Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 23 novembre 2010, n° 10/06408

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 23 nov. 2010, n° 10/06408
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/06408
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 18 février 2010, N° 2010007178
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2010

(n° 602 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/06408

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Février 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2010007178

APPELANT

Monsieur A Y

XXX

XXX

représenté par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assisté de Me G VIALAR, plaidant pour le cabinet SARRAU-THOMAS-COUDERC, avocats au barreau de PARIS, toque : R 234

INTIMEE

Madame C D

XXX

XXX

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Hubert DUGUEYT de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : P0238

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Octobre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame I J, Président de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame K L, Conseillère

qui en ont délibéré

sur le rapport de Madame I J

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame I J, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

M. A Y, président de X, et 21 autres personnes physiques (les Managers), dont Mme C Z, détiennent 100 % de la SAS X, constituée en vue de la souscription et/ou de l’acquisition de valeurs mobilières émises par X qui contrôle diverses sociétés exerçant une activité de façonnage pharmaceutique, apparemment dans le cadre d’une acquisition à effet de levier.

Les actionnaires ont signé le 6 décembre 2007 un pacte d’associés qui prévoit notamment en son article 5 que si l’un des managers devait quitter le groupe, de vendre à M. Y, avec faculté de substitution, l’intégralité de ses parts suivant un prix déterminé (article 5.2.2 du pacte), en cas de départ non hostile au plus élevé des montants, valeur vénale, valeur de revient et en cas de départ hostile, au moins élevé de ces deux montants.

A l’occasion de la démission de Mme C Z, le 30 septembre 2009 et de son départ le 31 décembre 2009, M. A Y l’a, par courrier du 23 décembre 2009, avertie de ce qu’il entendait exercer la promesse de vente et estimant sa démission comme un départ hostile, lui proposait un prix égal à la valeur de revient de 80 000 €. Cette dernière, par courrier en réponse du 31 décembre 2009, a contesté le caractère hostile de son départ et estimé la valeur vénale de ses titres à 298 400 € soit 3, 75 fois le prix de revient, puis elle a, par acte du 20 janvier 2010, assigné M. A Y devant le tribunal de commerce de Paris afin de le voir condamner à lui acheter ses titres à ce prix.

Suivant acte du 28 janvier 2010, M. A Y a assigné Mme C Z en désignation d’un expert afin de déterminer le prix des titres de celle-ci devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny qui par ordonnance rendue le 19 février 2010, l’a débouté de sa demande et condamné à payer à la défenderesse une indemnité de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Appelant de cette décision, M. A Y, aux termes de ses écritures déposées le 22 juillet 2010, conclut en son infirmation et il demande de nommer un expert, aux frais avancés à part égale entre les parties, avec pour mission de constater le « cas de départ » et de « déterminer la prix d’acquisition » conformément aux dispositions du pacte et en particulier en ses article 1er et 5.2.2, que ce dernier devra notifier aux parties les conclusions de son rapport dans les quinze jours calendaires de sa saisine et que ses conclusions seront réputées définitives et lieront irrévocablement les parties comme prévu au pacte et il demande que Mme C Z soit condamnée à lui verser une indemnité de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Mme C Z, aux termes de ses écritures déposées le 22 juin 2010, conclut à la confirmation de la décision étant constaté l’exercice de la promesse de vente par M. Y sur les 80 000 actions qu’elle détenait le 23 décembre 2009, que les autres demandes formées par l’appelant se heurtent aux contestations réelles et sérieuses qu’elle soulève, notamment la qualification ou non hostile de son départ, la saisine du juge du fond, l’interprétation différente du pacte par les parties, les différentes qualités de M. Y qui d’une part, agrée ou non la démission et d’autre part acquiert les titres, la contestation relative au caractère définitif et comme liant irrévocablement les parties des conclusions de l’expert et elle demande à la cour de se déclarer incompétente étant constater que la juridiction du fond a été antérieurement saisie et de condamner l’appelant à lui verser une indemnité de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l’appelant soutient essentiellement à l’appui de son recours que Mme Z a incontestablement démissionné avant le 30 juin 2012, qu’il lui a adressé un courrier le 23 décembre 2009 pour lui proposer le prix convenu en cas de départ hostile, que sa contestation du 31 décembre 2009 a ouvert le délai de négociation de 8 jours prévu à l’article 5.2.3 du pacte et qu’ à défaut d’accord dans ce délai, il a sollicité conformément au pacte et en application de l’article 1592 du code civil, la désignation d’un expert, que Mme C Z a violé le pacte en l’assignant au fond ; qu’il fait grief à l’ordonnance d’avoir méconnu la volonté d’être parties telle qu’elle résultait du pacte et de s’être référée à des considérations de fond sans incidence sur l’objet de la saisine de la juridiction des référés ;

