Cour d'appel de Nancy, 18 mars 2016, n° 13/01985

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 18 mars 2016, n° 13/01985
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 13/01985
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Épinal, 22 mai 2013, N° 11/00487

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 18 MARS 2016

R.G : 13/01985

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL

11/00487

23 mai 2013

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE 2

APPELANTE :

Madame AZ BA, épouse C

XXX

XXX

Représentée par Me Denis RATTAIRE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Association CIDFF CEDIFF DES VOSGES, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié :

XXX

XXX

Représentée par Madame Claudine RENARD, Présidente et par Madame AF AG, Directrice, assistées de Me Béatrice FOUNES, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : Monsieur DE CHANVILLE,

Conseillers : Monsieur Z,

Monsieur Y,

Greffier lors des débats : Mme X

DÉBATS :

En audience publique du 03 Décembre 2015 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 05 Février 2016. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 04 Mars 2016. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 18 Mars 2016.

Le 18 Mars 2016, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Mme AZ F, née le XXX, a été embauchée à compter du 1er janvier 1997, d’abord en contrat à durée déterminée pendant un an puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1998, par l’association Centre d’information sur les droits des femmes et des familles des Vosges (le CIDFF des Vosges) dont l’objet social est de mettre à disposition des femmes et des familles des informations dans différents domaines de la vie familiale, professionnelle, sociale ou pratique. Cette association a mis en place en 2000 un service d’aide aux victimes.

Mme F a successivement occupé les fonctions de secrétaire, de secrétaire-comptable, de secrétaire-comptable coordinatrice informatrice dans le cadre du service d’aide aux victimes. À compter du 1er juillet 2004, elle n’a occupé que les fonctions de coordinatrice informatrice du service d’aide aux victimes.

Mme F a travaillé à temps partiel puis à temps plein avant de revenir, à compter du 1er octobre 2010, à temps partiel à raison de 123,30 heures par mois.

Son salaire mensuel brut s’élevait en dernier lieu à 1.504,23 euros bruts.

L’association employait habituellement moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

La relation de travail n’était pas régie par une convention collective mais seulement par les dispositions du contrat de travail.

Mme F s’est trouvée en arrêt de travail à compter du 11 février 2011 jusqu’au 16 mai 2011.

Elle a été convoquée par lettre du 6 avril 2011 à un entretien préalable qui devait se dérouler le 18 avril 2011 mais qui a été reporté au 4 mai 2011.

Mme F a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 27 mai 2011 dont les motifs sont les suivants : 'J’ai eu à déplorer de votre part un comportement constitutif d’une faute grave, ce dont je vous ai fait part lors de notre entretien du 4 mai 2011.

Alors que vous étiez en arrêt maladie depuis le 15 février 2011, vous avez continué à exercer votre activité d’aide aux victimes au sein du commissariat d’Epinal, non dans l’intérêt de notre association mais en parfaite concurrence avec cette dernière.

Le fait d’exercer cette activité, dans le cadre d’un agrément préfectoral, de manière bénévole, ne vous dispense pas de votre obligation d’exécuter avec bonne foi votre contrat de travail et plus précisément de ne pas vous livrer à des actes de déloyauté.

Dans le cadre de votre activité bénévole, vous créez volontairement une confusion avec le CIDFF-CEDIFF si bien que les personnes venant vous rencontrer croient prendre contact avec notre association, ce qui n’est pas le cas.

Vous vous êtes bien gardée d’ailleurs de me tenir informée de cette activité parallèle.

Les explications recueillies par vous au cours de notre entretien du 4 mai 2011 ne m’ont pas permis de modifier mon appréciation à ce sujet.

Votre comportement à l’égard de notre association s’est fortement dégradé ces derniers mois au préjudice des personnes qui font appel à nos services. Deux avertissements vous ont d’ailleurs été notifiés les 9 et 22 février 2011.

Par ailleurs, je viens de prendre connaissance des nombreuses doléances formulées par vos collègues de travail qui subissent manifestement des pressions psychologiques de votre part parfaitement inacceptables.

J’apprends également que vous dénigrez constamment l’association. Là encore, je ne peux tolérer de tels actes incompatibles par nature avec le déroulement serein d’une relation de travail. Notre crédibilité est en outre mise en cause.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de vous licencier pour faute grave, vos comportements justifiant un départ immédiat de l’association. Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de la présente (…)'.

Entre-temps, Mme F a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail à l’issue de la première visite de reprise qui s’est déroulée le 17 mai 2011. Le 31 mai 2011, à l’issue de la deuxième visite de reprise, le médecin du travail du travail a estimé que Mme F était inapte définitivement à tous les postes de l’entreprise.

Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme F a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal le 24 octobre 2011 aux fins d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement abusif et vexatoire, un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, un rappel de prime de fin d’année et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également sollicité l’annulation des avertissements qui lui avaient été notifiés les 14 novembre 2008, 9 février 2011 et 22 février 2011.

Le CIDFF des Vosges s’est opposé à ces demandes et a sollicité la condamnation de la salariée au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 mai 2013, le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Mme F ne repose pas sur un motif légitime et revêt un caractère abusif. Il a condamné le CIDFF des Vosges à verser à Mme F les sommes suivantes :

—  3.008,46 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 300,85 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

—  5.908,49 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

—  650,25 euros bruts à titre de rappel de salaire ainsi que 65,02 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

—  10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

—  700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a débouté Mme F du surplus de ses demandes.

Il a également débouté le CIDFF des Vosges de ses demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux entiers dépens comprenant la contribution pour l’aide juridique.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception envoyée le 1er juillet 2013, Mme F a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 juin précédent. Cet appel a été enrôlé sous le numéro 13/01985.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception envoyée le 2 juillet 2013, le CIDFF des Vosges a également relevé appel du jugement qui lui avait été notifié le 10 juin précédent. Cet appel a été enrôlé sous le numéro 13/02016.

Par ordonnance du magistrat chargé d’instruire les affaires, la jonction des procédures 13/01985 et 13/02016 a été ordonnée sous le numéro unique 13/01985.

*

Mme F demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné le CIDFF des Vosges à lui verser les sommes de :

—  650,25 euros bruts à titre de rappel de salaire en lien avec le passage aux 35 heures ainsi que 65,02 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

—  3.008,46 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que 300,85 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Elle sollicite son infirmation pour le surplus en demandant la condamnation de l’employeur au paiement des sommes de 5.760,72 euros bruts à titre de rappel de prime de fin d’année de 2006 à 2011, de 576,07 euros bruts au titre des congés payés afférents et de 485,38 euros à titre d’indemnités journalières 2011 indûment conservées et non versées. Elle demande l’annulation des avertissements notifiés les 14 novembre 2008, 9 février 2011 et 22 février 2011.

Elle soutient avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral au titre desquels elle sollicite la condamnation du CIDFF des Vosges au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Mme F demande que son licenciement soit déclaré nul et, subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicite en conséquence la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme de 6.050,31 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Elle soutient que les circonstances de son licenciement ont été particulièrement vexatoires et que le CIDFF des Vosges a poursuivi son dénigrement à son encontre après la rupture du contrat de travail. Elle demande en conséquence la condamnation du CIDFF des Vosges au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Elle souhaite qu’il soit ordonné au CIDFF des Vosges de lui remettre sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard un bulletin de salaire mentionnant les condamnations salariales et une attestation destinée à Pôle emploi, dans un délai de 30 jours suivant la notification de la décision à intervenir.

