Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 8 février 2021, n° 19/01471

  • Sociétés·
  • Consorts·
  • Manuscrit·
  • Conseil·
  • Garde·
  • Option d’achat·
  • Investissement·
  • Contrats·
  • Courtier·
  • Indivision

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 1re ch., 8 févr. 2021, n° 19/01471
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 19/01471
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Épinal, 27 mars 2019, N° 16/02295
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2021 DU 08 FEVRIER 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/01471 – N° Portalis DBVR-V-B7D-EL5W

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance d’EPINAL, R.G.n° 16/02295, en date du 28 mars 2019,

APPELANTS :

Monsieur Y X

né le […] à […]

domicilié […]

Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d’EPINAL

Madame A X

née le […] à […]

domiciliée […]

Représentée par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉS :

Monsieur B C

né le […] à […]

domicilié […]

Représenté par Me Gérard WELZER de la SELARL WELZER, substitué par Me Rémi STEPHAN, avocats au barreau d’EPINAL

S.A.S. INVEST 2X CONSEILS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social sis […]

Représentée par Me Gérard WELZER de la SELARL WELZER, substitué par Me Rémi STEPHAN, avocats au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Novembre 2020, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Madame Véronique GEOFFROY, Conseiller, chargée du rapport,

Monsieur O-I FIRON, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2021, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 08 Février 2021, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'indivision D E R', conclu le 15 mars R, M. Y X a acquis de la société Artistophil quatre parts de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de 'grands manuscrits de l’oeuvre littéraire de D E, d’exceptionnelles et précieuses archives qui réunissent l’ensemble de l’oeuvre de D E et d’F G’ pour un montant de 100 000 euros. Il a également conclu une convention de garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Artistophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,75% par année de garde.

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'indivision S T U', conclu le 11 mai U, M. Y X a acquis de la société Artistophil vingt parts de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de 'lettres, manuscrits et livres’ pour un montant de 100 000 euros. Il a également conclu une convention de garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Artistophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,50% par année de garde.

Aux termes de ces deux contrats, M. Y X a ainsi investi une somme totale de 200 000 euros.

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'Révolution', conclu le 15 décembre 2009, Mme A X a acquis de la société Artistophil trois parts de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de 'lettres et documents inédits et des 1000 pages intégrales du manuscrit de Mme H sur les Considérations de la révolution française accompagnés des discours retrouvés de I J en 1789' pour un montant de 4 500 euros. Elle a également conclu une convention de

garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Artistophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,50 % par année de garde.

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'indivision K L', conclu le 21 décembre 2009, Mme A X a acquis de la société Artistophil une part de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de 'lettres, manuscrits et documents du poète’ pour un montant de 25 000 euros. Elle a également conclu une convention de garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Artistophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,75% par année de garde.

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'Précurseurs & Novateurs', conclu le 1er juillet R, Mme A X a acquis de la société Artistophil une part de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de 'lettres et manuscrits scientifiques et littéraires couvrant trois siècles d’audace intellectuelle 1578-1895' pour un montant de 25 000 euros. Elle a également conclu une convention de garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Aristophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,50 % par année de garde.

Suivant contrat Coraly’s prestige 100 intitulé 'Le général De Gaulle et la trilogie des grands destins', conclu le 21 mars 2011, Mme A X a acquis de la société Artistophil cinquante parts de propriété sur un bien indivis composé d’un ensemble de ' divers objets et documents manuscrits’ pour un montant de 250 000 euros. Elle a également conclu une convention de garde, de conservation et d’exposition sur les mêmes biens et valeurs avec la société Artistophil, laquelle bénéficiait d’une option d’achat au bout de cinq ans, avec majoration du prix de 8,75% par année de garde.

Aux termes de ces quatre contrats, Mme A X a ainsi investi une somme totale de 282 000 euros.

Ces opérations ont été réalisées via un intermédiaire à savoir la SAS Invest 2 X Conseils, anciennement dénommée Art invest 2 X et/ou M. B C, son président.

Mme A X est retraitée et la mère de M. Y X, notaire, lui-même étant l’ex-compagnon de la belle-fille de M. B C.

Le 16 février 2015, la société Artistophil a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 5 août 2015.

