Cour d'appel de Nouméa, 1er octobre 2012

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nouméa, 1er oct. 2012
Juridiction : Cour d'appel de Nouméa

Texte intégral

COUR D’APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 01 Octobre 2012

Chambre Civile

Numéro R.G. :

11/71

Décision déférée à la cour :

rendue le : 13 Décembre 2010

par le : Tribunal de première instance de NOUMEA

Saisine de la cour : 04 Février 2011

PARTIES DEVANT LA COUR

APPELANTE

LA SA K L, prise en la personne de son représentant légal

XXX

représentée par la SELARL JURISCAL

INTIMÉS

LA SA E F, prise en la personne de son représentant légal

Centre d’Affaires LA BELLE VIE – Bâtiment C – 1er étage – XXX

représentée par la SELARL Ph. OLIVIER

LA MUTUELLE D’ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – SMABTP, prise en la personne de son représentant légal

XXX – XXX – XXX

représentée par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS

LA SAS LABORATOIRE D’EXPERTISE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – C, prise en la personne de son représentant légal

XXX

représentée par la SELARL de GRESLAN

M. M-N Y (antérieurement à l’enseigne 'E d’Etudes Techniques')

Actuellement à XXX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Août 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

M-Michel STOLTZ, Conseiller, président,

Anne AMAUDRIC du CHAFFAUT, Conseiller,

François BILLON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

François BILLON, Conseiller, ayant présenté son rapport.

Greffier lors des débats : Mikaela NIUMELE

ARRÊT : réputé contradictoire à l’égard de M. Y et contradictoire à l’égard des autres parties,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

— signé par M-Michel STOLTZ, président, et par Cécile KNOCKAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La société K L a confié, en 2003, la réalisation d’une station service qu’elle exploite en location gérance à Nouméa, XXX, à la société ETPM (entrepreneur) par un devis du 2 août 2003 d’un montant de 19.710.517 F CFP (bon de commande du 16 septembre 2003) et à M. M-N Y (E d’études techniques) auquel ont été confiés les études et plans d’exécution béton armé et charpente du projet (bon de commande du 16 avril 2003), après avoir fait réaliser par le laboratoire d’expertise du bâtiment et des travaux publics (C), en 2002, des études géologiques préparatoires à la conception de l’ouvrage consignées dans un rapport du 17 octobre 2002.

La réalisation du contrôle technique de l’ouvrage ('mission solidité des ouvrages') a été confiée par la société K L, à la société E F, suivant un devis du 30 mai 2003, accepté le 11 juin 2003.

Par compte-rendu du 26 juin 2003, le E F, après avoir contrôlé les plans de structure du dossier de consultation des entreprises (DCE), indiquait que ces plans n’appelaient pas d’observations particulières puis, par avis du 24 octobre 2003, le E F donnait un avis favorable au plan de récolement des pieux implantés, du 10 au 16 octobre 2003 par la société Z, pour soutenir les ouvrages.

Au mois de septembre 2006, un soulèvement de la dalle où étaient implantées les pompes de distribution de carburant, affectait la tenue des installations et provoquait d’importants désordres au niveau des auvents et du bâtiment de la station, ce qui nécessitait d’interrompre l’exploitation commerciale de la station.

Par ordonnance rendue le 11 octobre 2006, le juge des référés ordonnait, sur requête de la société K L, une expertise confiée à M. G A qui déposait son rapport le 8 février 2007, en relevant de graves manquements à l’origine des désordres commis par le C, le E F et M. Y.

L’expert évaluait les travaux provisoires à la somme de 2.632.708 FCFP et le coût définitif des travaux à la somme de 12.500.000 F CFP, outre la somme de 700.000 F CFP pour contrôler ces travaux.

' Par requête déposée au greffe le 8 avril 2008, la société K L a assigné M. M-N Y, le E F et la société C devant le tribunal de première instance de NOUMÉA.

Par acte déposé au greffe le 14 janvier 2009, la société C a appelé en la cause la mutuelle d’assurances et des travaux publics dite SMABTP.

' Par jugement du 13 décembre 2010, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure et des moyens des parties, le tribunal de première instance de NOUMÉA retenait la responsabilité de M. Y à hauteur de 10% et celle du E F à hauteur de 20% et statuait ainsi qu’il suit :

VU les articles 1792 et 1147 du code civil,

CONSTATE que la société K L avait la maîtrise d’oeuvre de conception et d’exécution de l’ouvrage dont elle a sous-traité les plans d’exécution au cabinet M-N Y ;

DIT que la société C n’a commis aucune faute alors que son rapport était préparatoire à la conception de l’ouvrage et a été réceptionné par la société K L sans réserve ;

CONSTATE que M. M-N Y a commis une faute dans la réalisation des plans d’exécution de l’ouvrage qui engage sa responsabilité au titre de l’article 1792 du code civil pour être en partie à l’origine de la déstabilisation de la dalle ;

CONSTATE que la société E F a commis une faute dans l’exécution de sa mission de contrôle en ne contrôlant pas suffisamment l’étendue et la qualité des fondations et tenue de la dalle qui est en partie à l’origine de la déstabilisation de la dalle ;

FIXE et évalue le préjudice à la charge de M. M-N Y à un million cinq cent quatre vingt trois mille deux cent soixante dix francs (1.583.270 F CFP) ;

CONDAMNE M. M-N Y à payer un million cinq cent quatre vingt trois mille deux cent soixante dix francs (1.583.270 F CFP ) à la société K L ;

FIXE et évalue le préjudice à la charge de la société E F à trois millions cent soixante six mille cinq cent quarante et un francs (3 166 541 F CFP) ;

CONDAMNE la société E F à payer trois millions cent soixante six mille cinq cent quarante et un francs (3.166.541 F CFP) à la société K L ;

REJETTE la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance présentée par la société K L après l’avoir déclarée insuffisamment fondée ;

DIT n’avoir pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. M-N Y à dix pour cent des dépens de l’instance en ce compris ceux nés de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ;

CONDAMNE la société E F à vingt pour cent des dépens de l’instance en ce compris ceux nés de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ;

CONDAMNE la Société K L à soixante dix pour cent (70 %) des dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ;

REJETTE toute autre demande.

PROCÉDURE D’APPEL

' Par requête enregistrée le 4 février 2011, la société K L a interjeté appel de la décision qui lui avait été signifiée le 5 janvier 2011.

