Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 5 novembre 2020, n° 19/03169

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 2e ch., 5 nov. 2020, n° 19/03169
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 19/03169
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Épinal, 8 juillet 2019, N° 16/01875
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /20 DU 05 NOVEMBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/03169 – N° Portalis DBVR-V-B7D-EPIG

Décision déférée à la Cour :

jugement du Tribunal de Grande Instance d’EPINAL, R.G. n° 16/01875, en date du 9 juillet 2019,

APPEL PRINCIPAL / INTIME SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur A Y

né le […] à […], demeurant […]

Représenté par Me Didier FURLOTTI de l’AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

Madame B Y épouse X

née le […] à […], demeurant […]

Représentée par Me Didier FURLOTTI de l’AARPI BDF AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE SUR APPEL PRINCIPAL/ APPEL INCIDENT :

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DES HALLES, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié […] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’Epinal sous le numéro 492 953 674

Représentée par Me Cyrille GAUTHIER de la SCP GAUTHIER, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 8 Octobre 2020, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN Président de chambre,

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,

Madame Nathalie ABEL, Conseiller, qui a fait le rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 5 Novembre 2020, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 5 Novembre 2020, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


EXPOSE DU LITIGE

M. A Y et Mme B X épouse Y sont propriétaires d’un immeuble situé […]) qu’ils ont acheté par acte notarié du 19 juillet 2007 à la SCI GRAILLET, laquelle avait consenti sur ce local, à compter du 1er janvier 1994, un bail commercial à un pharmacien, M. Z, qui a cédé son fonds de commerce à la SELARL PHARMACIE DES HALLES par acte de cession du 29 décembre 2006, ladite vente emportant cession de bail au profit de cette dernière.

Par courrier du 5 janvier 2016, la PHARMACIE DES HALLES a résilié le bail à effet du 30 septembre 2016.

La pharmacie DES HALLES a pr ailleurs cédé son fonds de commerce à la SELARL PHARMACIE FLECHON par acte du 24 juin 2016, date depuis laquelle elle n’exploite plus effectivement les locaux, la SELARL PHARMACIE FLECHON ayant par ailleurs préféré fermer ledit fonds de commerce afin que la clientèle initialement attachée à son concurrent se reporte sur son officine.

Par acte d’huissier du 25 juillet 2016, les époux Y ont assigné la SELARL PHARMACIE DES HALLES devant le tribunal de grande instance d’Épinal en vue de sa condamnation à leur verser la somme de 85 000 euros au titre de travaux de réparations locatives.

Ils ont parallèlement fait opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce à la SELARL PHARMACIE FLECHON. Par ordonnance de référé du 28 septembre 2016, cette opposition a été cantonnée à la somme de 100.000 euros, soit 10% du prix de vente, conformément à l’accord des parties.

Par ordonnance du 10 juin 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise de l’immeuble, confiée à Mme C-D qui a déposé son rapport le 15 janvier 2018.

Par jugement du 15 juillet 2019, le tribunal de grande instance d’Epinal a :

— débouté les époux Y de leurs demandes au titre des réparations locatives tant pour défaut d’entretien que pour vétusté,

— débouté les époux Y de leur demande en dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

— condamné la PHARMACIE DES HALLES à rétablir les lieux dans leur état primitif,

— ordonné la main-levée de l’opposition sur le prix de vente du fonds de commerce pratiquée le 21 juillet 2016,

— dit que la somme de 100.000 euros séquestrée pourra être transférée à la PHARMACIE DES HALLES et que la PHARMACIE FLECHON devra délivrer ladite somme,

— débouté la PHARMACIE DES HALLES de ses demandes de rentrée dans le local commercial et de remboursement des réparations effectuées,

— débouté la PHARMACIE DES HALLES sur sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

— débouté la PHARMACIE DES HALLES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle aura engagés, en ce compris les frais d’expertise pour les époux Y,

— débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée le 25 octobre 2019, les époux Y ont interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la PHARMACIE DES HALLES de ses demandes.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 12 juin 2020, les époux Y demandent à la cour de :

— débouter la PHARMACIE DES HALLES de son appel incident, de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