Mme F demande enfin la condamnation du CIDFF des Vosges au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

*

Le CIDFF des Vosges demande l’infirmation du jugement et sollicite que Mme F soit déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Il soutient que le licenciement de Mme F est parfaitement fondé.

Il demande à la Cour de constater qu’il n’existe aucun harcèlement moral commis à l’encontre de Mme F.

Le CIDFF des Vosges sollicite la condamnation de Mme F au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

*

La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 3 décembre 2015, dont elles ont repris oralement les termes lors de l’audience.

MOTIVATION

— Sur le rappel de salaire lié au passage aux 35 heures :

Mme F fait valoir que le CIDFF des Vosges n’a pas intégralement compensé la perte de rémunération consécutive à son passage aux 35 heures et que cette situation a été révélée dans un rapport d’audit établi par un organisme (URIOPPSS Lorraine) ayant mis en évidence que son salaire était inférieur d’environ 1,40 % à ce qu’elle aurait dû percevoir. Selon ce rapport, l’employeur a appliqué une compensation financière de 10 % alors qu’il aurait dû appliquer un taux d’environ 11,40 % pour parvenir à une compensation intégrale de la réduction du temps de travail (une majoration de 10 % du taux horaire de base multiplié par 35 heures équivaut à rémunérer 38h30 en fonction de l’ancien taux et non 39 heures).

Sur ce point, le CIDFF des Vosges se borne à soutenir que Mme F n’a pas souhaité passer aux 35 heures mais n’en rapporte pas la preuve.

En tout état de cause, dans la mesure où il n’est pas contesté que l’accord relatif à la réduction du temps de travail applicable dans l’entreprise prévoyait un maintien intégral de la rémunération, Mme F est bien fondée à soutenir qu’elle ne pouvait subir une baisse de son salaire et l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’elle se soit trouvée dans une situation particulière qui justifiait qu’elle subisse une différence de traitement par rapport aux autres salariés.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement ayant fait droit au rappel de salaire présenté dans la limite de la prescription applicable et ayant condamné le CIDFF des Vosges au paiement de la somme brute de 650,25 euros, outre la somme brute de 65,02 euros au titre des congés payés afférents.

Mme F formule également dans les motifs de ses conclusions une demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, qui n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions, à hauteur de 500 euros.

Mme F rapporte la preuve qu’elle a envoyé plusieurs courriers de réclamation au CIDFF des Vosges (10 novembre 2005 et 4 janvier 2006) qui sont demeurés sans résultat. Elle a reçu en réponse le 4 janvier 2006 un courriel lui indiquant que sa demande serait transmise à la directrice à son retour de vacances mais aucune suite n’a été donnée à sa demande jusqu’à son licenciement.

Le CIDFF des Vosges a ainsi fait preuve d’une résistance abusive qui justifie sa condamnation au paiement de la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts.

— Sur le rappel de prime de fin d’année :

Mme F fait valoir qu’une prime de fin d’année représentant 5 % du montant brut fiscal de l’année lui avait été accordée en vertu d’un avenant non daté intervenu apparemment courant 1999 et que son versement a été interrompu en 2005 sans que son contrat de travail ait été modifié. Elle estime que le versement de cette prime reposait sur un fondement contractuel mais aussi sur un usage constant en vigueur au sein de l’association qui n’a pas été régulièrement dénoncé.

Les bulletins de salaire produits aux débats permettent de constater que Mme F a perçu cette prime de fin d’année en décembre 1999, décembre 2000, décembre 2001, décembre 2002 et décembre 2003. L’employeur ne conteste pas que les autres salariés percevaient aussi cette prime de fin d’année en vertu du même mode d’évaluation, à savoir 5 % du salaire brut fiscal annuel et pendant la même période. Ainsi la prime présente les caractères requis d’un usage à savoir la fixité, la constance et la généralité.

Mme F a signé un avenant à son contrat de travail dans lequel la prime de fin d’année n’a pas été reprise dans l’article 6 intitulé 'avantages sociaux'. Cet avenant non daté concernait le changement de dénomination du poste de Mme F en secrétaire-comptable coordinatrice informatrice et cette nouvelle dénomination apparaît pour la première fois sur le bulletin de salaire du mois de mai 2004, ce qui permet d’établir que l’avenant a été signé à cette époque. Cet avenant est toutefois équivoque dans la mesure où il n’avait pas pour objet de modifier les conditions de rémunération mais la définition du poste occupé par la salariée.

Par ailleurs, le versement de la prime de fin d’année avait d’autant plus acquis la valeur d’un usage au sein de l’association qu’il résulte d’une note de service de sa présidente datant apparemment de septembre 2005 que le conseil d’administration avait entendu la supprimer par une décision de novembre 2004. Compte tenu des protestations qui se sont alors élevées contre la remise en cause de cet avantage, la présidente du CIDFF des Vosges a indiqué le 25 septembre 2006 que la prime pour l’année 2004 serait néanmoins versée et Mme F a perçu à ce titre une somme de 1.020,58 euros qui est mentionnée sur son bulletin de salaire de septembre 2006.

Il apparaît donc qu’en dépit de l’avenant intervenu courant 2004, qui avait de surcroît un caractère équivoque, Mme F a continué de percevoir la prime de fin d’année au titre de l’année 2004, et que ce versement trouve sa justification dans l’usage qui existait au sein de l’association.

Pour que l’employeur puisse valablement dénoncer un usage, il lui appartient d’informer les institutions représentatives du personnel, d’informer individuellement chaque salarié, s’il s’agit d’une disposition qui leur profite, et de respecter un délai de prévenance suffisant. C’est à l’employeur de rapporter la preuve de ce qu’il a respecté ces trois formalités cumulatives. A défaut, les salariés peuvent réclamer l’avantage résultant de cet usage jusqu’à la dénonciation régulière de celui-ci ou la conclusion d’un accord d’entreprise ayant le même objet que cet usage.

Dans la mesure où le CIDFF des Vosges compte moins de onze salariés, il ne dispose pas d’institutions représentatives du personnel, de sorte que cette condition ne s’appliquait pas en l’espèce. En revanche, il appartient au CIDFF des Vosges de rapporter la preuve de l’information individuelle donnée à chaque salarié et en l’occurrence, il n’est produit aucune preuve selon laquelle Mme F a été personnellement informée de la dénonciation de l’usage relatif au versement de la prime de fin d’année.

Mme F est par conséquent bien fondée à soutenir qu’elle aurait dû percevoir la prime de fin d’année au titre des années 2006 à 2011, au prorata pour cette dernière année.

A hauteur d’appel, le CIDFF des Vosges ne présente aucune observation sur le bien fondé de cette demande et ne critique pas le décompte présenté par Mme F.

Il y a lieu de condamner le CIDFF des Vosges au paiement des sommes brutes de 5.760,72 euros au titre des primes de fin d’année de 2006 à 2011 inclus et de 576,07 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement doit être infirmé de ces chefs.