En mars 2015, le dirigeant d’Artistophil ainsi que ses collaborateurs ont été mis en examen pour pratiques commerciales trompeuses, escroquerie en bande organisée, blanchiment, abus de confiance, abus de biens sociaux et présentation de comptes infidèles.

Le 10 avril 2015, M. Y X et Mme A X ont déclaré leur créance pour un montant respectif de 198 858,82 euros et 179 500 euros au passif de la société Artistophil.

Par acte d’huissier de justice en date du 21 septembre 2016, Mme A X et M. Y X (ci-après les consorts X) ont fait assigner, devant le tribunal de grande instance d’Epinal, M. B C ainsi que la société Invest 2X Conseils, aux fins d’être indemnisés de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 28 mars 2019, le tribunal ainsi saisi, a débouté les parties de leurs demandes respectives et condamné les consorts X aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Welzer & associés.

Relevant que M. B C exerçait l’activité d’agent et courtier en assurances, qu’il était compétent en matière de gestion de patrimoine, qu’il avait proposé les contrats Artistophil aux consorts X en les considérant comme des placements adaptés à leurs attentes, que tous les documents contractuels le mentionnaient en tant que mandataire/conseiller de la société Artistophil et portaient sa signature, le tribunal a jugé que la société Invest 2X Conseils n’était pas la contractante des consorts X et a débouté ces derniers de leurs demandes à son encontre.

Affirmant que M. B C était tenu d’une obligation d’information et de conseil sur les caractéristiques des produits qu’il proposait et sur leur adéquation à la situation personnelle et aux attentes de ses clients ce qui devait le conduire à s’informer sur l’opération envisagée, le tribunal a jugé que M. Y X, notaire, disposait de toutes les compétences, qu’il a nécessairement partagées avec sa mère, pour savoir, d’une part, qu’il existait nécessairement un risque lié à l’acquisition de parts d’indivision d’une oeuvre d’art soumise au marché de l’art et gardée par une société, et, d’autre part, ce que recouvre une promesse de vente avec une simple option d’achat.

Analysant la mise en garde de l’autorité monétaire et financière publiée en octobre 2007 et la rapprochant du communiqué de presse du 12 décembre U, du palmarès 2013 du magazine l’Express, de la cotation de la société Artistophil par la Banque de France en septembre 2014 ainsi que des demandes de rachats anticipés des consorts X honorés par la société Artistophil, le tribunal a jugé que rien ne permettait de penser, lors de la souscription des contrats, que le placement litigieux n’était pas conforme à l’information délivrée par M. B C, ce alors que ce placement avait, jusqu’au blocage judiciaire des comptes de la société, produit ses effets sans anicroches.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 15 mai 2019, les consorts X ont relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de :

— dire et juger leur appel recevable et bien fondé,

— débouter la S.A.R.L. Invest 2X Conseils et M. B C de leur demande de sursis à statuer,

— confirmer le jugement du 28 mars 2019 en ce qu’il a dit qu’ils ont un intérêt à agir contre M. B C et en ce qu’il a débouté M. B C et la société Invest 2X Conseils de leurs demandes ;

— réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau, de :

— dire et juger bien fondée l’action dirigée contre la SAS Invest 2X Conseils ; que celle-ci et M. B C ont manqué à leur obligation de conseil, d’information et de loyauté à leur égard et ainsi engagé leur responsabilité civile;

— condamner solidairement M. B C et la société Invest 2X Conseils à leur payer à titre de dommages et intérêts la somme de 179 500 euros pour Mme A X et celle de 198 858,82 euros pour M. Y X ;

— condamner solidairement M. B C et la société Invest 2X Conseils à leur payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. B C et la société Invest 2X Conseils aux entiers frais et dépens ;

— dire et juger l’appel incident de M. B C et de la société Invest 2X Conseils recevable mais mal fondé, les débouter de leurs demandes,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 6 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Invest 2X Conseils et M. B C demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les consorts X de leurs demandes, et, en tant que de besoin, surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale ouverte contre Artistophil ;

— Y ajoutant, dire et juger y avoir lieu à mettre M. B C hors de la cause et condamner les appelants à verser une somme de 5 000 euros à chacun des concluants en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Welzer & associés.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2020.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 30 novembre 2020 et le délibéré au 8 février 2021.