Dans son mémoire ampliatif d’appel déposé le 4 mai 2011, complété par des écritures du 6 décembre 2011, elle fait valoir, pour l’essentiel :

— que le rapport de l’expert judiciaire, qui explique parfaitement l’origine des désordres, doit être homologué ; que les parties adverses, en l’occurence le C, M. Y et le E F, n’ont au demeurant jamais remis en cause les conclusions de l’expert quant à la réalité et l’origine des désordres et qu’ainsi le premier juge ne pouvait D la société K L au motif que celle-ci avait conservé les fonctions de maîtrise d’oeuvre de conception et d’exécution ; qu’en effet la responsabilité de la société K L, qui n’est pas un professionnel de la construction et qui a ainsi recouru à un professionnel de l’étude des sous-sols (C), à un architecte (E d’études techniques de M. Y), à un E de contrôle (E F) et à un entrepreneur général (ETPM) , ne saurait être retenue, fût-ce partiellement ; qu’enfin la jurisprudence rappelle régulièrement que le fait pour un maître de l’ouvrage de faire réaliser des travaux, sans s’assurer les service d’un maître d’oeuvre, ne constitue ni une faute ni une acceptation des risques ;

— que la responsabilité du C, qui a omis toute étude sérieuse relative à la dalle devant desservir la station-station, est manifeste ; que l’erreur du C qui a préconisé un dallage flottant sur un sous-sol à forts risques de tassements différentiels est caractérisée ;

— que le premier juge n’était pas fondé à relever une contradiction de l’expert de nature à exonérer le C au motif qu’il ne pouvait être reproché à M. Y, architecte, de ne pas avoir suivi les préconisations du C, puis de reprocher au C de ne pas avoir présenté les bonnes préconisations ;

— que l’expert reproche également à M. Y, d’avoir commis non seulement une grave erreur en omettant d’examiner le rapport établi par le C et en concevant un dallage lourd sur un sol reconnu non consolidé et instable, ce qui présentait un risque de désordres importants, mais également de l’avoir aggravée par l’encastrement ponctuel du dallage sur les têtes de pieux ;

— que l’expertise a établi que le E F, professionnel du contrôle en matière de construction, a commis un manquement manifeste en émettant le 26 juin 2003, soit quatre mois avant le lancement des travaux, un avis favorable sans observation particulière sur le plan d’exécution de la dalle telle que conçue par M. Y, et sans aucune réserve ; que le E F ne saurait se retrancher derrière le fait qu’il n’avait jamais eu communication du rapport géotechnique établi ; qu’il entrait manifestement dans ses obligations de conseil et de renseignements de se soucier que de telles études soient conduites et lui soient communiquées ;

— qu’au vu des manquements relevés par l’expert, les responsabilités encourues sont fondées sur l’application des articles 1792 et suivants en ce qui concerne M. Y, et sur la base de la responsabilité contractuelle en ce qui concerne le C et le E F ;

— que le montant des préjudices subis peut être décomposé comme suit :

* frais engagés préalablement à toute mise en place de la solution

provisoire préconisée par l’expert…………………………………………………… 2.829.685 F CFP ;

* mise en place de la solution provisoire préconisée par l’expert………… 2.632.708 F CFP ;

* travaux annexes de peinture et de vérification des lieux…………………….2.103.626 F CFP ;

* réfection de la piste et des réseaux (devis SOCOMETRA)……………….38.605.653 F CFP ;

* frais de contrôle préconisés par l’expert…………………………………………….700.000 F CFP ;

* pertes d’exploitation (fermeture du 7 au 26 octobre 2006)………………….2.223.690 F CFP ;

* pertes au titre des redevances…………………………………………………………318.562 F CFP ;

* pertes d’exploitation durant les travaux (deux mois)……………………….. .6.671.070 F CFP ;

* perte de redevances (deux mois)……………………………………………………..955.740 FCFP ;

— que le rapport amiable de M. B produit par le C qui tend à établir une distinction entre dalle et dallage dans le but d’exonérer ce laboratoire de toute responsabilité, qui n’a pas fait l’objet d’échanges contradictoires faute d’avoir été transmis à l’expert judiciaire, doit par conséquent être écarté des débats ;

— que la jurisprudence a pu rappeler qu’un constructeur ou un contrôleur technique devait impérativement compléter ou rectifier les renseignements fournis par un maître d’ouvrage incompétent (Cass. 3e civ. 31 mars 1993) et que, dans ces conditions, le E F, face à l’incompétence notoire de la société K L en matière de construction et face au fait que cette dernière n’avait nullement fait le choix d’un maître d’oeuvre, se devait d’être particulièrement vigilante quant à la qualité du sous-sol en exigeant la production d’une étude géologique ; qu’en s’abstenant de procéder à ce contrôle minimal, le E F a immanquablement failli à sa mission et ne peut nullement faire reporter ce dernier sur le maître d’ouvrage ;

' En conséquence, la société K L demande à la Cour de statuer ainsi qu’il suit :

RECEVOIR les écritures de la société K L, les dire justes et bien fondées ;

DIRE ET JUGER recevable l’appel interjeté par la société K L à l’encontre du jugement qui a été rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 13 décembre 2010, et réformer ladite décision dont appel en ce qu’elle a exclu toute faute pouvant être reprochée au C, en ce qu’elle a limité la responsabilité de M. Y à hauteur de 10% et celle du E F à hauteur de 20%, aux motifs que la société K L avait conservé des fonctions de maître d’oeuvre de conception, en ce qu’elle a limité le montant des préjudices subis à la somme de 15.832.708 F CFP, en ce qu’elle a homologué partiellement le rapport de M. A et a rejeté les demandes de la société K L, condamnant même cette dernière à 70% des dépens,

En conséquence, et statuant de nouveau :

HOMOLOGUER le rapport établi par M. A, expert judiciaire, déposé le 8 février 2007, sans aucune réserve ;

DIRE ET JUGER que les désordres qui affectent la station-service K RIVIERA, sise XXX, à Nouméa, sont dus à des manquements commis tant par le C, que par M. Y et le E de contrôle F ;

DIRE ET JUGER que la société C, M. Y et le E F sont entièrement responsables desdits désordres, sans qu’aucune limitation de responsabilité ne puisse être appliquée, sur la base des articles 1147 et suivants, et 1792 et suivants du code civil, aucune responsabilité ne pouvant être retenue à l’encontre de la société K L, qui n’a commis aucune faute en lien direct avec les dommages subis ;

D, en conséquence, solidairement la société C, le E F et M. Y à payer à la société K L la somme de 54.937.108 F CFP au titre des préjudices subis, lesquels ont tous été justifiés ;

DÉBOUTER les sociétés C, E J et SMABTP en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

D, en outre, solidairement la société C, le E J et M. Y à payer à la société K L la somme de 400.000 F CFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’aux entiers dépens, et ce y compris les frais d’expertise ayant dû être engagés, dont distraction au profit de la société d’avocats Juriscal.