— Sur le rappel d’indemnités journalières :

Mme F expose que lorsqu’elle s’est trouvée en arrêt de travail de février à mai 2011, la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges a versé directement au CIDFF des Vosges la somme de 2.093,77 euros à titre d’indemnités journalières et que ce montant, arrondi à 2.094 euros, a été déclaré aux services fiscaux par la caisse et est mentionné sur sa déclaration pré-remplie des revenus de l’année 2011. Elle précise que le CIDFF des Vosges ne lui a reversé que la somme de 1.608,39 euros et elle sollicite par conséquent la différence s’élevant à la somme de 485,38 euros qu’elle estime avoir été indûment conservée par son employeur.

Le CIDFF des Vosges ne présente aucune explication sur cette demande.

Il convient de faire droit à la demande et de condamner le CIDFF des Vosges à payer à Mme F la somme nette de 485,38 euros.

Mme F formule également dans les motifs de ses conclusions une demande en dommages et intérêts, qui n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions, à hauteur de 500 euros.

Toutefois, Mme F ne motive pas cette demande et ne rapporte donc pas la preuve d’un préjudice autre que le simple retard de paiement, déjà indemnisé par les intérêts au taux légal, et cette demande en dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.

— Sur la demande en annulation des avertissements :

a) Sur l’avertissement du 14 novembre 2008 :

Mme F demande l’annulation de l’avertissement qui lui a été adressé le 14 novembre 2008 dans les termes suivants : 'Le 3 novembre 2008, nous avons eu à regretter le fait que vous ayez fait une intervention le 30 septembre 2008 sur les violences conjugales au centre médico psychologique d’Epinal, partenaire de l’association, sans en informer la direction du CIDFF. A cette occasion des plaquettes du CIDFF des Vosges ont été distribuées. Nous vous rappelons que le 21 septembre 2008, vous aviez déjà pris rendez-vous avec le procureur de la République sans l’accord de la direction. Ces faits constituent un manquement que nous ne pouvons tolérer et à ce titre, nous vous infligeons un avertissement. Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions envisager une autre sanction. Nous souhaitons donc vivement que vous fassiez le nécessaire pour un redressement rapide et durable'.

Mme F soutient qu’il s’agissait d’une conférence organisée en dehors de son temps de travail et avec son matériel personnel (ordinateur portable et vidéo-projecteur), qu’elle ne s’est pas présentée comme intervenante au titre du CIDFF des Vosges et qu’elle n’a causé aucun préjudice à son employeur.

Il est exact que les violences conjugales constituent un thème d’intérêt général au sujet duquel Mme F était libre d’intervenir, en l’absence de toute clause contraire de son contrat de travail, et sans que l’employeur puisse revendiquer un quelconque monopole du droit à l’expression sur ce thème, quand bien même la conférence se déroulait dans le département des Vosges où l’association exerce son activité.

Toutefois, Mme F ne conteste pas avoir à cette occasion distribué des plaquettes d’information du CIDFF des Vosges, ce qu’elle ne pouvait faire sans avoir recueilli l’autorisation préalable de celui-ci, sauf à créer dans l’esprit de son auditoire un risque de confusion entre son activité de conférencière à titre privé et sa qualité de salariée du CIDFF des Vosges.

L’avertissement délivré à Mme F pour ce motif est par conséquent justifié et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Mme F fait valoir également que le reproche qui lui est adressé au sujet de la prise de rendez-vous avec le procureur de la République est absurde dans la mesure où le 21 septembre 2008 était un dimanche. Il résulte toutefois des éléments que Mme F verse elle-même aux débats que le courrier fait en réalité référence à un incident qui s’est déroulé le 21 septembre 2005 (et non 2008, le courrier d’avertissement étant affecté d’une erreur matérielle) et qui avait alors donné lieu à une simple mise en garde par lettre du 23 septembre 2005. Mme F ne peut donc soutenir de bonne foi avoir été sanctionnée le 14 novembre 2008 pour la prise de rendez-vous avec le procureur de la République.

b) Sur l’avertissement du 10 février 2011 :

Mme F prétend tout d’abord avoir reçu une enveloppe vide envoyée en recommandé par son employeur le 9 février 2011 mais cet élément est sans intérêt pour la solution du litige.

Mme F demande l’annulation de l’avertissement qu’elle a finalement reçu dans un courrier du 10 février 2011 et qui est formulé dans les termes suivants : 'Le 18 janvier 2011, nous avons eu à regretter votre absence à votre poste de travail sans autorisation et alors même que vous aviez des rendez-vous à honorer. Lors de l’entretien que nous avons eu avec Claudine Renard le lundi 24 janvier 2011, vous nous avez indiqué que vous alliez fournir un arrêt de travail pour maladie. Hors à ce jour vous ne l’avez toujours pas présenté. Ce comportement est préjudiciable au bon fonctionnement du service auquel vous êtes affectée. Ce fait qui constitue une infraction au règlement intérieur m’amène à vous notifier ici un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel. Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave. Nous souhaitons donc vivement que vous preniez en compte rapidement et durablement nos observations'.

Mme F a contesté cet avertissement par un courrier du 22 février 2011 en indiquant qu’elle avait demandé depuis plusieurs semaines un jour de congé pour le 18 janvier 2011 afin d’accompagner un proche à un rendez-vous personnel et qu’elle ne s’était jamais engagée à fournir un certificat médical pour ce jour-là, n’ayant eu aucun problème de santé.

Mme F produit aux débats une demande de congé datée du 28 décembre 2010 qui concerne notamment la journée du 18 janvier 2011. Par courrier du 11 janvier 2011, Mme F a réitéré sa demande portant sur plusieurs jours de congé dont le 18 janvier 2011.

Par lettre du même jour que Mme F affirme avoir trouvé dans sa case seulement le 17 janvier 2011 à 18 heures, la directrice du le CIDFF des Vosges a contesté le décompte des jours de congé invoqué par Mme F en estimant qu’elle ne pouvait disposer que de 13,5 jours et que ses demandes excédaient ce quantum. Ce courrier fait toutefois expressément référence à la demande concernant le 18 janvier 2011.

Mme F a répondu au courrier de l’employeur par lettre recommandée du 18 janvier 2011, remis à son destinataire le lendemain, comportant notamment les termes suivants : 'Outre la date du 18 janvier 2011, je souhaite fixer les périodes suivantes (…)'.

Même s’il pouvait exister un différend entre l’employeur et la salariée au sujet du décompte exact du solde des jours de congés, il est établi que le CIDFF des Vosges était parfaitement informé de la demande portant sur la journée du 18 janvier 2011.

Il ne résulte pas clairement des pièces produites que l’employeur avait expressément accordé le congé demandé à la date du 18 janvier mais il ne l’avait pas non plus refusé, faute d’avoir pris position sur la demande de la salariée qui avait pourtant été formulée dès la fin du mois de décembre précédent.

Dans ces conditions, l’avertissement délivré le 22 février 2011 n’était pas justifié et était en outre entaché de mauvaise foi dans la mesure où l’employeur invoquait une prétendue absence pour maladie alors qu’il était informé que Mme F était absente pour un autre motif.

