Cour d'appel de Nancy, 25 juillet 2014, n° 13/00152

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 25 juill. 2014, n° 13/00152
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 13/00152
Décision précédente : Cour d'appel de Metz, 3 octobre 2011, N° 09/2708

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 25 JUILLET 2014

R.G : 13/00152

Cour d’Appel de METZ

09/2708

04 octobre 2011

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

— SUR RENVOI APRÈS CASSATION -

DEMANDERESSE À LA SAISINE :

Madame F Z

XXX

XXX

Représentée par Me Stéphanie GERARD, avocat au barreau de NANCY

DÉFENDEURS À LA SAISINE :

Association RÉGIE DE QUARTIER 'BEHREN INSERTION', venant aux droits de l’association Régie de Quartier Behrinoise, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié :

XXX

XXX

Assistée de :

Maître D B, ès qualité de représentant des créanciers, devenu commissaire à l’exécution du plan de l’association Régie de Quartier Behrinoise devenue Association RÉGIE DE QUARTIER 'BEHREN INSERTION'

XXX

XXX

XXX

Tous deux représentés par Me Cyrille WASSERMANN, substituée par Me Thomas BECKER, avocats au barreau de SARREGUEMINES

et de :

Maître H C, ès qualité d’administrateur judiciaire de l’association Régie de Quartier Behrinoise devenue Association RÉGIE DE QUARTIER 'BEHREN INSERTION'

XXX

XXX

Non comparant, non représenté

En présence du :

CGEA DE NANCY, pris en la personne de son représentant légal pour ce domicilié :

XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Aude BLANDIN, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : Monsieur DE CHANVILLE,

Conseillers : Monsieur X,

Monsieur Y,

Greffier lors des débats : Madame BARBIER

DÉBATS :

En audience publique du 13 Février 2014 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 04 Avril 2014. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 23 Mai 2014 et ensuite au 25 Juillet 2014.

Le 25 Juillet 2014, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Z, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme F Z a été embauchée par l’Association Régie BEHRINOISE aux droits de laquelle se trouve l’Association Régie de Quartier Behren Insertion sous contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2003 en qualité de responsable administrative.

L’Association Régie de Quartier Behren Insertion 'uvre à la réinsertion professionnelle et sociale des personnes sans emploi rencontrant des difficultés.

Par avenant du 16 février 2004, Mme F Z a été élevée à la fonction de directeur pour une période probatoire de 3 mois. Le 15 mai 2004, elle a été définitivement promue au poste de directeur, statut cadre.

Son salaire mensuel brut s’élevait en dernier lieu à 4 033,97.

La société employait plus de onze salariés.

A la suite d’une dénonciation interne, une enquête préliminaire du chef d’abus de confiance, d’usage de faux et de travail clandestin a été ouverte par le parquet de Sarreguemines à l’encontre de Mme F Z.

Le 24 juin 2008, elle a été placée en garde à vue avant d’être déférée le 26 juin 2008 devant le procureur de la République qui l’a convoquée devant le tribunal correctionnel en vue de l’audience du 4 août 2008. Par jugement du 6 octobre 2008, la salariée a été condamnée à une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis des chefs de détournement de fonds publics et d’escroquerie au préjudice de l’Association Régie de Quartier Behren Insertion.

Entre temps, par lettre recommandée du 10 juillet 2008, cette association a notifié à Mme F Z sa mise à pied conservatoire pour la durée de la procédure pénale en ces termes :

' (…) Comme suite à la réunion du 4 juillet 2008 dans les locaux de la mairie de Behren-lès-Forbach, à laquelle participaient des représentants de plusieurs organismes, sont apparus des éléments fautifs dont la gravité pourrait remettre en cause notre collaboration.

Nous entreprenons des investigations sur les problèmes abordés, et vu l’article L. 1332-3 du code du travail édition 2008, le Conseil d’administration qui s’est réuni le 7 juillet 2008 se voit contraint, afin de sauvegarder nos intérêts réciproques, de prononcer une mise à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure diligentée à votre encontre qui prend effet à réception de ce courrier.(…)'.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 septembre 2008, Mme F Z a mis en demeure son employeur de lui verser son salaire du mois d’août.

