Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 7, 9 mars 2011, n° 09/21478

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Chronologie de l’affaire

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Valentin Guislain · LegaVox · 22 février 2013
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 ch. 7, 9 mars 2011, n° 09/21478
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/21478
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Meaux, 30 septembre 2009, N° 09/01985
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 09 MARS 2011

(n° 10, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/21478

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX – RG n° 09/01985

APPELANTES

SOCIETE AGENCE DU PALAIS exerçant sous l’enseigne CENTURY 21 agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

Madame [H] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Me Eric SEGOND de la SCP PIGOT SEGOND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

INTIMEE

Mademoiselle [U] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par la SCP VERDUN – SEVENO, avoués à la Cour

assistée de Me Yann DUBOIS, avocat au barreau de MEAUX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/053939 du 15/01/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Alain VERLEENE, Président

Gilles CROISSANT, Conseiller

François REYGROBELLET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, Valène JOLLY lors des débats :

MINISTERE PUBLIC :

représenté lors des débats par Jean-François CORMAILLE DE VALBRAY, qui a fait connaître son avis.

Monsieur François REYGROBELLET a été entendu en son rapport.

ARRET :

— contradictoirement

— prononcé publiquement par Alain VERLEENE, Président,

— signé par Alain VERLEENE, président et par Valène JOLLY, greffier présent lors du prononcé.

**************************

Statuant sur les appels de la personne morale Agence du Palais et de Madame [H] [V] contre le jugement du tribunal de grande instance de Meaux qui les a déboutées de leurs demandes et condamnées au paiement de la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.

Représentés, les appelants ont fait plaider et conclure en l’infirmation de ce jugement et la condamnation de [U] [I] au paiement de la somme de 16.000 euros ( 8.000 euros à chacune des parties).

Il a également été demandé à la Cour :

— d’interdire la mise en ligne, la diffusion, l’affichage, la citation en totalité ou par extrait, et la publication sur quelque support et par quelque moyen que ce soit, de l’un quelconque des propos injurieux précités, sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée et par jour ;

— d’ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir dans le premier numéro suivant la signification de la décision à intervenir, dans les quotidiens suivants La Marne et le Parisien, le tout aux frais avancés de mademoiselle [U] [I] ;

— de condamner Mademoiselle [U] [I] à payer respectivement à madame [H] [V] et à L’AGENCE DU PALAIS une indemnité de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— de condamner Mademoiselle [U] [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FISSELIER, CHILLOUX, BOULAY, Avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Intimée, [U] [I] a fait conclure et plaider en la confirmation du jugement. Une demande au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 a également été présentée.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[U] [I] a été l’employée de l’agence du Palais exerçant sous l’enseigne 'CENTURY 21", du 5 avril 2005 au 5 mars 2009, date de son licenciement .

La personne morale, l’Agence du Palais et sa gérante [H] [V], s’estimant victimes d’injures publiques sur internet, de la part de [U] [I], ont, le 14 avril 2009, été autorisées à assigner à jour fixe, devant le tribunal de grande instance de Meaux, pour l’audience du 28 mai 2009.

Par acte du 21 avril 2009, la personne morale Agence du Palais et Madame [V] ont assigné Mademoiselle [I] pour l’audience du 28 mai 2009, sur le fondement des articles 23, 29 alinéa 2, 33 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée.

Elles demandaient au tribunal :

— de juger constitutifs d’injures publiques les propos ci-après, tenus par Mademoiselle [I] sur internet et constatés par huissier les 3 et 4 février 2009 :

— 'sarko devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne !!!'( site MSN)

— ' extermination des directrices chieuses ' (Facebook)

— ' éliminons nos patrons et surtout nos patronnes ( mal baisées) qui nous pourrissent la vie !!!' (Facebook)

— '[U] motivée plus que jamais à ne pas me laisser faire. Y’en a marre des connes '

— de la condamner au paiement de dommages et intérêts ainsi qu’à des mesures d’interdiction et de publication.

