Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 26 novembre 2010, n° 08/21978

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 26 nov. 2010, n° 08/21978
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/21978
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 4 novembre 2008
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2010

(n° 284, 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/21978.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2008 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3e Chambre 3e Section – RG n° 07/07296.

APPELANTES :

— Société de droit luxembourgeois SA SMART CITY

représentée par Madame Anne JEHL,

ayant son siège social XXX – XXX (LUXEMBOURG),

— Société de droit suisse SA SMART CITY

prise en la personne de son liquidateur, Monsieur X Y,

ayant son siège XXX,

représentées par Maître Bruno NUT, avoué à la Cour,

assistées de Maître Frédéric DUMONT plaidant pour le Cabinet DEPREZ GUIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221.

INTIMÉE :

S.A.S COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE

prise en la personne de son Président,

ayant son siège XXX,

représentée par la SCP BASKAL – CHALUT-NATAL, avoués à la Cour,

assistée de Maître Delphine ROBLIN LAPPARRA substituant Maître MOREAU MARGOTIN de la SELARL KARSENTY, avocat au barreau de PARIS, toque : R 156.

INTIMÉE PROVOQUÉE :

Société de droit anglais SMART PHARMACEUTICALS LIMITED

représentée par Madame Jessica ROBERTS,

ayant son siège XXX),

représentée par Maître Bruno NUT, avoué à la Cour,

assistée de Maître Frédéric DUMONT plaidant pour le Cabinet DEPREZ GUIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame DARBOIS, conseillère,

Madame NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société Compagnie Générale de Diététique, ci-après société CGD, expose qu’elle a créé un complément alimentaire anti-stress de nature à aider l’organisme en cas de surmenage ou de fatigue intellectuelle, qu’elle commercialise sous le nom de 'Stabilium 200 ' depuis 1983 ; elle utilise comme principe actif, un hydrolysat de poisson dont la dénomination -'Garum Armoricum'- et la composition ont été créées par ses soins.

Elle est titulaire de diverses marques nationales et communautaires 'STABILIUM’ et d’une marque internationale 'GARUM ARMORICUM'.

Faisant grief à la société de droit luxembourgeois Smart City , à la société de droit anglais Smart City et à la société Smart Pharmaceuticals (île de Man) de commercialiser notamment sur le réseau internet un complément alimentaire dénommé PEPTIDEA présenté comme 'remplaçant le 'Stabilium’ et comme étant à base de l’hydrolysat de protéines de Garum Armoricum, elle a assigné ces sociétés devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits de marques et en concurrence déloyale.

Par jugement du 5 novembre 2008, le tribunal mit hors de cause la société Smart Pharmaceuticals (île de Man), dit que les sociétés de droit luxembourgeois et anglais Smart City avaient commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque communautaire Stabilium n° 00 351 4312 et par imitation de la marque communautaire Stabilium n° 003 507 985, condamna in solidum ces deux sociétés à verser à la société CGD la somme de 50 000 euros en réparation des actes de contrefaçon (100 000 euros au dispositif), prononça les mesures d’interdiction et de publication d’usage et rejeta les demandes formées au titre de la concurrence déloyale.

Vu les dernières écritures en date du 23 septembre 2010 des sociétés Smart City, appelantes, et Smart Pharmaceuticals, intimée provoquée, qui font valoir que l’annonce litigieuse est une publicité comparative conforme aux exigences de l’article L121-8 du code de la consommation en sorte que la contrefaçon des marques Stabilium n’est pas constituée, que l’action en contrefaçon de la marque française Garum Armoricum est irrecevable pour être nouvelle en cause d’appel, qu’au surplus la marque est nulle en raison de son absence de caractère distinctif et qu’en tout cas, elle ne fait pas l’objet d’une exploitation sérieuse ; elles sollicitent l’infirmation de la décision entreprise en ce qu’elle les a condamnées au titre de la contrefaçon des deux marques communautaires précitées ;

Vu les dernières écritures en date du 7 septembre 2010 de la société CGD qui conclut à l’irrecevabilité des demandes formées au titre de la publicité comparative, de la nullité de la marque Garum Arboricum et de la déchéance de ses droits sur cette marque ; elle demande à la cour de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu la contrefaçon des marques Stabilium, mais de retenir, en outre, la contrefaçon de la marque française Garum Armoricum, d’interdire aux sociétés appelantes d’utiliser les études cliniques qu’elle avait réalisées sur le produit 'Stabilium', de prononcer une mesure de destruction, de porter à 200 000 euros, le montant de la condamnation en réparation des actes de contrefaçon, de condamner solidairement les intimées à verser la somme de 200 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale, d’étendre la mesure de publication et de prononcer une mesure de destruction ;