Mme F est bien fondée à solliciter l’annulation de cet avertissement et le jugement doit par conséquent être infirmé de ce chef.

c) Sur l’avertissement du 22 février 2011 :

Par courrier du 22 février 2011, le CIDFF des Vosges a infligé un avertissement à Mme F dans les termes suivants : 'Vous vous êtes absentée de votre travail depuis le lundi 14/02/2011 à 13h, et jusqu’au jeudi 17/02/2011 à 13 h, nous n’avons eu aucune nouvelle de vous. Nous vous rappelons qu’aux termes du règlement intérieur applicable à notre association, vous êtes tenue non seulement de nous informer le plus tôt possible de toute absence, mais également de justifier les raisons de cette absence par la production, le cas échéant, d’un certificat médical sous 48 heures. En l’occurrence, vous ne nous avez informés de votre absence par aucun moyen à votre disposition. Nous avons appris votre absence pour 1 mois de maladie par l’intermédiaire du commandant Ubin du commissariat de Remiremont le jeudi 17 février à 10 heures. De plus, votre certificat médical ne nous est parvenu que le jeudi 17 février 2010 après-midi à 13 h. Ce comportement désorganise le service. Non seulement vos rendez-vous n’ont pu être honorés mais nous n’avons pas pu prévenir de votre absence. Vos permanences n’ont pas été effectuées sans que nous soyons en mesure d’avertir ni de justifier du motif auprès des particuliers et des partenaires. Cet état de fait non seulement discrédite le CIDFF mais donne une image négative auprès de nos partenaires et des particuliers vulnérables qui ont affaire au service d’aide aux victimes dont vous êtes la coordinatrice, soit 10 rendez-vous. Nous vous demandons de nous faire parvenir par tout moyen à votre convenance et ce au plus tôt les clés de vos armoires à dossiers, afin que nous puissions mettre en oeuvre la continuité du service. Ce manquement à l’une de vos obligations contractuelles nous amène donc à vous notifier par la présente un avertissement qui sera versé à votre dossier'.

Il résulte des pièces produites que Mme F a adressé son arrêt de travail en courrier recommandé au CIDFF des Vosges le 15 février 2011, c’est-à-dire dès le lendemain du début de sa période d’absence. Même si Mme F ne rapporte pas la preuve de son affirmation selon laquelle elle a vainement cherché à joindre son employeur en sortant de chez le médecin le lundi 14 février 2011 après-midi, il est cependant établi qu’elle a bien envoyé son certificat médical dans les 48 heures ayant suivi son arrêt.

Pour refuser de prononcer l’annulation de cet avertissement, les premiers juges ont considéré à tort qu’il fallait tenir compte du fait que l’employeur n’avait reçu l’arrêt de travail que le 17 février 2011 et la salariée observe, à juste titre, qu’elle ne peut être tenue pour responsable du délai d’acheminement du courrier envoyé en recommandé.

L’avertissement prononcé dans ces conditions est abusif et il y a lieu de faire droit à la demande en annulation de cette sanction. Le jugement doit par conséquent être infirmé de ce chef.

— Sur le harcèlement moral :

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A – L’établissement de la matérialité de faits précis et concordants :

Mme F fait valoir qu’elle a rencontré des difficultés au travail dès la fin de l’année 2002 mais que ses conditions de travail se sont surtout dégradées à partir de la fin de l’année 2004, la direction lui ayant reproché d’avoir soutenu un salarié licencié pour avoir refusé une modification de son contrat de travail. Elle soutient que la situation s’est encore aggravée à compter du mois de juillet 2010 avec l’arrivée d’une nouvelle direction à la tête de l’association.

Elle invoque les faits suivants :

— les procédures disciplinaires à son encontre se sont multipliées ;

— son employeur a volontairement refusé de lui verser la rémunération qui lui était due et a refusé de régulariser la situation alors qu’il en était averti ;

— elle ne disposait pas du matériel nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions et son employeur l’a menacée de licenciement lorsqu’elle s’en est plainte et a porté atteinte à sa vie privée ;

— son employeur entravait volontairement l’exercice de ses fonctions ;

— elle a été mise à l’écart et attaquée verbalement ;

— le CIDFF des Vosges dénigrait son travail, ses compétences et son implication ;

— ses plannings étaient constamment modifiés ;

— sa fonction était omise sur les comptes rendus du CIDFF des Vosges ;

— un courrier de l’employeur daté du 11 janvier 2011 ne lui a été remis que le 17 janvier 2011 ;

— on lui a demandé ses coordonnées personnelles le 2 mars 2011 alors qu’elles étaient connues de longue date par la direction ;

— des avis de contravention ne lui ont pas été remis à temps, de sorte qu’elle a subi des majorations ;

— des réunions d’équipe étaient systématiquement organisées lorsqu’elle n’était pas disponible ;

— le CIDFF des Vosges a effectué une fausse déclaration de revenu la concernant ;

— ses bulletins de paie ne lui étaient plus remis ;

— le CIDFF des Vosges a cherché à la léser concernant ses droits à congés payés.

Pour démontrer que ces faits sont établis, la salariée verse aux débats diverses pièces.

* La multiplication des procédures disciplinaires :

Mme F invoque les trois avertissements dont elle a fait l’objet et il résulte des développements précédents que deux sont reconnus abusifs par le présent arrêt, à savoir ceux des 10 et 22 février 2011.

La matérialité de ces faits est donc établie puisqu’il y a eu deux procédures disciplinaires injustifiées en un court laps de temps.

* Le refus de régulariser sa rémunération :

Mme F invoque le refus du CIDFF des Vosges de régulariser sa rémunération après le passage aux 35 heures, malgré ses réclamations réitérées, ainsi que la suppression de sa prime de fin d’année. Ces faits déjà examinés précédemment sont établis.

Elle fait valoir aussi que l’employeur a viré tardivement son salaire du mois d’août 2006 qui ne lui a été payé que le 4 avril 2007 et alors même qu’elle était la seule salariée concernée par cette omission. La matérialité de ce retard de paiement ressort des pièces n° 31 et 32 du dossier de l’employeur qui met en évidence un virement de 1.403,40 euros le 4 avril 2007 à titre de régularisation de salaire de Mme F.

Elle invoque encore une transmission tardive d’une attestation de salaire à la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges. Après avoir transmis son arrêt de travail en recommandé le 15 février 2011, Mme F a envoyé un courrier au CIDFF des Vosges le 1er mars 2011 pour réclamer l’attestation de l’employeur permettant le versement de ses indemnités journalières. L’employeur a répondu par courrier recommandé du 2 mars 2011 que l’attestation de salaire avait été adressée à la caisse primaire en début de semaine précédente mais le versement des indemnités journalières n’est intervenu que le 6 avril 2011.

La matérialité de ces faits est établie.

* L’absence de mise à disposition du matériel nécessaire à l’accomplissement des fonctions :

Selon les attestations de Mme E AI, stagiaire, et de Mme B R, ancienne salariée du CIDFF des Vosges, Mme F ne disposait pas du matériel nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions, ou du moins d’un matériel en état de fonctionner, et était contrainte d’utiliser son ordinateur personnel, alors que selon Mme E AI, les collègues de Mme F disposaient de matériel en état de marche.

La matérialité de ces faits est donc établie.

Il ressort d’un courrier adressé le 15 novembre 2010 par Mme F au CIDFF des Vosges qu’elle déplorait devoir avancer l’argent nécessaire pour faire le plein d’essence du véhicule de service. Elle reprochait également à son employeur de l’avoir menacée de licenciement pour abandon de poste si elle refusait d’effectuer des déplacements au motif qu’elle n’avait pas les moyens de faire l’avance du plein d’essence.

La menace d’un licenciement pour abandon de poste n’est toutefois pas prouvée par un document autre que le courrier de Mme F.