Que l’intimée se prévaut en réplique d’une saisine antérieure de la juridiction du fond mettant obstacle aux pouvoirs de la juridiction des référés, qu’elle fait valoir qu’il existe une incompatibilité entre le fait que M. Y soit acquéreur des parts et dispose du pouvoir de qualification de son départ, qualification ayant une influence directe sur le prix de cession, qu’elle estime que ce départ ne saurait être qualifié d’hostile compte tenu du travail qu’elle a accompli et soutient que le débat porte sur la qualification du départ, qu’il soulève une difficulté d’interprétation de la convention relevant de la compétence de la juridiction du fond ;

Et considérant qu’aux termes de son assignation devant le président du tribunal de commerce, M. Y a fondé sa demande sur les dispositions de l’article 1592 du code civil, que Mme Z se réfère devant la cour aux dispositions des articles 1134 et 1156 du code civil et 872 du code de procédure civile ;

Que les parties conviennent donc que la demande de désignation d’un expert repose sur les droits et obligations qui lient les parties en vertu du pacte signé le 6 décembre 2007 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 872 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce [statuant en référé] peut dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou qui justifie l’existence d’un différend ;

Que l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose par ailleurs que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce « peut ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » ;

Qu’il en résulte que sauf dans les cas déterminés par la loi, le juge des référés commerciaux, a le pouvoir d’ordonner l’exécution d’une mesure ou d’une obligation non sérieusement contestable, même lorsque le juge du fond est saisi et qu’il appartient à la présente cour d’appel statuant comme juridiction des référés en matière commerciale de rechercher si la contestation soulevée par l’intimée est sérieuse, qu’il ne saurait être déduit ce caractère de la seule existence d’une instance pendante au fond ; que dès lors le moyen tiré de la saisine de la juridiction du fond antérieurement à celle de la juridiction des référés doit être écarté ;

Considérant que le pacte d’associés qui lie les parties et leur tient lieu de loi stipule en son article 5 (5.1) que chaque manager s’engage irrévocablement, sous réserve de la survenance d’un cas de départ, pendant la durée du pacte, de vendre à XC [A Y], avec faculté de substitution à SA [G H], ou à tout autre manager du groupe susceptible de devenir un manager, en cas départ et sur simple demande de ceux-ci, l’intégralité des titres de la société qu’il détiendra au jour de la promesse de vente, qu’il envisage les conditions de mise en 'uvre de la substitution de XC et précise que ce dernier accepte le bénéfice de la promesse de vente et chacun des managers accepte le principe de la promesse d’achat, sans toutefois prendre l’engagement de les lever ;

Qu’il prévoit en son 5.2 les conditions d’exercice de la promesse de vente (5.2.1), les modalités de calcul du prix d’acquisition (5.2.2) et notamment la procédure à suivre (5.2.3), que cet article envisage notamment la démarche à suivre en cas de désaccord, sur le cas de départ et/ou le prix et prévoit en cas de désaccord persistant sur le cas de départ et/ou le prix, la désignation possible d’un expert par les parties, conformément aux dispositions de l’article 1592 du code civil et passé le délai de huit jours calendaires à compter de l’expiration du délai de négociation, la désignation d’un expert par le président du tribunal de commerce de Paris saisi par le[s] promettant[s] ou le[s] bénéficiaire[s] dont la mission consistera dans la détermination du cas de départ et du prix d’acquisition et/ou dans la fixation du prix d’acquisition en cas de désaccord du promettant et du bénéficiaire sur l’un et/ou l’autre de ces points à l’issue du délai de négociation, qu’il ajoute que les conclusions du rapport de l’expert devront arrêter spécifiquement le cas de départ applicable et/ou le prix d’acquisition selon le périmètre de la mission, qu’elle seront réputées définitives et lieront irrévocablement le[s] promettant[s] et le[s] bénéficiaire[s] ; qu’il précise que les coûts, dépens et honoraires de l’expert seront supportés à part égales par le[s] promettant[s] et le[s] bénéficiaire[s] ;

Considérant qu’il résulte par ailleurs des correspondances échangées entre les parties que,

— Mme Z a notifié tant à A Y qu’à G H (sans plus de précision quant à leur titre) par LR AR du 30 septembre 2009 sa décision de démissionner de ses fonctions avec effet au 30 septembre 2009,