SUR CE,

Sur la mise hors de cause de la société Smart Pharmaceuticals :

Considérant que l’intimée fait valoir que la dénomination de la société Smart Pharmaceuticals apparaît sur le certificat d’analyse du produit Peptidea mis en vente par les sociétés Smart City en sorte que le rôle de la société Smart Pharmaceuticals ne se limiterait pas à la vente de matière première comme l’ont dit les premiers juges, et justifierait au contraire sa condamnation à la suite de l’appel provoqué qu’elle a formé à cette fin ;

Mais considérant que les actes incriminés consistent en une communication publicitaire diffusée notamment sur le réseau internet, qui porterait atteinte à des droits de marque et des actes de concurrence déloyale caractérisés, notamment, par l’emploi détourné des résultats d’une enquête ;

Qu’au regard de tels faits, il est indifférent que le nom de la société Smart Pharmaceuticals figure sur le conditionnement du produit Peptidea dans la mesure où il n’est nullement démontré que cette société commercialise ce produit et qu’elle a pris part à la communication publicitaire incriminée ;

Que la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a mis hors de cause la société Smart Pharmaceuticals ;

Sur la recevabilité des demandes nouvelles :

Considérant que s’agissant de la contrefaçon des deux marques communautaires Stabilium, les appelantes soutiennent pour la première fois en cause d’appel que le signe Stabilium a été utilisé dans le cadre d’une publicité comparative ;

Considérant que ce faisant, elles ne font qu’opposer un moyen de défense nouveau et non pas une prétention nouvelle, comme les y autorisent les articles 563 et 564 du Code de procédure civile ;

Considérant par ailleurs que l’intimée a formé devant les premiers juges une demande relatives à la contrefaçon de la marque internationale Garum Armoricum n° 569 346, qui a été déclarée irrecevable, cette marque ne visant pas la France ;

Considérant qu’en cause d’appel elle invoque désormais outre la marque précitée, la marque française Garum Armoricum n°1 384 517 ;

Mais considérant d’une part, que la marque internationale ne vise pas la France et rend irrecevables les prétentions formées sur son fondement la société CGD, le jugement étant confirmé de ce chef ;

Que d’autre part, en alléguant de la contrefaçon d’une autre marque pour fonder ses prétentions, l’intimée forme une demande nouvelle sur le fondement d’un titre qui n’a pas été soumis à l’appréciation des premiers juges ;

Qu’une telle demande doit dès lors être également déclarée irrecevable et entraîne avec elle l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles en nullité et en déchéance formées par les appelantes ;

Sur la contrefaçon des marque communautaires :

Considérant que la société CGD est titulaire de la marque communautaire semi-figurative Stabilium n° 003507985 déposée le 23 mai 2005 et de la marque communautaire verbale Stabilium n° 00 351 4312 déposée le 18 avril 2005, pour désigner toutes deux les produits des classes 5 et 29 ;

Considérant que les actes incriminés au titre de la contrefaçon consistent dans la présentation du complément alimentaire 'peptidea’ dans les termes suivants :

XXX

… Peptidea ' est un hydrolsat de protéines de 'Garum Armoricum'… au III ème siècle av. JC , les Celtes d’Armorique, en Irlande, ont découvert qu’un extrait de poissons de mers profondes pouvait améliorer la résistance au stress physique et émotionnel . Cet extrait de poisson appelé Garum armoricum , devint fameux à travers des écrits de Gallien …>>.