Le 6 octobre 2008, le Tribunal correctionnel de Sarreguemines a condamné Mme F Z à une peine d’emprisonnement avec sursis de huit mois des chefs de détournement de fonds publics, escroquerie et travail clandestin.

Par courrier daté du 28 octobre 2008, Mme F Z a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en ces termes :

'Par courrier du 10 juillet 2008, vous m’avez notifié une mise à pied conservatoire pour la durée de la procédure diligentée à mon encontre.

A ce jour, vous n’avez toujours pris aucune décision me concernant. Cette situation n’est plus durable dans la mesure où cela va faire maintenant trois mois que je suis sans salaire.

Il s’agit là d’un manquement grave à vos obligations contractuelles qui m’oblige aujourd’hui à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.

Vous comprendrez en effet que je ne peux rester dans cette situation, étant liée par un contrat de travail sans recevoir la moindre rémunération d’une part et d’être dans l’impossibilité de m’inscrire aux Assedic d’autre part.'

Estimant que cette prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes de Forbach le 6 novembre 2008 aux fins de voir déclarer la mise à pied conservatoire requalifiée en sanction disciplinaire comme n’ayant pas été suivie dès que possible de l’engagement d’une procédure de licenciement, de voir annuler cette mise à pied, de faire produire à la prise d’acte de rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

—  12 101,91 € brut de rappel de salaire au titre des mois d’août, septembre et octobre 2008 pendant lesquels elle faisait l’objet de la mise à pied ;

—  12 101,91 € brut d’indemnité de préavis ;

—  7 346,62 € d’indemnité compensatrice de congés payés non pris ;

—  4 566,45 € d’indemnité de licenciement ;

—  36 305,73 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  1 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Reconventionnellement, l’Association Régie de Quartier Behren Insertion a demandé au conseil de dire que la prise d’acte de rupture produit les effets d’une démission, de débouter Mme F Z de l’intégralité de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser d’une part une somme de 1 952,77 € à titre d’un salaire indûment perçu en juillet 2008, puisque payé pour la période écoulée entre le début de la mise à pied du 10 juillet 2008 et le 31 juillet 2008 et d’autre part une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par courrier du 24 novembre 2008, l’association Régie de Quartier Behren Insertion a notifié à Mme F Z son licenciement pour faute lourde dans les termes suivants.

'Vous avez été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 novembre 2008 auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Cette absence n’ayant pas d’incidence sur le déroulement de la procédure engagée nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis, ni indemnité pour fautes lourdes.

En effet, alors que vous occupiez la fonction de directrice de l’association Régie Behrinoise 'ville nouvelle', vous avez à plusieurs reprises au cours des années passées profité de votre fonction pour détourner des fonds de l’association à votre profit.

Ainsi, vous avez fait payer par l’association des dépenses personnelles : achat de concassé de rocher pour 1 597 €, d’un ordinateur pour 1 439 €, d’une télévision, d’un appareil photographique à 199 €, d’un stylo 'Mont Blanc’ pour 460 €, d’un sac Longchamp à 149 €, d’un porte-documents La Scarpa pour 245 €, d’un sac acheté au magasin Printemps à 80 €, d’un autre acquis à Sarrebruck pour 130 €, location pour 2 269 € et d’un motoculteur pour 130,42 €.

Vous avez également obtenu des remboursements de prétendus frais en produisant des fausses factures de repas pour un montant cumulé de 5 718 € et de laboratoire photos pour 1 936,49 €.

Enfin, vous avez sans contrepartie pour votre employeur fait travailler des salariés de l’association, à ses frais mais à votre profit ou celui de membres de votre entourage.

Pour ces faits, vous avez été poursuivie et condamnée par le tribunal correctionnel de Sarreguemines selon jugement du 6 octobre 2008.