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' Par conclusions enregistrée le 5 juillet 2011, le E F forme un appel incident et fait valoir, pour l’essentiel :

— qu’aux termes du contrat liant les parties, la mission confiée au E F n’était qu’une mission d’information de nature à permettre, sous forme d’avis, en fonction des documents communiqués, de répondre à d’éventuelles demandes de l’assureur du maître de l’ouvrage, sans qu’à aucun moment le E F ne soit un intervenant à l’acte de construire ; qu’ainsi, dans le cadre de l’exécution de sa mission, le E F n’ pas eu connaissance du dossier de consultation des entreprises établi en mai 2003, pas plus que du rapport de sol du géotechnicien ;

— que le rapport de l’expert judiciaire ne pouvait reprocher au E F de ne pas s’être fait communiquer le rapport de sol du géotechnicien de 2002 ; qu’en effet, outre le fait que le E F en ignorait l’existence, il appartenait à la SOCIETE K L de fournir tous les documents et informations nécessaires aux avis qu’elle entendait solliciter ; que les parties avaient contractuellement prévu qu’en cas de transmission d’informations incomplètes ou inexactes par le maître de l’ouvrage, la responsabilité du E F ne pouvait être recherchée ; qu’en tout état de cause, à supposer que E F ait sollicité la communication du rapport établi par la SOCIETE C , il ne lui aurait pas appartenu, dans le cadre de son intervention, de rectifier l’erreur de préconisation dont M. G A indique qu’elle est à l’origine des désordres ; qu’en conséquence la responsabilité contractuelle de E F ne saurait être engagée, aucune faute ne pouvant lui être reprochée et aucun lien direct avec les dommages n’étant établi ; que la Cour rejettera a fortiori tout appel en garantie qui viendrait à être formé à son encontre par les défendeurs ;

— qu’aucune condamnation solidaire n’est en outre possible à l’égard du E F, une telle solidarité n’étant prévue ni contractuellement, ni légalement ; qu’en outre, le E F n’est pas soumis à la même obligation que les intervenants directs à l’acte de construire, les constructeurs étant soumis pour leur part à une obligation de résultat ;

— qu’à titre subsidiaire, si la Cour devait entrer en voie de condamnation à l’égard du E F, il conviendrait de X en de notables proportions les prétentions de la SOCIETE K L qui ne saurait en tout état de cause que prétendre à la réparation du seul préjudice qu’elle a pu réellement subir ; qu’ainsi, au titre des travaux devant être réalisés pour mettre en place une solution définitive, la SOCIETE K L doit garder à sa charge les prestations qu’elle aurait dû financer si la conception en avait été adoptée dès l’origine, soit l’implantation et le battage de pieux supplémentaires, la réalisation de têtes de pieux supplémentaires en béton armé, les longrines en béton armé, le béton de propreté avant mise en place des armatures d’une dalle portée et les armatures de la dalle portée et la surépaisseur de cette dalle portée ;

— qu’enfin, il convient de souligner que la SOCIETE K L s’est réservée la maîtrise d''uvre et n’a pu qu’apprécier le rapport de sol qu’elle a fait établir et qu’elle n’a pas cru devoir soumettre au E F ; qu’elle ne saurait s’abriter derrière sa prétendue qualité de maître d’ouvrage profane ; qu’en effet, si tel avait été le cas, elle n’aurait pu faire l’économie d’une maîtrise d''uvre complète et extérieure dont l’intervention aurait pu lui permettre que soient rectifiés les défauts, de conception et de réalisation à l’origine de son préjudice ;

— qu’ainsi, à titre subsidiaire, il conviendra de limiter le préjudice de la SOCIÉTÉ K L à la somme de 15.832.708 F CFP retenu par le premier juge au vu de l’expertise et de rejeter le prétendu préjudice immatériel, justifié ni dans son principe ni dans son montant.

' En conséquence, le E F demande à la Cour de statuer ainsi qu’il suit :

DÉCLARER la SOCIETE K L mal fondée en son recours en tant que dirigé contre le E F ;

DÉCLARER en revanche le E F recevable et fondé en son appel incident et infirmer à son égard le jugement du Tribunal de première instance de Nouméa du 13 décembre 2010, statuant à nouveau :

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que seule la responsabilité contractuelle de E F aurait pu se voir engagée ; le confirmer en ce qu’il a considéré que la maîtrise d''uvre tant de conception que d’exécution de l’opération en litige a bien été assurée par la SOCIÉTÉ K L qui se l’était réservée ;

CONSIDÉRER que la SOCIETE K L ne saurait en l’espèce rechercher la responsabilité contractuelle de E F ;

CONSIDÉRER en effet que non seulement la SOCIETE K L ne caractérise pas le manquement qu’elle aurait entendu dans ce cadre opposer au E F et qui aurait été en relation directe avec son dommage mais encore qu’il ressort du rapport de M. G A, fondement de son action, que les dommages subis sont la conséquence d’erreurs que seule la SOCIETE K L qui s’était réservée la maîtrise d''uvre, pouvait déceler ; que non seulement le E VER/TAS n’avait pas été missionné pour ce faire mais encore que les avis qu’il a pu formuler étaient nécessairement circonscrits à l’examen des seuls documents qui lui étaient soumis par ce maître de l’ouvrage/maître d''uvre ;

CONSIDÉRER que les motifs pour lesquels cet expert, puis le tribunal, ont cru devoir imputer toutefois pour partie les désordres au E F ne peuvent être retenus au regard de la mission qui était la sienne et des seules obligations qui en découlaient ;

REJETER en conséquence toute demande formée à l’encontre du E F et prononcer sa mise hors de cause pure et simple ;

ECARTER en tout cas à l’égard du E F le principe de toute condamnation solidaire et confirmer au besoin le jugement déféré sur ce point ;

A défaut,

D M. M-N Y et la SOCIETE L.B.T.P. à le relever et à garantir immédiatement et intégralement et ce, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;

LES D en tout cas à le garantir in solidum de toute condamnation qui excèderait la part qui serait fixée comme la charge définitive du E VER/TAS et qui à défaut d’être nulle ne saurait qu’être symbolique ;