Considérant que les appelantes prétendent que le Peptidea est un produit qui répond au même besoin que le Stabilium, qu’il a les mêmes propriétés et est constitué du même composant – le garum armoricum -, si bien qu’il est substituable au Stabilium ; que l’annonce avait simplement pour but d’indiquer au public que le Peptidea produit les mêmes effets ; qu’elle procède à une comparaison des caractéristiques essentielles de ces compléments alimentaires par référence à leur principe actif et à leurs propriétés en évitant de créer une confusion dans l’esprit du public ou de tirer indûment profit des marques Stabilium ;

Qu’elles en déduisent qu’un tel usage serait conforme aux conditions posées par l’article L 121-8 du code de la consommation ;

Mais considérant qu’il résulte des articles L 121-8 et L 121-9 dudit code que toute publicité qui met en comparaison des produits en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent doit comparer 'objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles pertinentes, vérifiables de ces biens services , dont le prix peut faire partie …' et ne doit pas 'tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique ….d’un concurrent’ ;

Considérant en l’espèce, qu’en présentant le Peptidea comme remplaçant le Stabilium, les appelantes non seulement n’ont procédé à aucune comparaison de caractéristiques essentielles, mais surtout ont profité de la connaissance que le public pouvait avoir du produit dénommé Stabilium pour avancer que celui-ci serait retiré du marché – puisque le Peptidea le remplace -, ou du moins qu’il serait frappé d’obsolescence ;

Que d’évidence, le message publicitaire ne satisfait aucunement aux prescriptions susvisées et réalise une contrefaçon des deux marques communautaires Stabilium, comme l’ont souligné les premiers juges par des motifs pertinents que la cour fait siens ;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société CGD avance que les sociétés Smart City ont commis des actes de concurrence déloyale en mentionnant faussement que le produit Peptidea 'remplace Stabilium’ ;

Qu’elle ajoute que cette présentation est accompagnée de références et explications qui reprennent les études cliniques qu’elle a menées et financées ;

Considérant sur le premier moyen, qu’en présentant leur complément alimentaire comme remplaçant celui de leur concurrent, les appelantes ont commis un acte de concurrence déloyale puisque, indépendamment du caractère interchangeable de ces produits, l’allégation du remplacement de l’un par l’autre, fait croire au consommateur, comme il a été indiqué plus haut, que le Stabilium est devenu obsolète et l’invite à s’en détourner ;

Que ce faisant les appelantes ont commis un acte de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon dont la société CGD est bien fondée à solliciter la réparation ;

Considérant sur le second moyen, que pas plus qu’elle ne le fit en première instance ,l’intimée ne précise en cause d’appel les recherches qu’elle a financées et qui auraient été reprises par les sociétés Smart ;

Que ce moyen ne peut qu’être rejeté ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que si les ventes du Peptidea sont relativement faibles (7 268,65 euros) comme l’affirment les appelantes, il n’en demeure pas moins que le préjudice de l’intimée ne réside pas seulement dans les ventes manquées mais porte également sur la banalisation de sa marque et la diffusion de sa contrefaçon sur le Web ;

Que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé des mesures d’interdiction et de publication et ont condamné in solidum les appelantes à verser à l’intimée la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que la mesure de publication tiendra compte du présent arrêt ; que la somme de 100.000 euros figurant au dispositif résultant manifestement d’une erreur matérielle qu’il convient de réparer ; qu’en revanche, en l’absence de tout stock, rien ne justifie de prononcer une mesure de destruction ;

Considérant que les sociétés Smart City devront en outre verser à la société CGD la somme de 10 000 euros en réparation de la concurrence déloyale à laquelle elle s’est livrée sur internet et dans la revue Nutra News à laquelle était annexé un tarif de ses produits mentionnant à nouveau que 'Peptidea remplace Stabilium ;

Sur l’article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que l’équité commande de condamner in solidum les sociétés Smart City à verser à la société CGD la somme de 7 000 euros au titre des frais irréptibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Déclare la société Compagnie Générale de Diététique irrecevable à agir en contrefaçon de la marque française Garum Armoricum n° 1 384 517 et les sociétés Smart City irrecevables à agir reconventionnellement en nullité de cette dernière et en déchéance des droits de son titulaire,

Déclare en revanche les sociétés Smart City recevables à opposer à l’action en contrefaçon, une exception tirée du caractère comparatif de la publicité litigieuse mais la dit mal fondée,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté l’action en concurrence déloyale, et sauf à dire que la condamnation au titre de la réparation des actes de contrefaçon est de 50 000 euros, à la charge in solidum des sociétés Smart City,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Dit qu’en annonçant que leur complément alimentaire Peptidea 'remplace Stabilium', les sociétés Smart City ont en outre commis un acte de concurrence déloyale,

Les condamne in solidum à verser de ce chef à la société Compagnie Générale de Diététique la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne in solidum les sociétés Smart City à verser à la société Compagnie Générale de Diététique la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés dans les formes de l’article 699 du même code.

Le greffier, Le Président,

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