'infirmer le jugement déféré, en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes au titre des réparations locatives,

Statuant à nouveau,

*A titre principal

— condamner la PHARMACIE DES HALLES à leur payer la somme de 65.536,38 euros TTC au titre de leur préjudice matériel, correspondant aux réparations locatives tant pour défaut d’entretien que pour vétusté,

*A titre subsidiaire

— condamner la PHARMACIE DES HALLES à leur verser la somme de 58.144,38 euros au titre de leur préjudice matériel, correspondant aux réparations locatives pour défaut d’entretien, déduction faite de la vétusté,

— infirmer le jugement déféré, en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts

pour trouble de jouissance,

Statuant à nouveau,

— condamner la PHARMACIE DES HALLES à leur verser une somme de 60.243 euros au titre du préjudice de jouissance, arrêté à la date du 30 janvier 2020, cette somme devant être actualisée au jour de la décision à intervenir à hauteur de 1 506 euros par mois,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la PHARMACIE DES HALLES à rétablir les lieux dans leur état primitif,

— constater que tous les travaux, embellissements et améliorations quelconques resteront en fin de bail la propriété du bailleur, sans indemnité,

— débouter la PHARMACIE DES HALLES de ses demandes, fins et prétentions,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit qu’ils conserveront la charge des dépens, en ce compris les frais d’expertise,

Statuant à nouveau,

— condamner la PHARMACIE DES HALLES aux entiers dépens, y compris les frais d’expertise,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il les a déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

— condamner la PHARMACIE DES HALLES à 7.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la PHARMACIE DES HALLES de ses demandes de rentrée dans le local commercial et de remboursement des réparations effectuées,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la PHARMACIE DES HALLES de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la PHARMACIE DES HALLES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter la PHARMACIE DES HALLES de ses demandes, fins et prétentions,

condamner la PHARMACIE DES HALLES à leur régler la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent à l’appui de leurs demandes que :

— en l’absence d’état des lieux, l’article 1731 du code civil est applicable, le contrat de bail prévoyant de surcroît qu’à défaut d’état des lieux, le locataire est réputé avoir reçu les locaux en parfait état,

— en application des clauses contractuelles, le locataire doit prendre à sa charge l’ensemble des réparations locatives,

— en raison de la défaillance de la pharmacie dans l’exécution des travaux lui incombant, ils sont

privés de la possibilité de louer le local et subissent donc un trouble de jouissance.

Dans ses dernières conclusions du 23 juillet 2020, la PHARMACIE DES HALLES demande à la cour de :

— débouter les époux Y de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

— confirmer le jugement déféré relativement aux chefs de jugement critiqués par les époux Y,

Au titre de l’appel incident,

— infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à la PHARMACIE DES HALLES de rétablir les lieux dans leur état primitif,

— condamner les époux Y à lui verser la somme de 24.244,73 euros au titre des réparations payées par elle,

— condamner les époux Y à lui verser 10.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

— condamner les époux Y à lui verser 10.000 euros au titre de l’opposition et de la procédure abusive,

— condamner les époux Y à lui verser 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les époux Y aux entiers frais et dépens de la procédure d’instance et de référé en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Cyrille GAUTHIER.

La PHARMARCIE DES HALLES expose que :

— il doit être fait application de l’article L 145-40-1 du code de commerce et non de l’article 1731 du code civil,

— en tout état de cause, si tant est que l’article 1731 du code civil soit applicable, celui-ci n’institue qu’une présomption simple, laquelle est renversée dans la mesure où est apportée la preuve qu’au moment de l’entrée dans les lieux, ils n’étaient pas en bon état de réparation locative,

— les désordres constatés découlent, au moins partiellement, de la vétusté,

— aucun travaux n’a été engagé par le propriétaire depuis au moins 25 ans,

— l’entretien des locaux était régulier puisqu’ils abritaient une pharmacie, soumise à des règles d’hygiène rigoureuses,

— des travaux incombant normalement aux propriétaires ont été réalisés par elle,

— ne pas être opposée à la prise en charge du coût du remplacement des radiateurs, du nettoyage, retrait de la caméra et déménagement des meubles,

— un trouble de jouissance est invoqué par les demandeurs alors même que le montant du prix allégué ne correspond plus à la valeur locative du bien et qu’il ne peut s’agir que d’une perte de chance laquelle n’est pas démontrée en l’absence de tentative de mise en location,

— la procédure apparaît abusive au regard de la mauvaise foi des époux Y.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 août 2020.