X, en tout état de cause, notablement les prétentions de la SOCIETE K L et laisser à sa charge le coût des prestations qu’elle aurait dû financer si la conception avait été rectifiée dès l’origine ;

A défaut :

CONFIRMER le jugement déféré quant à l’estimation de son préjudice et rejeter en tout cas ses demandes au titre d’un prétendu préjudice immatériel qui n’est pas justifié ;

D la SOCIETE K L, comme tout succombant, en tous les dépens dont distraction au profit de la Sté d’Avocats GVB et la SELARL OLIVIER et à verser au E F une indemnité 400 000 F CFP sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

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' Par conclusions déposées le 12 août 2011, la S.A.R.L. C fait valoir, pour l’essentiel :

— qu’au regard du contenu de sa mission qui consistait en une étude de faisabilité basée sur des informations sommaires portant sur un plan topographique de la zone de projet et un plan d’implantation de principe des ouvrages, elle ne saurait être tenue pour responsable des désordres ;

— que l’étude géotechnique qu’elle a réalisée indiquait très clairement que le sol était totalement hétérogène et ne pouvait dès lors servir de support de fondation à la construction envisagée et que la dalle du bâtiment principal et de son auvent devrait être portée sur des pieux par l’intermédiaire de longrines avec constitution ou non d’un vide sanitaire ; que cependant ni le E d’études techniques de M. Y, ni la Société E F n’ont pris en compte ces préconisations ;

— qu’il ne peut être soutenu par la société K L que la société C a principalement axé son étude sur la construction du bâtiment principal et non de la piste alors que le rapport précisait bien, en son paragraphe 6-3 relatif au remblai, que :'des tassements seront inévitables. Pour limiter ces risques, nous conseillons de mettre en place un remblai de pré-chargement de toute cette zone similaire à celui demandé pour l’aire de lavage, les cuves et le dalot (soit 3 mètres durant environ 6 mois) et que ce préchargement devrait permettre de supprimer une grande partie des tassements, environ 80 % du tassement primaire et ainsi limiter fortement les conséquences sur les ouvrages fondés sur couche de forme’ ; que cependant ces recommandations n’ont pas été suivies par le E d’études techniques de M. Y, ni par le E F, ni par la Société K L assurant la maîtrise d’oeuvre ;

— que l’expert amiable commis par le C, M. B, relève que l’expert judiciaire s’est mépris en précisant que 'la solution dallage béton flottant sur les sols à forte probabilité de tassement différentiel que le L.B. T.P. aurait préconisé à l’emplacement de la dalle de piste apparaît comme une erreur de préconisation à l’origine des désordres’ alors que le rapport du L.B.T.P. avait bien préconisé d’une part la réalisation d’une dalle portée par des pieux par l’intermédiaire de longrines et d’autre part la réalisation d’un dallage avec une couche de forme, ce que l’expert A a omis de relever ; qu’ainsi le C a, dans le cadre de sa mission, fourni une étude comportant des préconisations de qualité sur l’ensemble du terrain qui permettaient d’en assurer sa stabilité mais qui n’ont pas été suivies par M. Y ce que celui-ci reconnaît ;

— qu’à titre subsidiaire, il convient de relever que le préjudice de jouissance allégué n’est pas justifié, la station service n’ayant iamais cessé d’être exploitée de façon parfaitement régulière ;

— que de manière très subsidiaire, si la responsabilité de la société C était retenue, la SMABTP doit la garantir, le risque ayant pris naissance avant la résiliation de la convention ; qu’en outre, le S.M. A.B.T.P. ne saurait s’exonérer de sa garantie en relevant que les désordres de nature décennale seraient expressément exclus des conventions spéciales Bâtiments et Génie Civil ; qu’en effet, il apparaît en l’espèce que si le désordre allégué par la Société K L est de nature décennale, c’est au titre de la responsabilité professionnelle, en qualité de conseil, qu’est recherchée la responsabilité du L.B.T.P. qui n’est en effet intervenu dans ce dossier qu’en tant que E d’études, avant que la construction ne soit réalisée et n’est en aucune façon intervenu dans la réalisation même de cette construction ;

' En conséquence, le C demande à la Cour de statuer ainsi qu’il suit :

A titre principal,

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2010 par le tribunal de première instance de NOUMÉA ;

A titre subsidiaire,

— Dire que la Compagnie d’Assurances S.M. A.B.T.P. devra relever et garantir la Société L.B.T.P. de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au titre de son contrat d’assurances responsabilité professionnelle N° 207577G367304.000 ;

— D la Société K L à rembourser au L.B.T.P. la somme de 400.000 F CFP au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie ;

— D la S.M. A.B.T.P. à payer au L.B.T.P. la somme de 400.000 F CFP au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle Calédonie ;

— D la Société K L et la S.M. A.B.T.P. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL DE GRESLAN sur ses offres de droit.

**********************

Par conclusions des 12 mai et 28 septembre 2011, la Mutuelle d’assurances et des travaux publics dite SMABTP fait valoir, pour l’essentiel :

— que les dispositions du premier juge mettant le C hors de cause doivent être confirmées ; qu’il n’apparaît pas qu’une solution dallage flottant sur des sols à fort aléa de tassement différentiel ait été préconisée par le C comme l’écrit l’expert judiciaire A ; que le rapport du C recommandait aussi bien pour le bâtiment que pour l’auvent extérieur, et donc pour la piste de la station, une descente des fondations par pieux au bon sol, avec dalle portée à la fois par les pieux que par des longrines ; qu’en conséquence aucune faute n’est établie à l’encontre du C ; que le C n’a jamais eu la mission du suivi de ses recommandations, que les calculs des fondations est l''uvre d’un E d’études techniques choisi par le maitre d’ouvrage, homologué par un E de contrôle, il s’en suit que les conclusions dirigées en appel contre le C sont mal fondées et que le jugement sera entièrement confirmé ;

— qu’à titre subsidiaire, si la responsabilité du C était retenue, la police RC professionnelle avec période de validité du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001, qui s’est renouvelée en 2002 et 2003, a été résiliée le 31 décembre 2003, ne couvrait pas le risque décennal ; que si le rapport d’études géologiques du C a été réalisé le 29 août 2002 et que passé la date de résiliation, la garantie peut encore s’appliquer aux missions qui étaient terminées ou qui se trouvaient en cours, c’est à la condition que l’assuré en ait fait la demande, et moyennant le paiement d’une cotisation supplémentaire conformément aux dispositions contractuelles (articles 5.1 de la Convention spéciale RC Exploitation, de la Convention spéciale Bâtiment et de la Convention spéciale Génie civil) ; que le C n’ayant cependant jamais demandé la souscription de cet avenant de prorogation de garantie, la garantie de SMABTP ne pourrait être acquise au C en cas de condamnation de cette dernière.

