Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 12 février 2020, n° 16/03940

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1re ch. soc., 12 févr. 2020, n° 16/03940
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/03940
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Sète, 8 mai 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

BA/GL

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e A chambre sociale

ARRET DU 12 FEVRIER 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/03940 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-MUU4

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 MAI 2016

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SETE

N° RGF15/00051

APPELANT :

Monsieur E X

[…]

[…]

Représentant : Me Ratiba OGBI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SAS SAMAT SUD

[…]

[…]

31120 PORTET-SUR-GARONNE CEDEX

Représentant : Me GOUTORBE Gladys substituant, Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD-OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 DECEMBRE 2019,en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre et Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ALARCON

ARRET :

— Contradictoire.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Brigitte ALARCON, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

M. X était engagé par la SAS SAMAT SUD le 23 août 2010 suivant contrat de travail à durée déterminée du 23 août 2010 au 23 novembre 2010 en qualité de conducteur groupe 6 Coefficient 138, pour le motif d'« augmentation du portefeuilles clients activité carburant ».

Le salaire a été fixé à la somme de 1783,56€ pour 186 h de travail mensuel soit le SMIC pour 151,67h.

Par avenant du 3 novembre 2010 le salarié bénéficiait d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 7 août 2014, M. X se voyait notifier une mise à pied de trois jours avec retenue de salaire du 9 septembre au 11 septembre 2014 au motif de « Non-respect des procédures en date du 16/07/2014, ce qui a entraîné chez notre client TOTAL ACCESS une pollution et une conséquence financière importante pour notre société ».

Le 1er septembre 2014, par lettre remise en main propre, l’employeur lui notifiait une mise à pied de trois jours prenant effet du 16 au 18 septembre 2014 pour exactement le même motif.

Par courrier remis en mains propres le 17 octobre 2014, M. X se voyait notifier un avertissement au motif qu’il n’avait pas remis ses fiches de consommation de gasoil du mois de septembre 2014 avant le 5 septembre 2014.

Le 27 février 2015, M. X était destinataire d’une convocation à entretien préalable pour le lundi 9 mars 2015 avec mise à pied à réception du courrier.

Par lettre du 20 mars 2015, son licenciement lui était notifié pour cause réelle et sérieuse pour notamment ne pas avoir respecté les consignes de dépotage, avec paiement du préavis et de l’indemnité de licenciement.

M. X a saisi le Conseil de prud’hommes de Sète le 31 mars 2015 aux fins notamment de contester son licenciement et obtenir paiement de salaires et indemnités.

Par jugement du 9 mai 2016 le Conseil de prud’hommes a dit justifiés l’avertissement et la mise à pied, dit le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, débouté M. X de ses demandes et l’employeur de sa demande reconventionnelle.

M. X a interjeté appel de ce jugement le 13 mai 2016.

Il demande à la cour de réformer le jugement du 9 mai 2016 et de :

— condamner la SAS SAMAT SUD au paiement des 4 jours de congés dus au titre de son mariage soit la somme de 336,28€ outre le somme de 33,62€ à titre de congés payés avec remise de bulletin de paie.

— requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et condamner la SAS SAMAT SUD au paiement de la somme de 1863,13 € à titre d’indemnité de requalification.

— annuler l’avertissement et la mise à pied privative de salaire et condamner l’employeur au paiement de la somme de 252,21€ à titre de salaire déduits au titre de la mise à pied outre 25,21€ de congés payés sur cette somme ainsi que la remise d’un bulletin de paie.

— condamner la SAS SAMAT SUD au paiement de la somme de 1000€ .à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct lié à l’avertissement injuste.

— dire le licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la SAS SAMAT SUD au paiement de la somme de 25 000 € net de charges à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

— condamner la SAS SAMAT SUD au paiement de la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La SAS SAMAT SUD demande à la cour de confirmer le jugement, de dire le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, de débouter la partie adverse de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu l’article 455 du Code de procédure civile, pour l’exposé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions déposées à l’audience du 18 décembre 2019, conclusions auxquelles les parties ont déclaré se référer.

MOTIFS

Sur les congés pour mariage

L’article L.3142.1 du code du Travail prévoit que tout salarié bénéficie, sur justification et à l’occasion de certains événements familiaux, d’une autorisation exceptionnelle d’absence de :

1° Quatre jours pour son mariage '. ».

M. X produit une demande de congés non datée pour 11 jours du 11 au 23 août 2014 qui portait la mention « mariage », demande qui a été acceptée. Il y avait porté la mention « mariage » en marge. . Il produit son extrait d’acte de mariage du 16 août 2014.