Les consorts X rappellent que M. B C est agent d’assurance et qu’il a développé une activité de conseil en gestion de patrimoine en créant en 2009 la société Art invest 2X devenue Invest 2X Conseils, afin d’exercer une activité de courtage en produits d’art. Il était ainsi le principal courtier local de la région des Vosges distribuant les produits de la société Artistophil.

Les consorts X rappellent ensuite l’objet social et le fonctionnement de la société Artistophil expliquant que celle-ci avait développé son activité sur le marché très étroit des manuscrits et lettres leur attribuant ainsi des valeurs totalement artificielles et les utilisant ensuite comme support des produits d’épargne qu’elle proposait. Ils qualifient de 'Madof’ le fonctionnement pyramidal de la société Artistophil.

Les consorts X soutiennent qu’ils sont bien fondés à agir contre M. B C et la SAS Invest 2X Conseils car ils n’ont eu aucun contact direct avec la société Artistophil et n’ont eu comme seule interlocutrice la SAS Invest 2X Conseils via son dirigeant, M. B C. Ils relèvent que la SAS Invest 2X Conseils ne contestent pas la recevabilité de leur action à son encontre et soutiennent que M. B C s’étant engagé comme mandataire/conseiller de la société Artistophil, ils sont également recevables à agir contre lui.

Les appelants s’opposent à tout sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’information judiciaire ouverte à l’encontre de la société Artistophil comme étant une demande purement dilatoire.

Sur la responsabilité contractuelle des intimés, les consorts X soutiennent que le conseiller en gestion de patrimoine a une obligation d’information et de conseil à l’égard de ses clients de même nature et étendue, que celle du courtier qu’ils rappellent.

En l’espèce, ils affirment, d’une part, que l’objet du contrat les liant aux intimés étaient une prestation de conseil en vue de rechercher et de préconiser l’acquisition d’un produit d’investissement, et, d’autre part, que la mention pré-imprimée dans la fiche de connaissance indiquant que le client confirme avoir suivi les préconisations de son conseiller qui sont conformes à sa situation familiale et patrimoniale et à ses besoins et exigences, ne saurait suffire à caractériser la bonne exécution de son obligation par le conseiller.

Alors que leur investissement dans le marché de l’art, secteur complexe et imprévisible nécessitant une expertise et des compétences poussées, représentait entre 10 et 25 % de leur patrimoine, les consorts X reprochent à M. B C de leur avoir affirmé que leur investissement dans les

contrats Artistophil était sans risque, de ne pas avoir tenu compte des mises en garde de l’Autorité des marchés financiers en 2007, U et 2014, de ne pas les avoir informés de ces différentes mises en garde, de ne pas les avoir éclairés sur l’absence de garantie de rachat par la société Artistophil alors que le montage juridique utilisé par celle-ci était extrêmement complexe et opaque (convention d’indivision / contrat de vente / convention de garde, de conservation et d’exposition avec une promesse de vente unilatérale n’engageant que l’investisseur propriétaire de parts indivises et non la société Artistophil).

Les consorts X reprochent à la SAS Invest 2X Conseils et à M. B C leur méconnaissance du marché des oeuvres dont ils proposaient le placement et de s’être contentés de rapporter le discours de la société Artistophil sans s’assurer que le domaine très particulier des manuscrits et lettres anciens permettait une valorisation importante du capital investi.

Les consorts X reprochent à M. B C un manquement à son obligation de loyauté car il agissait non en qualité de conseiller en gestion de patrimoine mais en réalité en celle d’agent de la société Artistophil.

Les appelants affirment que M. B C leur avait affirmé que les manuscrits étaient expertisés par des professionnels reconnus, que les biens étaient assurés à la Lloyds et que la société Artistophil rachèterait leurs parts dans les indivisions au bout de cinq ans, sans aucune difficulté.

Sur leur préjudice, les consorts X expliquent qu’ils ne peuvent pas vendre des biens dont ils ne sont pas pleinement propriétaires et qu’ils ne retrouveront jamais le montant de leur investissement en raison d’une gestion calamiteuse reposant sur des mensonges avec la complicité des courtiers. Ils sollicitent des dommages et intérêts à hauteur de leur déclaration de créance au passif de la société Artistophil.

Les intimés soutiennent que seule la responsabilité de la SAS Invest 2X Conseils peut être recherchée car c’est elle qui exerce l’activité de courtage, M. B C n’étant qu’un mandataire social, les demandes à son encontre doivent être rejetées.

