Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 12 septembre 2003

  • Responsabilité au titre de l'art. l. 713-5 cpi·
  • Service de télécommunication par ordinateur·
  • Détermination de la date d'acquisition·
  • Similarité des produits et services·
  • Suppression de la partie figurative·
  • Application de l'art. l. 713-6 cpi·
  • Atteinte à la marque de renommée·
  • Droit de propriété sur la marque·
  • Adjonction de l'extension·
  • Différence insignifiante

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 12 sept. 2003
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : Annales de la propriété industrielle artistique et littéraire, 3, 2003, p. 480-486
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 13 juin 2000
  • 2000/05446
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : EURO 2000
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 703249
Classification internationale des marques : CL01; CL03; CL04; CL05; CL06; CL08; CL09; CL10; CL11; CL12; CL14; CL16; CL18; CL20; CL21; CL24; CL25; CL28; CL29; CL30; CL31; CL32; CL33; CL35; CL36; CL38; CL39; CL41; CL42
Liste des produits ou services désignés : Compétition sportive européenne / site télématique
Référence INPI : M20030538
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

La cour est saisie d’un appel interjeté par l’Union des Associations Européennes de Football (UEFA) à l’encontre d’un jugement du 13 juin 2000, rendu par le tribunal de grande instance de Paris, dans un litige l’opposant à la société de droit néerlandais Européan Unique Resource (ci-après EUROPEAN) qui l’a déboutée de toutes ses demandes, la condamnant à payer la somme de 50 000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les circonstances de fait ont été exactement exposées par les premiers juges. Il sera seulement rappelé que :

- l’UEFA organise depuis de nombreuses années une coupe européenne de football qui a lieu tous les quatre ans désignée sous le nom d’EURO accompagné de l’année durant laquelle la coupe a lieu, et est titulaire d’une marque internationale semi-figurative n° 703 249 visant la France déposée avec priorité unioniste du 9 mars 1998 pour un grand nombre de produits et services de la classification internationale, et notamment, la promotion de rencontres de football et d’expositions, à savoir support financier de ces événements, les services de télécommunication par internet, l’organisation d’événements et d’activités sportifs et culturels, location d’enregistrements vidéo et audiovisuels (classes 36, 38 et 41),
- EUROPEAN a été immatriculée auprès de la chambre de commerce d’Amsterdam le 18 novembre 1997, avec le nom commercial « EURO 2000.COM » et a pour objet social principal l’exploitation d’espaces publicitaires sur internet ainsi que la réalisation de prestation de services pour le compte d’entreprises tierces,
- EUROPEAN a enregistré, le 16 avril 1996, auprès de Network Solutions Inc le nom de domaine « Euro 2000.COM », ce site devant permettre au public de bénéficier d’informations centralisées concernant les manifestations et événements européens,
- estimant qu’à l’approche de la coupe « EURO 2000 », EUROPEAN utilisait le site non pas pour développer un site personnel mais, soit comme lien avec d’autres sites, soit pour un jeu reposant sur le foot, et utilisait ainsi de manière fautive la marque déposée, et qu’il était porté atteinte à la marque de renommée EURO 2000, UEFA a fait assigner à jour fixe EUROPEAN pour, outre des mesures d’interdiction et de publication, obtenir paiement de dommages et intérêts. Par écritures d’appel en date du 20 mai 2003, l’UEFA prie la cour de :

- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée EUROPEAN en tous ses moyens,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 13 juin 2000,
- dire et juger qu’EUROPEAN, en utilisant frauduleusement pour désigner un site WEB du réseau Internet la dénomination « EURO 2000.COM », a porté atteinte tant à l’enregistrement international de la marque n°703 249 consistant dans la dénomination EURO 2000 en ce qu’elle désigne les services de télécommunication par ordinateur de la classe 38, qu’à la marque renommée EURO 2000, et cela conformément aux dispositions des articles L 716-1 du CPI et L 713-5 du CPI, En conséquence,
- interdire sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à la société EUROPEAN UNIQUE RESOURCE, d’utiliser sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, la dénomination EURO 2000 et notamment pour désigner un service de télécommunication par Internet,
- ordonner à la société défenderesse de justifier auprès de l’Association UEFA dans le