Par jugement du 1er octobre 2009, cette juridiction a débouté les deux demanderesses, condamnées au surplus au paiement de la somme de 1.800 euros au titre des frais irrépétibles.

C’est le jugement déféré.

Sur ce, la Cour

Considérant qu’est tout d’abord en débat le point de juger si les quatre extraits poursuivis sont des expressions injurieuses envers la personne morale 'l’Agence du Palais’ ;

Considérant que la lecture de ces extraits et des éléments dits extrinsèques définissent qu’en réalité seule et exclusivement est visée la personne physique de la directrice ; que celle-ci est la seule personne concernée, le fait qu’elle dirige l’agence du Palais étant indifférent ;

Considérant pour ces deux motifs que n’étant pas concernée directement par ces quatre propos la personne morale Agence du Palais sera, par substitution de motifs, jugée irrecevable en ses demandes et déboutée ;

Considérant s’agissant de Madame [V], seconde appelante qu’elle a fait reprendre devant la Cour son argumentation tendant à voir reconnaître le caractère injurieux et publics des quatre extraits poursuivis ;

Considérant que le tribunal s’est refusé par motivation consignée en pages 5 et 6 de son jugement à reconnaître le caractère public de ces exclamations et interjections ;

Considérant que devant la Cour, l’appelant se fondant sur deux constats d’huissier a fait conclure :

' Il est en effet notoire que les sites en cause, dits de 'réseautage social destiné à rassembler des personnes proches ou inconnues’ ( la définition émanant du site WIKIPEDIA, invoquée dans les écritures de Mademoiselle [I]), sont aisément accessibles à quiconque souhaite s’y inscrire.

Cette inscription relève d’étapes extrêmement simples, après le franchissement desquelles tout public peut accéder aux sites concernés.

Il a en effet été jugé que la diffusion de propos diffamatoires sur le réseau internet, à destination d’un nombre indéterminé de personnes nullement liées par une communauté d’intérêt, constituait un acte de publicité commis dès que l’information avait été mise )à la disposition des utilisateurs éventuels du site ( TGI Paris, 30 avril 1997, Gaz. Pal. 1997 1, somm. 257 et TGI Paris, 10 juillet 1997, Gaz.pal. 1998, 1.59).

Alors que les utilisateurs des sites en question ne peuvent pas être considérés comme liés par une communauté d’intérêt ( puisqu’ils signalent eux-mêmes, en l’espèce, la spécificité de leur profil), il suffit ainsi de relever qu’il est satisfait à l’exigence de publicité, dès lors que l’information a été mise à la disposition des utilisateurs du site, fussent-ils 'éventuels’ ( comme a été un utilisateur occasionnel et éventuel l’huissier constatant).

En outre, ainsi que les conclusions de l’AGENCE DU PALAIS et de Madame [H] [V] le faisaient déjà valoir, il suffisait au tribunal de transporter la jurisprudence plus ancienne relative aux lieux publics par nature, lieux au sein desquels une injure prend nécessairement un caractère public dès lors qu’elle y est formulée.

Il est par exemple constamment admis qu’un café et/ou une discothèque soient considérés comme des lieux publics, quelle que soit l’importance de leur fréquentation, et même en dépit d’un éventuel filtrage auquel peut s’assimiler la procédure d’entrée sur les sites concernés ( en ce sens [E] [N], Droit de la Presse, Ed. Litec).

De la même façon, il a été jugé que devait être regardé comme présentant les caractères de publicité exigés par la loi de 1881 un passage ou une petite cour intérieure d’un hôpital où peuvent circuler diverses personnes, sous les conditions déterminées par les règlements administratifs ( Cass. Crim. 4 mai 1935, DH 1935, 349, cité notes sous Art. 23 de la loi de 1881, Code pénal Dalloz ed. 2009).

