Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 20 octobre 2011, n° 10/01090

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 20 oct. 2011, n° 10/01090
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/01090
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, 9 novembre 2009, N° 08/03455

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 20 Octobre 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/01090 – MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Novembre 2009 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY section activités diverses RG n° 08/03455

APPELANTE

Madame H I épouse A

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de Me Anne-Christine BARATEIG, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Catherine TRONCQUEE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0351

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, présidente

Mme Marie-Antoinette COLAS, conseillère

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL Association Autonome de camionnage Globe Express, dont le siège est à Aulnay-sous-Bois, a été créée le 28 octobre 1987 et a pour activité : 'les transports routiers, services de transport de marchandises pour le compte d’autrui, transports routiers, location de véhicules pour le transport routier de marchandises, courses, déménagements et commissionnaire de transport…'

L’essentiel de son activité est le transport en express sans rupture de charge.

La société dispose de différents établissements secondaires situés sur toute la France.

Le siège social assure la gestion comptable de ses différentes agences. Il en est ainsi tout particulièrement des payes, des remboursements de frais, des règlements des fournisseurs.

Mme A a été engagée par la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express à compter du 20 octobre 2003 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions de comptable du deuxième degré, emploi relevant du groupe 3, coefficient 165, de la convention collective applicable à savoir celle du transport routier.

Entre le 1 août 2006 et le mois de janvier 2008, Mme A a fait l’objet de différents arrêts de travail. Consécutivement à des visites de reprise organisées auprès de la médecine du travail, une reprise dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique a été préconisée.

Ainsi Mme B a t elle été à mi temps à compter du 1 janvier 2008.

Fin 2007, début 2008, la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express a confié à la société Cedec une mission d’audit afin de réorganiser et d’optimiser le travail de chaque service.

Après la remise de diverses fiches de fonction à chacun des salariés le 14 mai 2008, une réunion a été organisée au siège social avec l’ensemble des membres du service comptable le 23 mai 2008.

Le lendemain, soit le 24 mai 2008, Mme A a adressé une lettre recommandée à son employeur sollicitant des explications sur la fiche de fonction examinée au cours de la réunion de la veille et évoquant la question de son salaire en rapport avec ce qui lui était demandé, ses compétences et ses connaissances.

Par une lettre du 27 mai 2008, Mme A s’est vue notifier une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 juin 2008.

Consécutivement à cet entretien, Mme A a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 12 juin 2008.

Contestant les motifs de son licenciement, Mme A a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny, le 27 août 2008 afin de se voir accorder outre les indemnités de rupture, différents rappels de salaires, les congés payés afférents ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par un jugement du 10 novembre 2009, le conseil de prud’hommes de Bobigny, a condamné la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express à verser à Mme A les sommes suivantes :

—  1013,33 € au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied du 27 mai 2008 au 12 juin 2008,

—  101,33 € au titre des congés payés afférents,

—  3200 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  320 € au titre des congés payés afférents,

—  4252,80 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud’hommes a débouté Mme A du surplus de ses demandes ainsi que la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express de sa demande reconventionnelle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme A a, le 5 février 2010, relevé appel partiel de ce jugement en ce qu’il a déclaré le licenciement pourvu d’une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle de sérieux et de sa demande de rappel de salaire et d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Association Autonome de camionnage Globe Express a également interjeté appel du jugement, le 11 février 2010, en ce qu’il n’a pas retenu la faute grave et en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande reconventionnelle en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme A demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a déboutée de son rappel de salaire pour la période du mois de février 2006 au mois de juin 2008.

Elle sollicite la condamnation de la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express à lui verser les sommes suivantes :

—  38'400 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  25'723,28 € au titre du rappel de salaire pour la période de février 2006 au 12 juin 2008, fondant sa demande sur le principe de l’égalité de traitement entre salariés effectuant un travail similaire,

—  2572,33 € au titre des congés payés afférents.

Elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et réclame une indemnité de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Association Autonome de camionnage Globe Express conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la faute grave n’était pas avérée et l’a condamnée à verser des indemnités de rupture.

Elle demande à la cour de dire que le licenciement repose sur une faute grave et sollicite la condamnation de Mme A à la rembourser des sommes allouées par le conseil de prud’hommes avec intérêts de droit au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir.

L’employeur entend voir confirmer le jugement ayant débouté Mme A de sa demande de rappel de salaire basé sur le salaire négocié avec Mme C.