Par contre, cette demande ne mentionne pas une demande de « 11 jours de congés dont 4 inclus por son mariage » et la mention « mariage » portée en marge n’indiquait pas clairement qu’il s’agissait du mariage du salarié qui en outre, n’établit pas qu’il avait produit à l’occasion de cette demande, la justification du mariage prévu, justification que l’employeur n’était pas tenu de solliciter.

M. X doit être débouté de cette demande.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

L’article L1242-1 du Code du travail prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L1242-2 de ce code prévoit : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :….

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise … ».

Il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir d’un accroissement temporaire d’activité, d’en établir la preuve.

Le contrat à durée déterminée du 12 août 2010 vise comme motif de recours à ce type de contrat : « augmentation du portefeuille client /Activité carburant ».

L’employeur produit un document comprenant deux tableaux et graphique dont il fait attester la « conformité » par son contrôleur de gestion qui fait état d’un « surcroît d’activité au 01/10/2010 suite à des volumes supplémentaires du au démarrage de nouveaux clients, notamment un nouveau contrat client ENI AGIP au 01/10/2010 ». Les tableaux et graphiques montrent effectivement une augmentation sensible du chiffre d’affaires mais sur le seul mois d’octobre 2010. Il peut également y être relevé que le chiffre d’affaires du mois de septembre 2010 est inférieur au chiffre d’affaires des mois de juillet et août précédents et comparable à celui du mois de juin 2010.

Ainsi l’employeur ne justifie pas d’un accroissement temporaire d’activité à compter du 23 août 2010 jusqu’au 23 novembre 2010, période visée dans le contrat.

Le motif justifiant le recours au contrat à durée déterminée n’étant pas établi, il y a lieu à requalification du contrat en contrat à durée indéterminée en application de l’article L 1245-1 du code du travail, la circonstance que la relation contractuelle s’est ensuite poursuivie en contrat à durée indéterminée étant à cet égard indifférente.

En conséquence de cette requalification, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité de requalification égale à un mois de salaire, soit la somme de 1863,13 €.

Sur les sanctions de mise à pied et avertissement

L’article 1333-1 du Code du travail relatif au contrôle juridictionnel des sanctions disciplinaires prévoit : « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

Sur la mise à pied du 16 au 18 septembre 2014

Cette mise à pied, notifiée le 7 août 2014, a été prononcée pour le motif suivant : « non-respect des procédures en date du 16 juillet 2014, ce qui a entraîné chez notre client TOTAL ACCESS, une pollution et une conséquence financière importante pour notre société ».

L’employeur produit la fiche d’incident du 23 juillet 2014 signée de M. X.

Le rapport d’expertise de Axess expertises décrit les circonstances de l’incident : M. X à l’occasion d’une livraison de carburant dans une station-service commet des erreurs de branchement de flexibles ce qui entraîne un sinistre par deux mélanges accidentels des carburants E10 et gasoil. M. X selon ses dires, aurait été distrait par un motard qui utilisait son portable en faisant le plein, interpellé par le gérant de la station.

S’apercevant de son erreur, par peur, il ne prévient pas le gérant de la station, continue et termine le dépotage, quitte la station et rentre au dépôt.

Trois véhicules de clients sont signalés comme présentant des dysfonctionnements, 4000 litres de E10 sont entrés dans la cuve de gasoil et 1000 litres de gasoil sont entrés par erreur dans la cuve de E10.

Le volume total du polluât est de 67183 litres.

Les volumes d’hydrocarbures perdus au titre de la garantie marchandises transportées s’élèvent à 35000 litres de gasoil et E10 et au titre des dommages collatéraux 32183 litres.

La valeur approximative du polluât TICPE incluse est de 75.378,58 € HT et de 38454,21 € TICPE déduite.

Compte tenu de divers frais, le quantum du sinistre avant application des franchises éventuelles est chiffré à 47.244,71 €.

L’employeur produit en outre un extrait du livre des consignes conducteur sur le déchargement qui indique notamment « réalisez un double contrôle « au doigt et à l''il » et assurez-vous de la conformité du branchement, en partant de la vanne citerne jusqu’à la bouche d’emplissage client ». Ce livre précise les règles de connexion des flexibles et a été remis à M. X le 12 mars 2012, suivant émargement de celui-ci.

