Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 26 août 2011, n° 11/15269

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Le Petit Juriste · 10 juillet 2018

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 1, 26 août 2011, n° 11/15269
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/15269
Décision précédente : Tribunal de commerce de Créteil, 10 août 2011, N° 2011R00309

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 1

ARRET DU 26 AOUT 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/15269

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Août 2011 rendue par le Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2011R00309

APPELANTE

S.A. CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

assistée de Me KAUFMAN, avocat au barreau de CRETEIL

INTIMEE

S.A.S. MACARAJA

prise en la personne de ses représentants légaux

Monsieur X, président de la S.A.S. MACARAJA, ayant été entendu par la cour

XXX

XXX

représentée par la SCP MONIN D’AURIAC DE BRONS, avoués à la cour

sans avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Août 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente

Monsieur Christian REMENIERAS, Conseiller

Monsieur Laurent DUVAL, Vice Président placé

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffière présent lors du prononcé.

Vu l’ordonnance de référé du 11 août 2011 par laquelle le délégataire du président du tribunal de commerce de Paris :

— a enjoint au Crédit industriel et commercial d’ouvrir un compte de dépôt à la société Macaraja dans le respect des dispositions des articles L 312-1, L 561-10, R 561-20 et D 312- 5 du code monétaire et financier, sous astreinte de 500 € par jour à compter du 2e jour suivant la signification de l’ordonnance, et dit que le compte de dépôt fonctionnera dans les conditions fixées par ces articles,

— s’est déclaré compétent pour liquider l’astreinte,

— a rejeté la demande de dommages-intérêts, laissant aux juges du fond l’appréciation de l’éventuel préjudice,

— a rejeté toutes autres demandes et condamné la partie défenderesse aux dépens;

Vu l’appel relevé par le Crédit industriel et commercial et l’ordonnance du 12 août 2011 l’autorisant à assigner l’intimée à jour fixe pour l’audience du 22 août 2011;

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 août par l’appelant qui demande à la cour :

— à titre principal, au visa des articles 14 et suivants, 56, 117 et suivants du code de procédure civile, de déclarer nulle l’ordonnance de référé ainsi que tous les actes qui en sont la cause, l’accessoire ou le complément,

— subsidiairement, de réformer l’ordonnance et, statuant à nouveau :

dire que la société Macaraja ne justifie ni de l’urgence au sens des articles 872 et 873 du code de procédure civile, ni d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du même code,

dire qu’il existe pour le Crédit industriel et commercial un trouble manifestement illicite consistant dans l’ouverture du compte dans ses livres au nom de la société Macaraja,

dire qu’il justifie de contestations sérieuses au sens de l’article 872 du code de procédure civile,

en conséquence, dire n’y avoir lieu à référé et renvoyer la société Macaraja à mieux se pourvoir,

— très subsidiairement, débouter la société Macaraja de toutes ses demandes,

— en tout état de cause, la condamner aux dépens de première instance et d’appel ainsi

qu’ à lui payer la somme de 7.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 août 2011 par la société Macaraja qui demande à la cour, au visa des articles L 312-1 et D 312-5 du code monétaire et financier ainsi que des articles 3 paragraphe c) et 4 de l’arrêté du 29 juillet 2009 relatif aux relations entre les prestataires de services de paiement et leurs clients en matière d’obligation d’information des utilisateurs de services de paiement et précisant les principales stipulations devant figurer dans les conventions de compte de dépôt et les contrats-cadres de services de paiement, de :

— confirmer pour partie l’ordonnance de référé,

— faire droit à son appel incident et :

dire que le Crédit industriel et commercial devra maintenir ouvert le compte bancaire ouvert 'le 16 août 2011" au nom de la société Macaraja dans le respect de la gratuité des prestations et sans limiter l’usage des opérations financières prévues à l’article D 312-5 du code monétaire et financier,

dire qu’il devra respecter la procédure dite du 'droit au compte', notamment ne pas lui facturer des frais bancaires déguisés pour la tenue du compte ou basés sur les opérations gratuites, tels que des commissions de mouvement,

le condamner à lui payer la somme de 32.000 € à titre de dommages-intérêts, celle de 2.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte et celle de 10.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens de première instance et d’appel;

