Cour d'appel d'Orléans, 17 novembre 2014, n° 14/01423

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, 17 nov. 2014, n° 14/01423
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 14/01423
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tours, 24 mars 2014

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 17/11/2014

Me Samuel EDOUBE MANN

la SCP LAVAL – LUEGER

ARRÊT du : 17 NOVEMBRE 2014

N° : – N° RG : 14/01423

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 25 Mars 2014

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1482 0425 9309

Monsieur B Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Madame D E J Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentés par Me Samuel EDOUBE MANN, avocat au barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1409 2706 1871

SARL LM A

immatriculée au RCS de TOURS sous le XXX

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée Me Françoise LUEGER de la SCP LAVAL – LUEGER, avocat postulant au barreau d’ORLEANS ayant pour avocat plaidant Me Quentin MOUTIER de la SELARL AROBASE AVOCATS, inscrit au barreau de TOURS,

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 22 AVRIL 2014.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 SEPTEMBRE 2014.

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 23 Septembre 2014, à 14 heures, devant Monsieur BLANC, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,

Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,

Madame Laurence FAIVRE, Conseiller.

Greffier :

Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 17 NOVEMBRE 2014 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

D E J Y est propriétaire d’un immeuble sis à XXX, cadastré section XXX, qu’elle loue à son fils B Y qui y exerce une activité de location saisonnière et de réception.

La société A est propriétaire d’un ensemble immobilier situé à Amboise, 5 et XXX, dans lequel elle exploite un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie.

Un passage commun, cadastré XXX la propriété Y qui dispose d’un portail en bois au fond du passage, et la propriété A qui dispose d’une porte d’accès à son fournil servant notamment à l’entrée du personnel, laquelle porte ouvre sur le chemin.

B Y a installé un système de vidéosurveillance en partie supérieure du pignon sud de sa maison principale, dirigé vers le chemin, ainsi qu’un spot braqué dans la même direction au bas du même pignon.

Par acte en date du 5 novembre 2013, la SARL unipersonnelle LM A assignait devant le Tribunal de grande Instance de Tours les consorts Y en vue de leur voir ordonner de retirer la caméra et le projecteur sous astreinte de 300 € par jour de retard, de les voir condamner à lui payer la somme de 2000 € à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice résultant de l’atteinte à sa vie privée et la somme de 2000 € par provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral.

Les consorts Y demandaient le retrait des débats de la pièce numéro 52 comme constituant un écrit diffamatoire, le débouté de toutes les demandes et l’allocation de la somme de 7000 €à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par une ordonnance en date du 25 mars 2014, ce magistrat, après avoir dit n’y avoir lieu à écarter la pièce numéro 52, ordonnait aux consorts Y de retirer le matériel de vidéo surveillance sous astreinte de 20 € par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la signification de cette ordonnance et les condamnait à payer à la société A la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ; il déboutait cette société de ses demandes de provision et d’enlèvement du projecteur ,et déboutait également les consorts Y de leur demande dommages-intérêts.

Le juge des référés considérait qu’au vu du constat dressé le 18 octobre 2013 par Maître Z, huissier à Amboise et des photos qui y sont annexées, il apparaît que le projecteur est bien installé à l’intérieur de la propriété Y, sur le mur de l’immeuble, à environ 1 m du sol, et qu’il a donc pour principal usage d’éclairer le passage des piétons ou des véhicules qui pénètrent sur le fonds Y, et estimait que la preuve du trouble illicite n’était pas rapportée en ce qui concerne ce matériel d’éclairage.

Le premier juge estimait en revanche que la caméra pourvue d’une vision infrarouge, installé sur le haut du mur de l’immeuble Y, possède manifestement une surface de vue beaucoup plus large et que, si ce système a été mis en place depuis plusieurs années, il n’en demeure pas moins que B Y ne justifie pas d’une autorisation de la part de ses voisins lui ayant permis d’installer un tel matériel de surveillance du passage commun.

Il disait que cette atteinte au respect de la vie privée constitue donc un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en application de l’article 809 du code de procédure civile, mais que la contestation opposée à la demande de provision à valoir sur dommages-intérêts présentait un caractère sérieux au sens du deuxième alinéa de cet article.

Par une déclaration déposée au greffe le 22 avril 2014, B Y et D E J Y interjetaient appel de cette ordonnance.