Votre attitude révèle une volonté évidente d’appropriation des biens et moyens de l’association à votre bénéfice, au moyen de procédés frauduleux. Vous n’avez pas hésité à réitérer massivement les faits, pour des montants importants, en ne pouvant ignorer le préjudice ainsi occasionné.

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour fautes lourdes.'

Par décision du 6 juillet 2009, le Conseil de Prud’hommes de Forbach saisi de la prise d’acte de rupture a débouté Mme F Z de l’intégralité de ses demandes, condamné cette dernière à verser 100 € à l’Association Régie de Quartier Behren Insertion au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et débouté la défenderesse du surplus de sa demande reconventionnelle.

Par jugement du 17 novembre 2009, le Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de l’association Régie de Quartier Behren Insertion.

Par une seconde décision du 18 janvier 2011, la même juridiction a arrêté un plan d’apurement du passif de l’Association Régie de Quartier Behren Insertion pour une durée de dix ans et a désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan Maître B tout en mettant fin aux fonctions de Maître C comme administrateur judiciaire.

Statuant sur l’appel régulièrement interjeté par Mme F Z contre la décision précitée du Conseil de prud’hommes de Forbach, la Cour d’appel de Metz, par un arrêt rendu le 4 octobre 2011, a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, a débouté Mme F Z de sa demande en requalification de la mise à pied conservatoire, a déclaré irrégulière cette dernière comme délivrée en dehors de toute procédure de licenciement disciplinaire immédiate, a dit que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé en conséquence les créances de Mme F Z à l’encontre de l’Association Régie de Quartier Behren Insertion, aux montants suivants :

—  24 203,82 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  8 067,94 d’indemnité de préavis,

—  12 101,91 € de rappels de salaires au titre de la période de mise à pied,

—  7 346,62 € d’indemnité de congés payés,

—  4 566,45 € de prime d’ancienneté.

La cour d’appel a débouté les parties de leurs autres demandes et a déclaré la décision opposable au CGEA dans les conditions prévues aux articles L 143-11-1 et D 143-1 du Code du travail.

La Cour de cassation a, par un arrêt du 4 décembre 2012, cassé et annulé dans toutes ses dispositions la décision de la cour de Metz et prononcé le renvoi devant la cour de céans, aux motifs que selon les articles L. 1332-3 et L.1332-4 du Code du travail, 'lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l’exercice des poursuites pénales, l’employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient'.

Devant la cour d’appel de Nancy, Mme F Z a repris ses demandes initiales formées devant le Conseil de prud’hommes, sous réserve de celle formée en application de l’article 700 du Code de procédure civile qu’elle augmente. Subsidiairement, elle prie la cour de fixer sa créance au passif de l’association en disant que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision. Elle demande en tout état de cause la condamnation de son adversaire à lui verser la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

L’Association Régie de Quartier Behren Insertion et Me B demandent à la juridiction de renvoi de dire que la prise d’acte de rupture s’analyse comme une démission et de rejeter l’ensemble des prétentions adverses. Reconventionnellement, elle demande la condamnation de la salariée à lui verser la somme de 1 952,77 € de rappel de salaire payé indûment pendant la période de mise à pied, avec intérêts au taux légal à compter la mise en demeure du 10 septembre 2008 et subsidiairement la somme de 7 346,62 € bruts en application de l’article 1147 du Code civil pour le cas où il serait accordé à Mme F Z une indemnité de congés payés. Enfin elle sollicite l’allocation de la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le CGEA-AGS de Nancy sollicite la confirmation du jugement et le remboursement par l’appelante des sommes qu’il lui a indûment versées. Il demande en outre à la cour de dire que les sommes éventuellement à payer à Mme F Z ne le seront que dans les limites de sa garantie et de mettre les dépens à la charge de tout autre que lui-même.

Quoique régulièrement convoqué, Maître C n’a pas comparu de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire.

