Cour d'appel de Nîmes, 2ème chambre section a, 19 décembre 2019, n° 18/02651

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 2e ch. sect. a, 19 déc. 2019, n° 18/02651
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 18/02651
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nîmes, 13 mai 2018, N° 16/00835
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G. : N° 18/02651 -

N° Portalis DBVH-V-B7C-HBMF

IR

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES

14 mai 2018

RG:16/00835

SCI LAURIE

C/

X

D

X

X

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2e chambre section A

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2019

APPELANTE :

SCI LAURIE représentée par son gérant en exercice Monsieur I-J K

[…]

[…]

Représentée par Me Pierre-Henry BLANC de la SELARL BLANC-TARDIVEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur B X

né le […] à BEAUCAIRE

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier GOUJON de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Philippe GRAS de la SCP CGCB & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame C D épouse X

née le […] à NIMES

[…]

[…]

Représentée par Me Olivier GOUJON de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Philippe GRAS de la SCP CGCB & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame A X divorcée Y

née le […] à NIMES

GABRIAS

[…]

Représentée par Me Olivier GOUJON de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Philippe GRAS de la SCP CGCB & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur E X

né le […] à NIMES

[…]

[…]

Représenté par Me Olivier GOUJON de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Philippe GRAS de la SCP CGCB & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

Ordonnance de clôture rendue le 19 septembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre,

Mme Catherine Ginoux, conseillère,

Mme Isabelle Robin, conseillère,

GREFFIER :

Mme Anne-Marie Sagué, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

en présence de Mme Marjorie Alvergnas, greffière-stagiaire, lors des débats.

DÉBATS :

à l’audience publique du 22 octobre 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 décembre 2019

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, publiquement, le 19 décembre 2019, par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Laurie est propriétaire d’un immeuble situé […].

Les consorts X sont propriétaires de la parcelle voisine.

Suivant arrêté du 24 décembre 2010, le Maire de la commune de Nîmes a délivré aux consorts X une autorisation de construire une maison de ville d’une surface de 106 m2.

Le 19 janvier 2011, la SCI Laurie a déposé une requête en annulation du permis de construire devant le tribunal administratif de Nîmes.

Les consorts X ont alors déposé une demande modificative intégrant une étude hydraulique sur les effets de leur projet, et ont obtenu le 01er février 2011 un permis de construire modificatif, également attaquée par la SCI Laurie devant le tribunal administratif de Nîmes.

Les consorts X ont réalisé les travaux et un certificat de conformité leur a été délivré le 27 avril 2012.

Le 22 février 2013, le tribunal administratif a rejeté les demandes en annulation des permis de construire formées parla SCI Laurie.

Le 10 avril 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a infirmé le jugement du tribunal administratif de Nîmes et a annulé les permis déposés par les consorts X.

Par exploit délivré le 10 avril 2016, la SCI Laurie a fait assigner les consorts X devant le tribunal de grande instance de Nîmes pour les voir condamner à démolir le bien immobilier et lui allouer la somme de 100 000 euros au titre de dommages et intérêts, en soutenant que la construction litigieuse génère à son détriment un risque d’inondation, du fait de l’imperméabilisation accrue du sol.

Par jugement en date du 14 mai 2018 le tribunal de grande instance de Nîmes a :

— débouté la SCI Laurie de l’intégralité de ses demandes, en retenant que son préjudice n’est pas certain mais seulement éventuel,

— condamné la SCI Laurie aux dépens,

— condamné la SCI Laurie à payer à Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A X et Monsieur E X la somme de 400 euros chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 13 juillet 2018 la SCI Laurie a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 octobre 2018 la SCI Laurie demande à la cour de réformer le jugement contesté et de :

— condamner les consorts X à procéder à la démolition des constructions, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de six mois suivant la décision à intervenir,

— condamner les consorts X à lui payer la somme de 156 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— condamner les consorts X à lui payer la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,

— ordonner l’exécution provisoire.

La SCI Laurie soutient en premier lieu que les conditions d’application de l’article L480-13 du code de l’urbanisme sont parfaitement remplies, en précisant que la violation de la règle d’urbanisme invoquée est la méconnaissance d’une règle nationale et d’ordre public, à savoir l’article R111-2 du code de l’urbanisme.