SUR CE LA COUR

Considérant que le 15 mai 2009, le Crédit industriel et commercial (CIC) a ouvert dans ses livres un compte de dépôt à la société Macaraja, sas qui sera immatriculée le 15 juin suivant et dont le président est M. X; que cette banque, par lettre du 10 mai 2011, a dénoncé la convention de compte sans invoquer de motif, en respectant un préavis de 60 jours; que le compte a été clôturé le 16 juillet 2011, un chèque de 1.323.000 €, montant du solde du compte, étant alors remis à la société Macaraja;

Que n’ayant pas obtenu l’ouverture d’un nouveau compte auprès d’un autre établissement bancaire, la société Macaraja a demandé à la Banque de France, par lettre du 16 juin 2011, de désigner une banque à cette fin; que le 22 juillet 2011, la Banque de France l’a informée qu’elle désignait le CIC; que ce dernier lui refusant l’ouverture du compte, la société Macaraja l’a vainement mis en demeure le 2 août 2011; que c’est à la suite de ces circonstances que, après autorisation d’assigner à bref délai, l’ordonnance de référé a été rendue;

Considérant que le CIC soutient, en premier lieu, que le juge des référés a été irrégulièrement saisi et que l’ordonnance déférée est nulle;

Qu’il fait valoir en ce sens, d’abord, que la requête tendant à être autorisé à assigner d’heure en heure a été présentée par M. X, qui a reçu l’autorisation, alors que c’est la société Macaraja, non autorisée, qui a délivré l’assignation;

Mais considérant que la société Macaraja réplique à juste raison que M. X est intervenu comme président de la société et que la requête qui portait le tampon de la société a été présentée au nom et pour le compte de celle-ci;

Que le CIC prétend, ensuite, que l’assignation est nulle pour ne pas comporter le visa des articles susceptibles de fonder la demande;

Mais considérant qu’il résulte de la simple lecture de l’assignation qu’elle détaille l’objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit, en faisant expressément référence aux articles L 312-1 et D 312-5 du code monétaire et financier ainsi qu’à l’arrêté ministériel du 29 juillet 2009;

Que le CIC allègue encore que le principe de la contradiction et les droits de la défense ont été bafoués par la société Macaraja qui, disposant de plus de deux mois pour trouver un autre établissement bancaire, n’était pas fondée à exciper soudainement, courant juillet, en période de vacation, d’une prétendue urgence au demeurant non justifiée; qu’il lui reproche de ne pas l’avoir mis en mesure de présenter une défense utile et complète;

Mais considérant que le CIC, assigné le 10 août 2011 pour l’audience du lendemain, n’a pas sollicité de renvoi mais a fait valoir ses moyens en défense par conclusions de 12 pages; qu’il ne démontre aucune atteinte au respect du principe de la contradiction ni aux droits de la défense; qu’en toute hypothèse, la cour devrait néanmoins statuer en raison de l’effet dévolutif de l’appel;

Considérant que le CIC soutient, en deuxième lieu, que les prétentions de la société Maracaja excédent la compétence du juge des référés; qu’il invoque l’absence d’urgence au sens des articles 872 et 873 du code de procédure civile ainsi que l’absence de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite;

Mais considérant que les différents établissements bancaires sollicités par la société Macaraja, qu’elle énumère dans sa lettre à la Banque de France, à savoir Barclays, Crédit agricole Ile de France, Société générale, BNP Paribas, Y et Bred, n’ont pas donné suite à sa demande d’ouverture de compte; que le CIC, désigné par la Banque de France a refusé d’ouvrir le compte sans fournir d’explication; que la société Macaraja, qui ne peut exercer son activité sans compte en banque, justifie ainsi de l’urgence et du dommage imminent;