Les intimés expliquent que si aujourd’hui, la société Artistophil fait l’objet d’une enquête pénale, qui est à l’origine du blocage de ses comptes et de sa liquidation judiciaire, elle avait auparavant honoré tous ses engagements, y compris à l’égard des appelants. Ils soulignent au surplus que le chèque émis au profit de M. Y X le 20 octobre 2014 d’un montant de 98 245 euros aurait pu être honoré si ce dernier n’avait pas tardé à l’encaisser.

Selon les intimés, les contrats étaient clairs et notamment la convention de garde qui stipule expressément que la société Artistophil n’avait aucune obligation de lever l’option d’achat des biens vendus aux appelants. Au surplus, ces contrats étaient bien connus de M. Y X qui en sa qualité de notaire est intervenu lorsque la SAS Invest 2X Conseils a acheté son mandat de courtage des produits Artistophil et les avait évalués à 700 000 euros.

Les intimés soutiennent ne pas avoir manqué à leur obligation d’information et de conseil et expliquent que l’AMF n’a pas fait de mise en garde sur les activités de la société Artistophil mais a seulement précisé, que les produits commercialisés n’étaient pas des produits financiers soumis à son contrôle.

Les intimés soutiennent que les consorts X ne justifient pas d’un préjudice certain puisqu’ils restent propriétaires de biens qu’ils peuvent revendre sur le marché des lettres et manuscrits et qu’au surplus, ils ont réalisé une substantielle économie d’impôt.

In fine, ils précisent que contrairement à ce qu’affirment des appelants, aucun courtier n’a été mis en examen dans le cadre de l’information judiciaire en cours.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures déposées le 6 novembre 2020 par les consorts X et le 6 août 2020 par la SAS Invest 2X Conseils et M. B C, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 10 novembre 2020.

L’article 30 du code de procédure civile dispose que l’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention.

En l’espèce, les consorts X dirigent leur action à l’encontre de la société Invest 2X Conseils et de M. B C.

Il est constant que M. B C, exerçant une activité d’agent et de courtier en assurance, a développé une activité de courtage en produits d’art en créant le 30 juin 2009 la société Art invest 2X devenue la société Invest 2X Conseils dont les activités sont les suivantes : 'courtage et commissions en assurances, réassurance, opérations financières, produits mobiliers, produits immobiliers et tous supports liés à la gestion de patrimoine. Le conseil et la réalisation de toute étude, spécialisée ou non, ainsi que toute opération de formation non continue, notamment dans le domaine de l’assurance, pour les tiers. Le promotion de la vente pour la vente de cristaux et pierres précieuses, l’animation de tous réseaux de distribution pour la vente de cristaux et pierres précieuses, la vente par intermédiaire de cristaux et de pierres précieuses'.

M. Y X ne pouvait pas ignorer ce fait, en sa qualité de notaire rédacteur de la cession de portefeuille portant sur des contrats Artistophil 10 octobre 2011 entre Mme N C, agent commercial et épouse de M. B C, et la société Invest 2X Conseils.

Dans ces écritures, la société Invest 2X Conseils ne conteste pas être intervenue en qualité d’intermédiaire lors de la conclusion des contrats litigieux, qui ne peuvent être que ceux conclus après sa création et la cession de portefeuille ci-dessus mentionnée.

Pour les opérations antérieures à cette dernière, il convient de relever que les seules pièces établissant les liens contractuels entre les parties sont les quatre fiches 'connaissance client’ produites aux débats qui ne font mention en qualité de mandataire (conseiller) que de M. B C et non de la société Invest 2X Conseils et qui s’agissant de la pièce numéro 45 des appelants, mentionne le cabinet C et non la société Invest 2X Conseils.

Ainsi et même si ces fiches ont été établies postérieurement à juin 2009, date de création de la société Art invest 2X, l’action des consorts X contre M. B C sera déclarée recevable en l’absence de précision sur sa qualité lors de l’établissement de ces fiches, représentant de cette société ou à titre personnel comme semble en attester la mention 'cabinet C de la pièce numéro 45 (fiche de connaissance client Mme X 21/03/2011).

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré l’action contre la société Invest 2X Conseils irrecevable. L’action des consorts X sera déclarée recevable à l’encontre de M. B C et la société Invest 2X Conseils, passant aveu judiciaire.