Par ses dernières conclusions en date du 10 septembre 2014, et après avoir énuméré en détail les nombreux points de contentieux existant entre voisins, la partie appelante invoque à titre principal l’irrecevabilité de la demande formée par la SARL A qui se heurterait à une absence totale d’intérêt et de qualité à agir pour la défense de la vie privée de ses salariés, de ses actionnaires, de ses clients et de ses fournisseurs, une personne morale à but lucratif ne pouvant, selon elle, se substituer à ces personnes pour prétendre à une violation de leur vie privée et invoquer un préjudice moral à ce titre.

À titre subsidiaire, les consorts Y invoquent le mal fondé des demandes aux motifs qu’il n’existerait pas de caméra installée dans le chemin, qu’il n’existerait pas de projecteur couplé à une caméra, le projecteur installé vers le sol n’étant là que pour éclairer celui-ci dans leur propriété pour éviter la chute aux usagers.

Ils ajoutent que le système de vidéosurveillance a été mis en place il y a plusieurs années au vu et au su de tous ,et que les transcriptions des enregistrements par huissier de justice ont été communiquées depuis 2011 au soutien de toutes les procédures judiciaires les opposant à la société A, qui n’a formé sa demande de retrait du dispositif qu’en 2013 , que les autres personnes privées utilisant ce passage commun ont eux aussi connaissance de cette installation et qu’elles ne s’y sont jamais opposées, l’accord de la société A, seule en cause, n’étant pas, selon eux, une condition nécessaire à l’installation et au maintien de ce dispositif.

Les consorts Y déclarent que l’enregistrement des images est limité aux plus stricts abords du portail et estiment qu’aucune violation de la vie privée de quiconque ne peut leur être reprochée.

Ils sollicitent la confirmation du débouté de la demande de provision et d’enlèvement du projecteur.

S’estimant victime de harcèlement procédural, ils demandent la condamnation de la SARL A à leur payer la somme de 10'000 € pour procédure abusive et réclament l’allocation de la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions en date du 11 juillet 2014, la SARL unipersonnelle A, après avoir fait part de sa version des différents litiges émaillant les relations des parties, conclut à la recevabilité de la demande au motif qu’elle n’a jamais prétendu obtenir la réparation d’un préjudice résultant d’une atteinte à la vie privée de ses salariés.

Elle sollicite la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné les consorts Y à retirer la caméra installée dans le chemin cadastré XXX sous astreinte de 20 € par jour de retard et en ce qu’elle les a déboutés de leurs demandes dommages-intérêts.

Elle demande l’infirmation partielle de cette décision, et sollicite d’une part qu’il soit ordonné à ses adversaires de retirer le projecteur installé dans le même chemin, et ce sous la même astreinte, d’autre part qu’il lui soit alloué la somme de 2000 € à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice résultant de l’atteinte à sa vie privée, la somme de 2000 € par provision à valoir sur la réparation de son préjudice moral et la somme de 3000 € par application des dispositions de l’ Article 700 du Code de Procédure civile.

L’ordonnance de clôture était rendue le 15 septembre 2014 par le Conseiller de la mise en état.

SUR QUOI :

Attendu que la société A ne prétend pas défendre les intérêts de ses salariés, de ses fournisseurs ou de ses clients , puisque ses écritures révèlent qu’elle a agi uniquement pour la préservation de ses intérêts propres ; que l’argumentation de la partie appelante relativement à l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir ne saurait être retenue ;

Attendu que par une ordonnance en date du 22 novembre 2012, le président du Tribunal de grande Instance de Tours, saisi dans le cadre d’une procédure de référé, avait constaté que D E J Y avait fait installer un système de vidéosurveillance dirigé sur le portail de sa propriété, l’intérieur de l’ensemble immobilier dont elle est propriétaire et aussi la partie sud est du passage XXX, et qu’il était encore établi que l’ huissier requis par B Y avait visionné les fichiers provenant de cette caméra ;

Que ce magistrat avait alors relevé qu’il ressortait de l’examen des photographies annexées au constat de cet huissier et de la retranscription des conversations enregistrées que celles-ci ont été captées et fixées sans le consentement des tiers photographiés ou enregistrés, et donc en violation des dispositions de l’article 226 '1 et de l’article 226 '2 du code pénal ;

Qu’il en avait tiré pour conséquence qu’il convenait d’écarter ces pièces des débats de cette procédure de référé en ce qu’elles constituaient des images de Monsieur A ou de tiers, ainsi que les propos de ce dernier ;