Les faits tels que repris dans le rapport d’expertise qui lui-même, s’appuie quant aux circonstances, sur les dires du salarié, montrent une inobservation évidente des procédures, générant de lourdes conséquences pour l’employeur, inobservation constitutive d’une faute flagrante qui ne peut être excusée par le fait que le salarié aurait selon ses dires, était distrait par un évènement extérieur qui ne présentait à l’évidence, aucun caractère exceptionnel. La faute est caractérisée et la sanction est tout à fait proportionnée au regard de la gravité de la faute commise et la lourdeur de ses conséquences.

La demande d’annulation de la mise à pied doit être rejetée.

L’avertissement du 14 octobre 2014

Cet avertissement est ainsi motivé : « « Malgré plusieurs rappels concernant la remise des feuilles de consommation Gasoil, qui doivent être rendues avant le 05 de chaque mois, vous n’avez pas déposé votre feuille de consommation Gasoil pour le mois de Septembre 2014, ce qui entraîne du retard dans le suivi admistratif ».

L’employeur produit un courrier adressé au salarié en date du 17 février 2014 ainsi libellé :

« Objet : Rappel sur la rédaction des documents internes.

Monsieur,

Malgré plusieurs rappels concernant la mauvaise rédaction des feuilles de consommation Gasoil (Poste représentant 26 % de nos coûts d’Exploitation), nous vous informons pour la dernière fois qu’il est impératif et très important de remplir correctement ainsi que de retourner à temps les documents internes de la Société. La feuille de consommation Gasoil doit présenter différents éléments, le calcul de la Consommation Moyenne, l’Objectif Activité, toutes les prises effectuées, ainsi que tous les justificatifs de prises. Vous trouverez une copie de votre feuille gasoil en pièce jointe avec les éléments manquants surlignés et quelques annotations. Le service Moniteur reste à votre disposition pour toutes explications nécessaires. Nous vous rappelons également, que la feuille de consommation Gasoil doit être rendue avant le 05 de chaque mois.

Nous vous informons que ce courrier est le dernier rappel avant de sanctionner vos agissements par un avertissement qui sera versé à Votre dossier personnel. »

L’employeur produit l’attestation de M. Y, conseiller QHSE qui écrit : « Mr X E rendait régulièrement en retard les feuilles mensuelles de relevé des prises gasoil effectuées sur les véhicules de SAMAT SUD Toulouse lors de son service durant l’année 2014 »

M. X F qu’il a toujours remis ses fiches de gasoil dans les délais, lorsque les bureaux sont ouverts et que rien dans son contrat de travail n’indique qu’il doit remettre sa fiche de consommation de carburant avant le 05 du mois, qu’il a rappelé à diverses reprises à son employeur qu’il n’avait jamais le même camion attitré de sorte qu’il lui était très difficile d’établir une fiche de gasoil cohérente.

Il produit des bons de livraison au soutien de son affirmation selon laquelle il n’avait jamais le même camion.

Il produit des attestations de collègues de travail.

— M. Z : « (') les véhicules que nous utilisons étaient échangés très souvent étant donné que nous faisons du relais et qu’il y avait plus de chauffeurs que de camions et si tout le monde fait le plein sur un camion il est beaucoup trop compliqué voire impossible de faire une consommation moyenne surtout que nous ne faisons pas le plein journalier »

— M. A : « (') Je tiens aussi à signaler que le calcul de la consommation est certains mois impossible, du fait de changement de véhicule très souvent dans le mois »

pas

M. X soutient qu’il ne rentrait pas dans ses attributions contractuelles, d’établir de tels documents et que la fiche « définition de la fonction de conducteur » n’en fait pas état.

Il résulte de ces éléments qu’alors que le salarié soutient avoir remis lesdites fiches dans les délais, donc conteste à titre principal les faits qui lui sont imputés pour le seul mois de septembre 2014, l’employeur ne produit aucun élément permettant de caractériser le retard allégué pour ce mois-là, l’attestation produite n’apportant aucune précision à cet égard.

L’avertissement sera annulé et il convient d’allouer à M. X une indemnité de 200 € en réparation du préjudice moral résultant de la délivrance de cette sanction injustifiée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « Nous faisons suite à l’entretien préalable que nous avons eu le 9 mars 2015 auquel vousvous êtes présenté.

Nous avons le regret de vous signifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse et nous vous rappelons par la présente les motifs invoqués à l’appui de cette décision.

Vous n’avez pas, une fois encore, respecté les consignes de dépotage.