Il réclame une indemnité de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties visées par le greffier, et soutenues oralement lors de l’audience, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et les moyens développés.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En application des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties… si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il incombe à l’employeur d’établir la réalité des griefs qu’il formule.

La lettre de licenciement du 12 juin 2008, qui circonscrit le litige, est ainsi rédigée:

'… comme vous le savez la société a entrepris de procéder à un audit complet de l’ensemble des services et des différentes agences réparties sur le territoire… vous avez été, au même titre que l’ensemble du personnel associée à la démarche… le 23 mai dernier, le cabinet Cedec a organisé une réunion avec l’ensemble du service comptable afin de présenter les améliorations qui étaient envisagées, le niveau du service ainsi qu’un descriptif des fonctions de chacun et leurs objectifs. Un document vous a d’ailleurs été remis à cette occasion par l’auditeur où il est expressément spécifié ' la présente fiche de fonctions n’a d’autre but que de décrire les responsabilités et les taches directement liées à la fonction. Elle ne modifie en rien la nature des relations contractuelles ou autres existantes entre le titulaire et l’entreprise.'

Contre toute attente, et alors que ce descriptif avait été établi non pas de façon unilatérale par l’auditeur mais en tenant compte des nécessités d’organisation du service, des propositions de chacun des salariés, vous avez publiquement remis en cause l’entreprise, son mode de fonctionnement, l’audit qui avait eu lieu en déclarant d’emblée ' qu’il était hors de question pour vous de signer un quelconque descriptif du poste, que vous considériez ne pas avoir été payée à votre juste valeur, que vous aviez déjà trop de travail…'.

M. F G dirigeant de la société, a été informé dans l’après-midi de votre attitude et du ton sur lequel vous vous exprimiez.

…. Votre attitude tenait d’une situation de blocage constitutif d’un acte d’insubordination…

L’auditeur a d’ailleurs précisé que lors des différentes réunions d’audits qui ont eu lieu, vous avez adopté une attitude identique, critiquant toutes les suggestions et solutions proposées.

Suite à cet incident et à vos déclarations lors de l’entretien préalable, nous avons réinterrogé M. Y . Il nous a été confirmé que votre comportement et votre attitude étaient tout à fait négatifs pendant tout l’audit, contestant l’ensemble du travail qui avait été fait et pour lequel vous aviez été associée.

Plus grave, en sortant de cette réunion vous avez continué à adopter une attitude de provocation inadmissible n’hésitant pas à déclarer à la déléguée du personnel, alors que vous étiez avec d’autres personnes du service comptable que ' c’est la guerre civile et la révolution à la compta'.

…. Cet audit de réorganisation était assorti de la mise en place d’augmentation de salaires liés aux gains de productivité escomptés

… il est impératif que l’entreprise améliore son mode de fonctionnement afin de pouvoir proposer à l’ensemble de nos partenaires des solutions rapides et efficaces. Ceci concerne aussi bien les clients que les différents prestataires de services auxquels nous avons recours et notamment les transporteurs sous-traitants de notre société.

Consciente sans doute des erreurs ainsi commises, vous avez cru devoir faire un courrier à l’entreprise en soutenant qu’il conviendrait de vous préciser les travaux de gestion auxquels vous devez participer, de la nécessité d’augmenter les effectifs, compte tenu notamment de la centralisation de la facturation et des règlements fournisseurs sur le siège social de l’entreprise, énonçant des retards des différentes agences et des différents services de l’entreprise ainsi que l’ambiguïté sur le rôle et les responsabilités de chacun, réclamant un complément de formation professionnelle, une prime et une augmentation de salaire.

Ainsi que nous vous l’avons indiqué lors de l’entretien préalable, nous avons reçu de nombreuses plaintes de différents salariés de l’entreprise.

Certaines plaintes concernent votre comportement à l’égard de vos collègues, d’autres concernent des plaintes des responsables d’agences, et notamment l’agence du département 77 qui relevait des retards dans le règlement des remboursements de frais mais également dans le règlement des sous-traitants et des décisions de votre part de bloquer certains règlements, sans avertir les agences et les personnes concernées, de sorte que les agences recevaient des réclamations et mécontentements de la part des fournisseurs ou employés sans en connaître la raison.

De même, l’agence des Yvelines dénonce le fait qu’il est impossible de vous demander une quelconque information sur les règlements en cours, votre attitude à l’égard du responsable de l’agence mais également de ses salariés, le fait que vous ne dites pas ' bonjour’ aux personnes, même lorsque celles-ci viennent au siège…

Cette attitude est malheureusement en corrélation avec le grave incident qui s’est produit le 22 mai dernier, à l’occasion de la réunion d’audit où vous avez directement remis en cause le principe de l’audit qui était mis en place…, l’autorité du chef d’entreprise sur des mesures de réorganisation n’affectant pas les contrats de travail et des menaces, tant pendant cette réunion qu’à l’issue de celle-ci…'.