MOTIFS

Sur les demandes principales des époux Y

Il sera souligné que les époux Y ne sollicitent pas dans le dispositif de leurs écritures la condamnation de la Pharmacie des Halles à les indemniser de la somme de 2 880 euros TTC conformément à l’évaluation faite par l’expert judiciaire du coût du déménagement de l’ensemble du mobilier et des médicaments laissés par les anciens locataires.

Sur les réparations locatives

Le premier Juge a rejeté l’intégralité des demandes formées à ce titre par les époux Y, sur le fondement de l’article L 145-40-1 du code de commerce, et en estimant qu’il était 'impossible de savoir à qui il convenait d’imputer les désordes'.

L’article 1720 du Code civil prévoit que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaire, autres que les locatives.

Aux termes de l’article 1731 du Code civil, s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

En l’espèce, aucun état des lieux d’entrée n’a été établi ni lors de la conclusion du premier bail le 31 décembre 1993 entre la SCI GRAILLET et M. Z, ni lors de ses renouvellements, ni lors de l’acquisition du bien par les époux Y, ni lors de la cession de l’officine par M. Z à la Pharmacie des Halles.

L’article L 145'40'1 du code de commerce prévoit que le bailleur qui n’a pas fait toute diligence pour la réalisation de l’état des lieux ne peut invoquer la présomption de l’article 1731 du Code civil. Force est cependant de constater que cette disposition du code de commerce n’est pas applicable en l’espèce dans la mesure où elle résulte de la loi du 18 juin 2014 qui n’était pas en vigueur lors de la conclusion du bail initial en 1993 ni lors de son renouvellement en 2003 ou en 2012.

Les lieux loués sont par conséquent présumés avoir été en bon état lors de leur prise de possession par la Pharmacie des Halles.

Il convient dès lors, pour apprécier l’existence de réparations locatives, de se référer tant aux clauses du bail commercial, qui constitue la loi des parties, qu’aux constatations effectuées lors de la réunion d’expertise contradictoire du 7 novembre 2017 et reprises dans le rapport d’expertise judiciaire dont les conclusions sont précises et circonstanciées.

Le bail renouvelé prévoit, sous le paragraphe 'ENTRETIENS ET REPARATIONS', que 'le locataire entretiendra les lieux loués en bon état de réparations locatives ou de menu entretien, pendant toute la durée du bail, et les rendra à sa sortie en bon état de réparations locatives. Il supportera toutes réparations qui deviendraient nécessaires par suite, soit de défaut d’exécution des réparations locatives, soit de dégradations résultant de son fait ou de son personnel ou de sa clientèle. Il aura entièrement à sa charge, sans aucun recours contre le bailleur, l’entretien complet de la devanture et des fenêtres des locaux ; le tout devra être maintenu constamment en parfait état de propreté, étant précisé que toutes les réparations grosses et menues, et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires en cours de bail, aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets ou rideaux de fermeture des locaux, sont à sa charge exclusive. »

Sur les désordres dus à un défaut d’entretien de la Pharmacie des Halles

Au vu des stipulations contractuelles et des conclusions de l’expertise judiciaire, doivent être considérées comme des réparations locatives à la charge du locaire les éléments suivants pour lesquels un défaut d’entretien a été constaté :

— le nettoyage de la façade en parement pierre (1700 euros hors taxes) ;

— l’entretien de la porte automatique qui ne fonctionne pas correctement et qu’il est par conséquent nécessaire de régler et de reprogrammer pour son fonctionnement futur (150 euros HT) ;

— le nettoyage complet de l’ensemble des vitrines extérieures et des portes d’accès (800 euros HT) ;

— dans la partie avant du local commercial, reprise des menuiseries intérieures (1 200 euros HT), des plafonds (2 600 euros HT), des sols (3 600) et des murs (2 480 euros HT) ;

— la dépose des caméras installées par la Pharmacie des Halles qui n’ont aucune utilité et la pose de dominos en extrémité des fils électriques non utilisés (50 euros HT).