En revanche, le courrier en réponse de la directrice du CIDFF des Vosges du 18 novembre 2010 qui annonçait la mise en place prochaine d’un système de carte de carburant utilisable dans des stations services, évitant ainsi aux salariés de faire l’avance sur leurs deniers personnels (ce qui a été fait par une note de service du 9 décembre 2010), comporte la phrase suivante : 'Tu m’as informée le lundi 15 novembre 2010 que ton mari ne te laisse pas utiliser ta carte bancaire librement et que tu ne disposes d’aucun crédit sur ton compte en banque, ce qui te met dans l’impossibilité d’effectuer le plein d’essence et ainsi d’effectuer une permanence à Neufchâteau'.

Si Mme F a affirmé dans son courrier du 15 novembre 2010 qu’elle n’était pas en mesure de faire l’avance des frais de carburant, elle n’a toutefois pas indiqué que son mari ne la laissait pas utiliser sa carte bancaire.

La matérialité des faits d’atteinte à la vie privée est donc établie.

* L’entrave volontaire à l’exercice de ses fonctions :

Il résulte de l’attestation de Mme U V, brigadier de police, qui souhaitait prendre rendez-vous pour des victimes, qu’à deux reprises en janvier 2011 son interlocuteur du CIDFF des Vosges lui a indiqué que Mme F était absente alors qu’elle était présente et qu’un rendez-vous a en revanche été fixé un vendredi matin alors que Mme F ne travaillait pas ce jour-là.

Il résulte également de plusieurs attestations établies par des usagers du service d’aide aux victimes (Mme G H, Mme AT AU, M. AV AW, Mme M N, Mme AJ AK, Mme S T, Mme I J, Mme AD AE) qu’à partir de juin 2010, le standard du CIDFF des Vosges répondait que Mme F était absente, malade ou indisponible alors que ce n’était pas le cas. Plusieurs personnes indiquent qu’il leur était alors conseillé d’avoir affaire à d’autres intervenants du CIDFF des Vosges que Mme F.

La matérialité de ces faits, qui caractérise également une mise à l’écart de Mme F, est établie.

* La mise à l’écart :

Il résulte de l’attestation de Mme B R, ayant occupé les fonctions de juriste au sein du CIDFF des Vosges du 26 novembre 2007 au 25 mai 2008, que tous les salariés lui ont été présentés lors de son arrivée, à l’exception de Mme F, et que celle-ci 'était régulièrement la cible de remarques en tout genre concernant sa façon de travailler et sa façon d’être'.

La mise à l’écart de Mme F par ses collègues du CIDFF des Vosges ressort également de l’attestation de Mme E ainsi que des éléments examinés dans le paragraphe précédent.

La matérialité de ces faits est établie.

* Le dénigrement de son travail, de ses compétences et de son implication :

Mme F invoque de très nombreux témoignages, remerciements ou attestations émanant d’usagers du service, de partenaires ou de différentes autorités concernant son travail et son implication mais ces documents sont sans intérêt pour caractériser un dénigrement de la part de l’employeur.

Il résulte en revanche de l’attestation de Mme W AA qu’à l’occasion d’un rendez-vous avec Mme F le 16 septembre 2010 au commissariat d’Epinal, une personne blonde se présentant comme juriste du CIDFF des Vosges est entrée dans le bureau sans frapper et a refuser de sortir en tenant les propos suivants : 'C’est hors de question que je sorte, de toute façon vous n’aurez bientôt plus le choix, Mme F ne sera plus là'.

Il résulte également de l’attestation de Mme M N que le CIDFF des Vosges a fait pression sur elle pour qu’elle accepte que son dossier continue d’être suivi par une autre personne 'plus compétente et plus diplômée’ que Mme F.

Mme I J a également attesté qu’à partir du mois de juillet 2010, elle s’est heurtée à des difficultés pour rencontrer Mme F et qu’une personne du standard du CIDFF des Vosges lui a même indiqué qu’elle avait démissionné et avait été remplacée par une autre personne 'plus diplômée'.

La matérialité de ces faits est établie.

* Les modifications des plannings :

Mme F produit aux débats ses plannings modifiés à quatre reprises d’octobre 2009 à octobre 2010.

La matérialité de ces faits est établie.

* L’omission de sa fonction sur les comptes rendus du CIDFF des Vosges :

Mme F fait grief à l’employeur d’avoir mentionné sur les comptes rendus des réunions du 1er octobre 2010 et du 19 novembre 2010, dans la colonne indiquant les présents et les absents, les termes 'service d’aide aux victimes’ à côté de son nom mais pas sa fonction exacte, contrairement aux autres salariés.

Outre qu’il est très excessif de prétendre qu’elle était en raison de cette formulation 'niée en tant que personne physique', ce grief n’est pas établi puisqu’il est mentionné ensuite, dans le corps de chacun des documents, que Mme F était 'coordinatrice informatrice du service d’aide aux victimes', ce qui correspondait aux fonctions exercées.

La matérialité de ce fait n’est donc pas établie.

* La remise tardive le 17 janvier 2011 d’un courrier de l’employeur daté du 11 janvier 2011 :

Ce fait n’est pas matériellement établi dans la mesure où il repose seulement sur l’affirmation de Mme F qui a elle-même annoté le courrier en mentionnant qu’elle l’avait trouvé dans sa case le 17 février 2011 à 18h10.

* La demande de communication de ses coordonnées personnelles le 2 mars 2011 :

La directrice du le CIDFF des Vosges a adressé à Mme F un courrier recommandé le 2 mars 2011 dont le premier paragraphe est ainsi rédigé : 'Afin de faciliter et d’accélérer la transmission d’informations entre le CIDFF et vous-même, je vous invite à nous transmettre un numéro de téléphone, fixe ou portable, le cas échéant une adresse mail au lieu du 'ne pas répondre’ qui apparaît sur vos mails, soit encore un numéro de fax puisque le vôtre n’apparaît pas davantage puisque vous passez par Free fax'.

Il ressort de différents échanges de courriel entre Mme F et la direction du CIDFF des Vosges que celle-ci connaissait déjà l’adresse mail de la salariée.

La matérialité de ce fait est au moins partiellement établie.

* La remise tardive des avis de contravention :

Mme F a commis un excès de vitesse avec le véhicule de service qui a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de contravention qui a d’abord été envoyé au CIDFF des Vosges puis renvoyé à Mme F après qu’elle eut été désignée comme étant la conductrice du véhicule.

Selon un courrier adressé par Mme F le 2 août 2010 à l’officier du ministère public, c’est en raison du retard mis par la directrice du CIDFF des Vosges pour renvoyer le formulaire de requête en exonération qu’elle a dû supporter le paiement d’une amende forfaitaire majorée.

Cette affirmation ne repose toutefois que sur les seules déclarations de Mme F formulées dans son courrier envoyé à l’officier du ministère public et rien ne prouve qu’il incombait au CIDFF des Vosges de renvoyer le formulaire.

La matérialité de ce fait n’est donc pas établie.

* La tenue des réunions d’équipe :

Mme F rapporte la preuve que les réunions d’équipe se tenaient en 2011 les mercredis après-midi de 13h30 à 14h30 alors qu’elle assurait ces jours-là des permanences au commissariat de police de Remiremont.

La matérialité de ce fait est établie.