Mme A conteste les faits qui lui sont reprochés, soutient n’avoir fait qu’user de sa légitime liberté d’expression en adressant à son employeur une lettre le 24 mai 2008 dans laquelle elle évoquait l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Elle estime que l’imprudence dans la tenue des propos relatés ne saurait caractériser un abus du droit à la liberté d’expression de nature à justifier son licenciement.

Elle fait observer que ni la lettre de licenciement, ni les témoignages produits ne font état de faits précis s’agissant d’un prétendu comportement désagréable et irrespectueux qu’elle aurait adopté à l’égard de ses collègues.

Elle rappelle que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que celle-ci ne fait en aucun cas état de fautes commises par elle dans l’exécution de ses fonctions.

Pour établir la réalité des reproches faits à la salariée, et qu’il attribue à une volonté délibérée de la part de celle-ci de mener des actions de sabordage, l’employeur verse aux débats un compte rendu de la réunion du 23 Mai 2008 établi par l’auditeur, M. Y, qui indique’ Réunion très compliquée. L’ensemble de l’équipe comptabilité est sous l’emprise d’une seule personne Évelyne A . Elle parle pour toujours se plaindre et critiquer mais ça n’apporte pas de solutions concrètes et réalistes. Il s’agit d’un élément perturbateur pour le service qui nuit au travail d’ensemble de l’équipe et à sa cohésion. Elle influence beaucoup ses collègues. Un grand changement est nécessaire dans ce service afin de le doter d’outils et de méthodes de travail modernes et efficaces. Cela passe par un profond changement des mentalités par l’arrivée d’un ou plusieurs éléments extérieurs (nouveaux engagés en remplacement de personnel existant) afin de dynamiser l’équipe et de la forcer à se remettre en question.

Ce même M. Y a écrit, le 1er septembre 2009 :

'le cas du service comptabilité et de Mme A en particulier a été longuement débattu avec la direction tout au long de la mission. Je confirme que les données reprises dans le compte rendu des réunions… est mon opinion personnelle exprimée en clôture de mission.

Les capacités de Mme A ainsi que la qualité de ses prestations n’ont jamais été mises en doute dans aucun de mes rapports. Au cours de la mission, j’ai principalement insisté sur le département comptabilité et le comportement de Mme A qui pouvait à mes yeux nuire au fonctionnement global et risquer de freiner les volontés de changement et de modernisation souhaités par la direction. Son emprise était grande sur le reste de l’équipe et risquait de freiner les volontés de s’exprimer de ses collègues. Les quelques entrevues que j’ai eu l’occasion d’avoir avec elle en sa compagnie, m’ont permis de me forger un avis personnel. Elle ne manquait jamais une occasion de se mettre en avant en narrant le travail réalisé par ses soins. Elle critiquait également ouvertement ses collègues pour des erreurs commises des dysfonctionnements constatés. En résumé, j’ai exprimé mon sentiment sur son manque d’esprit constructif à former une équipe soudée et efficace et le rôle négatif qu’elle jouait auprès de ses collègues. La mise en place d’un service comptable doté d’une organisation efficace et d’outils modernes tels que souhaités par la direction… me paraissait évidemment compliquée dans ce contexte.

L’employeur communique également l’attestation de Mme X qui témoigne à deux reprises, avoir entendu Mme A déclarer au sortir de la réunion du 23 mai 2008, 'c’est la guerre civile et la révolution à la compta'.

L’employeur verse aussi aux débats, deux lettres rédigées par deux responsables d’agence des départements 77 et 78, écrites respectivement les 6 mai 2008 et 16 mai 2008.