Aux termes des dispositions des articles 378 du code de procédure civile et 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres

actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Hors les cas où le sursis à statuer est prévue par la loi, l’opportunité de cette mesure s’apprécie en fait et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

En l’espèce, l’issue de l’instruction en cours au tribunal judiciaire de Paris dirigée contre la société Artistophil et ses dirigeants n’étant pas susceptible d’influencer l’appréciation des relations contractuelles ayant existé entres les parties à la présente instance, M. B C et la société Invest 2X Conseils seront déboutés de leur demande de sursis à statuer.

Il n’est pas contesté que le courtier et le conseiller en gestion de patrimoine sont tenus d’une obligation d’information et de conseil sur les caractéristiques des produits qu’ils proposent et sur leur adéquation à la situation personnelle et aux attentes de leurs clients. Il en découle pour eux, une obligation de s’informer sur l’opération envisagée.

M. B C et la société Invest 2X Conseils ne contestent pas qu’ils étaient tenus, dans l’exercice de leurs activités de conseil en gestion de patrimoine, par une obligation d’information et de conseil à l’égard de leurs clients, en l’occurrence les consorts X.

Les intimés devaient donc s’assurer, au vu des connaissances disponibles à l’époque et avec les moyens qui étaient les leurs au moment où ils ont présenté les investissements litigieux aux appelants, que les valeurs sur lesquelles reposaient ces investissements n’étaient pas fictives ou exagérées.

Or, de 2009 à U, rien ne permettait encore de suspecter la surévaluation faite par la société Artistophil des oeuvres et valeurs soumises à la vente des investisseurs via la souscription de parts d’indivision. Cette société bénéficiait alors d’une image de sérieux et paraissait présenter toutes les garanties requises au regard des règles de prudence.

Il est produit aux débats le 'palmarès des 194 champions’ (sic) que l’hebdomadaire l’Express avait publié en août 2013, dressant la liste des PME, ETI ou groupes familiaux considérés comme 'les plus belles sociétés françaises indépendantes’ : la société Artistophil figure en bonne place dans ce palmarès puisqu’elle y est classée 31e. En outre, et surtout, au vu d’une lettre du directeur de la Banque de France produite aux débats, la société Artistophil bénéficiait encore d’une cotation B3 en 2014 (la lettre B signifiant qu’elle générait un chiffre d’affaires annuel compris entre 150 et 750 millions d’euros et le chiffre 3 signifiant que sa capacité à honorer ses engagements financiers était jugée 'forte').

Il ne peut donc pas être reproché à M. B C et la société Invest 2X Conseils de ne pas avoir alerté ses clients sur la sur-évaluation des valeurs vendues par la société Artistophil, alors que cette sur-évaluation et l’incapacité subséquente d’honorer ses engagements financiers futurs n’étaient pas encore connues des spécialistes de l’analyse financière de la Banque de France, qui diffusaient au contraire des informations rassurantes sur cette société.

Par ailleurs, les consorts X ne sont pas davantage fondés à reprocher à M. B C et la société Invest 2X Conseils de ne pas les avoir alertés sur la 'lourdeur’ du mécanisme de quote-parts indivisaires mis en place et sur les conditions posées pour en sortir. En effet, ce mécanisme est clairement expliqué dans les contrats d’achat Codaly’s et dans les conventions d’indivision qui y sont adossées. Au surplus, M. Y X, en sa qualité de notaire et de juriste, avait les connaissances requises pour parfaitement appréhender la notion 'd’option d’achat’ et son aléa. Enfin, les consorts X avaient déjà expérimenté le mécanisme de sortie de l’indivision antérieurement aux contrats litigieux lorsqu’ils ont revendu pour M. X le contrat 'O P le Bon’ en juin R,

et pour Mme X les contrats 'Amadeus’ et 'Van Gogh’ en 2009, 2011 et U, de sorte qu’ils en connaissaient le fonctionnement.

M. B C a soumis aux consorts X, lorsqu’ils ont investi dans les produits Artistophil, une 'fiche connaissance client’ qui, indiquait 'épargne’ et à la rubrique ' risques liés à l’investissement : niveau de risque faible’ avec l’ajout manuscrit 'nul’ sur les pièces numéros 46 et 47 des appelants.