La Pharmacie des Halles est ainsi redevable, au titre des dégradations locatives, des sommes suivantes :

' 1700 euros HT pour le nettoyage de la façade en parement pierre ;

' 800 euros HT pour le nettoyage de l’ensemble des vitrines et des portes d’accès ;

—  150 euros HT pour l’entretien de la porte automatique ;

—  1 200 euros HT pour la reprise des menuiseries intérieures de la partie avant du local commercial ;

—  2 480 euros HT pour la reprise des murs non entretenus ;

-2 600 euros pour la reprise des plafonds dans la partie avant du local ;

—  3 600 euros HT pour la reprise des sols dans la partie avant ;

—  50 euros HT pour les caméras et les fils électriques inutilisables ;

Soit un montant total de 12 580 euros HT et 15 096 euros TTC que la Pharmacie des Halles sera condamnée à payer aux époux Y.

Sur les désordres n’étant pas à la charge de la Pharmacie des Halles

Selon l’article 1755 du Code civil, aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

En l’espèce, le bail renouvelé ne contient aucune clause mettant à la charge du preneur les réparations dues à la vétusté.

Ne peuvent dès lors pas être mises à la charge de la Pharmacie des Halles, qui a occupé les lieux pendant 10 ans, les désordres occasionnés par la vétusté :

— constatés dans la partie arrière du local au niveau des menuiseries intérieures, murs, plafonds, sols ;

— affectant la chaudière et la cuve à fuel, l’expert judiciaire relevant qu’en octobre 2009, lorsque la Pharmacie des Halles a cessé de s’en servir, la chaudière avait déjà plus de 10 ans, n’était plus aux normes et ne pouvait plus fonctionner sans danger. Le fait que la locataire ne justifie pas en avoir avisé les bailleurs ne saurait en tout état de cause décharger ces derniers de prendre en charge le coût de son nécessaire remplacement

Ne sauraient également être mis à la charge de la Pharmacie des Halles les désordres suivants qui ne résultent ni d’un défaut d’exécution des réparations locatives, ni de dégradations résultant du fait du locataire ou de son personnel ou de sa clientèle:

— la reprise de la partie de la façade en parement pierre dont il n’est pas contesté qu’elle a été cassée à la suite d’actes de vandalisme commis antérieurement à la reprise du fonds de commerce par la Pharmacie des Halles et même à la vente des murs aux époux Y,

— la dépose des bandeaux supérieurs et de l’enseigne de la pharmacie qui constituent des éléments du fonds de commerce cédé à la pharmacie FLECHON qui en est désormais propriétaire.

Il résulte de ce qui précède que le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes des époux Y contre la SELARL PHARMACIE DES HALLES au titre des réparations locatives et statuant à nouveau de la condamner à payer à M. A Y et Mme B X épouse Y la somme 15 096 euros au titre des réparations locatives.

Sur le trouble de jouissance

Le Premier juge a rejeté ce chef de demande en retenant que l’expert judiciaire avait précisé ne pas être en mesure d’éclairer le tribunal sur toute responsabilité entre les deux parties.

L’expert judiciaire a cependant constaté que le local commercial était, jusqu’aux opérations d’expertise, inoccupé depuis le 1er octobre 2016, soit depuis 15 mois, et que la remise en état du local nécessitait un mois et demi de loyer.

Les époux Y ont ainsi bien subi un préjudice de jouissance qui consiste en une perte de chance d’avoir pu louer le bien durant ces 16 mois et demi retenus par l’expert judiciaire. Ils ne justifient cependant pas avoir subi un préjudice ultérieurement dans la mesure où, postérieurement au rapport d’expertise judiciaire, ils auraient pu entreprendre des travaux et qu’ils ne démontrent de surcroît pas avoir entrepris la moindre démarche en vue de remettre le bien en location.

