Cour d'appel de Nancy, 31 octobre 2014, n° 13/00850

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 31 oct. 2014, n° 13/00850
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 13/00850
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 13 mars 2013, N° 2012/064

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 31 OCTOBRE 2014

R.G : 13/00850

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

2012/064

14 mars 2013

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :

Madame Z A

XXX

XXX

Comparante en personne

Assistée de Me Aline POIRSON, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Société XXX, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

XXX

XXX

Représentée par Me Françoise MERTZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme Y

Siégeant comme magistrat chargé d’instruire l’affaire

Greffier : Mme X (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 12 Septembre 2014 tenue par Mme Y, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Monsieur DE CHANVILLE, Président, Madame KLUGHERTZ, Vice-Président placé et Madame Y, Conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 31 Octobre 2014 ;

Le 31 Octobre 2014, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Z A, née le XXX, a été embauchée par contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire médicale, par la SAS EASTWIN INDUSTRIES à compter du 8 août 2005 pour un salaire mensuel brut moyen de 1929,40 euros.

La société comptait plus de 11 salariés.

Mme Z A a été licenciée pour motif économique le 29 juin 2011, après un entretien préalable le 8 juin 2011, ayant refusé une mutation pour motif économique dans un autre établissement. Elle a accepté une convention de reclassement personnalisée.

Contestant le motif économique, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy pour dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir la condamnation de la société au paiement de 23 152 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3 858,80 euros d’indemnité de préavis et 385,88 euros pour les congés payés afférents, de 1 929, 40 euros de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier (un mois de salaire) et d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’à l’exécution provisoire du jugement.

L’employeur a estimé fondé le licenciement pour motif économique.

Par jugement du 27 septembre 2012, le conseil de prud’hommes de Nancy, saisi le 27 janvier 2012, a, avant dire droit, ordonné une réouverture des débats pour établir la réalité des dates de fusion et absorption de la SAS EASTWIN INDUSTRIES par la société SOFACO devenue la société XXX.

Par jugement du 14 mars 2013, le conseil de prud’hommes de Nancy a débouté la salariée de l’intégralité de ses prétentions, l’a condamnée aux dépens et a débouté la SAS EASTWIN INDUSTRIES de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le 22 mars 2013, Mme Z A a relevé appel du jugement.

Mme Z A demande l’infirmation du jugement et reprend ses demandes initiales, outre une demande de 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société XXX demande la confirmation du jugement et :

* à titre principal, constater que la SAS EASTWIN INDUSTRIES était l’employeur d’Z A lors de la notification de son licenciement ; que le motif économique du licenciement est réel et sérieux et la débouter de ses demandes ;

* à titre subsidiaire, constater qu’elle ne justifie pas d’un préjudice particulier et ramener l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au montant minimal ;

* en tout état de cause, constater qu’elle ne justifie pas d’un préjudice lié à l’absence de délégués du personnel, qu’elle a adhéré à la convention de reclassement personnalisée, la débouter de sa demande tirée de l’irrégularité de la procédure, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et la condamner à 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 12 septembre 2014, dont elles ont maintenu les termes lors de l’audience et met dans les débats la question du remboursement des indemnités chômage pour le cas où le licenciement serait considéré sans cause réelle et sérieuse.

MOTIVATION

Sur la qualité d’employeur de la SAS EASTWIN INDUSTRIES :

Attendu qu’il résulte de l’extrait K-Bis de la SAS EASTWIN INDUSTRIES que cette société a été dissoute le 30 juin 2011 à minuit à la suite de son absorption par la société XXX ;

Qu’il s’en déduit qu’à la date du licenciement de Mme Z A, le 29 juin 2011, cette société était son employeur et avait qualité pour mettre en 'uvre cette procédure ;

Sur le moyen tiré de l’absence de motif économique :

Attendu que pour avoir une cause économique, le licenciement pour motif économique doit être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l’entreprise, soit à une cessation d’activité ; que la réorganisation, si elle n’est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ;

Qu’en l’espèce, la lettre de licenciement est libellée comme suit :

« Comme nous vous l’avons indiqué, notre Société et le Groupe SOGAL rencontrent des difficultés organisationnelles majeures en raison, notamment, d’une organisation géographique issue de l’organisation historique en franchise.