Elle reproche au tribunal d’avoir retenu qu’elle ne rapportait pas la preuve d’un préjudice certain bien que personnel, en lien direct avec le non-respect d’une règle d’urbanisme, en faisant valoir que les préjudices qu’elle allègue sont certains même si, pour partie, futurs :

— la survenance d’une inondation centennale type de celle de 1988 est certaine, seule sa date est inconnue,

— le fait de vivre dans un secteur où le risque inondation est accru du fait de la construction illégale voisine est actuel et certain.

Elle ajoute que la construction litigieuse aggrave le risque inondation déjà naturellement important, car elle constitue un exhaussement du terrain naturel qui modifie le sens d’écoulement des eaux, observant que ce risque préexistant à la délivrance du permis de construire a justifié son annulation.

Elle précise enfin qu’aucune régularisation n’est possible car la construction des consorts X se trouve en zone rouge du PPRI.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 09 janvier 2019 les consorts X demandent à la cour :

— de confirmer le jugement attaqué,

— de condamner la SCI Laurie à leur payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent en premier lieu que l’une des quatre conditions cumulatives de mise en oeuvre des dispositions de l’article L480-13 du code de l’urbanisme ne sont pas remplies, en ce que leur construction ne méconnaît aucune règle d’urbanisme et que l’inclusion de leur terrain dans la zone à risque du PPRI est postérieure à la délivrance de leur permis de construire.

Ils répliquent en second lieu :

— que l’existence d’un préjudice ne peut se déduire du seul classement en zone rouge du PPRI et que la SCI Laurie opère une confusion entre le risque d’intempéries centennal et les conséquences d’une éventuelle inondation sur le bien,

— qu’entre 1982 et 2014 la ville de Nîmes a fait l’objet de 19 arrêtés de classement de catastrophe naturelle sans que la SCI Laurie ne justifie d’un préjudice résultant de pluies importantes,

— que depuis la réalisation de la construction litigieuse d’autres précipitations sont survenues sans que la SCI Laurie ait été impactée,

— que l’appelante ne démontre pas la variation induite par l’exposition au risque existant, avant et après la réalisation de la construction,

— que la preuve de l’aggravation du risque n’est pas démontrée.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Le respect du principe du contradictoire impose d’écarter des débats les conclusions et pièces de la SCI Laurie remises et notifiées le 19 septembre 2019, date de la clôture.

1/ Sur le préjudice de la SCI Laurie

- Sur l’application de l’article L480-13 du code de l’urbanisme

L’article L480-13 i) du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi dite Macron du 06 août 2015 et d’application immédiate, dispose 'Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès

de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnés au I de l’article L516-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l’article L562-1 du même code, ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l’article L174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d’étendre les constructions existantes est limité ou supprimé.'

En l’espèce, il est constant :

— que la construction des consorts X a été édifiée conformément à un permis de construire ayant fait l’objet d’une annulation définitive par la cour d’appel administrative de Marseille le 10 avril 2015,

— que cette construction se trouve en zone rouge du PPRI.

S’agissant de la violation des règles d’urbanisme, la cour d’appel administrative de Marseille fonde sa décision sur l’article R111-2 du code de l’urbanisme qui dispose 'Le projet peut être refusé, ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales, s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations’ et retient une erreur manifeste d’appréciation du maire de Nîmes sur l’atteinte que le projet est susceptible de porter à la sécurité publique.

Ces dispositions légales constituent indiscutablement une règle d’urbanisme de portée générale.

Enfin, quand bien même le classement en zone rouge sur laquelle se situe la construction litigieuse n’est intervenu qu’après l’édification de cette dernière, le risque d’inondation préexistait et ne pouvait être ignoré par les intéressés car ce risque a motivé l’avis défavorable donné par la direction départementale des territoires et de la mer du Gard sur le permis de construire initial.

Le permis modificatif a donc été délivré en violation de la règle d’urbanisme précitée et le classement de cette zone rouge ne fait que démontrer si besoin que le risque d’inondation est majeur.