' En conséquence, la SMABTP demande à la Cour de statuer ainsi qu’il suit :

— Confirmer le jugement en tant qu’il a mis hors de cause le C ;

Subsidiairement :

— Dire et juger, qu’à défaut de souscription d’avenant de prorogation de garantie conforme aux article 5.1 de chaque convention spéciale exploitation, bâtiment et génie civile, la SMABTP ne doit pas garantie au C ;

— Débouter la société K L, le C et le cas échéant toutes autres parties de leurs demandes moyens et conclusions formés contre la SMABTP ;

— Dire que SMABTP ne supportera aucun dépens ni frais irrépétibles ;

— D K L, ou le cas échéant telle partie succombant à payer à SMABTP une somme de 180 000 CFP au titre de l’article 700 CPCNC ainsi qu’aux entiers dépens.

*************************

Les ordonnances de clôture et de fixation de la date de l’audience ont été rendues le 22 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la nature de la responsabilité encourue au titre des désordres affectant l’ouvrage

Attendu que les dispositions du premier juge selon lesquelles la responsabilité du E d’études de M. Y, assimilable à un architecte du fait des éléments de mission de maîtrise d’oeuvre qu’il a réalisés, doit être recherchée au visa de l’article 1792 du code civil applicable en Nouvelle Calédonie ('si l’édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans'), et que celles de la société C en charge des études géologiques et de la société E F en charge d’une mission de contrôle relèvent de l’application de l’article 1147 du code civil, ne font pas l’objet de critiques ; que ces dispositions, conformes aux règles de droit, doivent être confirmées ;

Attendu qu’il convient de souligner, pour la parfaite compréhension du litige, que l’entreprise de construction ETPM, entendue dans le cadre de l’expertise judiciaire, a affirmé, sans être contredite, s’être limitée à la réalisation du gros oeuvre, hors les auvents métalliques, que pour la réalisation de la dalle de la piste elle s’est strictement conformée aux plans d’exécution du BET de M. Y, validés par le E F et qu’en conséquence le litige relatif au tassement sous la dalle ou la défaillance des auvents ne la concerne pas ;

Attendu que ces points n’ont pas été contestés par les parties, ce qui est de nature à expliquer que la société ETPM n’a pas été attraite, à l’issue de l’expertise, à la présente procédure ;

De la nature des désordres et du rapport d’expertise

Attendu qu’il convient de rappeller que le maître d’ouvrage de la construction était la Société K L également maître d’oeuvre, que le C est intervenu en amont afin de déterminer la nature des sols devant servir d’assiette au projet, que le E d’études techniques (BET) de M. Y est intervenu en aval de l’étude du C afin de réaliser le dimensionnement précis des ouvrages et que les préconisations de M. Y devaient ensuite être validées et vérifiées par la Société E F ;

Attendu que le premier juge a justement relevé que la société C avait réalisé une étude géotechnique, à la demande de la société K L, et qu’il s’agissait d’une étude préparatoire à la maîtrise d''uvre de l’ouvrage que la société K L avait conservée, à l’exception des plans d’exécution confié au cabinet M N Y ;

Attendu que l’expert judiciaire, M. A, conclut son rapport déposé le 8 février 2007, quant aux responsabilités encourues, ainsi qu’il suit :

'- Le C a préconisé dans son étude de faisabilité géotechnique un dallage du type flottant sur un sol identifié par lui-même comme étant non consolidé susceptible d’être le siège d’importants tassements. Dans ces conditions préconiser une telle solution apparaît comme une erreur. Cette erreur est à l’origine du basculement de la dalle.

— Le BET Y a repris à son compte pour mise au point des plans d’exécution de la dalle les préconisations du C, sans toutefois suivre ses recommandations notamment, celle relative à la désolidarisation de la dalle vis à vis des fondations de l’auvent.

L’encastrement de cette dalle telle que conçue et réalisée sur les fondations de l’auvent n’a fait qu’aggraver les désordres.

— Le E J dans son rôle de préventionniste des risques de la construction a failli quant à lui à sa mission en validant un ouvrage de conception défectueuse sans même se préoccuper de la nature du sol d’assise rencontré sous cet ouvrage, ce qui n’est pas acceptable.

Ces précisions étant apportées, il apparaît pour l’expert que la responsabilité du sinistre devrait pouvoir se répartir entre ces trois intervenants. Étant précisé que cet avis est laissé à l’appréciation du tribunal de céans qui aura à juger cette affaire’ ;

Attendu que cette expertise est contestée, tout particulièrement par le C, qui reproche à l’expert d’avoir confondu les termes dalle et dallage ; que le C produit ainsi un rapport amiable de M. B ;

Attendu que la société K L entend écarter des débats les éléments consignés dans ce rapport amiable, au motif qu’il n’a pas fait l’objet d’échanges contradictoires dans le cadre de l’expertise judiciaire ;

Attendu cependant que les principes régissant le droit à un procès équitable commandent que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance de toutes pièces présentées au juge en vue d’influencer sa décision, dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse, et que cette décision ne puisse se fonder exclusivement sur une expertise amiable non contradictoire.(Cas. Com.2 février 2010 et 3e Civ. 3 février 2010) ;

Attendu qu’ainsi le rapport amiable de M. B, qui a été soumis à la libre discussion des parties dans le cadre du présent débat, ne saurait être déclaré inopposable aux autres parties et notament à la société K L ;

Attendu que le C rappelle ainsi les notions communément admises relatives au dallage et aux dalles :

— un dallage est directement disposé sur le sol avec ou sans l’intermédiaire d’une couche de forme en remblai compacté, de surcroît il est par définition mécaniquement indépendant des structures environnantes ;

— une dalle portée repose sur des éléments de structure ou d’infrastructure telle que poutres, longrines, têtes de pieux, etc, auxquels elle est mécaniquement connectée ;

Attendu qu’il ressort de la lecture du rapport du C établi le 17 octobre 2002 que :

— le § 6.2.1 relatif au bâtiment principal et son auvent a notamment prévu que :'la dalle sera portée par les pieux par l’intermédiaire de longrines avec constitution ou non d’un vide sanitaire’ ;