délai de 7 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, de ce qu’elle a opéré la radiation du nom de domaine EURO 2000. COM auprès de l’organisme NETWORKS SOLUTIONS INC et dire qu’elle sera soumise à une astreinte de 15.000 euros par jour de retard dans la justification de la renonciation à ce nom de domaine,
- condamner EUROPEAN à payer à l’Association UEFA une indemnité de 300.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes d’atteinte à la marque EURO 2000 appartenant à l’Association UEFA,
- ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans 10 journaux au choix de l’UEFA et aux frais de la société EUROPEAN UNIQUE RESOURCE,
- condamner la société intimée à payer à l’UEFA une indemnité de 20.000 euros en application de l’article 700 du NCPC. Par écritures du 21 mai 2003, EUROPEAN demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- constater que le nom de domaine EURO 2000. COM est le nom commercial de la concluante, lequel est antérieur à la marque semi-figurative internationale « EURO2000 » détenue par l’UEFA,
- dire et juger que l’UEFA n’apporte aucune démonstration du caractère renommé de la marque EURO 2000,
- dire et juger que EUROPEAN utilise les termes EURO 2000 dans des conditions exclusives de tout abus à l’encontre de l’UEFA,
- dire et juger que l’UEFA ne démontre pas l’existence du préjudice qu’elle invoque,
- en conséquence, débouter l’UEFA de toutes ses demandes,
- condamner l’UEFA à payer à EUROPEAN la somme de 7622 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

I – Considérant qu’en appel, l’UEFA expose que :

- d’une part, elle bénéficie d’un droit sur une marque notoire d’usage, en effet, selon elle,
- elle désigne depuis 1984 le championnat européen de football des nations sous le terme EURO auquel est accolée l’année du championnat (EURO 1984, EURO 1988, EURO 1992, EURO 1996), et le championnat EURO 2000 a été annoncé dès 1994 confirmé en 1995 après avoir déterminé le lieu de ce championnat en Belgique et aux Pays Bas (décision du comité exécutif de l’UEFA de principe en mars 1995, confirmée en juillet 1995),
- il s’agit d’une marque « particulièrement notoire et renommée », ces compétitions étant regardées par des millions de spectateurs non seulement en EUROPE mais dans le monde entier, et le terme « EURO » pour désigner une compétition sportive étant exclusivement réservé aux championnats d’Europe de football,
- depuis 1994, le public et les milieux professionnels connaissaient non seulement les candidatures des pays d’accueil pour l’année 2000 mais également l’adoption pour cette compétition de la dénomination EURO 2000,
- d’autre part, elle est titulaire de la marque n° 703 249 dont ses droits remontent à la date du premier dépôt, soit le 9 mars 1998, et non pas à la date de l’enregistrement retenue par

