Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 30 juin 2000

  • Marque et denomination sociale, nom commercial et enseigne·
  • Atteinte à la denomination sociale et au nom commercial·
  • Article l 713-3 code de la propriété intellectuelle·
  • Denomination sociale, nom commercial et enseigne·
  • Modification de la denomination sociale·
  • Usage par l'intime d'un logo , dépôt·
  • Risque de confusion entre les logos·
  • Numero d'enregistrement 92 424 256·
  • Numero d'enregistrement 96 618 813·
  • Vetements, chaussures, chapellerie

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 30 juin 2000
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 2000 707 III-516
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS DU 30 SEPTEMBRE 1997
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : JUS D'ORANGE;ORANGE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 92424256;96618813
Classification internationale des marques : CL18;CL24;CL25
Liste des produits ou services désignés : Vetements, chaussures, chapellerie
Référence INPI : M20000514
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE JUS D’ORANGE a été immatriculée au registre du tribunal de commerce le 10 avril 1984. Elle a pour activité la création, fabrication et la distribution d’articles en textiles et utilise depuis sa création à titre de dénomination sociale. nom commercial et enseigne le nom « JUS D’ORANGE ». Elle est titulaire de la marque dénominative JUS D’ORANGE déposée le 29 avril 1992 enregistrée sous le n 92 424 256 pour désigner des produits des classes 18, 24 et 25, (pour cette dernière, vêtements, chaussures, chapellerie). La société ORANGE créée le 7 mars 1996 (immatriculée au registre du commerce le 7 mars 1996 sous le n B 404 166 316) a déposé le 1er avril 1996 la marque semi-figurative « ORANGE » pour désigner des produits de la classe 25 (vêtements, chaussures, chapellerie). Estimant que ce dépôt constituait une contrefaçon par reproduction, ou à tout le moins par imitation de sa marque et une atteinte à son nom commercial et à sa dénomination sociale, JUS D’ORANGE a, par acte d’huissier en date du 23 octobre 1996, fait assigner ORANGE sur ces fondements, pour obtenir outre des mesures d’interdiction, de publication paiement de dommages et intérêts et d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. ORANGE s’était opposée à l’ensemble de ces demandes en faisant valoir qu’il n’existait aucun risque de confusion entre les signes, que les entreprises qui n’étaient pas situées sur le même secteur géographique, ne pouvaient être confondues et que le terme ORANGE était générique, étant déposé de nombreuses fois pour désigner les produits de la classe 25. Par le jugement critiqué, le tribunal a :

- rejeté l’argumentation d’ORANGE,
- déclaré nulle la marque déposée par cette société,
- dit qu’en procédant à ce dépôt, et en faisant usage de cette marque et du terme ORANGE à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d’enseigne, ORANGE avait commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque JUS D’ORANGE et avait porté atteinte à la dénomination sociale et au nom commercial de JUS D’ORANGE,
- prononcé des mesures d’interdiction sous astreinte,
- condamné ORANGE à verser à JUS D’ORANGE à titre de dommages et intérêts la somme de 70 000 francs pour réparer le préjudice causé par les actes de contrefaçon et celle de 30 000 francs en réparation du préjudice causé par les atteintes à sa dénomination sociale et à son nom commercial,
- ordonné la publication de la décision dans trois journaux ou revues au choix de JUS D’ORANGE aux frais de la défenderesse, sans que le coût total de ces publications excède la somme de 45 000 francs,
- condamné ORANGE à payer la somme de 10 000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

— dit que la décision devenue définitive sera transmise par les soins du greffier à l’INPI pour transcription sur le registre national des marques. Au cours de la procédure d’appel, la mesure d’interdiction a été assortie de l’exécution provisoire en suite d’une décision du conseiller de la mise en état du 19 mars 1998. C’est à la suite de cette décision qu’ORANGE dit avoir modifié sa dénomination sociale en « MELA MELONE ». Appelante de ce jugement, MELA MELONE (anciennement ORANGE) par ses dernières écritures du 15 mai 2000 conclut à l’infirmation du jugement. Elle demande de :