— le § 6.4 relatif au dimensionnement de la chaussée, des parkings et voieries précisant que : 'pour les dallages béton sous les auvents on retiendra de même de constituer une couche de forme en matériaux sélectionnés de 0,80 m d’épaisseur soigneusement compactés et contrôlés par des essais à la plaque’ ;

Attendu qu’il est ainsi manifeste que l’expert judiciaire a omis de prendre en compte qu’il pouvait y avoir sous l’auvent, et selon les recommandations du C, à la fois des dalles et des dallages, les premières pour tous les points de stationnement des véhicules (au droit des pompes de distribution des carburants) et des dallages pour les liaisons entre les diverses dalles portées ;

Attendu que le rapport du C ayant préconisé d’une part la réalisation d’une dalle portée par des pieux par l’intermédiaire de longrines et d’autre part la réalisation d’un dallage avec une couche de forme, l’expert judiciaire n’était pas fondé à retenir la faute du C au seul motif que celui-ci avait préconisé un dallage flottant sur un sol identifié par lui comme étant non consolidé et susceptible d’être le siège d’importants tassements ;

Attendu par ailleurs que l’analyse en matière de prépondérance des causes d’apparition des désordres est critiquée par le C ;

Attendu qu’ainsi le C soutient, sans être contredit, qu’il avait bien prévu dans son rapport (Y 22) qu’il fallait veiller à une désolidarisation vis-à-vis des fondations de l’auvent et du bâtiment ; que cependant ce qui a été conçu par le E d’études techniques (BET) Y et approuvé par le E F était une sorte d’hybride entre dalle et dallage puisque l’élément porteur horizontal et au sol était rendu solidaire des pieux et poteaux de l’auvent échappant ainsi à la désolidarisation nécessaire au dallage ; qu’ainsi ce même élément horizontal n’était porté que par trois pieux échappant ainsi aux exigences d’une dalle portée et que cette erreur est directement à l’origine du sinistre constaté ayant conduit à déformer la structure de l’auvent et du bâtiment principal, ainsi que le rapport de M. B l’établit ; qu’enfin, cette fausse dalle a été victime d’un phénomène de pivot autour du point dur constitué par la file des trois pieux par des mouvements importants infligés aux poteaux de l’auvent et des tractions de la charpente de la structure avec toutes les conséquences décrites par M. A ;

Attendu qu’il est ainsi manifeste que M. A, non seulement a considéré à tort que le C avait préconisé un dallage, mais a également omis d’établir que l’absence de désolidarisation entre l’élément horizontal porté et posé au sol et les éléments verticaux (pieux et poteaux) était à l’origine de l’immense majorité des désordres observés ;

Attendu qu’en conséquence, la société K L n’est pas fondée à soutenir que le C serait responsable au motif qu’il aurait omis toute étude sérieuse relative à la dalle devant desservir la station-station et préconisé ainsi un dallage flottant sur un sous-sol à forts risques de tassements différentiels et l’encastrement ponctuel du dallage sur les têtes de pieux ;

Attendu qu’enfin l’expert n’a pas pris en compte que la maîtrise d’oeuvre de conception et d’exécution était principalement exécutée par la société K L ;

Attendu qu’en conséquence le tribunal a justement relevé, par des motifs que la Cour adopte, qu’il ne convenait pas de suivre les conclusions expertales qui ne déterminaient pas en quoi les tassements différentiels n’avaient pas été pris en compte par le système de fondation préconisé par la société C qui avait prévu des prescriptions pour la consolidation du support notamment du remblai et de l’ancrage ;

Attendu qu’en conséquence, la responsabilité contractuelle de la société C n’est donc pas engagée, aucune faute en lien direct avec la déstabilisation de l’ouvrage lors de l’exécution n’étant démontrée ;

Attendu que la responsabilité du C n’étant pas retenue, il n’y pas lieu de statuer sur l’application de la police d’assurance le liant à la société SMABTP ;

De l’évaluation des désordres et des préjudices

Attendu qu’après avoir retenu lors de sa requête introductive d’instance la somme arrêtée par l’expert qui avait chiffré le coût des reprises à la somme de 12.500.000 F CFP, la sociétéTOTAL L a versé aux cours des débats une évaluation des travaux s’élevant à la somme de 38.605.653 F CFP par la production d’un devis de la société SOCOMETRA ;

Attendu que cependant, pas plus qu’elle ne l’avait fait en première instance, la société K L n’explique en cause d’appel les raisons d’un tel décalage avec l’évaluation expertale ;

Attendu en conséquence que la Cour est conduite à prendre en compte le chiffrage de l’expert qui a retenu la somme de 2.632.708 F CFP exposée par la société K L au titre des travaux provisoires (facture du 31 octobre 2006 de la S.A.R.L. COSTENTIN) , ainsi que la somme de 13.200.000 F CFP (incluant celle de 700.000 FCFP correspondant aux honoraires du contrôle technique) au titre des travaux définitifs ; que les frais engagés par la société K L pour un montant de 2.829.685 F CFP, préalablement à toute mise en place de la solution provisoire préconisée par l’expert, ne sont pas justifiés et doivent en conséquence être rejetés ;

Attendu qu’au titre du préjudice de jouissance, la société K L soutient qu’elle a dû fermer sa station du 7 au 26 octobre 2006 (2.223.690 F CFP) et a ainsi perdu la redevance que lui versait le locataire gérant (318.562 FCFP) ; qu’elle ajoute qu’elle devra fermer la station, pendant deux mois au moins, pour procéder aux travaux définitifs et sollicite en conséquence une somme de 6.671.070 FCFP, outre celle de 955.740 F CFP due au titre des redevances ;

Attendu cependant que force est de constater que l’expert judiciaire qui avait notamment pour mission de donner tous éléments d’appréciation sur l’importance des préjudices subis, n’a disposé d’aucune estimation faite par la société K L au titre de ses pertes d’exploitation occasionnées par la fermeture de la station-service durant les travaux de mise en sécurité ;

Attendu que les demandes aujourd’hui formées par la société appelante, qui ne sont établis par aucun document comptable sérieux et reposent sur de simples évaluations, ne peuvent être prises en compte, d’autant plus qu’il n’est pas démontré que la station a dû être fermée lors des travaux provisoires lesquels pouvaient, au demeurant, être réalisés lors de la fermeture annuelle, et qu’il en est de même pour la durée des travaux définitifs qui n’est nullement établie et qui n’a fait l’objet d’aucun dire transmis à l’expert judiciaire ;