les premiers juges ; Qu’elle fait valoir qu’EUROPEAN, ne peut, contrairement à ce qu’ont dit les premiers juges, revendiquer des droits antérieurs aux siens, ne démontrant pas avoir fait un usage en France du nom commercial seulement inscrit au registre de commerce, le nom de domaine dont elle est titulaire n’ayant pas non plus été exploité avant le dépôt de sa marque ; Qu’elle ajoute qu’en déposant le nom de domaine « EURO 2000. COM » et en l’exploitant, EUROPEAN a commis une fraude « caractérisée à ses droits » puisque cette société ne pouvait ignorer l’usage continu et notoire qu’elle même faisait de ce terme et qu’elle ne l’a adopté que pour tirer profit de sa notoriété, qu’EUROPEAN a, en outre, commis des actes de contrefaçon de la marque n° 703 249 en reproduisant l’élément essentiel et caractéristique de celle-ci et a, par application des dispositions de l’article L 713-5 du CPI, porté atteinte à la marque renommée, en provoquant, par l’usage du site internet, un risque de confusion avec celle-ci ; Considérant qu’EUROPEAN réfute l’ensemble de cette argumentation, insistant sur le fait qu’elle est en droit d’opposer un droit antérieur sur le nom de domaine qu’elle exploitait avant l’enregistrement de la marque, soutenant que seule doit être prise en compte la date de l’enregistrement et non celle du dépôt, comme en matière du point de départ pour le calcul du délai de 5 ans pour la demande en déchéance, « s’agissant d’apprécier l’opposabilité de la marque aux tiers dès lors que ces tiers sont titulaires de droits antérieurs limitativement visés par l’article L 713-6 du CPI », cet article visant « l’enregistrement et non le dépôt, actes qui en terme de chronologie ne peuvent être confondus et sont parfaitement distincts » ; qu’elle soutient en outre qu’elle n’a pas agi en fraude des droits de l’UEFA, que la preuve de la renommée de la marque EURO 2000 n’est pas rapportée et qu’elle démontre avoir fait une exploitation effective du nom de domaine dès le 5 avril 1997, comme l’établit la date du contrat d’hébergement signé entre EURO2000 et son hébergeur, ainsi que de son nom commercial : Considérant qu’elle expose encore que le dépôt et l’exploitation du nom de domaine « EURO 2000.COM » ne constituent pas une contrefaçon de la marque car ses activités consistent à diffuser des informations sur le passage à l’euro, et, plus généralement, des informations relatives à l’actualité européenne en matière de culture, de finance, de divertissement, de technologie, de science et de sport, activités qui n’ont rien à voir avec les services de télécommunication par ordinateur qui ne constituent que le média utilisé pour diffuser ces informations ; qu’elle ajoute que son site EURO 2000.COM peut et doit coexister, dans la mesure où il est relatif à des informations générales dans plusieurs secteurs d’activité et n’est pas un site relatif au championnat de football ; Considérant, cela exposé, que selon les dispositions de l’article L. 713-6 du CPI « l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme : a) dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique » ; Que l’article L 712-1 du CPI, par ailleurs, dispose que « la propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement….. l’enregistrement produit ses effets à compter de la date du dépôt de la demande … » ; qu’il se déduit de ce dernier texte que les droits nés de la marque remontent à la date du dépôt, sauf texte particulier qui modifierait cette

disposition générale ; que la directive n°89-104 du CEE du 21 décembre 1988, à la différence de ce qui est prévu en matière de déchéance qui dans l’article 10 précise qu’il s’agit « d’un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée », ne reporte nullement dans le temps la naissance des droits de propriété sur la marque ; que c’est donc de manière pertinente que l’appelante estime que l’usage antérieur permettant une coexistence entre les dénominations doit être né avant la date du dépôt, soit en l’occurrence avant le 9 mars 1998, et non pas le 24 décembre 1998, comme retenu par les premiers juges ; Considérant que EUROPEAN ne saurait être suivie quand, pour rapporter la preuve d’un usage à titre de nom commercial et à titre de domaine, elle invoque l’immatriculation et le contrat d’hébergement pour son site ; qu’en effet, il est nécessaire d’établir des actes d’usage en France du nom commercial et du nom de domaine sous lequel, selon EUROPEAN, elle exercerait son activité ; que la cour au regard des documents mis aux débats relève que les premiers actes d’usage du terme « EURO 2000.COM » ont eu lieu, comme l’avaient déjà constaté les premiers juges, en octobre 1998 ; qu’EUROPEAN se réfère à une pièce n° 15 qui établirait une exploitation dès 1997 ; que ce document montre un extrait de page de site internet en réalité non daté, portant seulement, à la fin d’un texte en anglais commençant par le titre « Business ….. », un « copyright 1997 EURO 2000. COM », mention qui n’établit pas une exploitation effective du site à cette date mais qui se réfère à une date de « création » ; qu’en conséquence, EUROPEAN ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L 713-6 du CPI ; Considérant que la protection de la marque est attachée aux produits et services identiques ou aux produits et services similaires ; qu’il est soutenu par EUROPEAN que le site internet ne peut être classé dans les services de télécommunication par ordinateur ; que ce n’est, selon elle, qu’un moyen pour exercer son activité et mettre à disposition les informations qu’elle collecte dans des secteurs d’activité qui ne sont pas exclusivement celles du sport ; Considérant que si le site internet ouvert par EUROPEAN n’est pas un service de télécommunication par ordinateur, celui-ci n’étant utilisé que comme moyen de diffusion et EUROPEAN n’offrant pas des services de télécommunication, il subsiste que, par ce moyen, ne peuvent être diffusées des informations relatives aux produits et services visés par la marque d’UEFA ; Considérant que les constats d’huissier versés aux débats prouvent que le terme EURO 2000. COM a été utilisé, à tout le moins en 2000, pour désigner des activités et organisations sportives et culturelles ; qu’en utilisant le sigle EURO 2000, sans l’autorisation de l’UEFA, pour des produits et services visés par la marque d’UEFA, EUROPEAN s’est rendue coupable de contrefaçon par reproduction illicite de la marque, un risque de confusion pouvant exister entre les deux signes, et ce sur le fondement de l’article L. 713-3 du CPI puisque la reproduction ne peut être qualifiée d’identique, par suppression (qui ne peut être qualifiée d’insignifiante) du logo qui est un élément de la marque complexe déposée ; Considérant que, par ailleurs, l’UEFA ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la dénomination à titre de nom de domaine a été choisie par EUROPEAN dans une intention frauduleuse créant un trouble dans l’exploitation du terme EURO suivi de l’année de millésime ; qu’en effet, l’appelante utilise ce terme pour désigner la compétition sportive européenne qui a lieu tous les quatre ans et non pas pour désigner un

