Cour d'appel de Nancy, 23 octobre 2014, n° 13/02926

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 23 oct. 2014, n° 13/02926
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 13/02926
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 2 octobre 2013, N° 12/939

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 23 OCTOBRE 2014

R.G : 13/02926

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

12/939

03 octobre 2013

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :

SAS SOCORAIL ayant établissement XXX prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Thierry PELLETIER, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur C D

XXX

XXX

Représenté par Me Laurence CHARBONNIER, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Madame ROBERT-WARNET

Siégeant comme magistrat chargé d’instruire l’affaire

Greffier : Monsieur B (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 16 Septembre 2014 tenue par Madame ROBERT- WARNET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Madame ROBERT-WARNET, Président, Monsieur LAFOSSE, Vice-Président placé, et Monsieur BRISQUET, Conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 23 Octobre 2014 ;

Le 23 Octobre 2014, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS, PROCEDURE & MOYENS DES PARTIES.

Monsieur C D a été embauché par la SAS Socorail à compter du 11 avril 2005 en qualité de mécanicien/électromécanicien, au coefficient 197, occupé à temps plein pour une rémunération mensuelle brute de 1830 €.

Dans le dernier état de la relation salariale, Monsieur C D relevait de la catégorie technicien de la convention collective des industries de transformation des métaux de la Meurthe-et-Moselle, classé niveau III, échelon un, catégorie A, coefficient 240, pour une rémunération moyenne de 3630,33 € au titre des 3 derniers mois

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 septembre 2012, Monsieur C D a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour celui-ci se tenir le 12 septembre 2012, reporté à la demande du salarié au lendemain.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2012, la SAS Socorail a notifié à Monsieur C D son licenciement, fondé sur une faute grave.

Contestant le bien-fondé du licenciement dont il a fait l’objet, Monsieur C D a saisi, par requête enregistrée au greffe le 13 novembre 2012, le conseil des prud’hommes de Nancy.

Aux termes de ses dernières écritures, Monsieur C D sollicitait la condamnation, sous exécution provisoire, de son employeur à lui payer les sommes suivantes :

* 7260,38 € à titre d’indemnité de préavis,

* 726,0 4 € à titre de congés payés y afférents,

* 6806,55 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

* 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 3 octobre 2013, le conseil des prud’hommes de Nancy a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur C D, fait droit à ses demandes en paiement, sauf à limiter à la somme de 21 786 € le montant des dommages intérêts alloués en réparation des préjudices matériel et moral subis et 300 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Socorail a interjeté appel de cette décision le 22 octobre 2013.

Par acte d’huissier du 23 janvier 2014, la SAS Socorail a assigné Monsieur C D devant Monsieur le Premier Président de cette Cour pour obtenir, sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile, la suspension de l’exécution provisoire de la décision.

Par ordonnance du 27 février 2014, cette demande a été rejetée et la SAS Socorail condamnée à payer à Monsieur C D une indemnité de 1000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions parvenues au greffe le 29 janvier 2014, développées oralement à l’audience du 16 septembre 2014, à laquelle l’affaire a été retenue, par lesquelles la SAS Socorail, continuant de soutenir que son salarié a été licencié au motif d’une faute grave avérée, demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel, de débouter Monsieur C D en l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d’une indemnité de 4000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions transmises au greffe le 7 mai 2014 par lesquelles Monsieur C D demande à la Cour de confirmer le jugement dont appel, sauf à renouveler pour la somme de 30 000 € ses prétentions à paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement.

À hauteur de Cour, il forme une demande incidente tendant à la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions des articles L3131'1 et L3121'34 du code du travail, faute pour son employeur d’avoir respecté son temps de repos minimum de 11 heures consécutives par 24 heures et la durée maximale quotidienne de travail.

Enfin il prétend à la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles qu’il a pu exposer.

MOTIFS DE LA DECISION.

— Sur le bien-fondé du licenciement :

La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l’employeur, telle qu’énoncée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l’appréciation des juges du fond, se définit comme étant un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l’entreprise, pendant la durée du préavis, s’avère impossible.

En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à Monsieur C D le 4 octobre 2012 fait état de 6 catégories de griefs qu’il y a lieu d’examiner successivement.

* L’inadéquation des fiches mensuelles de remboursement de frais avec les rapports d’activité :

Il est exact, comme le soutient l’employeur, dans la lettre de licenciement, que le récapitulatif des frais professionnels du mois de juillet 2012, établi par Monsieur C D, mentionne que celui-ci était présent du 3 au 6 juillet sur le site de Couvrot, alors qu’il était sur le site de Hayange.