Il en résulte pour la Société et le Groupe :

— des difficultés dans la diffusion de l’information, et en matière de formation ;

— des difficultés dans l’organisation du travail et dans la qualité du service aux clients (délais de réponse et fiabilité, réponses non homogènes en retour vers le client…) ;

— des services séparés ADV, Accueil Clients et Devis, à la fois géographiquement et hiérarchiquement ;

— des services supports interfaces entre le Commerce et l’industrie.

Cette organisation a des conséquences négatives pour la Société et le Groupe SOGAL.

D’un point de vue opérationnel, elle entraîne une perte d’efficacité et de réactivité qui impactent la qualité du service et l’image de l’entreprise et du Groupe.

D’un point de vue économique et financier, elle engendre une stagnation du chiffre d’affaires et une baisse de la marge brute.

Il est apparu qu’une réorganisation était nécessaire, et ce, afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise et du Groupe et la pérennité du plus grand nombre d’emplois, en perspective de l’année 2012, qui ne peut être engagée sur les mêmes bases que précédemment, ce qui impose une réorganisation.

C’est dans ces conditions que la création d’un service consommateurs centralisé au sein du Groupe SOGAL est apparue indispensable.

La création de ce service consommateurs permet en effet d’agir a la fois sur l’activité et sur l’organisation de la Société et du Groupe :

— créer un véritable Service Consommateurs au coeur d’une organisation opérationnelle ;

— organiser un système de management QSE transversal pour analyser les défaillances afin d’alimenter le processus d’amélioration continue ;

— se doter d’ un outil CRM ;

— développer l’informatisation et le transfert des commandes clients a travers des outils d’aide à la vente sur Internet (Movinet, Id Création} ;

— recentrer l’activité des Directions Régionales des Ventes sur leurs activités fondamentales à vocation commerciale (véritable accueil client) ;

— une volonté de centralisation des activités Services aux Consommateurs dispersées géographiquement actuellement ;

— permettre une meilleure formation adaptée à la relation client ;

— permettre une homogénéité et une polyvalence des personnels présents sur un site centralisé, une formation plus aisée ;

— mieux repartir les tâches et définir les rôles ;

— mieux partager les savoir-faire spécifiques et complémentaires ;

— harmoniser les processus pour travailler sur une base commune.

Ce projet emporte des conséquences fortes en termes d’image, par la construction d’une réputation d’entreprise allant au-delà des attentes des clients en matière de traitement des commandes et des livraisons, d’innovation, de conseils techniques et de pose et de valeur.

II permet également à la Société et au Groupe de se positionner fortement face à la concurrence, condition de la sauvegarde de sa compétitivité.

C’est dans ce cadre que la Société vous a proposé une mutation.

En application des dispositions de l’article L. 1222-6 du Code du travail, nous avons sollicité, par lettre recommandée avec avis de réception du 8 avril 2011, votre accord sur une modification de votre contrat de travail, à savoir votre mutation au sein de l’établissement du Groupe SOGAL situé à La Jumelière, site d’implantation du service consommateurs.

Vous disposiez d’un délai d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître votre refus. Par courrier du 1 1 mai 2011, vous avez notifié a la Société votre refus de modification de votre contrat de travail, ce qui nous a conduit à initier la présente procédure de licenciement.

Nous avons examiné si une solution de reclassement, susceptible de correspondre à vos compétences et qualifications, pouvait vous être proposée.

C’est dons ces conditions que, dans le cadre de la lettre de convocation à entretien préalable, nous vous avons proposé plusieurs solutions de reclassements.

Vous n’avez pas, à ce jour, donné suite à cette proposition.

Malheureusement, aucun autre poste, susceptible de vous convenir, n’est, à ce jour, disponible au sein de la Société ou du Groupe.

En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour motif économique consécutive à la nécessaire réorganisation qui doit être mise en 'uvre par notre Société pour sauvegarder sa compétitivité ».