Attendu que le constat de Maître Z, huissier de justice en date du 18 octobre 2013 (pièce 89) mentionne que « en partie supérieure droite du pignon sud de la maison principale d’habitation de Monsieur Y, (il a) pu constater la présence d’une caméra dirigée vers le chemin précité », avant d’indiquer que, « sous cette caméra, au bas du même pignon, (il a) pu constater la présence d’un spot braqué dans la même direction » ;

Que cet officier ministériel précise que de telles constatations ont été réalisées sur le chemin cadastré XXX desservant la propriété de la société A (située au sud) ainsi que celle de B Y (située à l’ouest) ;

Attendu que le premier juge s’est fondé avec pertinence sur le constat établi le 29 octobre 2013 par Maître X, huissier de justice à Amboise ; que ce dernier avait constaté que les images visionnées montrent l’activité du portail de Monsieur Madame Y ainsi que les stricts abords générés par l’angle de la caméra, notamment le bas de porte de l’entrée de service de Monsieur A, et que les 11 vidéos visionnées y sont décrites ;

Que ce magistrat a également observé que ces 11 vidéos visionnées et décrites par cet huissier illustrent une opération de véritable surveillance de l’entrée de service de la boulangerie A, notamment par la description des agissements d’un homme vêtu d’un pantalon bleu de boulanger et d’une chemise blanche, que Monsieur Y décrit comme étant Monsieur A, et que les deux personnes filmées le 11 octobre 2013, dans la conversation est inaudible, sont situées à 2,50 m ou 3 m du seuil du portail de Madame Y ;

Qu’il en a tiré pour conclusions que l’appareil de vidéosurveillance en litige n’est pas strictement limité à surveillance de l’intérieur de la propriété privée des consorts Y, mais qu’il enregistre également les mouvements des personnes se trouvant sur le passage commun, notamment au niveau de l’entrée du personnel de la société A ;

Attendu que la présence du projecteur, telle qu’elle a été constatée par Maître Z, montre un perfectionnement du système, puisque ce projecteur, braqué dans la direction de la caméra, ajoute à la visibilité et donc aux inconvénients que la société A reprochait déjà à ses adversaires lors des précédentes procédures ;

Attendu qu’il est indiscutable que la présence de l’ensemble du dispositif constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile ;

Qu’il convient de confirmer la décision querellée en ce qu’elle a ordonné le retrait de la caméra de vidéosurveillance, et de l’infirmer en ce qu’elle a considéré que la preuve du trouble illicite n’était pas rapportée en ce qui concerne le matériel d’éclairage ;

Attendu qu’il est certain que le comportement des consorts Y, du seul fait de la présence et de l’utilisation d’un matériel perfectionné destiné à la surveillance des faits et gestes de leurs voisins cause à ces derniers un préjudice ;

Que le premier juge a d’ailleurs relevé que le préjudice résultant de l’atteinte à la vie privée et le préjudice moral invoqué par la société A existent dans leur principe ;

Attendu que l’existence avérée de ces préjudices justifie d’ores et déjà l’allocation d’une somme à titre de provision à valoir sur l’ensemble des dommages subis, toutes causes confondues, et qui sera équitablement arbitrée à 2000 €;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société A l’intégralité des sommes que cette partie a dû exposer du fait de la présente procédure ; qu’il échet de faire application de l’article 700 du Code de Procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 3000 € ;

PAR CES MOTIFS :

STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DÉCLARE la société LM A recevable en ses prétentions,

RÉFORME l’ordonnance rendue entre les parties le 25 mars 2014 par le Juge des référés du Tribunal de grande Instance de Tours en ce qu’elle a débouté la société LM A de ses demandes de provision et d’enlèvement du projecteur,

ET, STATUANT À NOUVEAU sur ces points,

ORDONNE à D E J Y et à B Y de retirer le projecteur installé dans le chemin cadastré XXX, sous astreinte de 20 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la signification du présent arrêt,

CONDAMNE D E J Y et B Y à payer à la société LM A la somme de 2000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, toutes causes confondues,

CONFIRME, pour le surplus, ladite ordonnance,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE D E J Y et B Y à payer à la société LM A la somme de 3000 € en application de l’ Article 700 du Code de Procédure civile,

CONDAMNE D E J Y et B Y aux dépens.

Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre et Madame Evelyne PEIGNE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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