La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, en date du 13 février 2014, dont elles ont maintenu les termes lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la mise à pied conservatoire

Attendu que selon les articles L.1332-3 et L. 1332-4 du Code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l’exercice de poursuites pénales, l’employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient ;

Attendu qu’en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission ;

Attendu que la salariée reproche à l’employeur de lui avoir infligé une mise à pied conservatoire illicite comme non suivie en temps voulu de l’engagement d’une procédure disciplinaire, de sorte qu’il l’a laissée sans salaire entre la notification de la mise à pied du 10 juillet 2008 et la prise d’acte de rupture ; qu’elle entend voir déclarer que celle-ci doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’en outre la salariée soutient que l’Association Régie de Quartier Behren Insertion a pris la mesure conservatoire tardivement, en ce qu’elle connaissait les griefs qui ont fondé celle-ci depuis une perquisition du 24 octobre 2007 ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 1332-4 du Code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ;

Qu’il s’en déduit que, lorsqu’un fait fautif a donné lieu à des poursuites pénales, le délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires est interrompu jusqu’à ce que la décision pénale devienne définitive, dans la mesure où l’employeur connaissait celle-ci pour y être partie, comme tel est le cas en l’espèce, en sa qualité de partie civile devant le tribunal correctionnel de Sarreguemines ;

Que par conséquent le délai de prescription de l’article L 1332-4 a été interrompu en l’espèce, jusqu’a l’expiration du délai d’appel du procureur général fixé par l’article 505 du Code de procédure pénale qui était à l’époque des faits de deux mois, avant que la Z du 24 novembre 2009 ne le réduise à vingt jours ;

Que pendant le déroulement de l’enquête de police, l’employeur n’était donc enfermé dans aucun délai pour notifier la mise à pied conservatoire, si ce n’est que la tardiveté de celle-ci lui eût fait perdre de sa cohérence ;

Attendu qu’en l’espèce la lettre du 10 juillet 2008 notifiant à l’intéressée sa mise à pied conservatoire explique cette décision par les révélations divulguées lors d’une réunion du 4 juillet précédent, 'à laquelle participaient les représentants de plusieurs organismes, de nature à caractériser une faute de nature à remettre en cause la collaboration de l’employeur avec Mme F Z’ ; que cette période de juin et juillet 2008 est en effet celle où a éclaté le comportement répréhensible de la salariée, puisqu’elle avait été placée en garde à vue le 24 juin 2008 et déférée devant le procureur de la République le 26 suivant pour convocation devant le tribunal correctionnel ; que les informations visées dans la lettre de notification de la mise à pied étaient donc relatives à l’évolution de l’enquête de police ; qu’en effet, les enquêteurs venaient de considérer le 24 juin 2008, par le placement en garde à vue de l’intéressée, qu’il existait des raisons plausibles au sens de l’article 63 du Code de procédure pénale de la soupçonner d’avoir commis l’infraction, tandis que le Ministère public a décidé après la garde à vue de déférer la mise en cause devant la juridiction pénale, ce qui a conduit à convoquer la victime pour lui permettre de se constituer partie civile ;

Qu’il n’apparaît pas que l’Association Régie de Quartier Behren Insertion ait eu les éléments pour décider une mise à pied antérieurement ; qu’en effet, si comme rappelle Mme F Z une perquisition a eu lieu dans les locaux de l’association le 24 octobre 2007 dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’employeur n’avait alors pas accès au dossier et n’était pas informé correctement, puisqu’il était représenté auprès des services de polices par son président M. A, qui a été condamné à la suite de ces investigations en même temps que la directrice par le tribunal correctionnel pour détournement de fonds publics destinés à l’association et pour escroquerie à son préjudice, le premier s’étant vu infliger une peine d’emprisonnement avec sursis de 10 mois outre une amende de 7 500 € et la seconde une peine d’emprisonnement avec sursis de 8 mois ;

Attendu qu’ainsi que le rappelle la lettre du 10 juillet 2008 portant notification de la mise à pied, d’une part l’Association Régie de Quartier Behren Insertion se trouvait dans la nécessité de compléter son information pour avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits, tandis qu’il était nécessaire d’attendre l’issue de la procédure pénale en cours, dont l’autorité de la chose jugée à venir devait s’imposer dans la procédure prud’homale ;