Les consorts X ne sont donc pas fondés à soutenir que M. B C leur aurait fait croire que ce type d’investissement ne présentait aucun risque, un risque qualifié de faible n’étant pas un risque nul et rien ne permettait à M. B C de ne pas considérer que le risque présenté par cet investissement n’était que faible : il s’agissait d’investissements adossés à des oeuvres d’art ou des biens de collection dont l’existence et la valeur semblaient attestées et certifiées par des experts reconnus et la société Artistophil jouissait d’une bonne réputation qui n’incitait pas à douter de la sincérité des informations qu’elle délivrait.

S’agissant de l’ajout manuscrit 'nul', M. B C le justifie par les démarches faites par lui auprès de la société Artistophil afin que les consorts X Q, par anticipation et avant le délai de cinq années prévu au contrat, le rendement de leur investissement ce qui a été effectivement le cas, des chèques ayant été émis par la société Artistophil et encaissés par les appelants.

En revanche, après la publication en décembre U, par l’Autorité des marchés financiers d’un communiqué libellé en ces termes :

'L’AMF a pu constater le développement d’offres émanant d’acteurs qui proposent des investissements aux rendements annoncés flatteurs, dans des secteurs aussi divers que les lettres et manuscrits, les oeuvres d’art… L’AMF souhaite rappeler que ces secteurs ne sont pas soumis à la réglementation protectrice des instruments financiers… et en cas de problème, les recours seraient limités. L’AMF recommande par conséquent aux épargnants d’appliquer des règles de vigilance avant tout investissement… Aucun discours commercial ne doit vous faire oublier qu’il n’existe pas de rendement élevé sans risque élevé. Tout produit affichant un rendement supérieur au taux monétaire (l’épargnant peut aussi se référer au taux du livret A) comporte a priori un risque sensible…' ;

L’obligation d’information et conseil à la charge de la société Invest 2X Conseils, dont M. B C est le dirigeant, et son corollaire, celle de s’informer précisément sur l’opération envisagée était accrue. En effet, les produits proposés composés de lettres, manuscrits et livres de valeur et entrent précisément dans la catégorie de produits d’épargne qui font l’objet de cette alerte émise en décembre U par l’AMF. En outre, le rendement promis (soit 8,50 ou 8,75% par an / taux moyen annuel du livret A : 2009 1,9 %, R 1,5 %, 2011, 2,1 % et U 2,25 %) est de ceux dont l’AMF considérait qu’ils font entrer le produit d’épargne dans la catégorie des produits comportant 'un risque sensible'.

Dès lors après décembre U, les autres alertes mentionnées dans les conclusions n’étant pas produites aux débats mais uniquement relatées dans des articles de presse publiés postérieurement à l’ouverture de l’instruction menée contre la société Artistophil et ses dirigeants, l’obligation d’information et de conseil dont la société Invest 2X Conseils et son dirigeant, M. B C étaient débiteurs vis-à-vis de leurs clients dans leur activité de conseil en gestion de patrimoine devaient les amener à mettre en garde leurs clients, sur le fait que le produit d’épargne proposé ne bénéficiait pas de la réglementation protectrice des instruments financiers et que le risque de ce secteur d’épargne n’était pas 'faible', mais 'sensible'.

En l’espèce, il est constant qu’aucun des contrats litigieux n’a été souscrit après le 12 décembre U.

Par conséquent le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les consorts X de l’intégralité de leur demande, aucun manquement n’étant établi à l’encontre de la société Invest 2X

Conseils et de M. B C lors de la souscription des contrats litigieux.

Aux termes des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire n’y avoir lieu à cette condamnation.

En l’espèce, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société Invest 2X Conseils et M. B C les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ; dès lors, il convient de condamner les consorts X à leur payer ensemble la somme de 2 000 euros à ce titre.

Aux termes des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

En l’espèce, il convient de condamner les consorts X, succombant à l’instance, aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELARL Welzer & associés au visa de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a mis hors de cause la société Invest 2X Conseils ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action de M. Y X et Mme A X dirigée à l’encontre de la société Invest 2X Conseils et de M. B C ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne M. Y X et Mme A X à payer à la société Invest 2X Conseils et M. B C ensemble la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Y X et Mme A X aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELARL Welzer & associés.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en treize pages.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 8 février 2021, n° 19/01471