En effet, en date du 17 février 2015, nous avons reçu une réclamation de notre client BP France MARINE, concernant l’incident du même jour. Vous deviez livrer 30.000 litres de Gasoil Pêche. Le client vous a expressément demandé de vider 27.000 litres dans la cuve Gasoil de 30.000 litres et le reste dans la cuve de 60.000 L (soit à peu près 3.000 litres).

Or, à la fin du dépotage, la cuve 30.000 litres contenait à peine 22.000 litres, ce qui ne correspondait pas aux consignes données. Le client vous a d’ailleurs fait part de son mécontentement dès le terme de la livraison.

Vous avez également dès le 17 février 2015, reconnu dans le cadre de votre déclaration circonstanciée votre erreur : « une fois fini, je vous voir le client qui me dit que je n’ai pas respecté ses consignes ce qui est vrai. Je suis excusé et m’a dit de partir. ».

Les conséquences pour ce client ne sont pas négligeables car le gasoil contenu dans les cuves étaient vendus à des tarifs très différents.

Déjà par courrier du 1er septembre 2014, vous aviez été sanctionné pour n’avoir pas, le 16 juillet 2014, respecter les consignes du client TOTAL ACCESS. En effet, vous aviez au cours de cette livraison mélanger du SP 95 et du Gasoil entraînant ainsi une pollution qui a nécessité un pompage des cuves du client et engendré tant le mécontentement de ce client qu’un coût important pour l’entreprise.

Au terme de cet incident, le moniteur sécurité (Monsieur G B) a effectué un contrôle inopiné hydrocarbure en date du 8 octobre 2014 et ainsi rappelé toutes les règles de dépotage et consignes de sécurité applicables au sein de notre entreprise, mais aussi les conséquences de votre acte tant du point de vue commercial, écologique qu’économique.

Nous vous rappelons que notre métier de prestataire de service dans le transport de marchandises dangereuses nous impose de répondre strictement aux attentes de nos clients et de respecter les consignes de livraisons. Nous ne pouvons-nous permettre aucune liberté. Vous avez pourtant été sensibilité à l’ensemble de ses règles de dépotage tant lors de votre intégration par le moniteur sécurité que par le remise du livret de « consignes conducteurs ».

Nous ne pouvons pas tolérer que nos relations commerciales se

dégradent du fait de votre volonté affichée de ne pas respecter les consignes. Notre métier est exigeant et nos conducteur doivent être rigoureux et respectueux des clients. Nous ne reconnaissons pas ces qualités chez vous.

Votre attitude, tant avec notre client BP France que vous manque de rigueur répété, démontre également que vous ne vous souciez absolument pas des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement de l’entreprise.

Il ne nous est donc pas possible de vous maintenir en fonction au sein de la Société. Votre préavis de 2 mois prendra effet à compter de la première présentation de la présente. Eu égard à votre attitude, nous vous demandons de ne pas exécuter ce dernier qui vous sera rémunéré'. ».

Le licenciement étant contesté, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, ainsi qu’il est dit à l’article L1235-1 du code du travail. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’employeur produit la réclamation du client coopérative du Grau d’Agde suite à la livraison du 17 février 2015 : « Suite à mon appel téléphonique de ce jour, je vous confirme mon mécontentement concernant la livraison d’aujourd’hui.

En effet, les consignes du dépotage n’ont pas été respectées par le chauffeur entrainant des mélanges de livraison à des tarifs très différents.

La consigne était la suivante : 27000 litres environ devaient être vidés dans la cuve gasoil 30000 et le reste dans la cuve 60 0000 (soit à peu près 3000 litres).

A la fin du dépotage, la cuve 30 000 contient à peine 22 000 litres

Le chauffeur n’a pas été en mesure de m’expliquer son attitude.

Je vous rappelle que vous représentez BP lors des livraisons et nous souhaitons avoir un service de qualité. La demande du client n’avait rien de compliqué et je ne comprends pas pourquoi le conducteur n’a pas souhaité suivre les consignes’ ».

Il produit la « déclaration circonstanciée » de M. X signée par lui au terme de laquelle celui-ci a reconnu avoir reçu les consignes et ne pas les avoir respectées et conclut « Une fois fini, je vais voir le client que me dit que j’ai pas respecter ses consignes ce qui est vrai. Je me suis excusé et ma dit de partir ».