M. Z écrit 'je tiens à vous faire part de nos difficultés de communication avec le service achats de notre comptabilité. À de nombreuses reprises, les règlements de nos fournisseurs traînent alors que nous ne sommes pas informés. Il n’est pas rare non plus que des frais de salariés de l’agence ne soient pas réglés et même soient égarés. Il n’est un secret pour personne aujourd’hui que j’ai des difficultés de communication avec Évelyne et ce, depuis son arrivée dans l’entreprise. Le point de départ fut la demande de l’établissement d’un chèque couvrant mes frais. Vous attendiez à l’exploitation que je redescende avec le chèque afin de le signer j’étais redescendu les mains vides puisqu’elle avait refusé de me le faire. Vous étiez alors monté la voir pour qu’elle établisse le règlement…. cette personne a toujours fait preuve d’une mauvaise volonté évidente face à mes demandes…. on pourrait alors se demander à quoi sert-elle en ce qui concerne l’agence 77 ' …. je crois savoir que l’agence 77 n’est pas la seule à avoir ce genre de difficulté avec cette personne et je constate aujourd’hui qu’elle est une composante de la charge siège alors qu’elle ne sert à rien sinon à faire parler d’elle. Elle prend des décisions seule alors qu’elle n’est que comptable sans mandat pour cela mais pire du fait qu’elle bloque des règlements … et de toute évidence à la tête du client et sans avertir les agences ni les personnes concernées… nous sommes systématiquement confrontés aux réclamations et mécontentement de nos fournisseurs et employés sans connaître les raisons de cet état de fait… cette personne, alors que nous nous battons tous pour avoir la meilleure image possible vis-à-vis des tiers, fait tout pour anéantir le travail de tous et ce, à cause de son ego démesuré'.

M. L M a quant à lui 'fait part de son mécontentement. En effet, écrit il, mon personnel et moi-même avons à nous plaindre du service comptabilité et en particulier de Mme A car cette personne est trop souvent absente à notre goût. Il nous est impossible d’obtenir certaines informations alors que nous en avons besoin, car lorsque nous appelons soit on nous répond qu’elle est déjà partie, soit qu’elle n’est pas là et quand nous arrivons à lui parler elle est souvent fort désagréable. Cela est inadmissible surtout pour un service comptabilité car parfois il nous est indispensable d’avoir une réponse de suite et nous ne pouvons l’obtenir….. L’autre jour, je me suis rendu en vos locaux… Mme A n’a même pas dénié répondre à mon bonjour. Je trouve inacceptable ce manque de respect vis-à-vis d’autrui… Que fait cette personne à ce poste si le moindre contact avec les gens lui déplaît '…

Enfin, Mme J K, assistante de direction atteste de l’absence de courtoisie dont Mme A a fait preuve à son égard.

Il ressort des circonstances de l’espèce que fin 2007, la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express a été confrontée à la crise dans le secteur des transports en raison d’une situation de concurrence accrue, de dysfonctionnements graves intervenus au sein de la société et de quelques agences ainsi qu’à une aggravation du coût de la production liée à la flambée du carburant, la charge en résultant ne pouvant être reportée sur les clients.

Dans le souci de réorganiser et d’optimiser le travail de tous les services, la direction de la société a confié à la société Cedec le soin de procéder à un audit.

Il ressort du témoignage de l’auditeur préalablement relaté, qu’il lui est apparu que Mme A était un élément perturbateur pour le service qui nuit au travail d’ensemble de l’équipe et à sa cohésion, qu’un grand changement était nécessaire dans ce service afin de le doter d’outils et de méthodes de travail modernes et efficaces, que cela passait par un profond changement des mentalités, par l’arrivée d’un ou plusieurs éléments extérieurs (nouveaux engagés en remplacement de personnel existant) afin de dynamiser l’équipe et de la forcer à se remettre en question.

M. Y a confirmé plusieurs mois plus tard que le cas de Mme A avait été longuement débattu avec la direction tout au long de la mission.

Il en ressort clairement que le licenciement de Mme A était une préconisation de l’auditeur, qui atteste que ses constatations l’ont amené à émettre cet avis personnel sur l’entrave que constituait la salariée pour mener à bien la réorganisation souhaitée par la direction.

Or, l’employeur explique lui-même qu’une charte de confiance avait été conclue avec la société Cedec pour que l’auditeur puisse librement discuter avec les salariés de l’entreprise sans que l’employeur soit informé de ces discussions ni de leur contenu ( page 6 des conclusions de l’employeur), et ce, afin de permettre une participation active de chacun des services et de chaque salarié.

L’employeur ne peut donc s’appuyer sur les échanges entre l’auditeur et les salariés, et sur les compte rendus de réunions pour établir que Mme B a entravé le processus de l’audit et fait preuve ainsi d’insubordination. Ce procédé est déloyal.