Attendu que de telles demandes, non étayées par des documents comptables probants et d’éventuelles attestations de comptable indépendant, ne permettent pas à la Cour d’entrer en voie de condamnation au titre du trouble de jouissance ;

Attendu que la Cour fixera en conséquence le coût de la réparation des préjudices à la somme fixée par l’expertise judiciaire soit à celle de 15.832.708 F CFP (2.632.708 + 12.500.000 + 700.000) ;

De la responsabilité du E d’études techniques (BET) de M. M-N Y

Attendu que par contrat du 16 avril 2003, M. M N Y (E d’études techniques) a été chargé par la société K L de l’étude et des plans d’exécution béton armé et charpente métallique du projet ;

Attendu qu’entendu dans le cadre de l’expertise judiciaire, M. Y a pu indiquer :

'Lorsque j’ai fondé mes hypothèses de calcul, j’ai eu pour impératif de mobiliser suffisamment de poids pour contrecarrer les forces verticales de soulèvement dues au vent agissant sur les auvents au-dessus des pistes.

C’est pour satisfaire à cet impératif que j’ai pris l’option de lier la dalle aux têtes des pieux fondés pour recevoir les poteaux métalliques support de l’auvent sur piste de distribution.

Je n’ai jamais imaginé que le sol sous la dalle pouvait tasser au point de provoquer le basculement de la dalle.

Je reconnais que ce basculement a pu engendrer des efforts parasites au pied des poteaux avec un enchaînement de désordres que je suis en mesure de comprendre.

Oui (j’ai eu en ma possession le rapport de sol du C préalablement à mon étude), mais je n’ai fait que. le parcourir en interprétant le fait que la dalle pouvait reposer directement sur le remblai compacté censé ne pas devoir tasser.

Je reconnais m’être trompé, la solution consistait en présence de sols compressibles à faire porter la dalle sur des pieux.' ;

Attendu que M. Y a ainsi reconnu devant l’expert qu’il avait omis de prendre en compte les préconisations de la société C notamment celle relative à la désolidarisation de la dalle vis à vis des fondations de l’auvent ou à la réalisation de joints de rupture et qu’ainsi il ne s’est pas préoccupé des problèmes de tassement ; qu’il est ainsi établi que M. Y a commis une faute dans la réalisation des plans dont il avait la charge ;

Attendu cependant que la responsabilité de M. Y doit être examinée à l’intérieur de l’ensemble des responsabilités dont celle de la société K L qui a conservé la maîtrise d’oeuvre d’exécution, le Cabinet Y n’ayant que la charge de la réalisation des plans d’exécution, ainsi que le premier juge l’a relevé ;

Attendu que la jurisprudence a maintes fois rappelé que le défaut d’assistance par le maître d’ouvrage d’un maître d’oeuvre ne pouvait en elle-même constituer une faute (Cass. 3e civ. 6 mai 1998) et que pour que le rôle du maître d’ouvrage puisse être retenu comme constitutif d’une faute, encore fallait-il que soit démontré le rôle causal de ce comportement dans la réalisation du dommage ;

Attendu que si la société K L est fondée à soutenir qu’elle a veillé à être directement assistée en ce qui concerne l’élaboration des plans et la conception de l’ouvrage par M. Y et qu’elle fait valoir qu’elle n’a, à aucun moment, tenté de s’imposer face à des professionnels, il n’en demeure pas moins qu’elle admet ne pas avoir remis le rapport du C au E F auquel elle avait par ailleurs confié le contrôle technique relatif à la solidité des ouvrages portant sur la construction de la station K ;

Attendu que par son comportement, la société K L qui était parfaitement informée, notamment par le rapport du C que la construction envisagée portait sur 'un terrain de remblai mise en oeuvre sur des vases et des argiles', a commis une faute en ne transmettant pas au E F ce rapport particulièrement explicite qui aurait permis au E F d’assurer complètement sa mission et de préconiser à la société K L des solutions adaptées à la nature du sol, telles que préconisées par le C ; que cette faute est en lien direct avec les dommages qu’elle a subis ;

Attendu que c’est également par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a relevé que la société K L était, au titre de cette maîtrise d’oeuvre d’exécution, nécessairement destinataire des plans d’exécution qu’elle réceptionnait et approuvait ;

Attendu que la société K L a donc commis une faute qui a concouru à la réalisation des dommages, de nature à permettre de limiter la responsabilité du cabinet Y à 40% du préjudice K, soit à la somme de 6.333.084 F CFP (15.832.708 x 40%) ;

De la responsabilité de la société E F

Attendu que la société E F qui soutient, sans que cela soit contesté, ne pas avoir eu communication du rapport du C, ajoute qu’elle n’a pas pu également disposer du dossier de consultation des entreprises (DCE) établi en mai 2003, ce qui est cependant démenti par le compte rendu d’examen de documents daté du 26 juin 2003 qu’elle produit accusant 'réception des plans de structure du DCE dont la liste est jointe’ qui mentionne dix documents datés du mois de mai 2003 ;

Attendu qu’en tout état de cause, il est établi que par contrat conclu le 11 juin 2003, la société E F a accepté d’assurer le contrôle technique de la construction de la station K et que l’objet de la mission était rédigé ainsi qu’il suit :

« mission solidité des ouvrages portant sur les travaux de bâtiment soumis à l’obligation d’assurance selon délibération n°591 du 1er décembre 1983 modifiée par la délibération n°667 du 28 juillet 1984' ;

Attendu qu’il ressort des pièces produites et notamment de celle portant sur le bâtiment principal-fondations- dalle, enregistrée sous le n° 2314-01 et transmise à la société E F le 4 juin 2003, que cette société a été également destinataire des plans de recollement des pieux implantés ce qui l’a conduit, le 26 novembre 2003, à donner un avis favorable ; que lors de la visite du 24 octobre 2003, la société E F a contrôlé le choix d’ancrer les pieux selon les résultats pressiométriques et non courbes de battage, ce qui démontre qu’elle a eu une connaissance approfondie du système de fondations ; que le 25 novembre 2003, elle a constaté que 50 % des aciers ont été oubliés sur le massif des pieux/poteaux de la piste de distribution et qu’il est convenu que les pieds de poteaux seront ancrés dans les massifs par des tiges filetées ;