Que l’employeur doit démontrer la réalité du risque pour la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation de l’entreprise ;

Qu’il résulte des bulletins d’intéressement produits par Mme Z A qu’elle a perçu des primes d’intéressement et de participation croissantes entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, ce qui tend à démonter que les résultats de la société étaient en augmentation ;

Qu’en revanche, la société XXX a uniquement produit un compte-rendu émanant du « groupement des industriels du placard sur mesure » daté du 31 janvier 2012, incluant une étude générale de conjoncture ne comportant aucun information spécifique et objective sur la situation financière de la société EASTWIN INDUSTRIES et du groupe SOGAL auquel elle appartient ;

Que cet unique document produit ne comportant aucune précision permettant d’apprécier la réalité du risque pour la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation, la cause économique du licenciement au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartenait l’entreprise n’est pas établie ;

Qu’il convient dès lors d’infirmer le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré du non respect des critères de l’ordre de licenciement ;

Attendu qu’aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail, s’agissant d’une salariée de plus de deux ans d’ancienneté d’une entreprise de plus de dix salariés, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Qu’en l’espèce, le préjudice subi par Mme Z A du fait de la rupture, compte tenu de son âge, d’une ancienneté de près de 6 ans dans l’entreprise, de la date à laquelle elle a retrouvé un emploi (octobre 2012) sera réparé par l’allocation d’une somme qu’il convient de fixer à 13 500 euros ;

Sur le remboursement des indemnités chômage :

Attendu que, les conditions de l’article L.1235-4 du Code du travail étant réunies, il sera ordonné le remboursement par la société XXX à l’organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à Mme Z A par suite de son licenciement et ce dans la limite de 6 mois ;

Sur l’absence de consultation de délégués du personnel :

Attendu que la société XXX ne conteste pas que le licenciement de Mme Z A s’inscrit dans une procédure de licenciement collectif pour motif économique et aurait dû entraîner une consultation des délégués du personnel ;

Qu’il n’est pas établi que cette consultation ait eu lieu ;

Que le non-respect de la procédure de licenciement collectif pour motif économique constitue une irrégularité de forme ayant nécessairement causé un préjudice au salarié, il convient d’allouer en application de l’article L 1235-12 du Code du travail à ce titre à Mme Z A une somme de 500 euros ;

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

Attendu que les dispositions de l’article L.1234-5 du Code du travail, relatives à une indemnité compensatrice pour préavis, ne s’appliquent en principe pas dans le cadre de la mise en oeuvre d’une convention de reclassement personnalisé qui prend effet dès la rupture du contrat de travail mais, qu’en absence de motif économique de licenciement, la convention de reclassement personnalisé devient sans cause, de sorte que l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu de ladite convention ;

Que Mme Z A a accepté la convention de reclassement personnalisé, le délai de réflexion de 21 jours expirant le 29 juin 2011 et le contrat étant de fait rompu ce même jour ; qu’elle a perçu à ce titre une allocation spécifique de reclassement d’un montant de 50,25 euros par jour à compter du 30 juin 2011 ;

Qu’elle a subi une perte de revenus au cours de la période de préavis qui a commencé à la date de la notification de la lettre de licenciement, égale à la rémunération de deux mois de salaire, diminuée des indemnités journalières perçues au titre de la convention de reclassement personnalisé ;

Que la période de préavis aurait dû prendre fin le 28 août 2011 ;

Qu’en conséquence, ; qu’en conséquence, la demande est fondée à hauteur de 894,05 euros (3 858,80 euros – (59 X 50,25)) , outre 89,40 euros au titre des congés payés afférents ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu qu’en l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à Mme Z A la somme de 1 000 euros au titre des frais de première instance et la même somme à hauteur d’appel ;

Que la société XXX qui succombe sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugements sauf en ce qu’il a débouté la société XXX de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société XXX à verser à Mme Z A la somme de 13 500 euros (TREIZE MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société XXX à verser à Mme Z A la somme de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) au titre d’indemnité pour absence de consultation de délégués du personnel,

CONDAMNE la société XXX à verser à Mme Z A 894,05 euros (HUIT CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS ET CINQ CENTIMES) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 89,40 euros (QUATRE VINGT NEUF EUROS ET QUARANTE CENTIMES) au titre des congés payés afférents,

ORDONNE le remboursement par la société XXX à l’organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à Mme Z A par suite de son licenciement et ce dans la limite de 6 mois,

CONDAMNE la société XXX à verser à Mme Z A la somme de 1 000 euros (MILLE EUROS) au titre des frais de première instance et de 1 000 euros (MILLE EUROS) à hauteur d’appel,

DÉBOUTE la société XXX de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société XXX aux entiers dépens de première instance et d’appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Et signé par Monsieur DE CHANVILLE, Président, et par Madame X, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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