Cour d'appel de Paris, 5 novembre 2008, n° 07/10198

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 nov. 2008, n° 07/10198
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 07/10198

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

11e Chambre – Section A

ARRÊT DU 5 NOVEMBRE 2008

(n° 26 , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/10198

Décision déférée à la Cour : jugement de la 17e chambre du Tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 06/03296

Date de l’ordonnance de clôture : 3 septembre 2008

Nature de la décision : contradictoire

Décision : confirmation

APPELANTE

G de X F

XXX

représentée par la S. C. P. FANET-SERRA, avoués,

assistée de Me Jean-Jacques NEUER, avocat à la cour, toque C362

INTIMÉS

Éditions GALLIMARD LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

XXX

J H-I

XXX

Représentés par la S. C. P. BASKAL CHALUT NATAL, avoués,

assistés de Me Laurent MERLET, avocat à la cour, toque P327

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Présidente : Mme Y Z

conseillers : Mme A B

M. C D

GREFFIÈRE : Mme E aux débats et au prononcé de l’arrêt.

MINISTÈRE PUBLIC : à qui le dossier a été préalablement communiqué, représenté aux débats par Mme GIZARDIN , avocate générale, qui a présenté des observations orales.

DÉBATS

à l’audience publique du 1er octobre 2008

ARRÊT

prononcé en audience publique par Mme Z qui a signé la minute avec Mme E, greffière.

Vu l’assignation délivrée les 12 et 23 janvier 2006 à la société ÉDITIONS GALLIMARD LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE et à H-I J à la requête d’F G de X aux fins de voir, sur le fondement des articles 9 et 1382 du Code civil, ordonner une publication judiciaire dans trois journaux de son choix et de voir condamner solidairement les défendeurs à lui payer les sommes de 200.000 € à titre de dommages-intérêts et de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, en réparation de l’atteinte au droit à l’image et au droit à la vie privée qu’elle estime avoir subie à la suite de la parution en octobre 2005 d’un recueil de photographies de H I J, intitulé « perdre la tête », diffusé par les éditions Gallimard à 921 exemplaires, comportant un cliché la représentant assise sur un banc public, téléphonant, un chien en laisse à ses pieds ;

Vu le jugement du 9 mai 2007, auquel il est référé pour l’exposé des faits et des prétentions initiales des parties, au terme duquel le tribunal de grande instance de Paris a débouté la demanderesse et a dit à n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de quiconque, chaque partie conservant la charge de ses propres dépens ;

Vu l’appel interjeté de ce jugement par F G de X ;

Considérant que l’appelante conclut à l’infirmation du jugement déféré, reprenant les demandes formées en première instance, y ajoutant le retrait de l’ouvrage sous astreinte d’une somme de 500 € par jour de retard et portant à la somme de 10.000 € la demande formulée sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu’elle fait valoir que :

— sa photographie, alors que ses traits sont parfaitement reconnaissables, a été prise non seulement sans son consentement, mais malgré son opposition, vivement exprimée, puis renouvelée lorsqu’elle a eu connaissance de la parution de l’ouvrage ;

— l’image n’a pas de caractère anodin mais se trouve dénaturée par la juxtaposition d’autres clichés de marginaux ou d’exclus, la transformant ainsi en caricature de bourgeoise ;

— seule la liberté d’expression peut faire obstacle au droit à l’image, le jugement ayant, selon elle, assimilé abusivement la liberté de créer à la liberté d’expression ;

Considérant que les intimés sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de l’appelante, outre aux dépens recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile, au paiement de la somme de 8.000 € en application de l’article 700 du même code ;

Considérant, sur l’atteinte alléguée à la vie privée, que le tribunal a, à bon droit, considéré que le cliché litigieux, ne comportant ni légende ni commentaires, représentant l’appelante assise seule sur un banc public, utilisant son téléphone portable, son chien assis à ses pieds, présente un caractère anodin, ne révèle aucun élément d’ordre privé et ne peut dès lors relever de la sphère protégée à ce titre par l’article 9 du Code civil ;

Considérant, sur l’atteinte alléguée au droit à l’image, que toute personne dispose sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, en vertu de l’article 9 du Code civil, d’un droit exclusif lui permettant de s’opposer à sa reproduction sans son autorisation ; que cependant, ce droit doit se concilier avec la liberté d’expression garantie par l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;

Considérant que s’il résulte des pièces du dossier que les traits d’F G de X sont reconnaissables et qu’il n’est pas contesté que le cliché a été pris par le photographe dans un lieu public sans le consentement de l’appelante, celle-ci ne démontre pas s’être opposée à la prise du cliché, alors qu’il résulte d’une planche photographique produite par H I J que celui-ci a pris non pas un seul mais plusieurs clichés d’F G de X qui apparaît très calme et dont les premières réclamations ont été adressées le 29 novembre 2005, après la parution de l’ouvrage, au photographe, aux éditions GALLIMARD et à la villa Médicis ;

Considérant que ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une oeuvre d’art contribuent à l’échange d’idées et d’opinions indispensables à une société démocratique ;

Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces produites que H I J, également écrivain, se rattache à l’école des « photographes humanistes » et que son oeuvre est exposée dans de nombreux pays depuis 1991 ; que l’ouvrage litigieux a reçu le prix du meilleur livre allemand dans la section art et photographie en 2006 ;

Considérant que la protection des droits d’autrui et la liberté d’expression artistique revêtent une identique valeur et qu’il convient de rechercher leur équilibre et de privilégier une solution protectrice de l’intérêt le plus légitime ;

Considérant que le droit à l’image doit céder devant la liberté d’expression chaque fois que l’exercice du premier aurait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées qui s’expriment spécialement dans le travail d’un artiste, sauf dans le cas d’une publication contraire à la dignité de la personne ou revêtant pour elle des conséquences d’une particulière gravité ;

Considérant comme le tribunal, qu’en l’espèce, le cliché litigieux ne présente aucun caractère dégradant et que, contrairement aux affirmations de l’appelante, sa photographie dans le recueil, qui ne comporte pas uniquement des images d’excentriques, de marginaux ou d’exclus, mais aussi de personnages célèbres, ne porte nullement atteinte à la dignité de l’appelante mais souligne la commune humanité des personnages ;

Considérant que les motifs invoqués par F G de X à l’appui de sa demande de condamnation ne correspondent à aucun besoin social impérieux et ne sont pas nécessaires dans une société démocratique ;

Considérant ainsi qu’en l’absence d’atteinte à la vie privée de l’appelante, il y a lieu de confirmer le jugement et de rejeter les demandes nouvelles ;

Considérant que l’équité commande l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des intimés ;

Considérant que les conditions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ne sont pas réunies au profit de l’appelante qui succombe et sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris,

Rejette les demandes nouvelles,

Condamne F G de X à payer aux intimés la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

La condamne aux dépens d’appel,

Admet la S. C. P. BASKAL CHALUT NATAL au bénéfice de l’article 699 nouveau code de procédure civile.

LA PRÉSIDENTE LA GREFFIÈRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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