Attendu que par sa mission de contrôle de la solidité de l’ouvrage, la société E F devait être en mesure de détecter l’erreur commise par le cabinet Y et par la société K L et de demander les rectifications nécessaires ; que le premier juge a justement souligné que le E F avait un positionnement dans la chaîne de réalisation de l’ouvrage qui lui permettait d’avoir le recul nécessaire pour analyser les solutions préconisées et mises en oeuvre et qu’en n’ayant pas détecté ce problème de solidité de la dalle, il a commis une faute contractuelle dans l’exécution de sa mission de contrôle ;

Attendu que la jurisprudence a pu rappeler qu’un constructeur ou un contrôleur technique devait impérativement compléter ou rectifier les renseignements fournis par un maître d’ouvrage incompétent (Cass. 3e civ. 31 mars 1993) et que, dans ces conditions, le E F, notamment face au fait que la société K L n’avait délégué qu’une partie de la maîtrise d’oeuvre d’exécution et conservé la maîtrise d’oeuvre de conception, se devait d’être particulièrement vigilant quant à la qualité du sous-sol en exigeant la production de l’étude réalisée par le C ou à défaut d’en connaître l’ existence comme il le soutient, toute autre étude géologique ; qu’en s’abstenant de procéder à ce contrôle minimal, le E F a immanquablement failli à sa mission et ne peut nullement faire reporter l’entier dommage sur le maître d’ouvrage ;

Attendu qu’ainsi le E F ne saurait s’exonérer de ses obligations en prétendant que même si elle avait sollicité la communication du rapport du C , il ne lui aurait pas appartenu, dans le cadre de son intervention, de rectifier l’erreur de préconisation et qu’en conséquence, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée, aucune faute ne pouvant lui être reprochée et aucun lien direct avec les dommages n’étant établis ;

Attendu qu’en effet le E F, professionnel du contrôle en matière de construction, a commis un manquement manifeste en émettant le 26 juin 2003, soit quatre mois avant le lancement des travaux, un avis favorable sans observation particulière sur le plan d’exécution de la dalle telle que conçue par M. Y, et sans aucune réserve d’aucune sorte ; que le E F ne saurait se retrancher derrière le fait qu’il n’aurait jamais eu communication du rapport géotechnique établi, qu’il devait en effet veiller à se faire communiquer, en sa qualité de contrôleur et qu’il entrait manifestement dans ses obligations de conseil et de renseignements de se soucier que de telles études soient conduites et lui soient communiquées d’autant plus dans une implantation contiguë à la mangrove ;

Attendu que la responsabilité du E F sera donc retenue à concurrence de 10 % des préjudices subis par la société K L, soit à la somme de 1.583.270 F CFP ;

Des autres demandes des parties

Attendu que la société K L demande que les parties intimées soient condamnées solidairement pour leur faute commune ;

Attendu que si le E F est fondé à relever, conformément aux dispositions de l’article 1202 du Code civil que la solidarité n’étant prévue ni contractuellement, ni légalement, elle ne peut être prononcée, la Cour est conduite à constater que la faute commune de M. Y et du E F a concouru à la réalisation de l’entier dommage et qu’en conséquence il y a lieu de retenir une responsabilité in solidum, quand bien même les parts de contributions de chacun auraient été énoncées ; que chacun des responsables d’un même dommage doit en effet être condamné à le réparer en totalité, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité, auquel les juges du fond ont procédé entre les divers responsables qui n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers et non l’étendue de leurs obligations envers la partie lésée (Cass.2e Civ., 12 janvier 1984) ;

Attendu qu’il n’y pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, qu’au bénéfice de la société C et de son assureur, la mutuelle SMABTP, qui ont été contraints d’exposer des frais non compris dans les dépens pour se défendre en appel ; qu’en conséquence, la société K L doit être condamnée à verser la somme de 200.000 FCFP à la société C, ainsi que la somme de 150.000 à la SMABTP, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Attendu que M. Y doit être condamné à quarante pour cent (40 %) des dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé, et la société E F à dix pour cent (10 %) des dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ; que la société K L conservera par conséquent cinquante pour cent (50 %) des dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt déposé au greffe ;

Déclare l’appel recevable en la forme ;

Confirme la décision en date du 13 décembre 2010 en ses dispositions suivantes :

* Vu les articles 1792 et 1147 du code civil,

* Constate que la société K L avait la maîtrise d’oeuvre de conception et d’exécution de l’ouvrage dont elle a sous-traité les plans d’exécution au cabinet M-N Y ;

* Dit que la société C n’a commis aucune faute alors que son rapport était préparatoire à la conception de l’ouvrage et a été réceptionné par la société K L sans réserve ;

* Constate que M. M-N Y a commis une faute dans la réalisation des plans d’exécution de l’ouvrage qui engage sa responsabilité au titre de l’article 1792 du code civil pour être en partie à l’origine de la déstabilisation de la dalle ;

* Constate que la société E F a commis une faute dans l’exécution de sa mission de contrôle en ne contrôlant pas suffisamment l’étendue et la qualité des fondations et tenue de la dalle qui est en partie à l’origine de la déstabilisation de la dalle ;

* Rejette la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance présentée par la société K L après l’avoir déclarée insuffisamment fondée ;

* Dit n’avoir pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Statuant à nouveau quant aux autres dispositions :

Condamne M. M-N Y et la société E F à payer in solidum à la société K L la somme de SEPT MILLIONS NEUF CENT SEIZE MILLE TROIS CENT CINQUANTE-QUATRE (7.916.354) F CFP ;

Dit que les responsabilités des intervenants à l’acte de construire sont ainsi fixées :

— M. M-N Y : 40% , soit la somme de SIX MILLIONS TROIS CENT TRENTE-TROIS MILLE QUATRE-VINGT-QUATRE (6.333.084) F CFP ;

— la société E F : 10%, soit la somme de UN MILLION CINQ CENT QUATRE-VINGT-TROIS MILLE DEUX CENT SOIXANTE-DIX (1.583.270) F CFP ;

Condamne la société K L à verser la somme de DEUX CENT MILLE (200.000) F CFP à la société C, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société K L à verser la somme de CENT CINQUANTE MILLE (150.000) F CFP à la mutuelle SMABTP, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne M. M-N Y et la société E F à payer in solidum les dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé, à concurrence de quarante pour cent (40 %) pour M. M-N Y et de dix pour cent (10 %) pour la société E F ;

Condamne la Société K L à payer cinquante pour cent (50 %) des dépens en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et de la procédure de référé ;

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Nouméa, 1er octobre 2012