Attendu qu’il suit de l’ensemble de ces observations, que les faits justifiaient que l’employeur prît une mesure de mise à pied conservatoire sans engager immédiatement de procédure de licenciement ;

Attendu qu’il lui appartenait en revanche de le faire dès le caractère définitif de la décision pénale acquis, sauf à faire dégénérer la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire ; que la cour ne dispose par de la date de la lettre de convocation à l’entretien préalable, de sorte que l’on ne sait pas dans quel délai, à la suite de la décision du tribunal correctionnel, la procédure de licenciement a été engagée ; qu’en tout état de cause, en application de l’article 505 du Code de procédure pénale alors en vigueur, le jugement n’acquérait force de chose jugée qu’au terme du délai de deux mois laissé au procureur général pour frapper la décision de recours ; que l’Association Régie de Quartier Behren Insertion ne pouvait donc être tenue d’engager la procédure de licenciement sur la base des condamnations du jugement pénal avant le 6 décembre 2008 ; que l’entretien préalable a eu lieu avant, soit le 17 novembre 2008, de sorte qu’aucun retard ne peut être imputé à l’employeur, qui a pris le risque d’engager la procédure avant que le jugement sur lequel il appuyait le licenciement ne fût définitif ;

Attendu qu’aucun salaire n’était dû pendant la durée de la mise à pied conservatoire, dès lors qu’elle était notifiée en vue d’un licenciement pour faute grave ou lourde, qui était fondé, s’agissant de la commission d’infractions pénales de détournement et d’escroquerie au préjudice de l’employeur et portant sur des sommes non négligeables ;

Que par suite la prise d’acte de rupture à raison du non-paiement de ces salaires produit les effets d’une démission et Mme F Z doit être déboutée de sa demande en paiement de rappel de salaire au titre de la mise à pied, de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les congés payés

Attendu que Mme F Z demande paiement d’indemnité de congés payés correspondant à 24,96 jours de congés au titre de l’année 2007 figurant sur son bulletin de paie de septembre 2009 et à 14,5 jours de congés au titre de l’année 2008 ; que ces derniers comprennent les 4,16 jours mentionnés sur ce même document augmenté des droits prétendument acquis au titre de la période de mise à pied illicite aux yeux de la salariée qui s’est déroulée entre juillet 2008 et octobre 2008 ;

Attendu que l’employeur ne peut opposer comme il le fait l’article L 3141-26 du Code du travail qui, en cas de faute lourde, prive le salarié d’indemnité de congés payés pour la période de référence en cours, dès lors que la relation de travail a pris fin, non pas par l’effet du licenciement, mais par l’effet de la prise d’acte de rupture valant démission qui lui était antérieure ;

Attendu que la salariée ne peut se prévaloir de la période de mise à pied pour fonder des droits à congés payés, dès lors que cette mesure était fondée ;

Attendu qu’il ne résulte pas avec certitude des auditions vagues et imprécises faites au cours de l’enquête de police, que l’intéressée n’avait plus droit au nombre de jours de congés payés indiqués par l’employeur sur la feuille de paie d’août 2008 ; que c’est donc à bon droit que Mme F Z sollicite une indemnité au titre des 29,12 jours lui restant dus, soit la somme de 5 441,91 €, qui devra être inscrite au passif de l’association ;

Attendu que cette somme ne saurait porter intérêts au taux légal à compter de la décision comme il l’est demandé, puisque le jugement du 17 novembre 2009, qui a ouvert une procédure collective, a arrêté le cours des intérêts légaux ;

Sur la demande subsidiaire de l’Association Régie de Quartier Behren Insertion au titre du préavis

Attendu que l’Association Régie de Quartier Behren Insertion demande à titre subsidiaire, en cas de succès de la demande adverse de paiement d’une indemnité de congés payés, la somme de 7 346,62 € égale à la somme demandée à ce dernier titre par Madame Z ; que l’employeur soutient, à l’appui de cette demande d’indemnité, que la démission résultant de la prise d’acte de Mme F Z est nécessairement abusive, dès lors qu’elle est intervenue sans la réalisation d’un préavis et l’a empêchée de procéder à son licenciement pour faute lourde ;