Considérant que le CIC soutient, en troisième lieu, qu’il justifie de contestations sérieuses s’opposant aux prétentions de la société Macaraja; qu’il expose que cette société exerce une activité d’intermédiaire dans le commerce des bitcoins qui n’est pas conforme à son objet social, à savoir la création et le développement de logiciels; qu’il souligne que les très nombreux mouvements au crédit du compte ( 1001 transactions du 01/01/2011 au 31/05/2011, 3266 du 01/06/2011 au 14/06/2001) sont constitués exclusivement par des virements reçus de personnes physiques apparemment pour l’achat de bitcoins et que les mouvements en débit correspondent au paiement de bitcoins par des vendeurs sous forme de virements internet dans toute la zone euro; qu’analysant le bitcoin comme une devise et donc une monnaie électronique, il allègue que le fait pour la société Macaraja de percevoir une commission sur chaque opération participe du commerce de l’argent et doit être considéré comme une opération de banque qui n’est permise qu’aux professionnels sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel qui établit et publie la liste des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement ( IOBSP), liste sur laquelle ne figure pas la société Macaraja; que selon lui, l’intimée qui explique que, dans le cadre du contrat la liant à la société Tibanne, elle apporte une garantie de sécurité aux clients européens qui réalisent des transactions avec cette société, encaisse le montant déposé par les acheteurs de bitcoins, reverse aux vendeurs le montant de la transaction, se rémunère sur les opérations effectuées et permet aux clients de faire l’économie de frais de change, exerce une activité d’intermédiaire financier pour laquelle elle n’est pas agréée ni autorisée;

Que la société Macaraja réplique que le bitcoin, 'résultat d’un calcul complexe effectué par un programme engendrant une chaîne cryptée', n’est pas une monnaie électronique mais un bien immatériel comme tout logiciel; qu’elle indique que depuis peu de temps elle exerce une activité d’intermédiaire de commerce pour une société gérant un site d’échanges de bitcoins sur internet; qu’elle précise que, dans le cadre de l’accord commercial qu’elle a conclu avec la société Tibanne, elle n’accepte que des opérations relatives aux échanges de bitcoins, qu’à aucun moment un client du site ou de la société Tibanne ne peut effectuer ou initier un paiement sur son compte bancaire et qu’elle ne fournit aucun service de paiement au public; qu’elle en déduit que le moyen du CIC tiré de la pratique illégale d’une activité réglementée est mal fondé; qu’elle ajoute que ses statuts mentionnent, dans son objet social, ' toute activité commerciale non réglementée';

Considérant qu’il convient de retenir que la société Macaraja a obtenu de la Banque de France l’ouverture d’un compte dans les livres du CIC, par application de l’article L 312-1 du code monétaire et financier qui a organisé une procédure dite du 'droit au compte’ permettant à toute personne physique ou morale, domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, d’obtenir l’ouverture d’un tel compte; que les contestations soulevées par le CIC relatives à l’activité exercée par la société Macaraja, à laquelle elle reproche de pratiquer des opérations de banque ou d’intermédiaire financier, ne peuvent être appréciés qu’en déterminant la nature même des bitcoins, ce qui ne relève pas de l’appréciation du juge des référés, mais de celle du juge du fond; que le CIC ne justifie pas du trouble manifestement excessif que lui cause l’ouverture dans ses livres du compte au non de la société Macaraja;

Qu’en conséquence, l’ordonnance déférée doit être confirmée en ce qu’elle a enjoint au CIC d’ouvrir un compte de dépôt, sous astreinte;

Considérant, sur l’appel incident de la société Macaraja, qu’il y a lieu de rejeter ses prétentions relatives au fonctionnement du compte et de dire que l’utilisation du compte de dépôt sera limitée aux services de base visés à l’article D 312-5 du code monétaire et financier et sans contribution financière de sa titulaire conformément à l’article D 312-6 du même code;

Que l’astreinte, dont le juge des référés s’est réservé la liquidation, sera liquidée à la somme de 2.000 €;

Que la société Macaraja demande la somme de 32.000 €, à titre de dommages-intérêts, calculée sur la base de 2.000 € par jour entre le 26 juillet 2011 et la date de l’audience de référé devant le tribunal en invoquant la perte d’une grande partie de son chiffre d’affaires et la perte de confiance de ses clients; mais qu’en l’absence de tout élément probant, notamment comptable, le CIC lui oppose à juste titre une contestation sérieuse sur cette demande qui sera rejetée;

Considérant, vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, qu’il y a lieu d’allouer la somme de 4.000 € à la société Macaraja et de rejeter la demande du CIC à ce titre;

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance de référé rendue le 11 août 2011,

Y ajoutant, condamne le Crédit industriel et commercial à payer à la société

Macaraja :

— la somme de 2.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte,

— la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les autres demandes des parties,

Condamne le Crédit industriel et commercial aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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