* L’établissement d’une fausse déclaration de revenu :

Mme F soutient que le CIDFF des Vosges a volontairement déclaré en trop aux services des impôts la somme de 485,38 euros correspondant à des indemnités journalières qui ne lui ont pas été reversées, ainsi que cela a été précédemment examiné.

Toutefois, la déclaration aux services fiscaux relative au versement des indemnités journalières a été faite par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges ainsi que cela résulte de la déclaration pré-remplie.

La matérialité de ce fait n’est donc pas établie.

* Le défaut de remise des bulletins de paie :

Il résulte de plusieurs courriers adressés par Mme F à son employeur en mars et mai 2011 qu’elle a dû réclamer ses bulletins de paie qui ne lui étaient plus envoyés spontanément pendant son arrêt de travail.

La matérialité de ce fait est établie.

* Les difficultés pour la prise des congés :

Mme F fait valoir qu’elle ne travaillait pas le vendredi mais que la direction lui ayant demandé d’assiter à une réunion le vendredi 17 décembre 2010, elle a souhaité pouvoir récupérer ces heures les jeudis matin des 23 et 30 décembre 2010. Cette demande a été refusée par l’employeur.

La matérialité de ce fait est établie.

B – La présomption de harcèlement moral :

Si tous les éléments invoqués par Mme F ne sont pas établis, ceux qui sont en revanche établis, pris dans leur globalité, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et il est donc nécessaire d’examiner les moyens de défense de l’employeur.

C – Les moyens de défense de l’employeur :

S’agissant des sanctions disciplinaires, le CIDFF des Vosges se borne à soutenir qu’elles étaient justifiées, ce que la Cour ne peut toutefois retenir s’agissant des avertissements des 10 et 22 février 2011, pour les motifs précédemment exposés.

Le CIDFF des Vosges conteste le reproche concernant le non-paiement de la totalité du salaire à la suite du passage aux 35 heures en se bornant toutefois à faire valoir qu’il en est résulté une augmentation moyenne de rémunération de l’ordre de 10 % pour les salariés. Si l’employeur a pu commettre de bonne foi une erreur en ce qui concerne le calcul du salaire après passage aux 35 heures, de sorte que ce fait ne peut être considéré en lui-même comme un agissement de harcèlement moral, il n’apporte en revanche pas d’explication sur ses absences de réponse aux demandes de la salariée concernant sa rémunération.

S’agissant de la mise à disposition du matériel, le CIDFF des Vosges affirme que celui-ci était en parfait état de fonctionnement et que Mme F était même privilégiée par rapport à ses collègues, sans toutefois produire aucune pièce probante permettant de contredire les éléments de fait invoqués par la salariée concernant notamment la nécessité pour elle d’utiliser son ordinateur personnel.

S’agissant de l’utilisation des véhicules de service, le CIDFF des Vosges se borne à soutenir qu’il n’existait aucune différence de traitement entre Mme F et ses collègues. Toutefois, sur ce point, il n’est pas établi que tous les salariés de l’association avaient des fonctions itinérantes comme c’était le cas pour Mme F, qui assurait des permanences en divers points du département des Vosges, et qui était donc souvent contrainte de faire l’avance des frais de carburant avant la mise en place des cartes permettant l’accès à une station service.

Aucune réponse n’est apportée par l’employeur à propos de la phrase contenue dans son courrier du 18 novembre 2010 qui concerne la vie privée de la salariée.

Pour ce qui concerne les modifications de planning, le CIDFF des Vosges soutient qu’elles sont intervenues à la demande de Mme F. Toutefois, si le retour à temps partiel à compter du 1er octobre 2010 intervenu à la demande de Mme F a effectivement nécessité une modification de son emploi du temps, le CIDFF des Vosges ne prouve pas que tous les autres changements intervenus depuis 2009 l’ont été sur demande de la salariée.

Le CIDFF des Vosges conteste tout dénigrement du travail de la salariée en soutenant qu’il s’agit d’une allégation mensongère. Elle estime que Mme F n’a fait que remplir correctement les missions qui étaient les siennes.

S’agissant de la mise à l’écart, il résulte de plusieurs attestations de salariés du CIDFF des Vosges (Mme AL AM, Mme AF AG, Mme AN AO, Mme O P, Mme AX AY, Mme A Clérima) que Mme F était devenue distante vis-à-vis de ses collègues, essentiellement à partir de la fin de l’année 2010.

Le CIDFF des Vosges soutient de façon générale que le harcèlement moral invoqué par Mme F ne résulte au mieux que du ressenti de Mme F mais qu’aucun élément objectif ne peut lui être reproché, excluant de sa part toute intention de nuire.

Toutefois, outre que l’intention de nuire n’est pas exigée pour caractériser le harcèlement moral, l’employeur n’apporte pas de justification objective suffisante permettant d’expliquer les deux avertissements injustifiés prononcés à des dates rapprochées, l’absence de réponse donnée dans un délai raisonnable aux demandes d’explication de Mme F concernant les éléments de sa rémunération, le contenu de son courrier du 18 novembre 2010 faisant allusion à la vie privée de la salariée, les propos tenus par des salariés tenant le standard téléphonique tendant à décourager le public de s’adresser à Mme F ou leur indiquant qu’ils gagneraient à consulter des intervenants diplômés, la demande de ses coordonnées personnelles alors que l’employeur les connaissait ou le défaut d’envoi spontané des bulletins de paie alors qu’il résulte de l’article L. 3243-2 du code du travail que lors du paiement du salaire, l’employeur doit remettre au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie.

Le cumul de ces faits, que l’employeur ne peut justifier par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, permet de retenir l’existence d’un harcèlement moral ayant eu pour effet de porter atteinte à la dignité de Mme F et d’altérer sa santé, ainsi que cela ressort des certificats médicaux d’arrêt de travail établis à partir de mars 2011 faisant état d’un syndrome dépressif. Il résulte en outre des pièces produites et notamment d’une attestation établie le 17 mars 2011 par Mme BD BE, psychothérapeute, que Mme F suivait un traitement depuis 2010 en raison d’un vécu de souffrance et d’insécurité en milieu professionnel et d’un sentiment de mise à l’écart. Il résulte également d’un courrier rédigé le 6 avril 2011 par le docteur I L, médecin du travail, à l’attention du professeur Paris, que Mme F souffrait selon elle d’un 'syndrome anxio-dépressif important consécutif à des conditions de travail délétères au sein de son entreprise'.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée d’environ un an si l’on considère que les faits ont été caractérisés à partir de 2010, et des conséquences dommageables qu’il a eu pour Mme F telles qu’elles ressortent notamment des certificats médicaux, le préjudice qui en est résulté pour la salariée sera réparé par l’allocation d’une somme que la Cour est en mesure de fixer à 5.000 euros.

Le jugement ayant débouté Mme F de sa demande au titre du harcèlement moral doit par conséquent être infirmé de ce chef.

— Sur la demande en nullité du licenciement :

Il ressort des éléments de la procédure que les faits de harcèlement moral sont directement à l’origine de l’arrêt de travail du 11 février 2011 pour un syndrome dépressif réactionnel ainsi que des prolongations qui ont suivi. Mme F n’a jamais pu reprendre son travail jusqu’à la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail le 31 mai 2011.

Toutefois, dans la mesure où Mme F a été licenciée pour faute grave dès le 27 mai 2011, elle n’a pas été licenciée pour une inaptitude qui serait la conséquence du harcèlement moral dont elle a été victime et les dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail selon lesquelles toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nulle n’est pas applicable au licenciement prononcé à son égard.