— M. Y l’a informée, par LR AR du 23 décembre 2009, de ce qu’il entendait se porter acquéreur de la totalité de ses titres sans préjudice de la faculté de se substituer en tout ou partie un autre acquéreur au prix de revient, que sa démission, non agrée par le président de la société, étant analysé en un cas de départ hostile et lui a rappelé à cette occasion qu’elle devait adresser à l’avenir toute communication ou notification lui étant destinée conformément à l’article 9.4 du pacte,

— par LR AR du 31 décembre suivant, Mme Z, conformément aux stipulations de l’article 5.2.3 du pacte et en s’y référant expressément, lui a alors notifié le périmètre de sa contestation (qualification du départ et prix d’acquisition proposé) et le fondement de celle-ci et lui a fait part de ce que ce prix devait être fixé en application de l’article 5.2.2 à 298 400 € ajoutant qu’elle restait à sa disposition pour toutes discussions sur le caractère de son départ ainsi que sur le prix de cession de ses actions ;

— après lui avoir rappelé par LR AR du 8 janvier 2010 qu’il s’était porté acquéreur de ses titres au prix de revient et lui avoir rappelé qu’aux termes du pacte, son départ intervenu avant le 30 juin 2012 et non agrée par le président de la société, constituait un cas de départ hostile, M. Y lui a fait part, par LR AR du 12 janvier 2010, de ce qu’ils se trouvaient toujours dans une situation de désaccord à l’issue du délai de huit jours de négociation imparti par le pacte (article 5.2.3), lui indiquant qu’ils devaient conformément au pacte désigner un expert devant se prononcer, conformément au pacte et à sa contestation sur la détermination du cas de départ et sur le prix d’acquisition et lui a proposé le choix entre deux noms d’experts ;

Et considérant que le rappel de l’ensemble de ces éléments démontre que Mme Z ne peut opposer comme contestation sérieuse le fait qu’une expertise ne saurait être ordonnée sur la seule fixation du prix de cession dès lors que l’expertise conventionnellement prévue envisage une mission portant à la fois sur le « cas de départ » et sur le prix et que les échanges entre les parties démontrent que la mission, proposée dans le cadre de la procédure à suivre en cas de désaccord, portait sur ces deux éléments ; que de même la contestation qu’elle élève sur la nécessité d’interprétation du pacte en ce qu’il reviendrait au seul juge du fond de qualifier son départ, d’apprécier la qualité particulière de M. Y qui agrée ou non la démission et qui est d’autre part l’acquéreur des titres et en ce que la désignation d’un expert dont l’objet de la mission serait limité et lierait les parties, doit être considérée comme ne présentant pas de caractère sérieux, qu’en effet, les stipulations contractuelles sont claires et précises et non sujettes à interprétation, qu’elles prévoient notamment comme acquéreur non seulement M. Y mais aussi M. G H avec faculté de substitution, qu’elles envisagent le recours à un expert, tiers arbitre et indépendant précisément pour qualifier, en cas de désaccord, le cas de départ et fixer le prix, que Mme Z a d’ailleurs notifié sa démission tant à M. Y que M. G H leur offrant ainsi à l’un ou à l’autre de se porter acquéreur de ses titres, qu’elle s’est ensuite inscrite dans la démarche des conditions posées par l’article 5.2.3 du pacte dont elle a réclamé l’application en le rappelant dans l’une de ses correspondances et que ce n’est que lorsque la désignation d’un expert lui a été soumise qu’elle n’a pas choisi l’un des deux noms d’expert qui lui était proposé et rompu tout contact ;

Qu’il convient en conséquence de faire droit à la demande et de désigner conformément et dans les conditions prévues au pacte un expert dont la mission consistera tant dans la détermination du cas de départ que du prix d’acquisition des titres de Mme Z et dont les coûts, dépens et honoraires seront supportés à part égale par chacune des parties ; que l’ordonnance déféré sera en conséquence infirmée ;

Considérant que l’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile, que les circonstances du litige justifient que chacune des parties conserve la charge de ses entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Désigne M. Gonzagues de Blignières, président de Barclays Private Equity France en qualité d’expert avec pour mission de déterminer par application du pacte d’associés du 6 décembre 2007 et notamment de ses articles 1, 5, 5.2.1, 5.2.2, 5.2.3, le « cas de départ » de Mme Z et le prix d’acquisition,

Dit que, conformément au pacte, l’expert devra notifier aux parties les conclusions de son rapport dans les quinze jours calendaires de sa saisine et que ses conclusions seront réputées définitives et lieront irrévocablement les parties,

Dit que les frais de l’expert seront supportés à parts égales par M. Y et Mme Z,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties doit supporter la charge de ses entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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  2. Code civil
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