Toutefois pour établi qu’il soit, ce grief est insuffisant à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, au surplus une faute grave dès lors que les plannings d’activité remplis manuscritement au titre du mois de juillet 2012 par le salarié corroborent les relevés d’accès de celui-ci audit chantier, s’agissant du site de Hayange, enregistrés par badgeuse.

Ce grief sera donc écarté.

* Sur les repas :

Sous ce libellé, l’employeur fait grief à Monsieur C D d’avoir, sur 19 repas déclarés, pris ceux-ci sous la forme de nourriture achetée en station-service, à 50 km de son domicile, à 65 km de son lieu de travail, à des horaires compris entre 8H45 et 8H50 ou entre Z et Y, c’est-à-dire à une distance lui permettant de se restaurer à son domicile.

Les tickets des marchandises ainsi achetées sont versés au dossier et corroborent les affirmations de l’employeur.

Toutefois, comme le mentionne la SAS Socorail, le lieu du déplacement était distant de plus de 50 km du domicile du salarié de sorte que conformément à la note établie le 28 mars 2011, celui-ci pouvait prétendre à l’indemnisation de ses frais de repas pour la somme maximale de 17,10 € au titre du repas de midi, de 20 € au titre du repas du soir, en dépit des remarques précédemment faites par l’employeur au sujet des frais professionnels engagés au titre du mois de janvier 2012.

Compte tenu de la nature des marchandises achetées, consistant en des sandwiches ou des salades, à l’exception de 2 notes de frais mentionnant l’acquisition de cafés, le salarié a pu, comme il le prétend, s’arrêter dans une station-service lors de son trajet le conduisant de son domicile sur le lieu du chantier, pour acheter son repas du midi.

De plus, au vu des heures auxquelles ont été édités les tickets de caisse, il ressort clairement que ces achats, par comparaison aux fiches d’accès du salarié, notamment sur le chantier de Hayange, ont été effectués avant sa prise de fonction ou sur le chemin du retour (ainsi pour le ticket édité le 18 juillet 2012 entre zéro heure et une heure du matin).

Ces achats, bien qu’effectués à une distance de 50 km du domicile du salarié, ne peuvent constituer un motif de licenciement

S’agissant particulièrement du repas du 18 juillet 2012, il n’est pas sérieusement contestable que, sans être d’astreinte, en l’absence de mention sur le bulletin de salaire du mois ce jour-là, Monsieur C D a effectué un dépannage de 21 heures 08 à 0 heure 09, sur le site de Hayange et sollicité le remboursement d’un repas.

L’employeur considère que le salarié a commis une faute grave en sollicitant le remboursement de ce repas, alors qu’ayant quitté son domicile vers 19h30, le salarié avait tout loisir de s’y restaurer.

Pour établi qu’il soit, ce fait est insuffisant à justifier le licenciement de Monsieur C D.

* Sur le lavage du locotracteur :

La SAS Socorail fait ainsi grief à Monsieur C D d’avoir mentionné 33 heures 16 pour le lavage d’un locotracteur sur le site de Hayange alors qu’il n’est resté que 9 heures 55.

Outre la fiche d’accès/temps, relevés par lecteur de badge, l’employeur produit aux débats l’attestation d’un salarié confirmant qu’il ne faut pas plus d’une journée pour laver un locotracteur.

Pour sa part, Monsieur C D produit l’attestation d’un autre salarié qui, compte tenu de l’absence sur place d’un point d’eau et de la nécessité de sortir du site pour procéder au lavage explique que, sur le site de Hayange, le nettoyage d’un locotracteur constitue une opération particulière, ce que confirme Monsieur C D en détaillant dans ses écritures l’ensemble des opérations nécessaires à l’exécution de cette mission.

Si l’attestant indique que le lavage du locotracteur ne peut être effectué en une seule journée par une seule personne, il ne confirme toutefois pas, comme mentionné par Monsieur C D dans ses relevés d’activité, qu’une durée de 5 jours est nécessaire pour ce faire.

La SAS Socorail établit donc la réalité du grief qu’elle énonce. Toutefois, alors que l’employeur ne soutient pas qu’une quelconque lenteur dans l’exécution de ses missions ait été reprochée à Monsieur C D, avant ce fait, qu’il n’est pas contesté que le travail a été exécuté conformément à la mission confiée, ce grief est insuffisant à justifier le licenciement du salarié.

* Sur les fausses informations portées sur des documents professionnels :

Par ce grief, l’employeur reproche à Monsieur C D d’avoir mentionné, sur sa feuille de travail du 18 juillet 2012, être parti de son domicile à 19H00 alors que, compte tenu de son heure d’arrivée à Hayange, soit A, du temps de trajet nécessaire, il a dû quitter son domicile entre 19H30 et 19H45.