Il y a donc lieu de débouter Mme F de sa demande en nullité du licenciement.

— Sur la demande tendant à déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La faute grave, dont l’employeur doit rapporter la preuve, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Le premier grief énoncé par la lettre de licenciement, dont les termes sont rappelés ci-dessus, consiste dans le reproche de déloyauté adressé à Mme F pour avoir exercé une activité de citoyen volontaire au sein du commissariat de police d’Epinal qui serait concurrente de celle exercée par le CIDFF des Vosges.

Selon l’article 4 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il est créé un service volontaire citoyen de la police nationale destiné, dans le but de renforcer le lien entre la Nation et la police nationale, à accomplir des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l’exclusion de l’exercice de toutes prérogatives de puissance publique. Le service volontaire citoyen est composé de volontaires admis à ce service par l’autorité administrative.

En vertu d’un contrat signé avec le préfet des Vosges le 22 septembre 2010, Mme F s’est engagée bénévolement au sein du service volontaire citoyen de la police nationale, en qualité de collaborateur occasionnel du service public, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction à compter du 16 septembre 2010. Son engagement concernait le 'service d’aide aux victimes, de médiation sociale, d’actions en faveur des personnes vulnérables telles que personnes âgées, femmes victimes de violences, mineurs, handicapés, et ce dans le ressort des circonscriptions de sécurité publique d’Epinal et de Remiremont'.

Mme F fait valoir que le CIDFF des Vosges a toujours su qu’elle exerçait cette activité de citoyen bénévole et qu’elle en avait informé la présidente et la directrice. Elle soutient par conséquent que le grief de déloyauté est prescrit.

Toutefois, si Mme Renard, présidente du CIDFF des Vosges, a interrogé par courriel les services de la préfecture des Vosges le 25 janvier 2011 sur la nature exacte de l’activité exercée par Mme F au sein du commissariat, ce qui permet de penser qu’elle était au moins informée de l’existence de cette activité deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, il résulte également des pièces versées aux débats que les faits reprochés à Mme F se sont poursuivis au moins jusqu’au mois de mars. La prescription doit par conséquent être écartée.

Mme F fait valoir ensuite que l’employeur a recouru à un moyen de preuve illicite puisqu’un huissier de justice s’est présenté au commissariat de police d’Epinal le 3 mars 2011 sans décliner sa qualité.

Il résulte du procès-verbal de constat établi le 3 mars 2011 par Me Henriot, huissier de justice, qu’il s’est présenté au commissariat afin d’accompagner une personne, Mme D, à qui la direction du CIDFF des Vosges avait demandé de prendre un rendez-vous avec Mme F au commissariat de police d’Epinal.

Il ressort de la rédaction même du procès-verbal de constat que l’huissier de justice a d’abord laissé Mme D s’entretenir avec Mme F avant d’intervenir pour lui demander si elle était bien 'Mme F du CIDFF’ et que ce n’est qu’ensuite qu’il s’est présenté et a expliqué les raisons de sa présence.

La retranscription de la question posée par l’huissier de justice ('Après quelques échanges verbaux, j’interviens en demandant à la personne si elle est bien Mme AZ F et si elle est bien au CIDFF. Ce qui est de nouveau confirmé.') permet de constater que c’est lui qui a interpellé Mme F en lui demandant si elle travaillait bien au CIDFF mais que ce n’est pas la salariée qui s’est présentée d’emblée comme en faisant partie. Même si Mme F n’exerçait pas ce jour-là en qualité de membre du CIDFF des Vosges, elle ne pouvait pas répondre négativement à la question ainsi formulée directement puisqu’elle était toujours alors salariée de cet organisme.

Selon le registre de main courante rempli par M. AR AS, policier, les deux personnes se sont présentées à l’accueil du commissariat comme étant Monsieur et Madame D et Mme F les a accueillis en indiquant qu’elle était présente dans les locaux en tant que bénévole. Le policier en conclut que les deux individus lui ont menti sur leur identité en se présentant à lui.

Il apparaît ainsi que le procès-verbal de constat a été établi de façon déloyale, d’autant que la prise de rendez-vous par Mme D, personne qu’accompagnait l’huissier de justice, n’avait pour but que de tendre un piège à Mme F afin de tenter de prouver qu’elle recevait du public dans le cadre d’une action d’aide aux victimes.

En tout état de cause, indépendamment du caractère déloyal du procédé utilisé, le contenu du procès-verbal ne prouve pas que Mme F se soit présentée comme agissant pour le compte du CIDFF des Vosges puisque l’huissier de justice a indiqué : 'Mme AZ F me confirme son identité et me déclare qu’elle est ici, ce jour, dans le cadre des citoyens bénévoles selon convention signée avec le préfet des Vosges'.

Il résulte de l’attestation établie le 8 novembre 2012 par Mme AB AC, responsable du centre départemental des stages et de la formation à la direction départementale de la sécurité publique des Vosges que Mme F travaillait chaque jeudi après-midi depuis le 1er octobre 2010 dans un bureau non accessible au public et démuni de ligne téléphonique où elle était chargée en compagnie de M. BF-BG BH, également citoyen volontaire, de préparer des interventions de prévention auprès des personnes âgées. M. BF-BG BH a rédigé une attestation dans le même sens le 21 mai 2011.

Il n’est donc pas établi que Mme F exerçait en tant que citoyen volontaire une activité susceptible de créer une confusion avec le CIDFF des Vosges ni qu’elle ait commis un acte de déloyauté.

En outre, à supposer même que le champ d’intervention de Mme F en qualité de citoyen volontaire puisse recouper partiellement celui du CIDFF des Vosges, la notion d’activité concurrente évoquée dans la lettre de licenciement est dépourvue de pertinence, s’agissant de missions d’intérêt général sur lesquelles le CIDFF des Vosges ne dispose d’aucun droit particulier.

Le contrat de travail de Mme F ne lui interdisait pas d’avoir une activité bénévole en dehors de son temps de travail.

Enfin, Mme F se trouvait en arrêt de travail pour maladie mais avec des sorties autorisées et sans restrictions horaires, de sorte que rien ne lui interdisait d’exercer cette activité bénévole.

Le premier grief de la lettre de licenciement n’est donc pas établi.

S’agissant ensuite de la dégradation de son comportement reprochée à la salariée, la lettre de licenciement invoque le fait que deux avertissements lui ont été infligés les 9 (en réalité 10) et 22 février 2011.

Toutefois, dans la mesure où ces avertissements étaient injustifiés et sont annulés par le présent arrêt pour les motifs précédemment développés, ils ne peuvent être invoqués pour motiver le licenciement.

L’employeur reproche également à la salariée d’avoir exercé des pressions psychologiques sur ses collègues.

Toutefois, si plusieurs salariées (Mme AL AM, Mme AF AG, Mme AN AO, Mme O P, Mme AX AY, Mme A Clérima) ont attesté de la prise de distance de Mme F à qui il pouvait arriver de ne pas saluer ses collègues, il ne résulte cependant pas des pièces ainsi produites que Mme F ait exercé des pressions psychologiques sur d’autres salariés.

