayon meubles auquel était affecté le salarié, lequel responsable n’est ni l’employeur, ni un membre de la direction ayant participé à la décision de la procédure de licenciement; que l’attestant, s’il mentionne par erreur n’avoir aucun lien de subordination, précise bien sa qualité de chef de rayon meubles;

— que la faute grave est caractérisée dés lors que le salarié connaissait les règles en vigueur dans l’entreprise, que la méthode employée par le salarié pour consentir la remise commerciale démontre qu’il a sciemment enfreint les règles de l’entreprise et que l’appelant était un vendeur très qualifié bénéficiant d’une ancienneté;

— que le salarié ne peut prétendre à une simple erreur dans la mesure où il ne s’agit pas d’une unique manipulation erronée, mais de cinq manipulations; que le salarié a entré pour chacun des cinq plans de travail, cinq mauvais prix de vente, tous différents à chaque fois dans le logiciel de facturation 'Mercure', de sorte qu’il ne peut s’agir d’une erreur;

— que le salarié s’est sciemment servi de son ancienneté pour enfreindre délibérément les règles de l’entreprise et décider de son propre chef d’octroyer une remise anormale à un client.

Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites, reprises oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

1. sur l’ancienneté du salarié

L’appelant n’est pas fondé à se prévaloir d’une ancienneté de 19 ans au sein de Conforama.

En effet, les pièces produites de part et d’autre sur ce point établissent que de novembre 1988 à décembre 1991, monsieur X a travaillé pour le compte de la société CEPCA, puis de décembre 1991 à avril 1999 pour le compte de la société Conforama à Valence (société juridiquement distincte de la première); que monsieur X a démissionné du poste qu’il occupait à Valence par courrier du 13 avril 1999 et un certificat de travail lui a été remis pour la période du 18 décembre 1991 au 30 avril 1999 (fin du préavis de démission); que par la suite, l’appelant a de nouveau postulé un emploi au sein de la société Conforama et embauché au magasin de Lattes à compter du 14 juin 1999, sans reprise de l’ancienneté acquise à Valence.

2. sur le licenciement

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’une ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve au regard de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

Par ailleurs les dispositions de l’article L 1332-4 disposent : ' qu’ aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.'.

Enfin la sanction prononcée par l’employeur doit être proportionnée au manquement reproché au salarié.

Alors que dans la lettre de licenciement, l’employeur vise des faits du 17 octobre 2008 et a engagé la procédure de licenciement par une première convocation du salarié à un entretien préalable suivant lettre datée du 2 février 2009, la société intimée se limite à produire une attestation datée du 8 janvier 2010 émanant de Z A qui, bien que salarié de la société indique n’avoir aucun lien de subordination avec cette dernière, atteste comme suit : 'avoir été informé par la comptabilité fournisseur le mardi 9 décembre 2008 à mon retour de congé d’une semaine, d’une différence de prix sur plusieurs plans de travail. Ces différences de prix étant anormalement importantes, j’ai cherché à savoir qu’elle en était leur origine. Après avoir questionné Mr X, j’ai découvert qu’il avait modifié les prix indiqués par notre matrice à cinq reprises'.

Toutefois, outre le fait que cette attestation intervenant près de dix mois après la notification du licenciement émane bien d’une personne se trouvant sous la subordination de l’employeur contrairement à ce qu’elle indique, cette unique attestation n’est pas à elle seule suffisante quant à la date de connaissance par l’employeur des faits dont s’agit; que ce seul témoignage, ainsi sujet à caution, n’est pas confirmé, ne serait ce par un employé du service 'comptabilité fournisseurs’ .

En second lieu, les pièces produites par l’employeur sur lequel pèse en l’occurrence la charge de la preuve, n’établissent pas que les faits reprochés au salarié, procèdent d’un agissement délibéré de ce dernier, confinant comme soutenu dans la lettre de licenciement, à une fraude volontaire, voire un vol.

En effet, rien n’établit que le salarié connaissait le client mentionné dans la lettre de licenciement et aucun document technique ne vient étayer l’affirmation selon laquelle la remise totale résulte de cinq manipulations successives du salarié.

Par ailleurs, le salarié produit de nombreuses attestations émanant soit de collègues actuels de travail, soit d’anciens supérieurs hiérarchiques du salarié ayant travaillé avec ce dernier, qui tous soulignent ses qualités de vendeur, son état d’esprit 'exemplaire’ et son intégrité.

En l’état des éléments produits par l’employeur et de ceux fournis par le salarié, la cour considère que les faits reprochés à monsieur X relèvent d’une erreur de manipulation et que la sanction prononcée par l’employeur pour ces faits est disproportionnée, le salarié n’ayant jamais fait l’objet de remontrances ou d’avertissements quelconques tout au long de la relation de travail; par suite, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient donc de confirmer le licenciement déféré en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis dont le montant a été exactement chiffré.

Compte tenu de l’ancienneté de l’appelant dans l’entreprise occupant habituellement plus de 10 salariés ( plus de 9 ans et 7 mois) et de son âge (45 ans) à la date de la rupture, eu égard à son niveau de rémunération mensuelle et en l’absence d’éléments sur sa situation professionnelle et matérielle postérieurement à la rupture, il sera alloué au salarié la somme de 28 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L 1235-3 du code du travail.

Il convient en outre d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, et ce dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, en application de l’article L 1235-4 du dit code.

La demande tendant au paiement de la somme de 3416 € à titre 'd’indemnité de congés payés’ a été à justement rejetée par le premier juge; en effet, outre que l’appelant ne fournit aucune explication sur cette demande, il ressort des bulletins de paie produits aux débats que le salarié a été rempli de ses droits en matière de congés payés.

3. sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Eu égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la société intimée laquelle devra en outre versée à l’appelant la somme de 1200 € au titre des frais non inclus dans les dépens qu’il a pu engager tant en premier instance qu’en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a alloué au salarié une indemnité compensatrice de préavis et débouté ce dernier de sa demande d’indemnité de congés payés,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de D X dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société anonyme CONFORAMA France à payer à D X la somme de 28 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne d’office le remboursement par la société CONFORAMA France à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à D X, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Dit que conformément aux dispositions de l’article R.1235-2 du Code du Travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le Greffe au Pôle Emploi ( ASSEDIC) du lieu où demeure le salarié.

Condamne la société intimée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à D X la somme de 1200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Montpellier, 4° chambre sociale, 1er juin 2011, n° 10/06099