- "dire que l’utilisation du mot ORANGE tant comme marque que comme dénomination sociale n’est pas suffisant à créer une confusion dans l’esprit du public et qu’elle n’a pas commis d’actes de contrefaçon de marque en violation des droits effectivement acquis par le dépôt de la marque nominative JUS D’ORANGE,
- dire qu’en procédant de bonne foi au dépôt de la marque ORANGE et en faisant usage du droit qu’elle croyait avoir acquis à titre de marque et de dénomination sociale et d’enseigne, elle n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de JUS D’ORANGE,
- dire que les mesures d’interdiction décidées par l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 mars 1998 n’étaient pas justifiées,
- condamner JUS D’ORANGE à lui payer la somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts pour exécution abusive,
- la condamner à lui rembourser la somme de 44 836, 48 francs avec intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 1999,
- ordonner la publication de l’arrêt,
- condamner JUS D’ORANGE à lui payer la somme de 30 000 francs par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile« . JUS D’ORANGE, par écritures du 11 mai 2000, soutient à titre principal que MELA MELONE n’aurait aucune capacité à agir, une autre société JAUNE ROUGE la remplaçant, et conclut donc à l’irrecevabilité de l’appel. Elle conclut également au renvoi de l’affaire afin de régulariser cette procédure et »notamment de permettre à JUS D’ORANGE de régulariser une plainte avec constitution de partie civile pour création d’insolvabilité, escroquerie et tentative d’escroquerie au jugement". A titre subsidiaire, elle réclame confirmation du jugement excepté sur les mesures de publication et sur le montant des dommages et intérêts qu’elle demande à la cour d’élever à la somme de 2 000 000 francs au titre de la contrefaçon et à celle de 500 000 francs au titre des actes de concurrence déloyale. Elle sollicite en outre de la cour que son adversaire soit condamnée à lui payer la somme de 80 000 francs par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION

I – SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL Considérant que par la production des Kbis de la société appelante et de la société JAUNE ROUGE, il apparaît que, contrairement à ce que soutient l’intimée, deux sociétés existent, la société JAUNE ROUGE immatriculée le 6 juillet 1998 au registre du commerce sous le n B 419 253 059 et la société MELA MELONE immatriculée le 7 mars 1996 sous le n B 404 166 316 correspondant au n d’immatriculation de la société ORANGE, (dénomination modifiée le 19 mai 1998) ; que MELA MELONE justifie ainsi de sa capacité à agir, étant la même entité juridique que la société d’origine ; que la demande de renvoi est en conséquence sans objet ; II – SUR LA CONTREFAÇON Considérant que l’appelante ne reprend pas la totalité de l’argumentation soutenue en première instance (notamment sur le caractère générique du terme ORANGE) ; qu’elle soutient que la marque opposée JUS D’ORANGE a un pouvoir distinctif dans son expression d’ensemble dans laquelle chacun des éléments ne peut être séparé pour assurer à lui seul la fonction distinctive de la marque ; qu’en effet selon elle, ORANGE n’a pas de pouvoir distinctif propre, pas plus que le terme JUS ; que la comparaison entre les signes doit être effectuée en opposant la marque « Jus d’Orange » dans son ensemble, à la marque ORANGE, telle que déposée ; Mais considérant que cette argumentation ne saurait être suivie dans la mesure où la marque complexe est protégée non seulement dans son ensemble mais dans chacun de ses composants si du moins ceux-ci sont détachables de l’ensemble et s’ils sont en eux-mêmes distinctifs ; Considérant que tel est le cas en l’espèce, le terme ORANGE étant détachable de la marque déposée et étant distinctif pour désigner des vêtements, chaussures et chapellerie visés par la marque ; qu’il présente également un caractère essentiel par l’évocation instantanée, ou d’un fruit, ou d’une couleur permettant de rattacher immédiatement les produits à ce terme ; Considérant que la reprise du terme ORANGE dans la marque litigieuse malgré l’adjonction du mot Paris et la représentation du dessin d’une tranche de demie orange à la place du O pour désigner des produits dont il n’est pas contesté qu’ils sont identiques, est susceptible de créer un risque de confusion entre les signes, (la représentation de la demie orange étant au surplus évocatrice de l’expression de jus d’orange de la marque antérieure) pour un consommateur d’attention moyenne qui ne les a pas simultanément sous les yeux ou dans un temps rapproché à l’oreille ; Considérant que la bonne foi invoquée par ORANGE étant en l’espèce inopérante, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la contrefaçon par application des dispositions de l’article L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que le jugement sera en outre confirmé en ce qu’il a retenu pour ces motifs que le terme ORANGE utilisé à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d’enseigne pour la commercialisation de produits identiques constituait également la contrefaçon de la marque antérieure, en raison du risque de confusion ; Considérant que la motivation des premiers juges selon laquelle le risque de confusion serait d’autant plus important que JUS D’ORANGE justifie utiliser depuis plusieurs années pour son propre logo une rondelle d’orange est en l’espèce surabondant au titre de la comparaison des marques, puisque le logo ne fait pas l’objet d’un dépôt, et est à juste titre critiquée par l’appelante ; qu’au surplus, l’intimée ne prétend pas détenir des droits incorporels sur ce logo, mais ne l’invoque qu’au titre de sa demande en concurrence déloyale ; Considérant que dans ses écritures d’appel, l’intimée qui sollicite néanmoins la confirmation du jugement (qui n’a pas statué sur ce point) expose que la marque ORANGE constituerait en outre la contrefaçon de sa dénomination sociale et de son nom commercial « JUS D’ORANGE », en invoquant les dispositions de l’article L. 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ; Mais considérant que ces demandes ne sauraient prospérer dès lors que le texte susvisé permet à celui qui détient des droits antérieurs à titre de dénomination sociale ou de nom commercial ou d’enseigne de solliciter la nullité d’une marque postérieurs, mais non pas d’agir en contrefaçon ; III – SUR L’ATTEINTE A LA DENOMINATION SOCIALE ET AU NOM COMMERCIAL JUS D’ORANGE PAR LA MARQUE, LA DENOMINATION SOCIALE ET LE NOM COMMERCIAL ORANGE Considérant qu’il est soutenu par l’appelante que les premiers juges l’aurait condamnée au titre de la concurrence déloyale sans « caractériser une manoeuvre déloyale distincte de l’acte de contrefaçon et susceptible d’accroître le risque de confusion ou le détournement de clientèle » : Qu’elle fait en outre valoir que pour qu’il y ait atteinte au nom commercial ou à une enseigne, il est nécessaire que les signes soient connus sur l’ensemble du territoire national, et qu’il n’est fourni aucun élément d’appréciation sur ce point ; Considérant que JUS D’ORANGE expose qu’outre l’atteinte portée de manière répétée à sa dénomination sociale et à son nom commercial, qui constituent des actes fautifs au sens des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, ORANGE a également commis d’autres actes fautifs constitutifs de concurrence déloyale en reprenant le logo d’une tranche d’orange, en vendant des produits de qualité inférieure aux siens et à des prix inférieurs ; Mais considérant que l’argumentation de l’appelante tirée du rayonnement seulement local du nom commercial et de l’enseigne est dénuée de pertinence dans le cadre de la