Il convient dès lors de retenir une perte de chance de relouer le local de 50% pendant ces seize mois et demi, soit un trouble de jouissance s’établissant à une somme totale de 12 425 euros (16,5 mois x 1.506 euros)/2.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et la Pharmacie des Halles sera condamnée à payer aux époux Y la somme de 12'424,50 euros au titre du trouble de jouissance.

Sur les demandes reconventionnelles de la Pharmacie des Halles

Sur le remboursement de réparations

La Pharmacie des Halles sollicite la condamnation des époux Y à lui rembourser, « à tout le moins au niveau de l’équité », une somme de 24'244,73 euros qu’elle indique avoir exposée au titre de travaux de réparation ayant amélioré les lieux loués.

Le contrat de bail stipule que pour les « améliorations : tous travaux, embellissements et améliorations quelconques qui seraient faits dans les lieux loués par le preneur, même avec l’autorisation du bailleur, resteront, en fin de bail, la propriété de ce dernier, sans indemnité, à moins qu’il ne préfère demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif. »

Il en résulte de cette clause du contrat que cette demande est mal fondée et qu’elle ne peut qu’être rejetée, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Le premier juge a débouté la Pharmacie des Halles de ses demandes de remboursement des réparations effectuées et de rentrée dans le local commercial tout en ayant à ce titre condamné la Pharmacie des Halles à « rétablir les lieux dans leur état primitif au regard des postes dont elle demande le remboursement ». Le jugement entrepris sera infirmé de ce dernier chef conformément à la demande en ce sens formée par les deux parties à hauteur d’appel.

Sur l’indemnisation d’un préjudice financier

La Pharmacie des Halles sollicite la condamnation de son ancien propriétaire à lui payer la somme de 10'000 € en faisant valoir que l’opposition qu’elle a mise en 'uvre lui a causé un préjudice financier.

Au terme de l’article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, force est de constater que la Pharmacie des Halles n’explicite et a fortiori ne justifie pas d’un préjudice financier, pas plus qu’elle ne démontre le caractère fautif de l’opposition, mécanisme légal autorisé par l’ordonnance de référé du 28 septembre 2016, qui a de surcroît constaté l’accord des parties pour qu’elle soit cantonnée à la somme de 100.000 euros, soit 10% du prix de vente du fonds de commerce à la PHARMACIE FLECHON.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

Il sera également confirmé en ce qu’il a ordonné la mainlevée de cette opposition en disant que la somme de 100'000 € séquestrée pourra être transférée à la Pharmacie des Halles et que la SELARL pharmacie FLECHON devra délivrer ladite somme, point qui n’est d’ailleurs plus discuté à hauteur d’appel par les parties.

Sur des dommages-intérêts pour procédure abusive

Les époux Y étant partiellement accueillis en leurs demandes, il ne peut être soutenu qu’il ont agi abusivement, de telle sorte que sera rejetée la demande de dommages et intérêts formée à ce titre à leur encontre.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La Pharmacie des Halles se trouvant débitrice envers ses anciens propriétaires, cette procédure, tout comme l’expertise judiciaire, ont été initiées à bon droit par ces derniers. Il convient en conséquence de condamner la Pharmacie des Halles aux entiers dépens comprenant notamment les frais de l’expertise judiciaire. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé de ce chef

L’équité commande par ailleurs de condamner à hauteur d’appel la Pharmacie des Halles à payer aux époux Y, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 2 000 euros, tout en confirmant le jugement en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes formées à ce titre en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

— débouté la SELARL PHARMACIE DES HALLES de ses demandes de rentrée dans le local commercial, de remboursement des réparations effectuées, de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice financier et de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

— débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

CONDAMNE la SELARL PHARMACIE DES HALLES à payer à M. A Y et Mme B X épouse Y les sommes de :

—  15 096 euros ( quinze mille quatre vingt seize euros ) au titre des réparations locatives ;

—  12'424,50 euros ( douze mille quatre cent vingt quatre euros et cinquante centimes) au titre du trouble de jouissance ;

—  2 000 euros ( deux mille euros ) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SELARL PHARMACIE DES HALLES aux entiers dépens, comprenant notamment les frais de l’expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Gauthier avocat.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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