site télématique sous ce nom ; qu’il en résulte qu’au moins dans le choix en 1996 par EUROPEAN du nom de domaine, il n’existait pas d’intention frauduleuse ; Considérant, sur l’application de l’article L 713-5 du CPI pour la notoriété de la marque, que malgré les nouveaux documents mis aux débats, il n’est pas démontré que la marque EURO 2000 aurait une renommée qui dépasserait la fraction du public concerné par les compétitions de football et qui serait de nature à provoquer un trouble par une confusion entre les produits et services visés par la marque et ceux distincts, offerts par le site sous le nom de domaine EURO 2000. Com ; que le jugement sera de ce chef confirmé ; Considérant, sur les mesures réparatrices, que compte tenu du caractère limité dans le temps des actes de contrefaçon reprochés, le préjudice causé à l’UEFA du fait de l’usage du site EURO 2000.COM pour désigner des organisations sportives et culturelles ne saurait avoir l’importance alléguée, d’autant plus que l’UEFA avait un site personnel présenté comme le site officiel ; que la cour estime que le préjudice tenant au nombre de personnes qui ont pu être détournées sur ce site au lieu d’utiliser les sites de l’UEFA sera exactement réparé par l’allocation de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Considérant que les mesures d’interdiction s’imposent mais dans les limites du dispositif ci-dessous énoncé, le nom de domaine EURO 2000.COM n’ayant pas été jugé contrefaisant pour des produits ou services non visés par la marque déposée ; Considérant que la demande de radiation du nom de domaine sera dès lors rejetée ; Considérant que la mesure de publication n’apparaît pas appropriée en l’espèce, le site EURO 2000.COM étant actuellement en sommeil ; Considérant que l’équité commande d’allouer à l’UEFA, au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 3000 euros ; que le jugement qui l’avait condamnée de ce chef sera réformé ; PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande sur la fraude et la notoriété de la marque ; Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau, Dit que la société EUROPEAN UNIQUE RESOURCE, en faisant usage du terme EURO2000 sur le nom de domaine EURO 2000.COM pour désigner des activités culturelles et sportives a commis des actes de contrefaçon par imitation illicite de la marque internationale n°703 249 appartenant à l’Union des Associations Européennes de Football (UEFA) ; La condamne en conséquence à payer à l’UEFA la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Lui interdit sous astreinte de 5000 euros par infraction constatée à compter d’un délai d’un mois de la signification de l’arrêt de faire usage de ce terme pour désigner un site internet visant les activités susvisées et, plus généralement, tout produit ou service protégé par la marque ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société EUROPEAN UNIQUE RESOURCE à verser à l’UEFA la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la société EUROPEAN UNIQUE RESOURCE aux entiers dépens ; Autorise la SCP BOMMART-FORSTER, avoué, à recouvrer les dépens d’appel, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 12 septembre 2003