Au terme de ses conclusions, il soutient avoir été « embauché pour exercer exclusivement les fonctions de conducteur. »

Si le contrat de travail ne précise pas davantage les missions imparties au conducteur, la fiche de définition de fonction conducteur précise que le conducteur est chargé d’exécuter les missions qui lui sont confiées dans le respect des procédures de sécurité du groupe et des spécificités des clients et chargé d’exécuter les missions qui lui sont confiées dans le cadre des procédures QHSE et M. X a suivi en mai 2013 et mars 2014 des formations conducteur visant le mode opératoire distribution chargement, déchargement hydrocarbures.

Ainsi, la mission de déchargement d’hydrocarbures entrait bien dans ses fonctions.

Le fait que l’employeur ait établi une « charte MNS de lutte contre les mélanges hydrocarbures, charge qu’il a fait signer à M. X le 23 juillet 2014, ou qu’il ait diffusé un bulletin d’information relatif à une « alerte mélanges » et évoqué une « loi des séries » est insuffisant pour établir que de tels mélanges se produisaient de manière très fréquente. L’employeur justifie par ailleurs avoir sanctionné de tels manquements.

L’employeur produit l’attestation de M. B qui écrit : « lors du contrôle inopiné du 8/10/2014, j’ai rappelé les règles de dépotage et les consignes de sécurité à M. X ».

M. X convient que le 17 février 2015, il lui a bien été demandé de mettre environ 27000 litres dans une cuve et le restant du gasoil, dans une autre.

Le fait qu’il lui a été demandé de mettre « 27000 litres environ » dans une cuve ne peut expliquer que M. X ait déposé 3000 litres supplémentaires dans cette cuve.

L’absence de disposition d’une jauge lui permettant de connaître « au litre près ce qu’il verse dans chaque cuve », alléguée par le salarié, est contredite par l’employeur qui indique que le chauffeur lors de la livraison doit demander un ticket de jaugeage au client et qui produit le livret de consignes conducteur qui indique que celui-ci doit « contrôler avec le client que les creux soient suffisants ».

La lettre de licenciement ne reproche pas au salarié d’avoir « enfreint (une ) règle de sécurité » ou d’avoir « procédé à (un) mélange entre deux carburants différents » ou encore d’avoir « volé » du carburant .

Par contre, il doit être constaté que face aux arguments précis produits par le salarié et à l’attestation de M. D, l’employeur n’établit pas que les deux cuves du client contenaient des carburants devant être vendus à des prix différents alors qu’il s’agissait du même produit, la seule affirmation du client étant insuffisante à cet égard.

S’il n’est pas contesté qu’après les faits du 17 février 2015, l’employeur a missionné le salarié chez différents clients dont celui où les faits se sont produits, cette circonstance n’enlève rien à la réalité de la faute commise par le salarié de non-respect des consignes du client.

L’affirmation du salarié selon laquelle l’employeur voulait « dégraisser ses effectifs à moindre coût » les faisant passer de 11 à 1 salarié n’est pas étayée et est contredite par l’employeur qui justifie de la présence de 7 salariés en 2017.

Le fait que des clients pouvaient donner des consignes de dépotage différentes ne justifie pas le non-respect par le salarié de ces consignes.

C’est à juste titre que l’employeur s’est prévalu de la mise à pied antérieure qui avait trait également à un non-respect des consignes ayant entrainé un déversement de carburant dans une cuve où il ne devait pas être déposé, peu important que dans le second fait, il n’y a pas eu mélange de carburant.

Il est ainsi établi que M. X n’a pas respecté les consignes du client qui avait demandé le dépotage de 3000 litres de carburant dans une seconde cuve, que ce non-respect des consignes faisait suite à un précédent non-respect en juillet 2014 qui avait entrainé de lourdes conséquences et une sanction de mise à pied, que le salarié s’était en outre vu notifier en août 2014 une charte de lutte contre les mélanges hydrocarbures, qu’il avait fait l’objet d’un contrôle sécurité en octobre 2014 au terme duquel les règles lui avaient été rappelées. Ce manquement réitéré au respect des consignes données constituait ainsi une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur les autres demandes

Il apparait équitable d’allouer à M. X la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition :

Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la requalification en contrat à durée indéterminée et à l’avertissement du 14 octobre 2014

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés

Requalifie le contrat à durée déterminée du 12 août 2010 en contrat à durée indéterminée

Annule l’avertissement du 14 octobre 2014

Condamne la SAS SAMAT SUD à payer à M. X les sommes de :

-1863,13 € au titre d’indemnité de requalification

-200 € à titre d’indemnité pour avertissement injustifié

-800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Condamne la SAS SAMAT SUD aux dépens de l’instance.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

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  1. Code de procédure civile
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