De même pour le départ où le relevé d’accès mentionne un départ à 0H21, un complément de gasoil et un achat de nourriture à 0H40 à Metz, impliquant une arrivée à son domicile vers 1H30, 1H40.

Pour établi qu’il soit, ce grief est insuffisant à justifier le licenciement d’un salarié, au surplus au motif d’une faute grave.

* Sur l’utilisation d’un véhicule professionnel à des fins personnelles :

Sur le fondement du précédent grief, compte tenu du décalage horaire qu’il a relevé, l’employeur reproche à Monsieur C D d’avoir utilisé son véhicule de service à des fins non professionnelles.

Pourtant aucun élément ne vient corroborer ces allégations, qui sont insuffisantes à établir le décalage horaire retenu par l’employeur dans le cadre du précédent grief.

Ce grief sera écarté.

* Sur l’attitude agressive envers les agents sur les chantiers :

Hors ses allégations, la SAS Socorail ne produit aucun élément à l’appui de ce grief qui sera rejeté

Il résulte des précédents développements que la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur C D, alloué à celui-ci, conformément aux dispositions légales, la somme de 7260,38 € à titre d’indemnité de préavis, outre 726,04 € au titre des congés payés y afférents et 6806,55 € au titre de l’indemnité de licenciement.

Au jour de son licenciement, Monsieur C D était âgé de 55 ans.

Employé depuis plus de 2 ans dans cette entreprise, occupant plus de 11 salariés, il prétend, à bon droit, au paiement de dommages-intérêts dont le montant ne saurait être inférieur à 6 mois de salaire.

Au jour de son licenciement, il justifie qu’il assurait le remboursement des échéances dues en vertu de 2 prêts immobiliers contractés en 2009.

Après son licenciement, il justifie avoir retrouvé un emploi à compter de février 2013, pour une rémunération moindre, auquel il a été mis fin à l’issue de la période d’essai.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la somme de 29 000 €, au paiement de laquelle se trouve condamnée la SAS Socorail, indemnise l’intégralité du préjudice nécessairement subi par Monsieur C D du fait de son licenciement.

La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.

Les conditions édictées par l’article L 1235-4 du code du travail étant réunies, la SAS Socorail sera condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage servies à Monsieur C D du jour de son licenciement jusqu’au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

— Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour violation des dispositions légales sur la durée maximum du travail :

Se fondant sur les dispositions des articles L3131'1 et L3 21'34 du code du travail, Monsieur C D prétend à la condamnation de la SAS Socorail à lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts.

Il ressort des fiches d’accès-temps produites aux débats que, sur la période des 17 et 18 juillet 2012, Monsieur C D est parvenu sur le site de Hayange à X, pour le quitter à 15H38, y revenir à A, en sortir à 0H21, pour y revenir à 11H41.

Sans même intégrer le temps de route nécessaire au salarié pour se rendre de son domicile sur le lieu du chantier, représentant selon le site Internet Mappy, pour l’itinéraire le plus rapide 112 km, soit 1 heure 07 de trajet, Monsieur C D établit qu’il a travaillé au-delà de la durée quotidienne maximale de 10 heures légalement prévue, sans avoir bénéficié d’un repos minimum de 11 heures consécutives par 24 heures.

Il a de ce fait nécessairement subi un préjudice, qui sera indemnisé par la condamnation de la SAS Socorail à lui payer la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts.

— Sur les frais irrépétibles :

Succombant en son appel, la SAS Socorail sera déboutée en sa demande formée de ce chef.

En revanche, elle sera condamnée à payer à Monsieur C D une indemnité de 1400 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant contradictoirement,

Confirme le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Nancy le 3 octobre 2013 sauf pour le montant des dommages intérêts qu’il a alloué à Monsieur C D et le quantum du remboursement des indemnités de chômage, par la SAS Socorail à Pôle Emploi,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la SAS Socorail à payer à Monsieur C D vingt neuf mille euros (29 000 €) à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la SAS Socorail à Pôle Emploi des indemnités de chômage servies à Monsieur C D du jour de son licenciement jusqu’au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Socorail à payer à Monsieur C D la somme de trois cents euros (300 €) à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions des articles L3121'34 et L3131'1 du code du travail, outre mille quatre cents euros (1400 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Socorail en l’ensemble de ses demandes,

Condamne la SAS Socorail aux dépens d’appel.

Ainsi prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Et signé par Madame ROBERT-WARNET, Président, et par Monsieur B, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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