présente action en concurrence déloyale ; que les deux entreprises sont situées dans la même ville, dans des arrondissements qui sont proches, ont un secteur d’activité identique ; qu’en outre JUS D’ORANGE constitue la dénomination sociale de l’intimée ; qu’il existe donc pour le client un risque de confusion entre ces deux entreprises du fait de la reprise du mot ORANGE qui peut faire croire que les sociétés sont liées économiquement ; Considérant qu’ainsi, sont caractérisés, comme l’ont exactement dit les premiers juges, des actes de concurrence déloyale par l’atteinte portée à la dénomination sociale et au nom commercial « JUS D’ORANGE » ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; Considérant que les autres griefs développés par l’intimée au titre de la concurrence déloyale ne sont justifiés par aucun document ; qu’en effet, s’il est versé aux débats des papiers commerciaux non utilisés sur lesquels figure un logo représentant un verre sur le bord duquel existe une tranche d’orange et dans lequel se trouve une paille, ces pièces ne comportent aucune date, et le dessin de la tranche d’orange, en plan, n’est pas identique à celui de l’appelante qui est sphérique ; qu’il n’existe ainsi aucun risque de confusion entre ces deux logos ; qu’en outre, la vente de vêtements à des prix inférieurs et qui seraient de moindre qualité (ce qui d’ailleurs en l’espèce n’est pas établi) ne suffit pas en soi à caractériser des actes de concurrence déloyale, n’étant que l’expression de la libre concurrence ; IV – SUR LES MESURES REPARATRICES Considérant que l’intimée réclame paiement de dommages et intérêts très importants ; qu’elle ne verse toutefois aux débats aucun document de nature à établir que les premiers juges auraient fait une appréciation inexacte du préjudice subi par elle par les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ; que la cour confirmera le jugement de ce chef ; Considérant que les mesures d’interdiction et de publication seront en outre confirmées ainsi que la nullité de la marque ORANGE et la transmission de la décision aux fins d’inscription au registre national des marques ; V – SUR LES DEMANDES INCIDENTES DE L’APPELANTE Considérant que l’appelante sollicite paiement de dommages et intérêts en raison du comportement abusif de l’intimée qui a multiplié les procédures d’exécution à son encontre alors que la décision était frappée d’appel et n’était pas assortie de l’exécution provisoire sur les condamnations à paiement ; qu’elle réclame en outre remboursement de la somme de 44 836, 48 francs qui aurait été indûment perçue par JUS D’ORANGE ; Mais considérant que cette demande en remboursement ne saurait prospérer dès lors que le jugement a été confirmé et que l’appelante est en réalité débitrice de JUS D’ORANGE ; Considérant que par ailleurs, s’il apparaît au vu des multiples mesures d’exécution et notamment d’une procédure en liquidation d’astreinte que JUS D’ORANGE fait preuve de

pugnacité pour préserver ses droits, elle n’a cependant pas agi de manière abusive ; que la demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera rejetée ; Considérant que l’équité commande d’allouer à l’intimée une somme complémentaire de 10 000 francs pour les frais d’appel non compris dans les dépens ; PAR CES MOTIFS : Dit l’appel interjeté par la société ORANGE actuellement dénommée MELA MELONE recevable ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Ajoutant, Condamne la société MELA MELONE à payer à la société JUS D’ORANGE la somme de 10 000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société MELA MELONE aux entiers dépens ; Autorise la SCP MENARD-SCELLE-MILLET, avoué, à recouvrer les dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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