Ainsi, le groupe de discussion crée par Mademoiselle [I] sous la bannière 'extermination des directrices chieuses…', à supposer qu’il n’ait réuni que 14 membres, peut très bien s’assimiler à la 'petite cour intérieure’ évoquée dans la jurisprudence ci-dessus.

De la même façon, les procédures d’accès aux sites internet en cause peuvent très bien s’assimiler aux 'règlements administratifs’ régissant l’accès à la petite cour intérieure en question.

Il s’avère par conséquence que les propos tenus par Mademoiselle [I], dont le caractère injurieux est établi, devaient en outre être considérés comme ayant été tenus publiquement.

C’est donc à tort, et sans élément objectif qui le lui permettait, que le tribunal a fait une analyse contraire, de sorte que le jugement devra être infirmé à ce titre.'

Considérant que cette motivation est inadéquate aux faits de l’espèce et erronée au niveau de ses références jurisprudentielles, les cas cités étant étrangers à l’événement déféré à l’appréciation de la Cour qui concerne les réseaux Facebook et MSN ;

Considérant que cette inadéquation résulte tout d’abord, ainsi que l’a relevé le tribunal, du fait que sur 'Facebook’ seuls les amis du titulaire du compte dûment accepté par lui peuvent librement avoir accès aux données et informations qui y figurent ;

Considérant que sur le réseau 'MSN.com'( qui concerne la première expression poursuivie), il doit être pris en compte le fait qu’il dispose de la même charte de confidentialité, ainsi que des 'verrous’ interdisant le libre accès aux informations par nature toujours confidentielles des utilisateurs ;

Qu’il s’agit d’un site qui a pour principale vocation de permettre le 'chat’ ( discussion en ligne) entre deux ou plusieurs personnes appartenant au même groupe ;

Qu’il est également possible, tout comme sur 'Facebook', de créer un profil, que seuls les contacts privilégiés -car acceptés par le titulaire du compte- peuvent consulter ;

Considérant que concernant le groupe auquel l’intimée avait adhéré sur MSN, il s’agissait d’un groupe secret, ' n’apparaissant pas dans le profil’ ; que la circulation de l’information était limitée aux seuls personnes agréées ;

Considérant en définitive que concernant ces deux modes d’expression, les premiers juges étaient fondés à juger que ' l’accès aux informations mises en ligne était limité à des membres choisis, en nombre très restreint, membres qui compte tenu du mode de sélection, par affinités amicales ou sociales, forment une communauté d’intérêts, exclusive de la notion de public’ ;

Considérant enfin que le procédé ayant consisté pour l’huissier à utiliser les coordonnées d’un tiers, membre agréé, ayant communiqué ses coordonnées à l’insu de Mademoiselle [I], est un subterfuge inopérant pour conférer l’indispensable caractère de publicité à ces extraits, confinés au niveau de leur diffusion à la communauté d’intérêts justement définie par les premiers juges dans leur décision ; que pour ces motifs et ceux adoptés des premiers juges, la Cour confirmera leur jugement concernant Mademoiselle [I] dans ses épithètes non publics concernant 'les directrices’ ;

Considérant sur les frais irrépétibles que la somme allouée en première instance sera confirmée et que, concernant l’instance d’appel, la demande formulée à l’égard de la personne morale, irrecevable en son action, sera reçue à concurrence de la somme de 1.500 euros ; que le surplus de la demande de l’intimé sera rejeté ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Déclare irrecevable l’action de la SARL Agence du Palais,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant Madame [V],

Déboute les appelants de l’intégralité de leurs demandes,

Condamne la SARL l’Agence du Palais à payer à Maître DUBOIS, avocat, une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Rejette le surplus de la demande de Madame [U] [I],

Condamne la SARL L’Agence du Palais et Madame [V] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant pourra être poursuivi par la SCP VERDUN-SEVENO selon la loi sur l’aide juridictionnelle.

LE PRESIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 7, 9 mars 2011, n° 09/21478