Attendu que l’employeur ne peut imputer à faute au salarié, d’avoir avoir pris acte de la rupture dans le but d’échapper au licenciement disciplinaire qui l’attendait ; qu’en effet, d’une part une telle mauvaise foi n’est pas établie et surtout le droit du salarié de démissionner ne connaît pas de limites liées aux circonstances et notamment à la faute commise par le salarié auparavant et susceptible d’être sanctionnée ;

Attendu que, néanmoins le salarié démissionnaire doit à l’employeur une somme correspondant au montant du préavis qu’il n’a pas exécuté en ne restant pas à la disposition de l’employeur après la rupture ; mais qu’en l’espèce l’Association Régie de Quartier Behren Insertion a entendu mettre Mme Z à l’écart par une mise à pied pendant la période durant laquelle, à la suite de la prise d’acte de rupture valant démission, elle aurait dû exécuter le préavis ; qu’il s’ensuit que l’employeur n’a subi aucun préjudice à raison de l’inexécution du préavis et sera débouté de ce chef ;

Sur la demande en remboursement de salaire

Attendu que l’association Régie de quartier Behren Insertion demande à la cour de condamner Mme F Z de lui restituer le salaire qu’elle aurait prétendument indûment perçu au mois de juillet 2008 alors qu’elle faisait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire ; qu’en effet, alors que la mise à pied a été notifiée par lettre du 10 juillet, l’intéressée à perçu l’intégralité de son traitement pour ce mois, de sorte que l’Association Régie de Quartier Behren Insertion invoque un trop payé de 1 952,77 € ; que l’erreur et le paiement indu ne sont pas contestés et ressortent en tout état de cause des circonstances de l’affaire, étant précisé que l’employeur a réclamé ce paiement par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2008 ; que la salariée ne s’explique pas sur ce point ; qu’il sera donc fait droit à cette prétention ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de cette mise en demeure jusqu’au jugement du 17 novembre 2009 qui a interrompu le cours des intérêts par suite de l’ouverture de la procédure collective ;

Sur la demande de CGEA AGS de Nancy

Attendu que la présente décision vaut titre de sorte qu’il n’y a pas lieu à ordonner le remboursement des sommes versées indûment par le CGEA AGS de Nancy ; que les sommes dues par le CGEA AGS de Nancy ne le seront que dans les strictes limites de sa garantie ;

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile

Attendu qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau,

FIXE au passif de la l’Association Régie de Quartier Behren Insertion une créance de 5 441,91 € (CINQ MILLE QUATRE CENT QUARANTE-ET-UN EUROS ET QUATRE-VINGT-ONZE CENTIMES) en faveur de Mme F Z ;

DIT que le cours des intérêts est interrompu par le jugement d’ouverture de la procédure collective du 17 novembre 2009 ;

DÉBOUTE l’Association Régie de Quartier Behren Insertion de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme F Z à payer à l’Association Régie de Quartier Behren Insertion la somme de 1 952,77 € (MILLE NEUF CENT CINQUANTE-DEUX EUROS ET SOIXANTE-DIX-SEPT CENTIMES) en répétition de l’indu avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2008 jusqu’au 17 novembre 2009 ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y AJOUTANT ;

DEBOUTE l’Association Régie de Quartier Behren Insertion de sa demande en paiement de la somme de 7 346,62 € (SEPT MILLE TROIS CENT QUARANTE-SIX EUROS ET SOIXANTE-DEUX CENTIMES) en application de l’art 1147 du Code civil ;

DIT que la CGEA AGS de Nancy doit sa garantie dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du Code du travail ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d’appel ;

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Et signé par Monsieur X, Conseiller, par suite d’un empêchement du Président, et par Madame PERRIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT,

Minute en douze pages.

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