Il ne saurait enfin être sérieusement contesté que des inondations emportent des conséquences dramatiques pour les biens et les personnes.

Il en résulte que les conditions d’application de l’article L480-13 du code de l’urbanisme sont parfaitement remplies.

- Sur l’application de l’article 1382 ancien du code civil, devenu article 1240,

Un préjudice actuel ou futur est réparable dès lors qu’il est certain.

En l’espèce il résulte des pièces produites aux débats par la SCI Laurie que dès le 12 septembre 1989 les riverains de la […] à Nîmes, se domiciliant chez Monsieur B X, avaient attiré par courrier l’attention du député-maire de Nîmes sur la nécessité de trouver des solutions à l’inondation de leurs maisons, submergées le 03 octobre 1988, et menacées après un nouvel orage survenu le 10 septembre 1989. Les riverains évoquaient 'une nouvelle nuit d’angoisse'.

L’expertise hydraulique réalisée le 10 septembre 2012 par le cabinet Aquabane à la demande de la SCI Laurie indique :

— que la rue Bosc se situe en zone inondable et a été classée par le PPRI approuvé le 28 février 2012 en zone rouge 'aléa très fort',

— que le nouveau bâtiment construit par les consorts X constitue un volume entièrement clos de trois niveaux, sans barbacane, constituant un exhaussement de terrain (interdit dans une zone d’aléa fort), soustrayant ce volume à la zone inondable, et qu’il contribue à l’aggravation du risque inondation dans le secteur en provoquant le rejet des eaux vers les fonds voisins,

— que la vulnérabilité des biens et des personnes est très forte en raison notamment des ruptures d’ouvrage liées à des phénomènes de vague.

Entre le 06 novembre 1982 et le 09 octobre 2014 19 arrêtés portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, principalement en raison d’inondations et coulées de boue, ont été pris à Nîmes.

Le rapport d’expertise protection juridique établi le 21 avril 2017 par le cabinet G H à la demande de l’assureur de la SCI Laurie confirme les constatations faites par le cabinet Aquabane s’agissant de l’aggravation du risque inondation par la construction X et évalue la dépréciation du bien de la SCI Laurie à 15% de la valeur du bien au regard du risque d’aggravation d’inondation.

Les consorts X ne produisent quant à eux aucune pièce susceptible de contredire les éléments ainsi rapportés.

Il en résulte que la construction X d’une surface hors oeuvre nette de 106 m2, par son volume et par l’imperméabilisation accrue des sols, aggrave indiscutablement le risque d’inondation préexistant, et que ce risque est certain, seule la date de survenance du dommage étant inconnue.

De ce fait, la SCI Laurie subit un préjudice découlant d’une situation d’inquiétude permanente depuis sept années, face au risque accru d’inondation dont elle a parfaitement connaissance et qui est susceptible d’entraîner des conséquences graves tant matérielles que physiques pour ses membres, inquiétude ravivée à chaque épisode de pluies.

Elle en conséquence bien fondée dans ses demandes et le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

La démolition de l’ouvrage X sera ordonnée sous astreinte selon les modalités ci-après définies.

L’allocation d’une somme de 30 000 euros à la SCI Laurie est de nature à réparer son préjudice.

2/ Sur les autres demandes

La SCI Laurie a été contrainte de supporter des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits tant en première instance qu’en appel. Elle en sera indemnisée à hauteur de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A

X et Monsieur E X, qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant contradictoirement et en premier ressort,

Ecarte des débats les conclusions et pièces de la SCI Laurie remises et notifiées le 19 septembre 2019, date de la clôture,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Condamne Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A X et Monsieur E X à procéder à la démolition de leur construction située […] ayant fait l’objet du permis de construire modificatif […] ensuite annulé,

Assortit cette condamnation d’une astreinte de 500 euros par jour de retard durant six mois, passé le délai d’un an suivant la signification du présent arrêt,

Condamne Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A X et Monsieur E X à payer à la SCI Laurie la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A X et Monsieur E X à payer à la QCI Laurie la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur B X, Madame C D épouse X, Madame A X et Monsieur E X aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Mme Michel, Présidente de chambre et par Mme Sagué, greffière.

La greffière La Présidente,

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