Par ailleurs, la lettre écrite par Mme A, le 24 mai 2008, le lendemain de la réunion invoquée par l’auditeur, sur les conseils mêmes de celui-ci, pour solliciter réponse à des questions que la fiche de description des tâches remise par l’auditeur suscitait, et pour évoquer la question de la rémunération en rapport avec ces tâches et les connaissances et compétences qu’elles impliquaient ne peut être reprochée à la salariée, dont la démarche dans le cadre d’une réorganisation était légitime et appelait seulement des explications pour une meilleure compréhension des attentes de son employeur.

Cette demande de la salariée ne peut en tout état de cause être constitutive d’une faute grave, ni même d’un motif réel et sérieux de licenciement.

De même, les propos tenus par Mme A devant Mme X, déléguée du personnel, dans le contexte de cette déstabilisation généralisée du service ne peuvent caractériser une cause sérieuse de licenciement, une telle mesure étant manisfestement disproportionnée.

Enfin, les deux lettres des directeurs d’agences, soumis à un lien de subordination à l’égard de M. D, faisant état de leur mécontentement sur les comportements et retards de remboursement ou de paiement ont été opportunément écrites les 6 et 16 mai 2008 soit au moment même où le cas de Mme A était manifestement débattu au sein de l’entreprise.

Au surplus, au-delà de leur ressentiment propre, complaisamment exprimé de manière relativement outrancière, ces deux témoins n’apportent aucun élément précis pour situer dans le temps les problèmes de remboursement ou de paiement des sous-traitants rencontrés et par suite, s’agissant d’un licenciement pour faute pour cerner si les faits commis l’ont été moins de deux mois avant que soit mise en place la procédure de licenciement et s’ils étaient directement et exclusivement imputables à la salariée.

Il sera fait observer que la direction, alertée par l’un des deux directeurs d’agences sur un problème ancien de remboursement de frais, n’a pas cru opportun d’adresser à Mme A un quelconque avertissement à cet égard à cette époque.

Dans ce contexte, le licenciement de Mme A, qui avait cinq années d’ancienneté et qui n’avait jamais fait l’objet de rappel à l’ordre ou de remarques particulières, s’inscrivait en réalité dans le prolongement de l’audit qui préconisait le changement de certains éléments et l’engagement de personnel extérieur.

Il s’ensuit que le licenciement de Mme A ne repose pas sur un motif réel et sérieux inhérent à sa personne même.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Le conseil de prud’hommes a accordé à Mme A les indemnités de rupture correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à l’indemnité conventionnelle de licenciement.

En l’absence de toute remarque ou objection particulière sur les quantum des sommes ainsi accordées, le jugement sera sur ces points confirmé.

De même, ce jugement sera confirmé en ce qu’il a accordé à la salariée un rappel de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire du 27 mai 2008 au 12 juin 2008 ainsi que les congés payés afférents, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Enfin, selon les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, un salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant plus de 10 salariés peut prétendre, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

En l’espèce Mme A avait une ancienneté de près de cinq ans.

Compte tenu de cette ancienneté, de son âge, des circonstances de la rupture, des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi stable et durable étant observé qu’elle a bénéficié d’une validation de compétences et obtenu un BTS de comptabilité, de sa qualification, de son expérience professionnelle, la cour est en mesure de fixer à la somme de 22 000 €, l’indemnité à lui revenir en application des dispositions précitées.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme A de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la question de l’égalité des salaires :

Mme A fonde sa demande de rappel de salaire sur le principe suivant :' A travail égal, salaire égal'.

Elle fait état du fait que Mme C, admise en qualité de stagiaire en avril 2005, a été embauchée au même poste qu’elle, puisqu’elle assume les mêmes tâches mais qu’elle a bénéficié d’une rémunération brute de 3 200 € bruts alors qu’elle même, après 30 années d’expérience, disposait à cette date d’un salaire brut mensuel de 2300 €.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L. 2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du Code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du Code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article 1315 du Code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Il est admis par les deux parties que les deux salariées exerçaient des travaux similaires exigeant des connaissances semblables et des capacités comparables.

Toutefois, dans le cas présent, l’employeur est fondé à évoquer la pénurie de candidats au poste de comptable pour des durées limitées et la nécessité urgente de pourvoir au remplacement de Mme B, en arrêts maladie répétés pour justifier l’octroi à Mme C, sa remplaçante d’un salaire nettement supérieur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme A de toute demande à ce titre.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois.

Sur la demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à Mme A une indemnité de 600 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 2500 € sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté Mme A de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L’infirme sur ces points,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express à verser à Mme A les sommes suivantes :

—  22'000 € à titre de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express aux organismes concernés des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de six mois,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SARL Association Autonome de camionnage Globe Express aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

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