S’agissant enfin du grief de dénigrement constant de l’association, il repose également sur les attestations de plusieurs de ces salariées (en l’occurrence Mme AL AM, Mme AN AO, Mme O P et Mme AX AY) affirmant avoir entendu Mme F dire qu’elle souhaitait quitter l’association et que son objectif était 'de couler le CIDFF'.

Le fait de dire, y compris devant des collègues, que l’on souhaite quitter son employeur ne constitue cependant pas un dénigrement de celui-ci.

Le seul reproche établi qui puisse être adressé à Mme F est d’avoir dit devant ses collègues qu’elle voulait 'couler le CIDFF'.

Toutefois, ces propos, dont on ignore à combien de reprises ils ont pu être tenus, ne l’ont pas été devant des tiers, en particulier pas devant des usagers de l’association, mais seulement devant des collègues de travail. Surtout, ils peuvent s’expliquer par le contexte de harcèlement que subissait alors la salariée, de sorte que cet élément n’était pas suffisamment sérieux pour justifier un licenciement pour faute grave ni même un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement ayant dit que le licenciement est abusif doit donc être confirmé de ce chef.

Dans la mesure où le CIDFF des Vosges n’employait pas au moins onze salariés au moment de la rupture, Mme F ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale à six mois de salaire, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, mais seulement à une indemnité correspondant au préjudice subi en raison de son licenciement abusif, en application de l’article L. 1235-5, ce qu’ont exactement retenu les premiers juges.

Le préjudice subi par Mme F du fait de son licenciement, compte tenu de son âge, d’une ancienneté de 14 ans dans l’entreprise et du fait qu’elle n’a pas retrouvé un nouvel emploi salarié, a été exactement fixé par les premiers juges à la somme de 10.000 euros et le jugement doit par conséquent être confirmé de ce chef.

Contrairement à ce que soutient Mme F, la somme de 10.000 euros accordée par les premiers juges, au visa de l’article L. 1235-5 du code du travail, correspond bien à des dommages et intérêts alloués en réparation de la rupture du contrat de travail et non à des dommages et intérêts alloués en raison des circonstances du licenciement.

— Sur les indemnités de rupture :

Le licenciement de Mme F étant dénué de cause réelle et sérieuse, elle peut prétendre aux indemnités de rupture.

Les montants alloués en première instance de 3.008,46 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis et de 300,85 euros bruts au titre des congés payés afférents n’étant pas critiqués par les parties, le jugement sera confirmé de ces chefs.

S’agissant de l’indemnité de licenciement, Mme F demande de façon contradictoire la confirmation du jugement et une somme de 6.050,31 euros alors que le jugement lui a accordé une indemnité de licenciement de 5.908,49 euros.

Toutefois, dans la mesure où Mme F ne s’explique pas sur son calcul et ne formule en revanche aucune critique à l’encontre du calcul effectué par les premiers juges, qui ont fait application des dispositions légales et qui ont pris en compte une ancienneté de 14 ans et 5 mois, il y a lieu de confirmer le jugement lui ayant accordé à ce titre la somme de 5.908,49 euros.

— Sur les circonstances vexatoires du licenciement et sur le dénigrement postérieur au licenciement :

Mme F soutient que son licenciement a été monté de toutes pièces en invoquant un motif disciplinaire inexistant destiné à éluder les garanties dont elle aurait pu bénéficier en raison d’un licenciement pour inaptitude consécutif à un harcèlement moral.

Le licenciement pour faute grave de Mme F est survenu alors que Mme F était en arrêt de travail, entre deux visites médicales de reprise et alors qu’elle avait été déclarée inapte à son poste à l’issue de la première visite effectuée le 17 mai 2011.

Ces circonstances particulières sont à l’origine d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail qui doit être réparé par la condamnation du CIDFF des Vosges au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement, qui n’a accordé aucune somme à ce titre puisque l’indemnité de 10.000 euros a été accordée en réparation du licenciement abusif, doit par conséquent être infirmé de ce chef.

Mme F soutient également que l’employeur a poursuivi son dénigrement après son licenciement. Toutefois, l’attestation établie par Mme AP AQ indiquant qu’en sa qualité de présidente de l’association 'Le Nid', elle a été contactée fin 2011 par Mme Renard, présidente du CIDFF des Vosges, à propos de l’engagement de Mme F au sein de son association est insuffisante à rapporter la preuve d’un dénigrement de la part de l’employeur qui se serait poursuivi après la rupture du contrat de travail.

— Sur la remise de documents de fin de contrat rectifiés :

Il convient d’ordonner au CIDFF des Vosges de remettre à Mme F une attestation destinée à Pôle emploi ainsi qu’un bulletins de salaire conformes aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d’un mois suivant sa notification, sans qu’il soit nécessaire d’assortir la remise de ces documents d’une astreinte.

— Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive :

L’action engagée étant pour l’essentiel justifiée, Mme F n’a commis aucun abus de droit et le CIDFF des Vosges doit par conséquent être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive. Le jugement doit être confirmé de ce chef.

— Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il convient de confirmer le jugement ayant alloué à Mme F la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de Mme F la totalité des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer à hauteur d’appel. En conséquence, il y a lieu de condamner le CIDFF des Vosges à lui payer la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le CIDFF des Vosges, partie perdante, doit être débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens qui comprendront les contributions pour l’aide juridique.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Epinal du 23 mai 2013 en ce qu’il a débouté Mme AZ F de ses demandes au titre des rappels de prime de fin d’année, en annulation des avertissements du 10 février 2011 et du 22 février 2011, au titre du harcèlement moral et au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison des circonstances du licenciement ;

Statuant à nouveau, dans la limite des dispositions infirmées :

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme de 5.760,72 euros (CINQ MILLE SEPT CENT SOIXANTE EUROS SOIXANTE-DOUZE CENTIMES) bruts au titre des primes de fin d’année de 2006 à 2011 inclus et la somme de 576,07 euros (CINQ CENT SOIXANTE-SEIZE EUROS SEPT CENTIMES) au titre des congés payés afférents ;

ANNULE les avertissements notifiés à Mme AZ F par l’association CIDFF des Vosges le 10 février 2011 et le 22 février 2011 ;

DIT que Mme AZ F a subi des agissements de harcèlement moral de la part de son employeur ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme de 5.000 euros (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des agissements de harcèlement moral ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme de 1.000 euros (MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des circonstances du licenciement ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE Mme AZ F de sa demande en nullité du licenciement ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme de 50 euros (CINQUANTE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement de l’intégralité du salaire après réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme nette de 485,38 euros (QUATRE CENT QUATRE-VINGT-CINQ EUROS TRENTE-HUIT CENTIMES) au titre des indemnités journalières non reversées par l’employeur ;

ORDONNE la remise par l’association CIDFF des Vosges à Mme AZ F d’une attestation destinée à Pôle emploi ainsi que d’un bulletins de salaire conformes aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, mais dit n’y avoir lieu d’assortir cette remise d’une astreinte ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges à payer à Mme AZ F la somme complémentaire de 1.500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel ;

DÉBOUTE l’association CIDFF des Vosges de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée à hauteur d’appel ;

CONDAMNE l’association CIDFF des Vosges aux entiers dépens qui comprendront les contributions pour l’aide juridique.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Et signé par Monsieur De CHANVILLE, président, et par Madame REMOND, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Minute en vingt cinq pages

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Cour d'appel de Nancy, 18 mars 2016, n° 13/01985